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Le multilinguisme et l'expression de la philosophie de khudi dans la pensée d'iqbal


par Hibah Shabkhez
University of the Punjab - Master of Arts 2002
  

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4.41. Tassawuf ou le mysticisme (notamment la tradition soufi)

Iqbal s'associe avec le mysticisme islamique; il prend comme maitre à penser Rumi31, un mystique soufi persan, et il déclare sa philosophie de Khudi « un développement direct de l'expérience et spéculation des vieux soufis et penseurs musulmans »32. Il a étudié et apprécié l'oeuvre des autres poètes soufis, tels que Hallaj, Ibn Jili, Sînâ'î et Attar. Dans The Reconstruction of Religious Thought in Islam (Reconstruire la pensée religieuse de l'Islam), il considère que « la fonction du sufisme en Islam a eu de systématiser l'expérience mystique »33

Avant et pendant son séjour en Europe (la phase pré Européenne et Européenne Iqbal s'inclinait vers la tradition panthéiste dans le mysticisme islamique. Dans sa thèse doctorale rédigée a cette époque, il interprète Ibn Arabi, Roumi, Hallaj, Al-Jili etc. dans les termes monistes34. Après son retour, il commence à réinterpréter l'oeuvre de ces trois mystiques et le mysticisme en général dans le cadre de l'idéalisme personnel - et en relation avec sa philosophie de Khudi.

Au même temps, il reproche au soufisme persan la création d'une « aristocratie spirituelle qui prétendait posséder les savoirs non accessibles au musulman ordinaire »35 ainsi que les racines d'un anarchisme qui a éloigné les musulmans de la source de leur puissance, la loi islamique :

No student of Moslem thought and literature can deny that the tendency to ignore the law - the only force holding together Moslem society - was the direct consequence of a false mysticism born of the heart and brain ofPersia

Aucun étudiant de la pensée et littérature musulmanes ne peut nier que la tendance d'ignorer la loi - la seule force qui réunisse la société musulmane - était la conséquence directe d'un faux mysticisme né du coeur et de l'esprit de la Perse.

31 Ali, M. J. N. (Octobre 1988) « Iqbal and Rumi » (Iqbal et Rumi). (M. Munnawar, éd.), Iqbal Review: Special Issue `Iqbal and Mysticism', 29, (3), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès : 19-02-2014, [Url : http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/oct88/8.htm]

32 Iqbal, M. Discourses of Iqbal. Compilé par Shahid Hussain Razzaqi, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2003, p. 205-206

33 Iqbal, Muhammad. The Reconstruction of Religious Thought in Islam. Éd. & annoté par M.S. Sheikh. Lahore, Institute of Islamic Culture, 1999, p. 144

34 Ali, M. J. N. (Octobre 1988) « Iqbal and Rumi » (Iqbal et Rumi). (M. Munnawar, éd.), Iqbal Review: Special Issue `Iqbal and Mysticism', 29, (3), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès : 19-02-2014, [Url : http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/oct88/8.htm]

35 Iqbal, M. Discourses of Iqbal (Discours d'Iqbal). Compilé par Shahid Hussain Razzaqi, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2003, p. 175

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En outre, Iqbal différencie Faqr (le mysticisme actif qui cherche à reformer) et Rahbani (le mysticisme monastique)36 :

íäÇãáÓã íÑíÊ ÏíÇÔ ÿÀ Òíç ÑæÇ ç

íäÇÈÀÑ æ Ñöó íÇ ÿÀ ·íã ÀÇêä íÑíÊ

ÑÇÒíÈ ÿÀ Ñöó ÿÓ ÈÀÇÑ íóÓÑ ·æÓ

íäÇóæØ ÀÔíãÀ ÀäíÓ ÿÀ Ç Ñíöó37

Peut-être ton islam est quelque chose d'autre
Puisque tu pense que Faqr et Rahbani sont les mêmes
Faqr est dégouté par la recherche de la paix de Rahbani
Le navire du Fakir est toujours en orage.

Il reconnait la valeur spirituelle des grands soufis du passé, mais le soufi moderne lui parait un héritier indigne de leur statut :

ÿÆæÀ ÊÕÎÑ æÌ ÿÊ ÿóÓ ÀÀ Ç äóÇÈ ãÞ

óêÑæê Çí ÿÆê ÀÑ ÑæÇÌã ·íã ·æÀÇöäÇÎ38

Ceux qui pourraient dire «Lève-toi avec la permission de Dieu »39 sont partis
Dans les monastères ne résident maintenant que les serviteurs ou les fossoyeurs.

