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Les représentations sociales des campagnes de soins et de santé gratuites dans les aires urbaines camerounaises de santé prioritaires. Cas de la briqueterie à  Yaoundé.


par Mama Nourdi Moungoum
Université de Yaoundé 1. - Master en sociologie 2018
  

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III-3. Cause des résistances aux campagnes gratuites.

On entend par cause ici, les motivations profondes à la fois collectives et individuelles qui construisent le rejet des campagnes de soin et de santé gratuits. Les origines des résistances à la promotion des campagnes gratuites au soin et la santé sont diversifiées. On distingue entre autres :

- Les causes individuelles.

- Les causes structurelles et conjoncturelles. - Les causes collectives. a) Les causes individuelles.

Les campagnes de soins et de santé gratuits venant de l'OMS en collaboration avec le MINSANTE sont synonymes des moyens de rupture ou d'élimination des maladies évitables. Mais ces campagnes rencontrent des obstacles d'ordres individuels motivés par les raisons propres à chaque conscience. Cette attitude de réticence s'explique à travers la dissonance cognitive et la rationalité limitée puis la limitation, source de modelage comportemental.

? Dissonance cognitive et rationalité limitée.

En terme des représentations et d'idées, la réticence aux campagnes de soin et santé gratuits ici est avant tout la conséquence de la dissonance cognitive d'après FESTINGNE, dit-il est difficile pour l'être humain d'accepter une chose et son contraire, de faire siennes deux idées qui s'opposent. Cette tension interne propre ici à la Briqueterie, vient du fait que les agents de santé proposent les produits et les méthodes qui entrent en contradiction avec leurs savoirs quotidiens. C'est ainsi que les individus de ce quartier se retrouvent dans cet état psychologique tout à fait désagréable et cherchent à s'échapper le plus rapidement possible. Voilà pourquoi, DICQUEMAN, dit que : toutes personnes agissant depuis de nombreuses années selon un certain nombre de principes et valeurs profondément ancrées, aura donc les

115 Madame AWAWOU, entretien du 18/01/2018.

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grandes difficultés à là modifier, et a spontanément tendance, à modifier à dénigrer de nouvelles idées ou méthodes de fonctionnement116

De ce fait, les résidents de la Briqueterie ont des difficultés à intégrer les campagnes de soins gratuits que proposent les pouvoirs publics pour améliorer leur état de santé. Ceci se justifie par le fait que, ces individus mènent une vie coordonnée ou légiférée par des nombreux principes de base dont les coutumes sont responsables.

Alors cette dissonance cognitive s'exprime avec la rationalité limitée, qui met à nu le caractère inconscient de ces personnes et permettent d'affirmer et conforter leurs idées ou leur système de pensée préétablis vis-à-vis des campagnes de soins et de santé gratuits.

? Modelage comportemental.

S'agissant de modelage comportemental nous observons ici une population dont les mobiles explicatifs du rejet des campagnes des soins gratuits scie aux mêmes réponses. Elle s'impose ici en prenant naissance en dehors de toute décision consciente et se manifeste par des actions communes aux autres individus.

En effet, les individus de cette localité ont un comportement bâtis à partir des valeurs culturelles qui leurs sont propres. Pour cette raison, ils agissent conformément aux principes traditionnels, communs, et respectent soigneusement les normes culturelles. Les mobiles explicatifs des réticences partent du même fondement. Pour DJIBRILA BOUBA parlant cette attitude, il dit : « je ne suis pas seul. Mes frères savent qu'ils viennent juste pour nous nuire »117.

Nous comprenons dès lors que les refus des campagnes de soin et de santé gratuits tirent ses explications des interactions quotidiennes qu'entretiennent ces individus.

b) Causes structurelles et conjoncturelles.

Les résistances aux campagnes de soins et de la santé gratuite en matière structurelles et conjoncturelles sont en générales de deux types à la Briqueterie : les facteurs exogènes et endogènes.

116 DICQUEMAN Marguerite, bulletin de commission royale d'histoire. Bruxelles. 1877. P.316.

117 DJIBRILA BOUBA, entretien du 05/03/2018.

? Les facteurs exogènes

Les facteurs exogènes correspondent aux déterminants externes qui influencent les campagnes de soins et de santé gratuits. Ces facteurs ne sont pas liés à ces campagnes elles-mêmes, mais à l'environnement dans lequel elles s'insèrent.

