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La régionalisation du maintien de la paix et de la sécurité internationales. étude appliquée au conflit en République Centrafricaine


par Chrisogone Ignace MENEHOUL KOBALE
Université de Yaoundé II (Cameroun) - Master recherche en Droit public 2016
  

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B- Les critères (de validité) de la sous-traitance dans le Chapitre VIII

Un critère est ce qui sert de base à un jugement110. Il peut également être défini comme ce qui sert à distinguer, dans une chose, le vrai du faux ; c'est la caractéristique à laquelle on se réfère ou sur laquelle on se base pour choisir, classer, sélectionner quelque chose.

106 BOISSON DE CHAZOURNES (Laurence), art. cit., p. 264.

107 RESS (Georg) et BRÖHMER (Jürgen), « Article 53 », dans SIMMA, et al. (dir.), The Charter of the United Nations : A Commentary, 2e éd., oxford, oxford university Press, 2002, p. 860 (par. 1) ; le terme « informel » est utilisé pour clarifier qu'il ne s'agit pas ici d'organes établis par les organes principaux de l'ONU ; voir KELSEN (Hans), The Law of the United Nations. A Critical Analysis of Its Fundamental Problems, Londres, Stevens, 1964, p. 326, où il observe que « [r]egional organisations may act as organs of the united nations ».

108 Sur la marge discrétionnaire, voir les observations de GAJA (Giorgio), « use of Force... », « responsabilité des Etats et/ou des organisations internationales en cas de violations des droits de l'homme : la question de l'attribution », dans SFDI, La soumission des organisations internationales aux normes internationales relatives aux droits de l'homme, Paris, Pedone, 2009, p. 42.

109 Voir la distinction similaire faite par SICILIANOS (Linos-Alexandre), « L'autorisation par le Conseil de sécurité de recourir à la force : une tentative d'évaluation », RGDIP, tome 106, 2002, p. 19, dans le cadre de l'évolution de la pratique concernant le Chapitre VII de la Charte.

110 Dictionnaire Le Robert, op. cit.,p. 100.

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De ce qui précède, deux critères sont retenus pour la validité de la relation de sous-traitance entre organismes régionaux et l'ONU : le premier est celui de la compatibilité aux buts (1), et le second, la compatibilité aux principes (2) des Nations Unies.

1- Le critère de compatibilité aux buts des Nations Unies

L'article premier de la Charte établit les buts des NU qui sont les suivants :

« 1. Maintenir la paix et la sécurité internationales et à cette fin : prendre des mesures collectives efficaces en vue de prévenir et d'écarter les menaces à la paix et de réprimer tout acte d'agression ou autre rupture de la paix, et réaliser, par des moyens pacifiques, conformément aux principes de la justice et du droit international, l'ajustement ou le règlement de différends ou de situations, de caractère international, susceptibles de mener à une rupture de la paix » ;

« 2. Développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l'égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes, et prendre toutes autres mesures propres à consolider la paix du monde » ;

« 3. Réaliser la coopération internationale en résolvant les problèmes internationaux d'ordre économique, social, intellectuel ou humanitaire, en développant et en encourageant le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinctions de race, de sexe, de langue ou de religion » ;

« 4. Etre un centre où s'harmonisent les efforts des nations vers ces fins communes ».

Il a été suggéré que seuls seraient éligibles au titre du Chapitre VIII les organisations ayant compétence dans le domaine du règlement pacifique des différends relatifs au maintien de la paix et de la sécurité internationales111. Cette condition, bien que rigide112, est confirmée par l'attitude de la CIJ dans l'affaire de la Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria. En l'espèce, la CIJ a rejeté la qualification d'organisation régionale pour la Commission du Bassin du Lac Tchad après avoir constaté que la Commission « n'a toutefois pas pour fin de régler au niveau régional des affaires qui touchent au maintien de la paix et de

111 DE WET (Erika), « The relationship between the security council and regional organizations during Enforcement Action under chapter VII of the united nations charter », NJIL, vol. 71, 2002, p. 7.

