PARAGRAPHE I : La CEEAC et la conclusion des Accords
politiques entre les parties
au conflit
Un accord est, généralement, défini comme
une entente entre des personnes. Il est appréhendé comme «
la rencontre des volontés en vue de produire l'effet de droit
recherché par les parties183 ». Transposé en
Droit international public, le vocable accord s'assimile à
180 Sur l'importance de la médiation en Afrique, voir l
LOPES (Danie), « Médiations politiques africaines `'par le
haut». Analyse empirique et essai de théorisation »,
Perspectives internationales, N° 3/Janvier-Juin 2013, 16 p.
181 ZAKANE (Vincent), « Médiation et
règlement pacifique des conflits en Afrique : analyse théorique
», Revue CAMES/SJP, n°001, 2017, p. 245.
182 La Médiation Internationale dirigée par Son
Excellence Denis SASSOU NGUESSO, Président de la République du
Congo, Médiateur de la crise centrafricaine, appuyée par Monsieur
BOUBEYE MAÏGA, Représentant de la Présidente de la
Commission de I`UA et Monsieur Abdoulaye BATHILY, Représentant
Spécial du SGNU pour l'Afrique Centrale, a été mise en
place Iors de la Concertation des Chefs d'Etat et de Gouvernement de la CEEAC,
en marge du 23ème Sommet Ordinaire de I'UA, tenu à
Malabo en Guinée Equatoriale le 27 juin 2014, sur la situation en
RCA.
183 Lexique des termes juridiques, 24è
éd., op. cit., p.12.
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bien d'autres expressions184 telles que convention,
traité, protocole, pacte, charte, statut, modus vivendi...
La pratique révèle que ces expressions, en Droit
international, sont « interchangeables et sont souvent
employées en tant que termes génériques185
». Le critère commun à ces expressions est la manifestation
de la volonté.
L'accord politique est un compromis signé entre les
protagonistes à un conflit, sous la supervision d'un médiateur ou
d'un facilitateur186. Dans la présente étude,
l'expression « Accord politique » concerne les accords de paix dont
l'objectif est de mettre fin à la phase active des combats dès
lors que les rapports intra étatiques sont menacés par
l'intervention d'un conflit armé.
Si autrefois, l'option militaire était
privilégiée comme solution de règlement du conflit, la
perspective aujourd'hui s'inscrit dans la dynamique des accords politiques qui
constituent un moyen plus utile pour éviter toute solution militaire.
Ainsi en RCA, sous les auspices de la CEEAC deux Accords ont
été conclus : d'une part l'Accord signé par les parties
à Libreville et dénommé Accord de Libreville et
qui peut être considérée comme l'expression d'une
volonté de prévenir le conflit187
(A), et d'autre part celui signé à Brazzaville
et dénommé Accord de Brazzaville qui, lui, peut
être compris l'expression d'une volonté de régler le
conflit188 (B).
A- L'Accord de Libreville, expression d'une volonté
de prévention du conflit
L'« Accord politique de Libreville sur la
résolution de la crise politico-sécuritaire en RCA189
» a été conclu et signé le 11 janvier 2013 par les
parties aux négociations ci-après désignées :
l'opposition démocratique, les mouvements politico-militaires
non-combattants et la coalition SELEKA.
184 Dans son arrêt du 1er juillet 1994 (affaire de
la délimitation maritime et des questions territoriales entre Qatar et
Bahreïn), la CIJ a observé "qu'un accord international peut se
présenter sous des dénominations diverses".
185 DAILLIER (Patrick), FORTEAU (Mathias) et PELLET (Alain),
Droit international public, 8ème édition,
op. cit., p. 136.
186 EHUENI MANZAN (Innocent), Les accords politiques dans
la résolution des conflits armés internes en Afrique, op.
cit., p. 35.
187 L'on parle d'une volonté de prévenir le conflit
parce qu'en janvier 2013, le conflit centrafricain n'a pas encore
véritablement éclaté, il était loin de toucher
toutes les villes de la RCA. En plus de cela, les autorités de
l'époque avaient, chacune en ce qui la concerne, une
légitimité au plan, soit national, soit international. Il
était donc possible d'éviter un conflit aux conséquences
très fâcheuses.
188 En juillet 2014, il y a déjà eu changement
anticonstitutionnel de gouvernement en RCA, le conflit s'est propagé sur
toute l'étendue du territoire. Il était donc question de chercher
des moyens de le régler ; c'est pour cette raison que cet Accord de
Brazzaville a été conclu.
