Le multilinguisme et l'expression de la philosophie de khudi dans la pensée d'iqbalpar Hibah Shabkhez University of the Punjab - Master of Arts 2002 |
5.3 L'expression consciemment multilingue d'IqbalL'expression multilingue d'Iqbal, écrivain et poète admiré autant pour son style que pour sa pensée, n'est pas émergé au hasard ou simplement en fonction de ces circonstances ; c'est d'abord un choix bien pesé, fait après une réflexion pragmatique. Ainsi ses choix de langue, de genre et d'allusions ne sont ni accidents ni servitudes mais des vrais choix, soigneusement pris selon ses enjeux préalablement fixés. Comme il l'explique à Nicholson : ... in my notes, which now form part of your introduction to Asrar-e Khudi, I deliberately explained my position with reference to Western thinkers, as I thought this would facilitate the understanding of my views in England. I could easily have explained myself in the light of the Quran and Muslim Sufis and thinkers ... As a matter of fact, I did so explain myself in my Hindustani introduction to the Islam edition of the Asrar.49 [...] Dans mes notes, qui font partie maintenant de votre introduction à Asrar-e Khudi, c'est exprès que j'ai expliqué ma position en me référent aux penseurs occidentaux, car je croyais que cela faciliterait la compréhension de mes opinions en Angleterre J'aurais pu facilement m'expliqué par rapport au Coran et aux penseurs musulmans soufis... En effet, je me suis expliqué comme ça dans mon introduction hindustani à l'édition Islam de l'Asrar. Tout manoeuvre stylistique qu'il emploie, il emploie davantage pour mieux communiquer son message ; son but principal n'est pas de développer ses capacités artistiques. Il élucide cette idée dans une lettre : ÿÓ íÑÇÇÔ ÿÌã" :ÿÀ ÇÊáã äÇíÈ --- ·íã ÈæÊÇã íÇ ãÇ ÿ íÇãÍÑ ÊÑÔÇ ÿÀ íÑÇÏíÈ í äÇÊÓæÏÀ æÊ ÏÕÞã ÇÑíã ·íÀ ÑÇæÑÓ"50 Dans une lettre qui s'adresse à Ishrat Rahmani ... on trouve la déclaration : « Je n'ai rien à faire de la poésie, mon but c'est de réveiller l'Inde » Mais Ali Raza Tahir prétend discerner une tendance chez Iqbal de soigner l'aspect esthétique de son oeuvre, surtout de sa poésie : í äÇíÈ ?íÇÑí ÿ áÇÈÞÇ ?ÿÀ ÇÊÑ ÇÑæ æ ·æÖÇÞÊ ÿ ÇÏÇ äÓÍ ??? äÇíÈ ?íÇÑí Ç áÇÈÞÇ ?í ÔÔæ í ÿÑ ÇÏí ííêÑ Ñ ÑæØ íÑæÚÔ ??? Ê ÏÍ51 49 Iqbal, M. Discourses of Iqbal. Compilé par Shahid Hussain Razzaqi, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2003, p. 205 50 Tahir, A. R. (Janvier-Mars 2005) « áÇÈÞÇ ÑæÇ íáíÌáÇ ãíÑáÇÏÈÚ» (Abdul Karim Al-Jili et Iqbal) Iqbaliat, 46 (1), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, p.99. 51 Tahir A. R. (Janvier-Mars 2011) « JaÇÍ ÑæÇ áÇÈÞÇ» (Hafiz et Iqbal) (M. S. Umar) Iqbaliat (Urdu), 37 (4), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, p.87 Hibah Shabkhez 133 Le style d'Iqbal ... satisfait aux exigences de la beauté anesthétique. Au niveau de style ... Iqbal a délibérément essayé de béatifier son oeuvre. Iqbal se tient d'abord aux idées, pas à la forme ; et il utilise les meilleurs moyens disponibles pour les exprimer. Il cite librement les textes d'une langue dans un texte écrit dans une autre. Armaghan-e Hijaz est le seul livre d'Iqbal qui est explicitement bilingue, mais le penchant d'Iqbal pour utiliser plusieurs langues au cours de la rédaction d'un texte est visible dès sa jeunesse, dans ses lettres, essais et discours aussi bien que dans sa poésie. Au cours d'une lettre sur le mysticisme persan, rédigé en ourdou, il cite une strophe qui vient de Punjabi: æÊ ·íÏ áÏ ÿ áÏ ÿ äÇ Êæ ãÀ ÿÊ æÊ ÇäÊ Àä ·íÓ ÿ ÊÇäêÑ ÿ äÑÔ J'étais un Pathân en je pouvais vaincre des armées entières Depuis que je me suis assis aux pieds de Ragnath,52 je ne peux même pas casser un brin de paille.53 Mais Iqbal va au delà de la citation multilingue; il se mit à l'auto traduction pour communiquer un message qu'il croit avoir mieux exprimé dans une autre langue. Il traduit ses poésies ourdoues et persanes dans ses essais écrits en anglais pour donner à sa prose une note de la force et l'éloquence de sa poésie. Dans un essai sur la philosophie de McTaggart, Iqbal traduit quelques extraits du persan pour éclaircir son argument: I venture here to translate for the reader one or two passages from my poem called «The New Garden of Mystery»54: Ifyou say the `I' is a mere illusion - 52 Philosophe indien qui croyait dans le principe de l'immanence de Dieu 53 Ahmad, M. (Octobre, 1971) « Metaphysics Of Persia And Iqbâl » (Metaphysique de la Perse et Iqbâl). (S. A. Vahid, éd.) Iqbal Review : Journal of the Iqbal Academy Pakistan, 12 (3), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès: 17-08-2014, [Url : http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/oct71/8.htm] 54 Traduction d'Iqbal des extraits pris de son propre poème Gulshan-e-Raz-e-Jadeed [Cf. Iqbal, M. ZabÒûr-e 'Ajam (Psaumes persanes), 1927, en Kolliyât-e Iqbâl (Fârsi), tome 1, Lahore, Sheikh Ghulam Ali & Sons Ltd., 1992, p. 1079 - 1144] Hibah Shabkhez 134 When it ripens, it becomes eternal...55 