112 L'intervention de la CEDEAO au Liberia en 1993 est une illustration de la possibilité pour une organisation régionale spécialisée en matière économique d'agir dans le cadre du Chapitre VIII.

Les compétences d'une organisation sont susceptibles d'évoluer, notamment en s'affirmant dans le domaine de la paix et de la sécurité.

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la sécurité internationales » 113. Ce critère est accompagné d'un autre qu'il convient de présenter.

2- Le critère de compatibilité aux principes des Nations Unies

L'article 2 de la Charte stipule que l'ONU et ses Membres, dans la poursuite des buts énoncés à l'article 1, doivent agir conformément aux principes suivants :

« 1. L'Organisation est fondée sur le principe de l'égalité souveraine de tous ses Membres » ;

« 2. Les Membres de l'Organisation, afin d'assurer à tous la jouissance des droits et avantages résultant de leur qualité de Membre, doivent remplir de bonne foi les obligations qu'ils ont assumées aux termes de la présente Charte » ;

« 3. Les Membres de l'Organisation règlent leurs différends internationaux par des moyens pacifiques, de telle manière que la paix et la sécurité internationales ainsi que la justice ne soient pas mises en danger » ;

« 4. Les Membres de l'Organisation s'abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l'emploi de la force, soit contre l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique de tout Etat, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies » ;

« 5. Les Membres de l'Organisation donnent à celle-ci pleine assistance dans toute action entreprise par elle conformément aux dispositions de la présente Charte et s'abstiennent de prêter assistance à un Etat contre lequel l'Organisation entreprend une action préventive ou coercitive » ;

« 6. L'Organisation fait en sorte que les Etats qui ne sont pas Membres des Nations

Unies agissent conformément à ces principes dans la mesure nécessaire au maintien de la paix et de la sécurité internationales » ;

« 7. Aucune disposition de la présente Charte n'autorise les Nations Unies à intervenir dans des affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d'un Etat ni n'oblige les Membres à soumettre des affaires de ce genre à une procédure de règlement aux termes de la présente Charte ; toutefois, ce principe ne porte en rien atteinte à l'application des mesures de coercition prévues au Chapitre VII ».

La lecture des dispositions qui précèdent permet de comprendre que si la CEEAC et l'UA sont dans cette relation de sous-traitance avec l'ONU dans la prise en charge du conflit

113 Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria), arrêt sur les exceptions préliminaires du 11 juin 1998, CIJ Recueil 1998, pp. 306-307, par. 67.

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en RCA, c'est par ce que celles-ci partagent les principes et les buts de l'ONU évoqués ci-haut.

Toutefois, il faut noter que ces critères de compatibilité aux buts et principes de l'ONU sont appliqués de manière très flexible, même s'ils paraissent constituer en dernier ressort et à l'aune de la pratique la condition minimale à satisfaire114. La résolution 2127 (2013) vient spécifier les développements qui précèdent.

PARAGRAPHE II : La résolution 2127 (2013) du Conseil de sécurité, norme spécifique d'établissement de la sous-traitance ONU-CEEAC/UA dans la gestion du conflit en RCA La Charte stipule que : « (...). ..., aucune action coercitive ne sera entreprise en vertu d'accords régionaux ou par des organismes régionaux sans l'autorisation du Conseil de sécurité115. ».

Le mandat donné à la MISCA, pour une période initiale de douze mois, par la résolution 2127 (2013) du Conseil de sécurité sur la situation en RCA est de prendre des mesures appropriées en vue de protéger les populations civiles (A) et restaurer l'autorité de l'Etat (B). A- Un mandat de protection des populations civiles

Au même titre que l'ONU, les organisations régionales sont des acteurs de protection des populations civiles et des droits de l'homme dans leur sphère de compétence. Avec l'ensemble des structures qui composent leur système, elles peuvent être considérées comme de véritables puissances dans le domaine humanitaire.

