L aprotection des droits fondamentaux des personnes privées de liberté au Burkina Fasopar Marou KABORE Université Thomas Sankara - Master 2 2021 |
Section 2 : Une abondance d'instruments juridiques internationaux en matière de détentionParmi les instruments universels des droits de l'homme des Nations Unies, la matière sur la protection des personnes privées de liberté (P.P.L) est celle qui a connu plus de production de textes assez abondante133(*). Cela montre à quel point la question sur la protection des P.P.L. est très préoccupante pour la communauté internationale134(*). De nos jours, plusieurs instruments internationaux ont été adoptés en vue de protéger les droits des personnes privées de liberté en général. Protéger la dignité inhérente à la personne privée de liberté par les mécanismes internationaux parait être l'une des préoccupations majeures du Burkina Faso juste après son accession à l'indépendance135(*). En effet, le Burkina Faso est un pays qui, en matière de promotion des droits humains n'est pas resté en marge de la ratification des conventions internationales136(*). Ainsi, la Convention (III) de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre, adoptée le 27 juillet 1929 et ratifié le 07 novembre 1961 par le Burkina semble être l'ultime étape dans le processus de protection des droits fondamentaux des personnes privées de liberté137(*) au Burkina Faso138(*). Depuis lors, il existe un important nombre de textes internationaux sur la protection des droits des personnes privées de liberté auxquels le Burkina est signataire. Ainsi, après avoir adhéré à la convention contre la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et aux deux pactes de 1966139(*) le 4 janvier 1999, le pays est également lié aux instruments catégoriels tels que la convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes140(*), la convention relative aux droits de l'enfant141(*), et la convention relative aux droits des personnes handicapées142(*). Les instruments de droits de l'Homme sont habituellement classés en deux grandes catégories : selon leur portée géographique c'est-à-dire régional ou universelle (paragraphe 1), en fonction de la catégorie des droits qu'ils garantissent et, le cas échéant des personnes ou groupes à qui ils accordent cette protection (paragraphe 2). Paragraphe 1 : Les instruments généraux de protection des personnes privées de libertéLes instruments généraux sont des textes qui peuvent être invoqués et/ ou s'appliqués partout où une question de droit de droit de l'Homme est soulevée. Les instruments de droits de l'homme relatifs aux P.P.L., qu'ils soient universels (A) ou régionaux (B), défendent les mêmes normes minimales143(*) nonobstant leur diversité, sans porter atteinte à l'universalité des droits de l'homme. A. Les normes juridiques universellesLe Burkina Faso a ratifié la plupart des instruments juridiques internationaux relatifs à la protection des droits fondamentaux des droits fondamentaux des personnes privées de liberté144(*). Ces textes constituent des bases de référence pour la protection juridique des droits fondamentaux des personnes privées de liberté car les conventions et accords régulièrement ratifiés ont une autorité supérieure à celles des lois internes145(*). La Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (D.U.D.H.) est l'instrument global majeur en matière de droits de l'Homme. Adoptée en 1948 par l'Assemblée Générale des Nations Unies et souscrit par le Burkina Faso146(*), la DUDH est reconnue comme partie intégrante du droit coutumier international, et la reconnaissance dont elle jouit est aujourd'hui à ce point généralisée qu'elle est considérée comme obligatoire en vertu du droit coutumier international147(*), alors qu'elle ne l'est pas à l'origine148(*). En matière de protection des droits des PPL, La DUDH est véritablement la pierre angulaire et une source d'inspiration pour des dizaines d'autres instruments régionaux et internationaux et des centaines de constitutions et législations149(*). La D.U.D.H. prend en compte presque tous les droits fondamentaux de la personne humaine qu'elle soit ou non privée de liberté. Le droit à la dignité qui constitue le fondement même de la DUDH150(*) regroupe un ensemble de droits fondamentaux tels que le droit à la santé et à l'alimentation151(*). Par ailleurs, le droit à la vie et à la sûreté152(*), à la présomption d'innocence153(*), à ce que sa cause soit entendue154(*), le droit de ne pas être arbitrairement détenu155(*), le droit de ne pas être soumis à la torture ni à des traitements dégradants156(*), de ne pas subir une discrimination157(*), le droit à la propriété158(*), la liberté religieuse et d'opinion159(*) sont les droits fondamentaux contenus dans la D.U.D.H. que toute personne privée de liberté est en droit de jouir. Le pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et le pacte international relatifs aux droits économiques, sociaux et culturels PIDESC) adoptés adopté le 16 décembre 1966 à New York et entré en vigueur respectivement le 23 mars 1976 et le 3 janvier 1976 ont été ratifiés par le Burkina le 4 janvier 1999. Les pactes de 1966 forment avec la D.U.D.H. la Charte internationale des droits de l'homme et la pierre angulaire des droits fondamentaux des personnes privées de liberté. Les principes fondamentaux tels que le respect de la dignité de la personne privée de liberté160(*), la santé161(*), l'interdiction des traitements inhumains et dégradants162(*) sont consacrés par ces instruments. Les deux protocoles facultatifs se rapportant au PIDCP renforcent également la protection des droits fondamentaux des PPL163(*). Le 4 janvier 1999 le pays a par ailleurs adhéré à la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants164(*) et la ratification du protocole facultatif165(*) le 7 juillet 2010. Plusieurs autres instruments des nations unies sont également applicables au Burkina en matière de protection des droits des détenus. Il s'agit pour l'essentiel de l'Ensemble des règles minima révisées pour le traitement des détenus (Règles Mandela)166(*) du 20 avril 2016, les Principes fondamentaux relatifs au traitement des détenus du 14 décembre 1990, Les Règles minima pour l'élaboration des mesures non privatives de liberté (Règles de Tokyo) du 14 décembre 1990, les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté du 14 décembre 1990, l'Ensemble de règles minima concernant l'administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing) du 29 novembre 1985, l'Ensemble des règles minima pour le traitement des détenus du 30 août 1955, Principes de Paris concernant le statut et le fonctionnement des institutions nationales pour la protection et la promotion des droits de l'homme, du 20 décembre 1993, les Garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort du 25 mai 1984, etc. * 133 Cf. https://www.ohchr.org/FR/ProfessionalInterest/Pages/UniversalHumanRightsInstruments.aspx. Sur 91 instruments universels des droits de l'homme repartis en 20 sections, la section sur la protection des personnes soumises à la détention ou à l'emprisonnement compte 24 instruments. * 134 Ces organisations avaient pour vocation première de protéger les prisonniers de guerre et de promouvoir le Droit International Humanitaire. Avec les conventions de Genève de 1949, plus précisément la troisième convention s'appliquant aux prisonniers de guerre, ces derniers jouissaient d'une protection grâce aux efforts du Comité International de la Croix Rouge. v. art. 3.2) de la convention de Genève 12 août 1949 relative au traitement des prisonniers de guerre. * 135 Le 07 novembre 1961, le Burkina Faso, ancienne Haute-Volta ratifiait la Convention de Genève III relative au traitement des prisonniers de guerre. Ainsi pour Pierre François GONIDEC, « l'accession des pays africains à l'indépendance leur a conféré toutes les compétences internationales au nombre desquelles le pouvoir de traiter » V. Pierre François GONIDEC, « Note sur le droit des conventions internationales en Afrique », in Annuaire français de droit international, vol.11, 1965. pp. 866-885, spéc. p. 866. * 136 À ce sujet, v. le site officiel des Nations unies. En seulement dix ans, soit de 1999 à 2009, le Burkina Faso a ratifié presque trente conventions et protocoles des Nations unies sur le droit de l'Homme. Cf. https://tbinternet.ohchr.org/_layouts/15/TreatyBodyExternal/Treaty.aspx?CountryID=27&Lang=FR * 137 Cette convention ne concerne que les personnes qui, participant à une guerre, sont tombées au pouvoir de l'ennemi particulièrement les soldats (v. art. 4) et n'est applicable qu'en cas de guerre déclarée ou de tout autre conflit armé (v. art.2). * 138 Dans l'ordre juridique international, il convient de noter que c'est le Comité International de la Croix Rouge (CIRC) qui est la première organisation humanitaire selon Alain AESCHLIMANN, dans la promotion et la protection des droits des personnes privées de liberté depuis 1863 avant d'être consacré dans les Convention de Genève en 1949. * 139 Le 4 janvier 1999, le Burkina Faso a marqué son adhésion au P.I.D.C.P., au PIDSEC et à la Convention contre la torture. * 140 Adhérée par le Burkina Faso le 14 octobre 1987. * 141 Ratifiée le 31 octobre 1990. * 142 Ratifiée le 23 juillet 2009. * 143 Il s'agit principalement du respect de la dignité de la personne privée de liberté. * 144 Cf. https://tbinternet.ohchr.org/_layouts/15/TreatyBodyExternal/Treaty.aspx?CountryID=27&Lang=FR. * 145 Article 151 de la Constitution du 02 juin 1991 * 146 Cf. Le premier « SOUSCRIVANT » du préambule de la constitution du 11 juin 1991. * 147 V. Cour A.D.H.P., 22 mars 2018, aff.AnudoOchiengAnudo c. République-Unie de Tanzani, req. 012/2015, §76. * 148 À l'origine, la D.U.D.H. ne devait pas être juridiquement contraignante mais, compte tenu de l'introduction subséquente de ses normes dans de nombreux traités contraignants (conventions ou pactes), le socle juridique qu'elle constitue est aujourd'hui incontestable. * 149 Au Burkina Faso, la D.U.D.H. est consacrée au préambule de la constitution du 11 juin 1991, dans la Constitution béninoise du 11 décembre 1990, dans la constitution malienne du 12 janvier 1992, dans la constitution nigérienne, dans la constitution sénégalaise et togolaise. * 150 L'article premier dispose que tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. * 151 Cf. décision de la Commission concernant la comm. n°151/96 Civil Liberties Organisation v Nigeria, para. 27. ; Voir aussi, au niveau international, le point de vue du Comité des droits de l'homme des Nations Unies dans la communication 253/1987 Kelly v Jamaica , selon lequel le respect de la dignité inhérente de l'être humain requérait la fourniture de soins médicaux, de nourriture et d'installations sanitaires de base durant la détention. Dans la communication Dans la communication Kalenga c. Zambie, le Comité des droits de l'homme des Nations Unies a souligné en outre que lorsque le Plaignant s'est vu refuser l'accès à la nourriture et à une assistance médicale durant sa détention, la dignité inhérente à l'être humain n'a pas été respectée. Dans l'aff. Peuple Ogoni, la commission a estimé que le droit à l'alimentation est inextricablement lié à la dignité humaine. v. Commission A.D.H.P., Social and EconomicRights Action Center (SERAC) and Center for Economic and Social Rights (CESR) c. Nigeria, req. n°155/96, 27 octobre 2001 * 152Ibid. art. 3. * 153Ibid. art. 11. * 154Ibid. art. 10. * 155Ibid. art. 9. * 156Ibid. art. 5. * 157Ibid. art. 7. * 158Ibid. art. 17. * 159Ibid. art. 18. * 160 V. art. 10 du PIDCP. * 161 V. art. 12 du PIDESC. * 162 V. art. 7 du PIDCP. * 163 Le P2.P.I.D.C.P. vise à abolir la peine de mort. Le P1.P.I.D.C.P.est relative à la compétence du comité pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers en cas de violation des droits fondamentaux énoncés dans le pacte. * 164 La convention contre la torture a été adoptée le 10 décembre 1984 à New York et entrée en vigueur le 26 juin 1987. * 165 Le protocole facultatif à la convention contre la torture du 18 décembre 2002 est entré en vigeur le 22 septembre 2006. * 166 À sa quatrième réunion tenue au Cap (Afrique du Sud) en mars 2015, le groupe d'experts a recommandé que le nom de « Règles Nelson Mandela » soit donné à l'Ensemble de règles minima révisé, afin de rendre hommage à l'oeuvre accomplie par l'ancien Président sud-africain, Nelson Rolihlahla Mandela, qui, en raison de son combat en faveur des droits de l'homme, de l'égalité, de la démocratie et de la promotion d'une culture de paix, a passé 27 années de sa vie en prison. V. Ensemble des règles minima révisées pour le traitement des détenus (Règles Mandela) du 20 avril 2016. |
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