J'ose traduire ici pour le lecteur un ou deux passages de mon poème intitulé « Le nouveau jardin de mystère »: Si tu dis que le « je » n'est qu'une illusion - Une apparition entre des autres apparitions - Dis-moi don, qui est le sujet de cette illusion? Regarde là-dedans et découvre Le mot est visible; Or son existence a besoin de preuves! Même l'intellect d'un ange ne peut le comprendre Le « je » est invisible et n'a pas besoin de preuves Songe un peu et vois ton propre secret! Le « je » est la Vérité, ce n'est pas une illusion Quant il murit, il devient éternel... Khurram Ali Shafique expose un autre aspect qui montre le soin avec lequel Iqbal planifiait l'expression multilingue de ses idées ; il trouve une « cohérence linguistique » entre The Reconstruction of Religious Thought (oeuvre philosophique en anglais) et Javidnama (oeuvre poétique en persan). Il revendique les correspondances entre les deux livres aux niveaux de la structure et les allusions littéraires ancrées dans le texte. Au plan structural, il constate: The Reconstruction consists of seven lectures and Javidnama seven chapters. How ironic, that it was never noticed that each lecture covers the same topic which is the focus of the corresponding chapter of Javidnama!56 ... La Reconstruction est composée de sept chapitres. Qu'il est ironique, que l'on n'ait jamais remarqué que chaque discours exploite le même sujet que focalise le chapitre correspondant de Javidnama !
55 Iqbal, M. Discourses of Iqbal. Compilé par Shahid Hussain Razzaqi, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2003, p. 218-9. 56 Shafique, K.A. (Avril, 2007) « New Discoveries about «The Reconstruction of Religious Thought in Islam» (Nouvelles découvertes sur `Reconstruire la pensée religieuse en Islam'). (M. S. Umar, éd.) Iqbal Review : Journal of the Iqbal Academy Pakistan, 48 (2), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès: 19-022014, [Url : http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/apr07/2.htm] Hibah Shabkhez 135
Ces correspondances, argumente Shafique, sont clairement indiquées par Iqbal à la fin des deux livres ; ces « références croisées » sont parmi les plus claires « des allusions ancrées» par lesquelles Iqbal comptait motiver ses lecteurs à « entreprendre une lecture comparative des deux livres et ne pas les lire séparément »57 : The last lecture of The Reconstruction ends on a passage from the prologue of Javidnama, where Rumi is inviting Iqbal to the spiritual odyssey. Below this passage occurs the reference, i.e. «Javidnama,» and hence the title of that book becomes the very last word on which The Reconstruction culminates. On the other hand, in the epilogue of Javidnama, `An Address to Javid: A Few Words With the Posterity' the author mentions that he has «condensed two oceans in two cups» and expressed his ideas in two manners: That one is in the difficult language, using the terminology of the West, This one is an ecstatic song from the strings of a harp. The origin of one is contemplation, the origin of the other is thought, May you be the inheritor of them both! A footnote by Iqbal himself on the first line says: «Allusion to the book, The Reconstruction of Religious Thought in Islam.» 58 Le dernier discours de The Reconstruction (Reconstruire la pensée religieuse de l'Islam) termine avec un passage du préambule de Javidnama, ou Rumi invite Iqbal sur l'odyssée spirituelle. Sous ce passage on trouve la référence, i.e. «Javidnama,» et ainsi le titre de ce livre devient le tout dernier mot sur lequel Reconstruction (Reconstruire la pensée religieuse de l'Islam) culmine. À l'autre coté, dans l'épilogue de Javidnama, `Une adresse à Jâvid: Quelques mots à la postérité» l'écrivain mentionne qu'il a « condensé deux océans en deux tasses » et exprimé ses idées dans deux façons: Celui-là est dans la langue difficile, il utilise la terminologie de l'ouest 57 Shafique, K.A. (Avril, 2007) « New Discoveries about «The Reconstruction of Religious Thought in Islam»» (Nouvelles découvertes sur `Reconstruire la pensée religieuse en Islam'). (M. S. Umar, éd.) Iqbal Review : Journal of the Iqbal Academy Pakistan, 48 (2), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès: 19-022014, [Url : http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/apr07/2.htm] 58 Ibid. Hibah Shabkhez 136 Celui-ci est une chanson extasiée venant des cordes d'une harpe. L'origine de l'un est la contemplation, L'origine de l'autre est la réflexion Que tu sois l'héritier de tous deux ! Une note de bas de page par Iqbal lui-même sur la première ligne dit: « Allusion au livre, Reconstruire la pensée religieuse de l'Islam» En étudiant l'expression multilingue d'Iqbal, l'on n'étudie pas juste un poète et philosophe multilingue quelconque. Iqbal est conscient et fier de son multilinguisme et il l'utilise comme un outil pour mieux véhiculer sa pensée. Hibah Shabkhez 137 |
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