Les dimensions de la protection des civils dans le cadre de la MISCA sont, d'une part, la fourniture d'aide humanitaire (1), et d'autre part, la protection contre les atteintes aux droits de l'homme (2).

1- La fourniture d'aide humanitaire

Dans sa résolution, le Conseil de sécurité confie à la MISCA des missions humanitaires. Ces missions sont relatives à l'acheminement de l'aide humanitaire ainsi que l'assistance sociale aux populations en détresse. Elle porte essentiellement sur la livraison et l'approvisionnement (eau, nourriture, équipements sanitaires), la surveillance des mouvements des réfugiés et la sécurisation des convois de l'aide.

D'ailleurs à propos de l'action humanitaire, le Conseil de sécurité, dans sa résolution, « exige de toutes les parties au conflit, en particulier les anciens éléments de la Séléka,

114 BOISSON DE CHAZOURNES (Laurence), art. cit., p. 249.

115 Cf. article 53 paragraphe 1, deuxième phrase.

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qu'elles ménagent aux organisations humanitaires et à leur personnel l'accès sans délai, sûr et sans entrave aux zones où se trouvent les populations dans le besoin, afin qu'ils puissent leur apporter rapidement l'aide humanitaire nécessaire, dans le respect des principes directeurs des Nations Unies relatifs à l'aide humanitaire, dont la neutralité, l'impartialité, l'humanité et l'indépendance dans la fourniture de l'aide humanitaire116 ».

C'est dans cette logique que la MISCA escorte de nombreux convois humanitaires dont certains depuis la frontière centrafricano-camerounaise vers la capitale Bangui et vers les provinces pour la distribution, aux populations touchées, des denrées alimentaires et autres. La fourniture de l'aide humanitaire est suivie de la protection contre les atteintes aux droits de l'homme.

2- La protection contre les atteintes aux droits de l'homme

La protection des droits de l'homme est au coeur du système des NU117. La présence de cette organisation en RCA est, en partie, liée aux atteintes aux droits de l'homme dont la protection incombe (également) à la communauté internationale, au nom de la « responsabilité de protéger ». Il est donc de la responsabilité de la MISCA de protéger les populations civiles contre les tortures, mais également contre les violences sexuelles.

En ce qui concerne la protection contre les tortures, une convention stipule que : « Tout Etat partie prend des mesures législatives, administratives, judiciaires et autres mesures efficaces pour empêcher que des actes de torture soient commis dans tout territoire sous sa juridiction. Aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu'elle soit, qu'il s'agisse de l'état de guerre ou de menace de guerre, d'instabilité politique intérieure ou de tout autre état d'exception, ne peut être invoquée pour justifier la torture118 ».

Pour assurer la protection des populations contre les tortures, le Conseil de sécurité autorise la MISCA à prendre les mesures appropriées, de manière à répondre mieux aux attentes de celui-ci et aux besoins des centrafricains.

Et pour ce qui est de la protection contre les violences sexuelles, la Déclaration universelle des droits de l'homme mentionne que les droits de l'homme et les libertés fondamentales sont universels et garantis pour tous. Les OMP, et pas moins la MISCA, devraient donc évoluer dans le respect des droits de l'homme tout en essayant de faire avancer ceux-ci à travers la mise en oeuvre de leur mandat. La MISCA est investie du mandat de

116 Cf. S/RES 2127 (2013), p. 11.

117 PETIT (Yves), Droit International du maintien de la paix, Paris, LGDJ, 2000, p.51.

118 Article 2 alinéas 1 et 2 de la convention contre la torture, et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, 10 décembre 1984.

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protéger les populations contre les violences sexuelles, davantage les femmes et les enfants car ce sont ceux-ci qui sont les plus touchés par les groupes armés, et qu'il faut également restaurer l'autorité de l'Etat.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard