B- Un mandat de restauration de l'autorité de
l'Etat
Pour que la paix devienne une réalité en RCA, il
faudrait d'emblée que l'autorité de l'Etat soit rétablie.
C'est le problème majeur des Etats fragiles qui est celui de
l'affirmation de leur autorité sur l'ensemble du territoire national.
L'Etat centrafricain qui fait face à ce défi
serait comblé par la présence de la MISCA dont la
stratégie visant à restaurer son autorité se fait en
mettant l'accent sur deux volets à savoir : d'une part, le volet
institutionnel (1), et d'autre part le volet
sécuritaire (2).
1- Le volet institutionnel
Ce volet repose sur la conviction que pour être
pérenne, la paix doit être fondée sur un socle
institutionnel solide et cohérent propre à assurer le
fonctionnement régulier de l'Etat, à garantir une bonne
gouvernance119. En d'autres termes, ce volet participe de la
définition et de l'étaiement des structures propres à
raffermir la paix et ainsi éviter la reprise des hostilités. Il
touche aux domaines législatif et administratif de l'Etat car il est
fréquent de constater qu'au lendemain des conflits armés, les
textes législatifs, voire les constitutions, de même que les
structures administratives de l'Etat, portent la marque d'une accumulation de
négligences ou de manipulations politiques, contiennent des dispositions
discriminatoires et peu conformes aux normes internationales en matière
de droits de l'homme. A cette faiblesse, s'ajoute le fait que la plupart des
agents de l'Etat n'ont parfois ni les capacités, ni les moyens
nécessaires pour appliquer les textes légaux en vigueur, que
l'appareil judiciaire et le système pénitentiaire ne disposent
plus de ressources nécessaires à leur fonctionnement.
Pour redonner vie aux institutions centrafricaines, l'ONU a
donné mandat à la MISCA de favoriser et soutenir l'extension
rapide de l'autorité de l'Etat sur l'ensemble du territoire national,
notamment en apportant un appui au redéploiement de l'administration,
demande aussi aux autorités de transition de continuer de s'employer
à restaurer l'autorité de l'Etat dans les provinces, notamment en
rétablissant l'administration de l'appareil judiciaire et du
système de justice pénale dans l'ensemble du pays, avec l'appui
de la communauté internationale; aider les institutions publiques
centrafricaines, notamment au moyen d'une assistance technique, à se
119 MENEMENIS (Alain), « L'assistance constitutionnelle
et administrative comme condition de la restauration de l'Etat », in
DAUDET (Yves) (dir.), Les Nations Unies et la restauration de l'Etat,
Paris, Pedone, 1995, pp. 41 et ss.
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donner les moyens de leur mission administrative première
et d'assurer des services de base à la population. Mais pour que les
institutions soient opérationnelles, la sécurité
s'avère capitale. 2- Le volet sécuritaire
Dans l'exécution de son mandat, la MISCA rencontre
d'énormes problèmes de sécurité qui rendent
impératif l'établissement d'un volet sécuritaire. Ce volet
est justifié par le fait que son intervention est avant tout
destinée à prendre de mesures nécessaires en vue du
rétablissement ou du maintien de la paix, autrement dit des mesures
déployées dans un contexte conflictuel qu'elle s'attèle
à résoudre ou à en mettre fin. Si la
sécurité est bien l'une des premières conditions de la
stabilité de l'Etat, ses politiques doivent être
considérées comme l'une des pièces centrales de la
politique centrafricaine120.
Afin d'assurer la sécurité, la MISCA est
autorisée à user de tous les moyens nécessaires pour
s'acquitter de son mandat dans les limites de ses capacités et de ses
zones de déploiement, à apporter un soutien adéquat, en
coordination avec les autorités de transition, et compte tenu des
risques sur le terrain, pour que soit assurée la sécurité
des principales parties prenantes nationales, notamment des membres du
Gouvernement de transition.
La MISCA est également autorisée à
saisir, confisquer et détruire activement, selon qu'il conviendra, les
armes et les munitions des éléments armés, y compris les
milices et les groupes armés non étatiques, qui refusent de
déposer les armes ou qui ne l'ont pas fait. La MISCA doit coordonner
davantage ses opérations avec celles de la Force régionale
d'intervention créée par l'Union Africaine pour lutter contre
l'Armée de résistance du Seigneur, et doit échanger des
informations pertinentes avec celle-ci et les organisations non
gouvernementales engagées dans la lutte contre la menace que
représente l'Armée de résistance du Seigneur. La relation
de sous-traitance étant créée, les organismes
régionaux n'y sont pas restés indifférents.
