B- L'Accord de Brazzaville, expression d'une volonté
de règlement du conflit
Dénommé « Accord de cessation des
hostilités en République Centrafricaine », l'Accord dit de
Brazzaville a été signé le 23 juillet 2014 entre les
ex-Séléka, les anti-Balaka et quatre autres groupes
armés192.
Des ingrédients de cette volonté de
règlement de conflit sont perceptibles aussi bien dans l'historique de
cet Accord (1) que dans son contenu (2).
1- Des ingrédients d'une volonté de
règlement du conflit perceptibles dans l'historique de l'Accord de
Brazzaville193
Sur invitation du Président Denis SASSOU-N'GUESSO,
Médiateur international sur la crise en RCA, un Forum s'est tenu
à Brazzaville, République du Congo, du lundi 21 au
191 Il s'agit du Président Dénis SASSOU
N'GUESSO.
192 Il s'agit de Révolution et Justice (RJ) de monsieur
Armel SAYO, du Mouvement de Libération Centrafricaine pour la Justice
(MLCJ) de monsieur Abakar SABONE, de l'Union des Forces Républicaines
(UFR) de monsieur Florian N'DJADDER BEDAYA et de l'Union des Forces
Républiques Fondamentales (UFRF) de monsieur Dieu-bénit
GBEYA-KIKOBET.
193 Cette histoire est retracée en partie,
conformément aux lettres ou à l'esprit du Communiqué
final du forum de réconciliation nationale inter-centrafricain de
Brazzaville (21-23 juillet 2014).
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La régionalisation du maintien de la paix et de la
sécurité internationales. Etude appliquée au conflit en
République Centrafricaine
mercredi 23 juillet 2014, à l'effet d'obtenir une
cessation des hostilités en Centrafrique, prélude à un
nouveau processus de dialogue politique, et de réconciliation nationale
en RCA. Ce forum a vu la participation de hauts responsables des Etats et des
organisations internationales194 et des responsables des parties
à la crise195.
Le Forum s'est ouvert par une cérémonie
solennelle au palais des Congrès de Brazzaville, ponctuée par des
allocutions des représentants de I'UA, des NU, de la CEEAC, du Chef
d'Etat de la Transition, puis du discours d'ouverture du Président de la
République du Congo, Médiateur.
De manière unanime, les différents orateurs ont
souligné la nécessité et l'urgence pour la RCA de faire
taire les armes et de retrouver la paix et la sécurité, à
travers ce nouveau processus de dialogue et de réconciliation nationale
dont Brazzaville ne constitue que la première étape.
Les intervenants ont également rappelé que le
Forum de Brazzaville ne constitue que la première étape d'un
processus politique qui se poursuivra en RCA, par l'organisation des
consultations populaires dans toutes les préfectures196, et
du Forum de réconciliation nationale à Bangui197.
Les participants ont ensuite relevé le fait que le
Forum de Brazzaville n'a pas pour ambition de se substituer au peuple
centrafricain ou de lui imposer une quelconque volonté, mais de
l'accompagner vers une sortie de crise durable et consensuelle,
conformément aux conclusions de la Concertation des Chefs d'Etat et de
Gouvernement de la CEEAC, tenue à Malabo le 27 juin 2014 et de la
5ème Réunion du Groupe International de Contact
(GlC-RCA), tenue à Addis-Abeba le 7 juillet 2014.
Par la suite un représentant de la communauté
centrafricaine en République du Congo a lu une motion de soutien au
Forum de Brazzaville.
Enfin, la cérémonie a été
clôturée par l'adoption et la lecture solennelle d'un Code de
Bonne Conduite ayant régi les négociations.
Après la cérémonie d'ouverture, les
pourparlers se sont poursuivis par un huis-clos entre la Médiation
Internationale et les différentes parties à la crise. Cette phase
était
194 Lire le communiqué susmentionné pour
décliner l'identité de chacun de ces hauts responsables.
195 Il s'agit du gouvernement de la Transition, du CNT, de la
Cour Constitutionnelle de la Transition, des partis politiques, des mouvements
politico-militaires, de la société civile, de la plate-forme
religieuse, des groupes armés, des opérateurs économiques
et du mouvement syndical.
196 Il y a au total seize préfectures en RCA.
197 Ce forum dit Forum National de Bangui aura
effectivement lieu du 4 au 11 mai 2015.
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La régionalisation du maintien de la paix et de la
sécurité internationales. Etude appliquée au conflit en
République Centrafricaine
l'occasion pour certains acteurs de décliner leurs
revendications et de faire des propositions concrètes sur la sortie de
crise.
En conséquence, les parties prenantes ont signé
un Accord de Cessation des Hostilités dont le dispositif contient des
ingrédients d'une volonté de régler le conflit
centrafricain.
2- Des ingrédients d'une volonté de
règlement de conflit perceptibles dans le contenu de l'Accord de
Brazzaville
L'Accord de cessation des hostilités concerne non
seulement l'arrêt immédiat des combats entre belligérants
comme le veut l'article premier dudit Accord, mais aussi la fin de toutes les
campagnes de haine et de violence. L'on peut se convaincre de cette
dernière clause en lisant les paragraphes 4 et 6 de l'article 2 de cet
Accord. Ils stipulent respectivement que la cessation des hostilités
implique « L'arrêt et l'abstention de toutes actions et
incitations de nature à nuire aux efforts visant à faire valoir
l'esprit de fraternité et de concorde nationale ; » et «
La cessation par les parties de toute propagande, discours de haine et de
division fondées sur l'appartenance religieuse, tribale ou partisane.
Les parties mettent fin aux actes, d'intolérance et aux campagnes
médiatiques susceptibles de provoquer la confrontation politique ou
religieuse. ».
Aussi, les parties s'engagent à s'impliquer dans le
processus global de réconciliation nationale qui se poursuivra en RCA,
à s'abstenir immédiatement d'entraver la libre circulation des
personnes et des biens sur l'ensemble du territoire, ainsi que le travail des
forces nationales et internationales dans l'exécution de leurs mandats
donnés par les différentes résolutions des NU (article 3
paragraphe b).
Il faut souligner in fine que la diplomatie de la
CEEAC a été déterminante dans le processus de
résolution du conflit centrafricain, mais elle n'a pas
empêché l'UA de réagir également.
PARAGRAPHE II : Les sanctions de l'UA et la mise en
oeuvre des actions par les acteurs centrafricains en vue du
rétablissement d'une légitimité au plan international
Depuis les deux décisions d'Alger de 1999 jusqu'à
l'adoption de la Charte africaine de la démocratie, des
élections et de la gouvernance198(CADEG) le 30 janvier
2007, en passant par la Déclaration sur le cadre pour une
réaction de l'OUA face aux changements
198 Charte africaine de la démocratie, des
élections et de la gouvernance, 30 janvier 2007, Document officiel,
CADHP, 8e session (entrée en vigueur : 15 février 2012).
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République Centrafricaine
anticonstitutionnels de gouvernement199 de
2000, l'Acte constitutif de l'UA et le Protocole relatif à
la création du CPS de l'UA de 2002, l'UA a fait du rejet des
changements anticonstitutionnels de gouvernement son cheval de bataille.
Il faut le souligner, il est impossible de s'accorder sur une
définition de la sanction si l'on ne part pas de la même
prémisse quant à la conception du droit et notamment de la place
de la sanction dans cette conception200. En effet, si l'on part de
la conception selon laquelle la sanction est une condition d'existence du
droit, que le droit est « un ordre de contrainte201
», on arrivera à une définition de la sanction comme
étant la contrainte matérielle destinée à
éviter la violation d'une règle de conduite, une contrainte qui
constitue le fondement du caractère obligatoire de cette
règle202. Par contre, une autre définition de la
sanction émerge si l'on se range du côté des auteurs qui
considèrent la sanction comme une garantie de l'effectivité du
droit, un « moyen extérieur d'en assurer la
positivité203». En tout état de cause, constitue
une sanction, au sens juridique et strict du terme, « les
réactions à un fait illicite tendant à garantir le respect
des règles d'un ordre juridique et entreprises à la suite d'une
décision d'un organe social qui constate l'atteinte à la
règle et décide des moyens pour y mettre fin204.
»
L'importance du mécanisme de rejet par l'UA des
changements anticonstitutionnels de gouvernement réside dans le fait que
ces derniers « constituent l'une des causes essentielles
d'insécurité, d'instabilité, de crise et même de
violents affrontements en Afrique205 ».
C'est alors qu'à la suite du changement
anticonstitutionnel intervenu en RCA le 24 mars 2013, l'UA a imposé des
sanctions aussi bien à l'encontre de l'Etat, lesquelles s'apparentent
à une manoeuvre tendant à contenir le conflit par le
haut206, des protagonistes du conflit (A)
qu'à celle des individus, lesquelles sanctions s'inscriraient dans la
même dynamique
199 Organisation de l'Unité africaine,
Déclaration sur le cadre pour une réaction de l'OUA face aux
changements anticonstitutionnels de gouvernement, AHG/Decl. 5 (XXXVI)
(2000) [Déclaration de Lomé de 2000].
200 TEHINDRAZANARIVELO (Djacoba Liva), Les sanctions des
Nations Unies et leurs effets secondaires. Assistance aux victimes et
voies juridiques de prévention, Paris, PUF, 2005, p. 23.
201 KELSEN (Hans), « Théorie
générale du droit international public. Problèmes choisis
», RCADI, tome 42, 1932, p. 193.
202 TEHINDRAZANARIVELO (Djacoba Liva), idem.
203 BOURQUIN (Maurice), « Règles
générales du droit de la paix », RCADI, tome 35,
1931-I, p. 202.
204 TEHINDRAZANARIVELO (Djacoba Liva), op. cit., p.
30.
205 Lire sur ce point un des passages du préambule de
la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la
gouvernance signée en 2007 et en vigueur depuis le 15
février 2012. CADEG, supra note 1 à la p 1.
206 En parlant de manoeuvre tendant à contenir, par le
haut, le conflit, l'on veut faire allusion à l'Etat (centrafricain) en
tant que personne dont la place en droit international est fortement
importante, prioritaire.
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La régionalisation du maintien de la paix et de la
sécurité internationales. Etude appliquée au conflit en
République Centrafricaine
précédente, à la différence de
procéder par le bas207, des protagonistes du conflit
(B) conformément aux instruments juridiques pertinents
de l'UA « en vue de parvenir à la restauration intégrale
de la légalité208 », et donc de restaurer la
paix.
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