En effet, l'idée selon laquelle « l'ingérence politique » touche le domaine sanitaire, d'aucuns se disent que la « mainmise » occidentale sur le plan socio-politique et même économique peut favoriser l'intoxication de la population dans cette localité. Cette pensée les éloigne davantage de soins et de santé gratuits. Car pour eux, la colonisation et le néocolonialisme se développent partout.

C'est pourquoi, la vaccination et bien d'autres programmes vont provoquer la résistance des individus de cette localité de la capitale.

? Les facteurs endogènes

Les facteurs endogènes correspondent aux caractéristiques intrinsèques du produit ou de service, ils dépendent donc de la qualité du produit et ses caractéristiques d'une part ; et de la pertinence du marketing pour introduire le produit de soins et de santé de la population d'autre part.

? L'ignorance

Ici on entend par ignorance, le fait de vivre sans réflexion ni introspection et dominé par la mentalité illusoire. Autrement dit, l'ignorance est un décalage entre la réalité et une perception de cette réalité, décalage qui est conséquence d'une croyance, d'un préjugé, d'une illusion.

En effet la population de Yaoundé-Briqueterie est majoritairement prédominée par des chefs de familles qui n'ont pas un savoir certain sur la maladie comme le cas de la poliomyélite. Les campagnes de soin et de santé gratuits notamment celle de la poliomyélite qui revient chaque après six mois et pose un problème sérieux aux populations bénéficiaires. Cette population non seulement n'a pas de connaissance sur la maladie, les causes et même les conséquences. Baba SANI nous étaye sa pensée au sujet de la connaissance de la polio en ces termes :

Mon cher ami, je ne connais pas la polio. Alors que si tu ne veilles sur tes enfants ils viendront les piquer peut-être chaque trois mois ; ce n'est pas

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normal. On parle dans les rumeurs qu'ils vont repasser. J'ai déjà comme d'habitude laissé les consignes à ma femme118.

De ce fait l'on constate que, la non maitrise de la maladie en tant que telle représente un grand obstacle lié à l'individu qui manque le savoir ou encore la connaissance des maux fréquents et ses gravités. C'est pourquoi, à lire le philosophe Matthieu RICARD, il nous dira que :

L'ignorance est une méprise accidentelle, un oubli soudain qui ne change rien à la nature ultime mais une chaine d'illusions, comme le cauchemar ne change rien au fait que l'on est confortablement allongé dans le lit mais n'en peut engendrer une grande souffrance mentale 119

Voilà alors pourquoi dans nos sociétés caractérisées par un niveau d'éducation en construction même dans sa capacité de diffusion des informations, la question de rejet des campagnes de soins et santé gratuits trouve favorablement son compte. Par ailleurs, la tâche est ardue particulièrement ici à la Briqueterie ou la population arrive toujours à s'opposer assez violemment. Ainsi plus récemment un mouvement d'hostilité contre la vaccination s'est produit lors des dernières campagnes du 04 Mars 2018. C'est ainsi le cas « d'une femme qui a avorté avec dernière énergie l'introduction des vaccins au sein de sa famille accompagné des menaces, des violences si les agents insistent »120.

La connaissance des personnes interrogées sur cette appréciation de la population locale de la Briqueterie n'est pas toujours satisfaisante. Cette population n'arrive pas à maitriser l'utilité de la vaccination et de la sensibilisation administrées par les pouvoirs publics. Car la connaissance de la maladie elleÀmême reste a priori. La question de la prévention dont rejette cette population peut aussi se justifier dans le cadre de l'ignorance de la nécessité de ce programme d'après Charles NSANGOU121. Le constat le plus observable et les pratiquants de la religion traditionnelle sont exposée au refus. Ils sont nombreux à rejeter le programme de la vaccination de soin et de santé gratuits.

En plus, l'analyse faite, le niveau d'instruction des parents détermine la réaction auprès des campagnes gratuites. Le degré de compréhension reste relativement faible. Or dans ce quartier, nous avons constaté que le nombre d'enfants par ménages va très grandissant. L'écart de naissance rarement atteint un an et demi. Influencées par la religion, les naissances

118 Baba SANI, couturier, interview du 12/01/2018.

119 Matthieu RICARD, le moine et le philosophe.1997.

120 YIPOU, agente campagnes de soin et de santé gratuits. Entretien du 03/03/2018.

121 NSANGOU Charles, PEV, entretien du 05/05/2018.

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vont aller jusqu'à la ménopause. Et nous notons également une prolifération des foyers traditionnels polygamiques. Ici, le dit AHOUI dans : « Le refus de la vaccination s'observe plus chez les non instruits que chez les instruits ».122

Alors, plus les parents sont éduqués, instruits, mieux ils parviennent à maitriser les questions liées au programme de soins et de santé. Ici au quartier Briqueterie, les femmes sont moins instruites. A cause du phénomène de mariage précoces et une maigre importance accordée à l'école moderne, elles sont moins accessibles aux agents et provoquent de réticences farouches. Ainsi, le respect absolu aux principes tels que les coutumes, favorisent la position des réticences chez les femmes par rapport aux hommes contre les campagnes de soins et de santé gratuits. Comme le cas dont précise MAURY « on rencontre certaines femmes Haoussa qui refusent de répondre aux questions tant que leurs maris ne sont pas là ».

c) Causes collectives

Normes, rites et stéréotypes s'érigent en système de valeurs. Ils déterminent pour les membres d'un groupe (formel ou informel), ce qui est bien ou mauvais, ce qui est souhaitable ou non, aussi bien au niveau des attitudes que des comportements, des avantages recherchés, et des contraintes.

Les campagnes de soins et de santé gratuits doivent donc tenir compte de ce système de valeurs qui caractérise le groupe.

Ici, la population de la Briqueterie Nord regroupée chaque soir autour des chefs de famille respectifs, arrive à communier en assimilant les conseils venant de grand père en même temps chef religieux. Celui-ci parle donne les conseils en tant que responsable de la tradition arabo-musulmane. On relève ici l'indice de la solidarité confondu au solidarisme. L'idée développée ici est partagée par tous. C'est ainsi pourquoi ils vont donner les mêmes réponses ou encore les réponses semblables.

III-3-1. Les risques liés aux soins gratuits

Le facteur expliquant le taux de couverture vaccinale au sein de cette communauté locale concerne le doute quant à l'efficacité du vaccin à se prémunir de la rougeole et de la rubéole par exemple. Même si les risques causés par les vaccinations sont faibles, ils sont quand même vivement ressentis en regard des bénéficiaires qui échappent à un public averti. Dans notre société caractérisée par un niveau d'éducation faible par rapport à d'autres régions

122 AHOUI, l'organisation et management du système de santé dans les pays en développement, S.D.

du monde, les pouvoirs publics en collaboration avec le MINSANTE développent l'art de convaincre pour l'acceptation du programme des campagnes gratuites. Cependant la tâche demeure difficile car les imaginations des acteurs et des considérations des certaines valeurs vont creuser l'écart vis-à-vis des campagnes gratuites. Ceci portant sur le fait que les seringues peuvent déjà contenir les maladies et, l'endroit piqué gonfle souvent et cause les pus dans la chaire. AMBASSA Jean de la Briqueterie Sud sur la question des campagnes de soins et de santé gratuits laisse comprendre ceci :

Mon fils ! Ces blancs dont tu vois ne nous ont jamais voulu du bien. Ils veulent nous anéantir. Même les instruments qu'ils utilisent pour vacciner, pour vacciner nos enfants sont infectés. Ils sont venus la fois dernière au mois de juillet. Ils m'ont injecté mon petit-fils. J'avais utilisé une somme considérable pour soigner l'épaule de mon petit-fils ou ils avaient piqué. Ce n'est pas bien. Moi je peux encore accepter autres choses de gratuit mais pas sur le domaine de la santé. La santé c'est de l'or mon fils c'est très précieux. 123

Les complications post-vaccinales sont à l'origine de nombreuses réticences. Certains parents ont du mal à concevoir le fait que leurs enfants tombent malade après la vaccination.

a) La peur des vaccins

La peur, du latin 'payorem'', accusatif'' pavor ' « effroi, épouvante, crainte », c'est une émotion qui accompagne la prise de conscience d'un danger, d'une menace. C'est également une émotion ressentie généralement en présence ou dans la perspective d'un danger ou d'une menace. C'est une conséquence de l'analyse du danger et permet à un sujet de fuir ou de le combattre

La crainte et la peur des injections représentent bien un facteur de réticence pour les uns. Cette population très proche de l'interprétation qui s'enracine dans la culture survalorise incessamment non seulement la culture locale traditionnelle mais aussi leur époque. La justification de l'industrialisation qui pollue énormément la planète d'où l'arrivée de certaines maladies n'est pas partagée par beaucoup. Voilà pourquoi Oumarou SANI nous explique en disant :

Ces blancs créent les maladies chaque jour pour après venir piquer nos enfants. Moi, j'ai pris une piqûre pour la première fois il y a quelque mois à cause d'un accident. Sinon jusqu'aujourd'hui, je ne peux pas parler de piqûre. En tant qu'une grande personne je sens mal combien de fois un adolescent ?

123 AMBASSA Jean, interview du 12/01/2018.

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Un enfant ? C'est incroyable. De grâce l'Etat doit chercher à aider la population d'une manière autre que tout cela. Ça ne vaut pas la peine124

Nous constatons ici que l'idée de peur et de danger se construisent à partir des représentations, des pensées, des imaginations que les gens font autour des campagnes gratuites. Ils craignent non seulement les piqûres, mais aussi les médicaments gratuits.

En ce sens, en psychologie COURBET125 définit la peur comme une réaction affective évaluée négativement et provoquée par l'identification d'une menace personnellement pertinente. Elle est accompagnée, d'une part, des réactions psychologiques et d'un niveau d'éveil, d'autres part, d'expériences et, enfin d'expression corporelles, notamment faciale.

Ainsi, cette clarification face à la population de la Briqueterie s'enracine autour conception et de leur perception. De ce fait, cette communauté développe une attention particulière en faisant ressortir deux qualités ou types de réponses au sujet des CSSG. Une première s'orientant vers le traitement de danger et une deuxième contrôlant le danger par un processus de résolution de problème. Ici, plus la menace est forte mieux elle s'écarte des offres des CGSS.

b) La désinformation

Nous relevons d'abord un critique ou un état critique de recherche sur l'influence des campagnes de communication de santé publique qui essayent ou qui tentent de modifier des attitudes de peur, néfastes pour la santé de l'individu.

Le domaine de la santé représente un domaine très sensible auquel l'information traitée dans ce secteur doit nécessiter une attention très particulière. Ainsi que lors des campagnes de lutte contre le choléra. Bien que le perilfécal désigne le danger que représente les selles du point de vue de la transmission des maladies infectieuses tel que le choléra, les agents de campagnes de sensibilisation doivent tenir une explication de ladite maladie en respectant d'une certaine manière l'idéologie religieuse en rapport avec celle-ci. Nous pouvons partager le témoignage de Mr ABDOU qui explique une menace à l'endroit de leur statut de musulman lors de cette campagne :

Il y a quelques années les gens qui sont venus pour les campagnes de lutte contre le choléra nous ont bien insulté. Je vous assure, j'ai compris depuis ce jour-là que on nous déteste en détestant même notre religion. Les grands

124 OUMAROU SANI, entretien du 27/01/2018.

125 COURBET Gustave, sans peur et sans reproche. Edmond Gurien de la carrière. 1891.

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cadres qui sont des musulmans-là ne nous aident pas. Sinon ils devraient avoir un langage normal pour nous. Pendant cette campagne de lutte contre le choléra, ils ont organisé une petite conférence à ce sujet. Soucieux de cette importance, je suis parti. Mais j'étais déçu lorsque c'est un agent ou un membre dont je ne me rappelle plus son nom, nous ont dit ouvertement que c'est à cause de nous que prolifère. 126

Dans une colère absolue, il continu de développer cette assertion ambigüe jusqu'aujourd'hui en disant :

Dire que nous faisons la maladie c'est dire que les musulmans sont sales. Pour moi c'est l'atteinte à ma religion. Depuis ce jour-là, je fais l'effort d'aller à l'hôpital quand mon enfant est gravement malade. Moi je ne les considère même pas. Je n'aime pas quand ils viennent chez moi, même ma femme sait cela.127

Au terme de ce chapitre, il ressort que le regard porté par les individus ou les résidents du quartier Briqueterie émane des considérations diverses. La perception des campagnes de soins et de santé gratuits est influencée par les rumeurs, la peur construite par des individus dans leur interaction quotidienne. Cette perception de gratuité de soins motivée par la désinformation et la crainte des effets secondaires galvanisent la réticence. Par ailleurs le rejet de ces campagnes demeure une énigme plus que ces résidents vont à l'hôpital seulement quand ils sont gravement malade.

126 ABDOU, interview du 02/03/2018.

127 ABDOU, interview du 02/03/2018.

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984