Section Quatrième : LA CRISE DE L'ÉTAT
PROVIDENCE
Au lendemain de la crise économique de 1974 et
à la suite de l'échec des politiques de relance
keynésiennes, l'Etat Providence est sérieusement remis en
question.
Sur le plan économique, les thèses
monétaristes de Milton Friedman remettent en cause l'efficacité
des politiques keynésiennes en leur attribuant la montée de
l'inflation ; les théoriciens de l'économie de l'offre, en la
personne d'Arthur Laffer, dénoncent les poids excessifs des
prélèvements obligatoires et leurs conséquences sur le
comportement des agents économiques (réduction de la propension
à travailler).
Sur le plan politique, Margaret Thatcher et Ronald Reagan
entendent incarner ce puissant mouvement de contestation et le renouveau de la
pensée libérale.
Sur le plan social, le ralentissement de la croissance
économique conduit à une inquiétude concernant le
financement de la protection sociale et le versement des revenus de
transferts.
Aux yeux de Pierre Rosanvallon (1981), l'Etat providence
traverserait une triple crise (financière ; d'efficacité et de
légitimité) qui obligerait l'ensemble des économies
occidentales à reconsidérer la place et le rôle de
l'Etat.
69 Marcel PRELOT, op.cit, p72
51
1/ La crise financière
La situation des finances publiques des pays occidentaux
s'est traduite dans les années 80 et 90 par un accroissement
régulier des déficits publics et la montée de
l'endettement.
Pour avoir une vue exacte de la situation des finances
publiques, il conviendrait de rajouter au déficit budgétaire de
l'Etat, la situation des organismes divers d'administration centrale ; le
déficit des administrations locales et celui des organismes de
Sécurité Sociale. Le déficit de la sécurité
sociale s'explique par une inadéquation entre les besoins et les
recettes. Les recettes évoluent avec la masse salariale et
dépendent des effectifs occupés (population active) ainsi que des
salaires. Ces derniers sont eux-mêmes fonction de l'évolution des
qualifications et des gains de productivité dégagés par
l'économie française. Les besoins répondent à des
déterminants propres qui sont différents selon les risques mais
dont aucun n'est lié à l'évolution des recettes.
Il s'agit notamment de l'évolution du taux de
fécondité pour la branche famille, de la modification de
l'espérance de vie pour les retraites, de l'évolution de la
population totale, du progrès médical pour l'assurance maladie
2/ La crise économique
La protection sociale serait à l'origine d'un double
effet : un effet pervers (les prélèvements sociaux,
jugés d'un niveau excessif, augmentent les coûts salariaux et
seraient l'une des causes du chômage, en voulant protéger les
salariés, on limiterait leur accès à l'emploi) et un
effet de désincitation des agents économiques (la part
excessive prise pour la redistribution diminue la part du revenu direct,
réduisant en conséquence l'incitation à produire chez les
individus, la protection des salariés limiterait leur accès
à l'emploi). Dans ce dernier cas, on considère que la
distribution des revenus de transferts peut occasionner un système de
trappes.
Dans le cas de la trappe à chômage
et à l'inactivité, les décisions
d'offre de travail sont le résultat de choix discrets (passage du non
emploi à l'emploi à temps partiel, ou du temps partiel au temps
plein, ou d'un emploi à un autre emploi mieux
rémunéré). Si, en passant du non emploi à un emploi
à temps partiel, l'individu ne perçoit qu'un gain faible ou nul,
il peut alors être tenté de rester inactif.
52
Dans le cas de la trappe à
pauvreté, l'interaction de l'impôt sur le
revenu et des prestations sociales crée un ou plusieurs points de
retournement sur la contrainte budgétaire des travailleurs à
faible revenu. Au-delà de ces points, travailler davantage rapporte
moins à la marge. Ainsi, ceux qui sont sur le marché du travail
ne sont pas incités à travailler au-delà d'un certain
nombre d'heures.
|