Le multilinguisme et l'expression de la philosophie de khudi dans la pensée d'iqbalpar Hibah Shabkhez University of the Punjab - Master of Arts 2002 |
5.4 Les dimensions de la KhudiNous avons déjà tenté de définir la Khudi et d'en élaborer les éléments fonciers en Chapitre 2. On peut résumer cette discussion en disant que la Khudi signifie dans la pensée d'Iqbal : - le respect du soi, - la confiance en soi, - l'instinct de conservation du soi et de l'indépendance du soi. 59 Le soi, en se découvrant et en apprenant à développer sa « Khudi », aperçoit le monde autour dans une façon différente. Khudi, « l'étincelle lumineuse de la vie »60 qui est au coeur de toute forme d'existence, qui « réside dans le coeur, se nourrit par le désir, se fortifie par l'amour, et met en flamme tout ce qui est faux »61 entretient avec chaque aspect de l'univers et de la vie une relation particulière : tout s'orient, redéfinit autour de Khudi. Iqbal a repris les diverses dimensions de la khudi, et les a élaboré soigneusement dans son oeuvre : en ourdou, en persan et en anglais. « Selon Iqbal, » dit Laeeq Babree « l'humanité a besoin de trois choses »62 :
Si Iqbal fait de la khudi le coeur de toute sa philosophie, quel role la khudi joue-t-elle pour remplir ces besoins de l'humanité ? Avec l'appui des extraits dans les trois langues (l'anglais, l'ourdou et le persan), nous entreprenons une élaboration brève des plus importantes dimensions, en faisant une analyse thématique nuancée de la perspective multilingue. Nous pourrons ainsi remarquer comment l'expression d'une même idée varie d'une langue à l'autre, ou comment une série de plusieurs idées reliées à la même thématique de base se connecte en franchissant les seuils linguistiques. 59 Nazeer, S. La critique iqbalienne de la modernité : une étude comparative, Paris, Sorbonne-Nouvelle Paris 3, 2011. 60 Ibid. 61 Ibid. 62 Iqbal, M. Le Coup de Moïse, (Zarb-e kalîm), trad. fr. par Laeeq Babree, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2009, p. xviii Hibah Shabkhez 138 5.4.1 Khudi et l'affirmation du soiKhudi se base sur la récognition et l'affirmation du soi. Cette « affirmation du soi » ne veut pas dire l'arrogance vaniteuse et ne s'oppose point à l'abnégation; mais elle condamne toute démarche qui aboutit à l'annihilation du soi63. C'est la khudi qui donne de la valeur à tout être. Iqbal illustre cette idée avec la métaphore d'une perle dans cette strophe ourdoue : sans savoir protéger sa khudi, même une perle ne serait qu'une goutte insignifiante d'eau.
Si elle est précieuse, c'est grâce à sa
fortification de sa khudi En persan, Iqbal utilise le symbole de « bijou ». Ce bijou - la lumière de khudi - est caché en chacun d'entre nous, explique Iqbal. Toute la sagesse et toutes les connaissances d'une personne rayonnent de sa khudi : æÊ ÇÎ ÑÏÇ ÊÓíÑæÑÀæÌ æÊ ÇÑÏÇ ?æáÌ ÔÇÇÚÔ í65 La khudi est un bijou de lumière qui
réside à ton intérieur Il s'agit donc de affirmer le soi afin d'assurer l'essor de ce trésor caché. L'affirmation de soi le rend aussi puissant que le diamant, mais pas dans le sens de dureté du coeur ou de froideur. Bien au contraire, le concept de la khudi que nous donne Iqbal exige catégoriquement la fidélité aux principes éthiques. En effet, le but de l'affirmation du soi, c'est d'élever l'homme jusqu'au niveau le plus haut, celui de « l'immortalité personnelle » qu'Iqbal revendique comme l'idéal du mysticisme islamique dans un essai en anglais: The ideal of Islamic mysticism is not the extinction of the `I' ... (but) a stage beyond ... which from my point of view is the highest stage of self-affirmation ... when I say `be hard as the 63 Nazeer, S. La critique iqbalienne de la modernité : une étude comparative, Paris, Sorbonne-Nouvelle Paris 3, 2011. 64 Iqbal, M. Bâl-e Jibrîl (L'aile de Gabriel) 1935; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 378. 65 Iqbal, M. Asrâr-e Khudi, 1915, Romûz-e bîkhudi, 1918, (Les secrets du soi & Les mystères du non-moi): les deux recueils publiés sous le nom de `Asrâr-o Romûz' en Kolliyât-e Iqbâl, (Fârsi), tome 1, Lahore, Sheikh Ghulam Ali & Sons Ltd., 1992, p. 200 Hibah Shabkhez 139 diamond' ... what I mean is the integration of the elements of the ego so that it may be able to obstruct the forces of destruction in its move towards personal immortality.66 L'idéal du mysticisme islamique n'est pas l'extinction du `je' ... (mais) un niveau au-delà ... qui à mon avis est le niveau le plus haut de l'affirmation de soi... quand je dis `soyez dur comme le diamant' ... ce que je veux dire c'est l'intégration des éléments de l'égo pour qu'il soit capable d'obstruer les forces de destruction dans son mouvement vers l'immortalité L'homme qui réussit à se connaitre et à manifester sa khudi devient l'homme idéal, l'homme vrai, doué d'une beauté et d'une puissance merveilleux ; il est le `livre' dont les autres ne sont que des faibles interprétations : ááÌ æ áÇãÌ Ç ÀÇê ÏæÎ ÏÑã ÿÓ íÏæÎ ÿÀ ÈÇÊ Àí À·íÑíÓÊ ãÇãÊ íÞÇÈ 67 C'est la khudi qui donne à l'homme qui se
connait sa beauté et sa puissance 66 Iqbal, M. Discourses of Iqbal. Compilé par Shahid Hussain Razzaqi, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2003, p. 212. 67 Iqbal, M. Armqghân-e Hijâz (Le cadeau du Hijaz) 1938; section ourdou (2e partie de l'oeuvre est en ourdou) ; en Kolliyât-e Iqbâl Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 747. Hibah Shabkhez 140 |
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