189 Telle est la formulation du titre de cet Accord.
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Cette volonté de prévention du conflit peut
être perçue aussi bien dans le préambule
(1) que dans le dispositif (2) de cet
Accord.
1- Une volonté de prévention perceptible
dans le Préambule de l'Accord de
Libreville
Considérant les dispositions pertinentes de la Charte des
NU, de l'Acte constitutif de l'UA et du Protocole relatif au COPAX de la CEEAC
sur la condamnation des changements anticonstitutionnels de Gouvernement et la
doctrine africaine des valeurs partagées ; Vivement
préoccupées par l'évolution de la situation
politico-sécuritaire en RCA ; Conscientes de la nécessité
du dialogue pour l'instauration de la paix durable et la sécurité
sur l'ensemble du territoire national ;
Se fondant sur l'Accord de Paix Global (APG) de Libreville du
21 juin 2008190 et les recommandations du Dialogue Politique
Inclusif (DPI) du 20 décembre 2008 ;
Résolues à renforcer l'Etat de droit, la bonne
gouvernance économique, politique et sociale ainsi que le respect des
droits de l'homme et des libertés fondamentales.
C'est ce que l'on peut (pour l'essentiel) lire dans le
Préambule de cet accord qui, de facto, en constitue le
fondement politique.
Ainsi à travers ce Préambule, l'on peut
constater d'une part l'attachement des parties aux actes ou instruments
juridiques qui vont dans le sens de la paix, et d'autre part leur
volonté de prévenir un conflit aux conséquences
(éventuellement) désastreuses. Le dispositif de cet Accord
renseigne davantage sur cette volonté des parties d'aller vers la
paix.
2- Une volonté de prévention perceptible
dans le dispositif de l'Accord de Libreville Le dispositif de l'Accord
de Libreville est constitué au total de quatre titres et de 21
articles.
Le titre premier traite de la « gestion du pouvoir »
en prévoyant le maintien en fonction du Président de la
République (François BOZIZE) jusqu'au terme de son mandat en
190 Il s'agit d'un accord signé entre le Gouvernement
centrafricain et deux mouvements politico-militaires à savoir l'Union
des Forces Démocratiques pour le Rassemblement (UFDR) et l'Armée
Populaire pour la Restauration de la Démocratie (APRD).
Les points forts de cet accord sont entre autres la
confirmation de l'engagement des parties à respecter le cessez-le-feu,
la promulgation d'une loi d'amnistie générale à l'endroit
des militaires, des combattants et des civils des mouvements
politico-militaires APRD et UFDR pour les crimes et délits poursuivis
devant les juridictions nationales centrafricaines à l'exception des
crimes relevant de la compétence de la Cour Pénale Internationale
(CPI), la réhabilitation dans leurs droits des militaires centrafricains
radiés pour des faits liés à la rébellion et
fonctionnaires civils de l'APRD et de l'UFDR dans leur formation et corps
d'origine.
Il faut également signaler que l'AGP de Libreville
constitue la somme des Accords parcellaires signés entre le gouvernement
et l'UFDPC le 2 février 2007 à Syrte en Libye, le 13 avril 2007
avec l'UFDR à Birao (une ville de la RCA) et le 9 mai 2008 à
Libreville avec l'APRD.
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2016 avec impossibilité de se représenter aux
élections pour un autre mandat (article 1er). Tout de
même, l'article 2 de l'Accord institue un Gouvernement d'Union Nationale
; ce qui implique la prise en compte de chacune des entités
présentes aux négociations.
Le titre deuxième de l'Accord confie la
responsabilité de la sécurité individuelle et collective
des personnes et des biens aux Présidents de la République, du
Comité du Suivi de l'Accord191, à la CEEAC et la
MICOPAX.
Le titre troisième qui s'intitule « Des garanties
sur la bonne foi des acteurs » établit, en substance, des mesures
de décrispation de la crise qui vont de la libération des
personnes arrêtées en relation avec la crise sécuritaire
(article 14) à la dissolution des milices sur l'ensemble du territoire
national (article 15).
Et le quatrième titre (Dispositions finales)
défend aux parties tout recours à la force pour le
règlement de leurs différends. Comme alternative, il leur demande
de recourir à l'arbitrage du Comité de Suivi et si
nécessaire, à la Conférence des Chefs d'Etat de la
CEEAC.
Même si aucune précision n'a été
faite sur le calendrier ou l'échéance de la mise en oeuvre du
présent Accord, il n'y aurait pas de raison de penser que cette
démarche ne participe pas au rétablissement de la paix. Mais
l'Accord de Libreville n'a pas été le seul conclu dans le cadre
des initiatives pour la restauration de la paix en RCA.
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