SECTION II : LA CEEAC/UA ET L'ACCEPTATION DE LA
SOUS-TRAITANCE DE L'ONU DANS LA PRISE EN CHARGE DU CONFLIT
CENTRAFRICAIN
Les rédacteurs de la Charte ont
délibérément renoncé à donner une
définition précise de la formule « accords ou organismes
régionaux » telle qu'elle figure au chapitre VIII121.
120 DOUI WAWAYE (Jérémie Augustin), La
sécurité, la fondation de l'Etat centrafricain : contribution
à la recherche de l'Etat de droit, Thèse de doctorat en
droit public, Université de Bourgogne, mars 2012, p. 26.
121 MOMTAZ (Djamchid), « La délégation par
le Conseil de sécurité de l'exécution de ses actions
coercitives aux organisations régionales », AFDI, volume
43, 1997, p. 107.
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L'un des critères de définition avancé
est celui de la proximité géographique entre les Etats membres
d'une organisation régionale122. A ce propos, la proposition
de l'Egypte lors de la Conférence de San Francisco était la
suivante : « seront considérés comme accords
régionaux les organisations permanentes, groupant dans une région
donnée plusieurs pays qui, en raison de leur situation
géographique, de leur communauté d'intérêts ou de
leurs affinités linguistiques, historiques ou culturelles, prennent
ensemble la responsabilité de régler pacifiquement tout
différend susceptible de s'élever entre eux, et de maintenir la
paix et la sécurité dans leur région, ainsi que de
sauvegarder leurs intérêts et favoriser le développement de
leurs relations économiques et culturelles123. » La
proposition égyptienne, considérée à la fois
superflue et restrictive, fut rejetée par vote124.
De l'avis du SG, l'absence d'une définition
précise par le Chapitre VIII de la Charte de la notion d'accords ou
organismes régionaux a facilité la tâche de l'ONU dans son
effort en vue de développer la coopération avec les organisations
régionales dans le domaine du maintien de la paix125.
Aujourd'hui, la pratique est plus riche et l'approche de l'ONU
flexible. En se basant sur l'idée d'efficacité, l'ONU peut
considérer comme organisation régionale une institution qui lui
paraît être capable de résoudre un conflit ou de contribuer
à sa résolution. C'est ainsi qu'au cours de la guerre civile qui
ensanglanta le Libéria, elle n'hésitera pas à
entériner la mise en oeuvre par une organisation régionale
d'intégration économique, la CEDEAO, de l'embargo sur les armes
à destination de ce pays, décidé par cette
Organisation126.
Qu'il s'agisse en effet de la CEEAC ou de l'UA, la relation de
la sous-traitance établie par l'ONU, et telle que
présentée plus-haut, acceptée tant bien explicitement
(Paragraphe I) que tacitement (Paragraphe II)
s'applique indirectement127 au cas centrafricain.
122 BOUTROS-GHALI (Boutros), Contribution à
l'étude des ententes régionales, Paris, Pedone, 1949, p.
101.
123 UNCIO, vol. XII, pp. 854-855 et 859-860.
124 Supr., pp. 708 et 860.
125 Cf. Discours de clôture du Secrétaire
Général de l'ONU Boutros Boutros-Ghali au Congrès du droit
international public organisé à l'occasion du cinquantenaire de
l'Organisation du 13 au 17 mars 1995. « Le droit international comme
langage des relations internationales », Kluwer Law International The
Hague/London/Boston 1996, p. 599.
126 Rés. 788 du 9 novembre 1992 et Rés. 813 du
26 mars 1993. Cf. « Regional Peace Keeping and International Enforcement.
The Liberian Crisis ». Edited by WELLER (Marc), Cambridge, Cambridge
University Press 1994, XXV + 465 p.
127 Même si ces textes n'indexent pas Etat précis,
ils sont applicables de droit à la RCA, du fait de son appartenance
à ces organisations.
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PARAGRAPHE I : Une acceptation explicite, applicable
indirectement au cas centrafricain
Par acceptation explicite de la relation de sous-traitance
(entre CEEAC-UA et ONU dans le domaine du maintien de la paix et de la
sécurité), il faut entendre la consécration, mieux encore
l'approbation ou l'appropriation, en des termes clairs et précis de
ladite relation considérée dans des instruments juridiques
conséquents.
C'est d'ailleurs de cette acceptation que l'on traitera, qu'il
s'agisse de la CEEAC (A) ou alors de l'UA
(B).
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