Iqbal explique pourquoi ils sont indignes du respect de leurs aïeux : ils pratiquent les mêmes formes externes, mais l'essence est perdue :

ÑæÑÓ Àí ÿÈÞÇÑã Àí íÈÔ ãíä Ñó Àí

·íÀä íÈ ç æÊ ·íÀä ·ÇÈÀêä ÿ íÏæÎ íÑÊ40

Cette méditation de minuit, ce « maraqba41 » ces extases ne sont rien
S'ils ne sont pas les gardiens de ta conscience.42

36 Alavi, K. (Octobre 1988) « Iqbal and Sufism » (Iqbal et Soufisme). (M. Munnawar, éd.), Iqbal Review : Special Issue `Iqbal and Mysticism', 29, (3), Iqbal Academy Pakistan, date d'accès : 07-11-2013,

[Url : http://www.allamaiqbal.com/publications/journals/review/oct88/5.htm]

37 Iqbal, M. Zarb-e Kalîm (Le coup de Moïse) 1936; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 563.

38 Iqbal, M. Bâl-e Jibrîl (L'aile de Gabriel) 1935; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 491.

39 Les mots qu'utilisait le prophète Isa pour lever les morts

40 Iqbal, M. Zarb-e Kalîm (Le coup de Moïse) 1936; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 547

41 La pratique spirituelle de méditation

42 Iqbal, M. Le Coup de Moïse, (Zarb-e kalîm), trad. fr. par Laeeq Babree, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2009, p. 26

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Les monastères, les institutions de la formation spirituelles que le mysticisme nous a liguée ne sont pas dignes dans l'avis d'Iqbal d'entreprendre la formation de Khudi, parce qu'il croit la flamme mystique qui les inspirait jadis est maintenant perdu à jamais :

ÿÓ ·æÇöäÇÎ íÏæÎ Þíá?Ê ·íÀä óãã

Çí ÑÑÔ Çê ÿæ ÿÓ ÀÏÑæÎ ãä ÀáÚÔ ÓÇ!43

Impossible est la formation de «Khudi » par les monastères
De cette flamme mouillée ne sortira jamais une étincelle44

Au même temps, si Iqbal lamente son déclin, il est loin de rejeter la tradition soufie elle-même. Il revendique le soufisme comme un point de repère pour expliquer sa propre mission, il s'associe sa pensée et son oeuvre bien concrètement avec la tradition soufie, et il utilise le terme soufi « Qalandar » pour se décrire :

ÆÇäÓ ÇÊ ÇóÀ Àí ÿÓ íãæÑ ·íã ÓæÏÑó
Ô íÀæ ÀÓÇ íÀæ ÊíÈÇ ÿÀ ·íã ÞÑÔã
ÑΠÀ ÿÀ ÊíÇæÑ Àí óíú í Ì áøÍ
ÔÇó íÏæÎ ÒÇÑ Çí ÿä ÑÏäáÞ ÏÑã Ç!45

Au paradis ainsi parla Sanai à Rumi
En Orient il y a toujours ce même bol et le potage
Mais Hallaj a cette tradition qu'enfin
Un homme « Qalandar » a dévoilé le secret de «Khudi »46

Pour donner la direction juste au monde errant il nous renvoie encore au soufisme. Dans la philosophie et le passé du soufisme il y a toujours des idées à reprendre et à valoriser, et, déclare Iqbal, nous sommes perdues justement parce que nous les avons oubliées :

Ê ÈÇ ÒÇÓ Ç íÏæÎ íÑíÊ ÿÀ ÑÇÊ ÀóÓê

Ê ÈÇ ÒÇíä ÿÈ ÿÀ ÿÓ íãæÑ ?ãÛä æÊ À47

Le fil de ta « Khudi » est brisé

43 Iqbal, M. Zarb-e Kalîm (Le coup de Moïse) 1936; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 686.

44 Iqbal, M. Le Coup de Moïse, (Zarb-e kalîm), trad. fr. par Laeeq Babree, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2009, p. 119.

45 Iqbal, M. Zarb-e Kalîm (Le coup de Moïse) 1936; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 630.

46 Iqbal, M. Le Coup de Moïse, (Zarb-e kalîm), trad. fr. par Laeeq Babree, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2009, p. 79.

47 Iqbal, M. Zarb-e Kalîm (Le coup de Moïse) 1936; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2013, p. 633.

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Car tu ignores la mélodie de Rumi48

48 Iqbal, M. Le Coup de Moïse, (Zarb-e kalîm), trad. fr. par Laeeq Babree, Lahore, Iqbal Academy Pakistan, 2009, p. 81.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote