CHAPITRE IV :
LE JEU SOCIOCULTUREL DANS LES AIRES URBAINES DE SANTE
PRIORITAIRE : cas de la briqueterie.
La sensibilisation et la vaccination lors des campagnes de
soins et de santé gratuits comptent parmi les mesures de santé
publique efficace permettant de prévenir la mortalité et la
morbidité ainsi que les différentes complications des maladies
infectieuses. Par ailleurs les résidents du quartier Briqueterie
adoptent des comportements de réticences liés à des
considérations qui s'enracinent dans leurs modes de penser, de sentir et
d'agir. Ce chapitre consacré aux différents blocages, fait un
détaille sur les types de blocages qui structurent la mentalité
de ces individus.
IV. Blocages socioculturels
En ce qui concerne les représentations sociales de la
maladie et de la santé, la littérature est abondante au niveau
des motivations et les différentes formes de perception. Beaucoup a
été dit, cependant, les anthropologues s'accordent sur le fait
que ces représentations sont liées à la culture qu'E B
TYLOR définit dans primitive culture en 1871 :
la culture ou la civilisation, entendue dans son sens
ethnographique étendu, est un ensemble complexe qui comprend les
connaissances, les croyances, l'art, le droit, la morale, les coutumes, et
toutes les autres aptitudes et habitudes qu'acquiert l'homme en tant que membre
d'une société.128
Par conséquent, autant il y'a les cultures autant il
y'a des représentations de la maladie et le regard porté sur les
campagnes gratuites. On peut comprendre ici que, l'interprétation de la
maladie diffère d'une culture à l'autre. Ce qui est maladie ou la
cause d'une maladie dans une culture ne l'est pas dans l'autre, de même
que les symptômes de la maladie, qui ne sont pas communs aux cultures.
La socialisation et l'inculturation modèlent l'individu
face à tous les projets du développement. De ce fait, chaque
peuple définit ses maladies, sa façon de percevoir, ses
représentations liées aux campagnes de soin et de santé
gratuits.
128 TYLOR E.B, Primitive culture: Researches into the
development of mythology, philosophy, religion, language, art aund custom.
1973.
8
Pour A. KLEINMAN129, (1980) la maladie n'est pas
une entité intérieure au corps humain. C'est un modèle
explicatif. Le système médical est un système culturel, ce
qui signifie que la maladie est en rapport avec la culture une partie
intégrante du système. Et, la culture est un moyen de
compréhension de la maladie. La maladie est représentée
par ces acteurs par ces acteurs sociaux, les soignants et ces soignés
à travers une série d'activités interprétatives.
C'est ainsi la trilogie maladie C, maladie sociale, la souffrance.
Le Cameroun dans sa diversité culturelle comporte
environ plus deux cents soixante-dix (270) ethnies. Avec un taux de croissance
démographique très important tous ces dernières
années car, cette population est estimée aujourd'hui à
vingt-cinq million d'habitants. Elle en résulte de charge importante en
matière de sensibilisation sur la question de la santé. C'est
ainsi que l'Etat à travers les campagnes mondiales de santé
publique offrent d'importants projets de santé pour prendre soin de la
population camerounaise en ce qui concerne la santé, puis favorise une
meilleure compréhension des enjeux en la matière et mobilise les
communautés au niveau local afin d'agir pour un monde en meilleure
santé. Cependant compte tenu de la diversité culturelle des
individus du quartier Briquèterie, ces derniers vont refuser les
campagnes de soins gratuits de façon ouverte et même
stratégique dont les raisons proviennent des penchants culturels.
Ici, ces populations sont hétérogènes.
Elles vivent en communauté en clan pour la plupart. Ces individus
obéissent à des normes et aux valeurs du groupe. Les traditions
sont alors très présentes dans leur vie quotidienne et les
activités culturelles prennent une grande place dans leur vie. Ce qui
n'est pas une erreur dans la mesure où le professeur MBONJI
EDJENGUELE
Nos cultures ne sont pas exemptes de connaissances
scientifiques. Il faut donc les prendre en compte et non les balayer du revers
de la main pour les remplacer par celle que nous proposent les sciences
actuelles. Productrices des sciences, nos traditions sont capables d'assimiler
n'importe qu'elle autre connaissance rationnelle.130
C'est ainsi que la connaissance des personnes
interviewées sur les campagnes gratuites est encore faible. La
population ne maitrise pas et ne comprend donc pas l'utilité des
campagnes de soin et de santé gratuits. Ceci s'observe à travers
cette considération, les croyances de ces individus motivées par
le clan d'appartenance. L'entretien effectué laisse
129 Arthur KLEINMAN, psychiatre, proceedings. Volume 22. P.
762. Consulté le 01/05/2018 au www.culture et santé.
Cm.
130 MBONJI EdJenguèlè, les cultures de
développement en Afrique.PUY. 1998. P. 233-234.
8
comprendre que les campagnes gratuites sont un mode
d'aliénation. C'est une stratégie nouvelle qui ne valorise
aucunement les valeurs locales. C'est ainsi que la soeur de la cheftaine du
quartier Briqueterie Est4 Mme EVINA nous dit :
Je ne suis pas contre vous mais ces histoires
là...je ne vous comprends même pas. Mais je ne vois pas comment tu
n'as pas encore le discernement, sans te mentir mon fils. Les campagnes
répétées que vous faites là montrent vraiment votre
ignorance. Pour quoi vous faite seulement la publicité des choses des
blancs au détriment de vos produits locaux ? Alors que la bonne
médecine est africaine. Si vous vous n'êtes pas là pour le
paludisme c'est le cholera ; après cholera la rougeole. Attend c'est
n'est pas fini. Autrefois c'était la rubéole. Attend dis-moi ? La
rubéole c'est quoi ? Qui en souffre ici ? Voyez-vous que vous êtes
en train de tuer votre société avec ces histoires de campagnes
gratuites.131
La conception de la sensibilisation et même de la
vaccination sont entendues ici comme un marchandage des produits occidentaux.
Les africains ne valorisent pas leurs produits ; c'est pour le blanc qui est
bien.
a) Blocages spirituels
La croyance religieuse est au carrefour des comportements de
réticence sur tous les plans. C'est ainsi que pour certains habitants de
la Briqueterie à l'instar de cheik BOUBA Djibrila « la maladie
est une épreuve » ; il continu dans une interview en invoquant
DIEU communément appelé dans leur tradition religieuse «
Allah » en disant : « d'après le Hadith rapporté
par TIRMIDI, le croyant est sans cesse éprouvé dans sa personne,
dans sa progéniture et dans ses biens jusqu'à ce qu'il se rende
à Dieu, exempt de toute faute ». Toujours dans son discours il
précise que :
C'est par la maladie que Dieu nous apprécie. C'est
à l'occasion de ce grand événement de notre foi est mise
à l'épreuve et qu'elle révèle soit son
authenticité soit sa fausseté. Dieu nous met en garde, les
épreuves sont inéluctables et il faut s'y préparer afin de
ne pas être pris au dépourvu. Elles existent pour nous
éprouver. Pour tout dire ce qui va arriver arrive toujours. Mais sachez
seulement que seul Dieu est au contrôle et non ces histoires des
campagnes gratuites. Moi personnellement je me rends difficilement à
l'hôpital.132
Par la suite l'îman Hassan interrogé emboite le pas
en disant
131 Mme EVINA. Entretien du 18/01/2018.
132 Djibrila BOUBA.
83
Vos histoires des blancs-là ne servent à
rien. Il y a deux jours seulement que je suis resté ici on est venu avec
un enfant qui avait un violent maux de tête. Et cela survenait d'un
rêve nocturne. Or si franchement ils avaient appris les versets
coraniques qui préservent contre les rêves nocturnes, on ne serait
pas à ce stade. Je profite pour te dire que la protection, c'est dans
les versets coranique et non dans vos produits là. Mes enfants ne
prennent et ne prendrons jamais ce genre de produits. J'y veille
personnellement. Et, j'ai toujours demandé à ma femme de ne
jamais admettre ces gens-là dans ma maison.133
Photo n° 8 : Imam praticien au « MAKARANTAN
»
Source : 8- photo prise lors de
l'entretien du 18/01/2018 par MOUNGOUM.
Durant cet entretien la remarque primordiale est que la
réticence tire son origine dans la considération du pouvoir
spirituel de cette population. Il suffit d'ouvrir les mains vers le haut, la
solution est là. « L'enfant que vos voyez là, je le
soigne chaque matin, il était maladif mais ça déjà
grâce à mes prière »134. Dans cette
même réflexion, Mme Mbarga135elle nous précise
également que seul Dieu est au contrôle de tout.
En plus la bible déclare que JESUS CHRIST est venu sur
terre pour « guérir ceux qui avaient besoin de guérison
» JESUS est le fils de DIEU et il a le pouvoir et même la
capacité d'enclencher un processus de guérison et même de
guérir instantanément. Tout le monde le sait très bien que
nous pouvons guérir nos corps, nous donner un coeur nouveau et
transformer notre état d'esprit. Il guérit complétement
tous les aspects de notre vie, le corps, l'esprit et l'âme. Ici tu peux
suivre le chemin qui mène de la maladie à la santé en
arrêtant de faire ce
133 HASSAN. Entretien du 18/01/2018.
134 Iman guérisseur.
135 Madame BARGA, servante de l'Eglise (Mission Catholique de la
Briqueterie). 05/03/2018.
8
qui a pu te conduire à être malade, en suivant
les directives du docteur. Mais le plus important encore, c'est remettre ta vie
en Christ en disant avec la sérénité : « Cher
Jésus Christ, j'ai besoin de ta protection, et ta guérison
».
? Les rites et pratiques qui sauvent vie.
Suivant les prescriptions de l'ordre de la nature, l'enfant
vient au monde par accouchement. C'est l'action d'expulser l'enfant hors de
l'utérus. Ce phénomène permet à ce nouveau venu de
changer de monde. L'accueil chaleureux dont il bénéficie ici de
prime à bord est une panoplie des rites susceptibles de lui garantir une
meilleure vie et une bonne santé pour les restes de sa vie sur terre.
Ici, d'après Bernadette YOUSSOUFOU,
L'allaitement doit d'être maternel. Et on doit se
servir des rites traditionnels qui sauveront l'enfant par la suite et non les
vaccins, les moustiquaires et autres. Quand l'enfant est passé par tous
les rites et les pratiques de naissances, il ne peut même plus attraper
les maladies dont les campagnes gratuites viennent chercher à
éradiquer. Donc à la naissance, si on fait surtout absorber
à l`enfant des infusions des plantes aussi l'enfant n'aura aucun
problème. Même le paludisme va le voir et
passer.136
Nous constatons la place attribuée aux rites
traditionnelles est très importante dès la naissance. Ces
pratiques sont susceptibles de garantir la santé des enfants. C'est une
méthode de prévention la plus efficace et la plus durable.
b) L'interprétation complexe de la médecine
traditionnelle
Lors de la conférence d'Alma Ata de l'époque en
union soviétique au mois de septembre 1978, les représentants du
gouvernement et d'organismes non gouvernementaux, s'étaient fixés
pour objectifs « santé pour tous en l'an 2000 ». Pour
y parvenir, on devrait faire appel à toutes les ressources
médicales disponibles. La déclaration d'Alma Ata, pose alors les
bases historiques de la politique officielle, du programme de la
médecine traditionnelle, en facilitant le dialogue dans le
système traditionnel des soins et le système moderne d'assistance
sanitaire. Elle encourage seulement les méthodes jugées et
efficaces sur la base d'expérience médico-scientifique.
Cependant la population de la Briqueterie ne
s'intéresse pas vraiment à la lecture sérieuse et profonde
de cette thèse. Pour certains les blancs ont enfin compris que la
médecine traditionnelle avait raison. Mais au lieu de revenir venter les
plantes africaines et les écorces
136 BERNADETTE YOUSSOUFOU, entretien du 05/03/2018.
85
et apprendre mieux ici, ils continuent de tromper les noirs
avec les produits qui détruisent à petit feu les enfants
d'Afrique. PAPA Yannick, un patriarche de la Briqueterie Nord nous parle en ses
termes :
Si je ne suis pas encore mort jusqu'aujourd'hui, c'est
juste parce que j'ai toujours évité, fuis,
m'éloigné davantage des tout ce qui est produit de soins de votre
médecine soit disant moderne. Les comprimés que les gens de
campagnes de santé gratuites donnent après avoir injecté
ou déposé les gouttes de vaccins dans la bouche des enfants ne
sont pas plus efficaces les écorces noires. S'agissant même de la
vitamine, on n'arrive pas à les comprendre. Tu as l'enfant qui mange
bien mais on vient encore lui donner les vitamines pour dire que c'est la
science, mais fait attention. Ce n'est pas sérieux. Pour tous dire mes
petits enfants ne se vaccine pas n'importe comment.137
Ici nous comprenons que les produits chimiques fragilisent
plus les populations. Le refus ici vient du fait que ces populations ne
comprennent pas les raisons qui expliquent le fait que l'enfant n'est pas
malade et on vient les vacciner. Pour elles c'est une erreur, car les
écorces que leurs grands-parents ont laissées rendent plus fort
que les produits de la médecine moderne.
VI-1. Blocages sociopolitiques
Tout d'abord, l'une des premières
caractéristiques de la lutte institutionnelle contre diverses maladies
au Cameroun et dans plusieurs autres pays africains, était son
caractère vertical. Au Cameroun, un autre facteur a marqué
l'élaboration de la stratégie de lutte contre ces derniers vu que
la mise sur pieds réel des campagnes de soins et de santé
gratuits, notamment contre le SIDA coïncide avec la crise des
années 1992 au Cameroun. Ainsi tous les indicateurs économiques
entre 1985 et 1993 sont passés au rouge et le Cameroun était
appauvri pendant cette période avec des villes mortes. Cette crise va
profondément et considérablement marquer la vie politique dans la
gestion des campagnes des soins et de santé gratuits.
Ensuite, le constat est également que, de 1985 -1998
une succession très importante des présidents à la
tête de l'organe exécutif du programme laisse voir une
instabilité politique et une sorte de mangeoire pour les dirigeants.
C'est ainsi les appartenances sociopolitiques vont se manifester chez la
population de Briquèterie des interrogations diverses animées
d'une hostilité au sujet des campagnes de soins et de santé
gratuits. Cette micro société dans ses rapports avec la politique
connait des indifférences.
137 PAPA YANNICK, entretien du 05/03/2018.
86
Ainsi, d'aucuns pensent que la longévité au
pouvoir du chef de l'Etat camerounais et même sa réélection
perpétuelle au pouvoir deviennent pour eux une menace. Pour ceux-ci,
l'acceptation d'être inscrit dans un registre pour la sensibilisation ou
la vaccination est déjà une façon de voter pour le parti
au pouvoir sans se rendre compte. C'est la raison pour laquelle madame
Bernadette nous précise ici en ces termes :
Les campagnes gratuites pour la santé, ce n'est pas
mauvais. Ce qui est gênant c'est que vous demandez aux gens toutes les
informations sur eux et surtout leur numéro de Carte Nationale
d'Identité. C'est ce qui n'est pas claire. Si c'est vraiment gratuit
comme vous dites souvent, qu'est ce qui peut alors nécessiter
l'enregistrement de nos numéros d'identification ? Là, nous on
connait ce qui se cache derrière. D'ailleurs, j'ai même
constaté que la prolifération de ces campagnes sont toujours
à la veille des élections notamment les campagnes de lutte contre
le paludisme avec l'enregistrement pour les moustiquaires
imprégnées MILDA.138
L'enregistrement va donc connaître des
difficultés, des refus et même des réticences violentes
à cause des déclarations pareilles. Cette population pense
légitimement que les campagnes de soins et de santé gratuits qui
figurent à la veille des élections sont un moyen pour faire voter
involontairement le parti au pouvoir. De ce fait pour éviter de voter
contre sa volonté, on doit alors ici boycotter l'enregistrement surtout
s'il faut nécessairement le numéro de la Carte Nationale
d'Identité. C'est ainsi que, pendant les campagnes de soin et de
santé gratuits dans certains secteurs de cette localité on
rencontre des femmes très hostiles à toutes sortes de
négociations pareilles. Lors de la dernière campagne de lutte
contre la rougeole et la rubéole, nous avons rencontré les femmes
au niveau de la Briqueterie NORD qui refusaient le minimum de courtoisie, nous
stipule YIPOU : « mon mari n'est pas là ; je ne peux pas parler
si mon mari n'est pas là ; sortez de chez moi
»139 et elle appuyait en langue maternelle : «
dil lou,dil lou » assez sèchement accueilli, la
négociation devenait très difficile. Il fallait
immédiatement rejoindre la porte de peur d'une surprise
désagréable.
En fait avec la non maitrise du phénomène et
à cause de simple coïncidence, le rejet des MILDA était
lié au fait qu'en 2011, c'était à la veille des
élections et pour certains, pourquoi cela se répète en
2016 quand le président de la république réfléchit
pour son prochain mandat. Cela laisse croire à la majorité que
« les campagnes de soins et de santé gratuits veulent dire tout
simplement, voter gratuitement pour le parti au pouvoir ». Mr MVONDO
Jean Paul nous étaye en ces termes :
138 BERNADETTE YOUSSOUFOU, entretien du 05/03/2018.
139 YIPOU, agente de sensibilisation et de vaccination. Entretien
du 03/03/2018.
8
Je ne sais pas ce que vous cherchez au juste. Si
effectivement c'était les campagnes de soins et de santé gratuits
purement et simplement sans rien de cacher derrière, on ne devrait pas
attendre les moments des élections. C'est justement pour dire aux autres
qui sont naïfs que vraiment le gouvernement pense à vous. Alors
dès qu'ils vont descendre sur le terrain pour les meetings
électoraux les villageois seront facilement corrompus. Or ce jeu
politique qu'on administre dans le domaine de santé, je n'encourage pas.
Je suis contre les manigances. Pour conclure, les campagnes gratuites de soins
et de santé gratuits sont les moyens de domination systématique
surtout ici au Cameroun. En vérité, ils construisent combien
d'institutions hospitalières par an ? C'est nul. Ils doivent
plutôt baisser le frais des médicaments si vraiment ils veulent
aider.140
Alors pour ce dernier la simple coïncidence de certain
programme de santé avec l'année électorale
représente un danger pour la société car les campagnes de
soins et de santé gratuits ici sont présentes à temps
opportun pour aliéner psychologiquement les individus.
Secondairement, d'autres à l'instar de YOUCOUBOU
marié et père de sept enfants précise :
C'est la nouvelle stratégie de nous corrompre.
L'Etat met sur cette politique pour faire croire aux gens qu'il s'occupe bien
de sa population. Ils ont même des soins gratuits. Alors que ce sont les
conneries. Les gens du gouvernement peuvent toujours faire leur manigance sans
nous introduire. Regarder comment on souffre. Regarder comment on n'arrive pas
à bien se nourrir, se vêtir, payer la scolarité des
enfants. Ils laissent les vrais problèmes sans les résoudre pour
nous parler du programme des campagnes gratuites. Mais ce n'est pas bien. Je
suis contre ça, même si on me met devant la
télévision je vais donner mon point de vue. Moi, je n'ai pas
peur, les campagnes de ceci, de cela... ce n'est pas ça notre
problème. On vit mal.141.
Nous comprenons dès lors selon cette population que,
l'Etat corrompt la population par le biais des campagnes de soins et de
santé gratuits. Les pouvoirs publics se servent de l'occasion pour
décaisser l'argent au trésor et utiliser à des fins
personnelles.
VI-2. Les types de rejets contre les CGSS
Nous distinguons ici trois types de rejets des CSSG
auprès de la population de Yaoundé notamment du quartier
Briqueterie. Ces rejets sont classés comme suit :
140 Jean Paul MVONDO, entretien du 06/03/2018.
141 YACOUBOU, entretien du 12/01/2018.
88
a) Les rejets stratégiques.
? La tricherie
Entendu ici comme action de tromper, les populations de
Yaoundé Briqueterie développent des stratégies pour
contrer mieux encore éviter les vaccinations de leurs enfants. C'est
ainsi qu'ils procèdent par l'achat des marqueurs identiques que ceux du
MINSANTE. Ces derniers vont colorer les doigts de leurs enfants pour indiquer
que leurs enfants sont déjà vaccinés. Alors pendant la
descente sur le terrain les agents vaccinateurs vont rencontrer les enfants
avec les auriculaires déjà noircis. Se disant effectué par
les collègues, ils vont dont traverser ces derniers (ces enfants) sans
les vacciner. C'est d'ailleurs une stratégie très
récurrente en ce milieu. Mlle YIPOU, affirme également ici en ses
termes :
Ils sont tous comme ça. On vient les aider mais ils
nous mettent les bâtons dans les roues. On les a déjà trop
parlé. S'ils veulent ils acceptent c'est leur problème. En
vérité. Ici là, notre travail c'est de les aider. Alors
pour refuser le vaccin indirectement ils te montrent le doigt de l'enfant avec
déjà l'empreinte qui prouve que l'enfant est déjà
vacciné. Moi je ne force personne. Quand je vois comme ça je
passe. Mon problème c'est de percevoir le peu qu'on nous donne en fin de
journée. Dans ce cas on peut se balader un peu sur la rue et aller par
la suite s'asseoir quelques parts pour attendre 15h 00 minutes et aller
remettre. Journée pointée, c'est bon.142
Pour celle-ci, les habitants de la briqueterie refusent la
vaccination des leurs enfants, elles sont d'après cette dernière,
responsable de leur situation. Ici, ce qui est important c'est attendre l'heure
du dépôt pour aller se débarrasser des glaciers et autres.
Ceci à cause du fait que même le coté humanitaire n'est pas
présent chez ces agents et le manque de bon management.
Photo n° 9 : « Balade perd temps » sur
les rues de la briqueterie.
Source : 9- photo prise par
téléphone le 03/03/2018.JNV par MOUNGOUM.
142 Mlle YIPOU agente de vaccination de masse. Entretien du 21
/07/2017.
89
Cette image montre au claire le déplacement de deux
équipes qui, au lieu de s'infiltrer dans le quartier pour travailler, se
baladent aux abords des rues pour se plaire et par la suite irons s'asseoir
quelques part. L'une de composante de cette équipe nous donne ses
raisons :
Je ne vois pas mon intérêt d'insister sur des
personnes qui acceptent les vaccins malgré eux. D'ailleurs on souffre
pour avoir à peine 1500f ou 2000f la journée quand ils ont trop
fait. Moi je viens aussi ici parce que j'ai besoin d'argent pour satisfaire mes
besoins. Mine de rien on vient gérer et puis voir ce qu'on peut faire.
Mais en réalité ici, l'essentiel c'est d'être
présent pour passer en soirée confirmer la présence si
c'est même nécessaire.143
b) Les rejets ouverts
C'est ce qui se caractérise par la violence en acte et
en parole. Ici à la Briqueterie, nous avons rencontré ces
différentes réticences. Cette action de repousser ou de refus
entre dans le contexte socioculturel car ici nous avons observé la lutte
entre la tradition et la modernité. Le mythe des considérations
du blanc comme responsables des malheurs des noirs. Puis la question
d'adaptabilité avec les outils modernes de soin et de santé.
Plusieurs éléments constituent ces formes de rejets.
? La Bélonephobie
Entendue ici comme la peur des aiguilles, les victimes de la
bélonepobie sont nombreuses, et partagent en particulier une forte
aversion pour les aiguilles qui sont supposées les piquer. Prise de
sang, injection, de vaccin sont à l'origine des véritables
accès de terreur. Ces phobiques naturelles, sont aussi achmophobique,
puisqu'ils craignent les objets pointus qui traversent la peau (seringue).
En effet, généralement associé à
la phobie de la vue du sang ou hématophobie, la peur des piqures est
souvent motivée par la crainte qui provoque les réticences aux
campagnes gratuites au soin et à la santé. C'est pourquoi Mr
BOUBA nous parle de façon désintéressée en rejetant
les campagnes de soins et de santé gratuits. « Je ne veux pas
de vos piqures sur mes enfants. Donc je vous prie de retourner chez vous. Mes
enfants et moi, nous n'aimons pas ça. »
143 Rachida agente de vaccination de masse. Entretien du
21/07/2017.
90
Photo n° 10 : Un accueil
désintéressé
Source : photo prise par téléphone
le 21/07/2017 par MOUNGOUM.
Cette image présente un accueil irrégulier et
même désintéressée chez Bouba qui, pour lui, il y'a
rien qui fait mal comme la vaccination alors que ça ne soigne même
pas « si vous êtes venus pour ça sortez de chez moi
». Cette forme de rejet nous trouve l'essence dans sa conception et
ses imaginations. Ce dernier, couvert sous ce manteau de représentations
autour des campagnes de soins et de santé gratuits en occurrence la
vaccination nous dit :
Parfois j'accepte même les autres pratiques
(médicaments). Mais dès que j'attends le mot seringue, prise de
sang, piqûre, vaccin, injection, je refuse. Moi-même je n'aime pas
ça. Alors ce n'est pas mon enfant qui doit bénéficier. Je
prends toujours l'exemple sur moi car dès qu'on ne touche le
bras, les épaules ou autres et qu'on dit en même temps
piqûre me délire. Difficilement, on admet quand c'est l'unique
solution. Or avec les campagnes de soins et de santé gratuits, j'ai le
choix. D'ailleurs mes enfants ne sont pas malades par conséquent, je ne
peux laisser qu'on les vaccine.144
Il poursuit son discours en disant :
Ce n'est pas seulement la douleur qui fait peur mais aussi
les seringues, le fait d'imaginer inconsciemment comment cela rentre dans les
veines des enfants alors qu'en réalité, ils ne sont pas
malades145.
Une telle phobie représente un obstacle pour la
population de la Briqueterie face au programme élargie de vaccination,
voire les campagnes de soins et de santé gratuits. Car plusieurs examens
et traitements préventifs nécessitent des prises de sang. Et
la
144 Mr BOUBA. Entretien du 27/01/2018
145 Mr BOUBA. Entretien du 27/01/2018.
9
bélonephobie146 est bien entendu aussi
handicapante dans le cas d'analyses de dépistage ou de la
vaccination.
Photo n° 11 : Vaccination contre la rougeole et la
rubéole.
Source : photo prise par
téléphone, JNV contre la rougeole et la rubéole 2011 par
MOUNGOUM.,
Ici, on observe les pratiques de la vaccination
entourée de certains qui viennent uniquement voir et aller rapidement
soit cacher leurs enfants soit colorier les derniers doigts (auriculaires) de
leurs enfants pour éviter la vaccination.
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