L aprotection des droits fondamentaux des personnes privées de liberté au Burkina Fasopar Marou KABORE Université Thomas Sankara - Master 2 2021 |
Paragraphe 2 : L'inobservation du droit au respect de la présomption d'innocencePrincipe fondamental qui s'applique à tous les cours et tribunaux qu'ils soient spéciaux ou ordinaires392(*), la présomption d'innocence signifie que toute personne poursuivie pour une infraction est a priori, supposée ne l'avoir pas commise, et ce, aussi longtemps que sa culpabilité n'est pas établie par un jugement irrévocable393(*). Dans sa formulation théorique pure, le principe de présomption d'innocence signifie que toute personne doit être considérée et traitée comme étant innocente quels que soient les soupçons ou les charges qui pèsent sur elle et jusqu'au moment où un jugement irrévocable rendu en bonne et due forme retient sa culpabilité. Ce principe a été prévu par plusieurs instruments internationaux et régionaux394(*) et présente en droit interne une valeur constitutionnelle395(*) et un principe directeur majeur de notre code de procédure pénale396(*). La violation du principe de la présomption d'innocence s'observe généralement pendant la garde à vue dans les locaux de la police397(*).Son respect ne s'impose pas uniquement au juge pénal, mais aussi à toute autorité judiciaire, quasi-judiciaire et administrative398(*). L'étendue du droit à la présomption d'innocence couvre toute la procédure allant du moment d'interpellation jusqu'au prononcé de la décision judiciaire définitive. Ainsi, la violation de ce principe « peut être constatée même en l'absence d'une condamnation définitive, dès lors que la décision judiciaire la concernant reflète le sentiment qu'elle est coupable »399(*). La décision de placement en détention provisoire peut constituer alors une violation à ce principe car cette mesure constitue une atteinte à la liberté individuelle400(*)(A). Le contrôle judiciaire qui constitue pourtant une alternative à la détention provisoire n'est malheureusement pas recouru (B). A. La détention provisoire, une limite à la liberté individuelleLa détention provisoire est une mesure privative de liberté qui consiste en l'incarcération de l'inculpé dans une maison d'arrêt pendant tout ou partie de la période qui va du début de l'instruction préparatoire jusqu'au jugement définitif. Or, implique déjà une atteinte à la liberté d'aller et venir. Elle est incompatible avec le principe du respect de la présomption d'innocence selon lequel le mis en examendoit être traité comme un innocentjusqu'à ce que sa culpabilité soit établie. La présomption d'innocence implique que l'inculpé ne devrait pas être incarcéré car l'emprisonnement avant jugementtraduitune sanction hâtivevoire même une présomption de culpabilité. Mesure exceptionnelle401(*) et jugée comme un mal nécessaire402(*), la détention provisoire porte atteinte au principe de la présomption d'innocence et à la liberté individuelle403(*). En effet, en fonction de la gravité de l'infraction, le juge anticipe sur la condamnation à venir au mépris de la présomption d'innocence et des garanties dont le mis en cause doit normalement bénéficier jusqu'au jugement de la condamnation404(*). Ainsi, en décidant de détenir la personne mise en examen, le magistrat instructeur traduit sa conviction que la procédure pénale s'achèvera vraisemblablement par une peine de prison ferme au moins égale à la durée de l'incarcération préventive405(*) et cela relève plutôt d'une présomption de culpabilité que d'innocence406(*). Par ailleurs, le placement ab initio complique, en outre, l'organisation de la défense du prévenu et le place « matériellement et moralement en position d'infériorité à l'égard du ministère public et de la partie civile »407(*). * 392 V. Commission A.D.H.P., Civil Liberties Organisation, LegalDefence Centre, LegalDefence and Assistance Project c. Nigeria, req. 218/98, 7 mai 2001, §27. * 393Cour A.D.H.P., aff.Sébastien Germain AJAVON c. République du Benin, req. n°013-2017, 29 mars 2019, §190. * 394 V. art. 11 al. 1 D.U.D.H., art. 14 al. 2 du P.I.D.C.P., art. 7 al. 1 (b) de la Charte A.D.H.P., art. 6 al. 2 de la Convention E.D.H., art. 8 al. 1 de la Convention I.A.D.H., art. 11 d. de la Charte canadienne des droits de l'homme, art.20, al. 3 du statut du TPIR, art. 21, al. 3 du statut du TPIY et art. 66 du TPI permanent. * 395 V. art. 4 al. 2 de la constitution Burkinabè de 11 juin 1991. * 396 Art. 100-1 al. 4. * 397 Mohammed-Jalal ESSAID, La présomption d'innocence, thèse, Université de Paris, 1969, p.17. * 398 Cour EDH, aff.Allenet de Ribemont c. France, req. n°15175/89, 10 février 1995, § 41. V. aussi Cour A.D.H.P., aff. Sébastien Germain AJAVON c. République du Benin, op. cit., § 192. * 399 Cour EDH, aff.Mineli c. Suisse, req. n°8660/79, Serie A, n°62, 25 mars 1983, §§ 27 et 37. * 400 Christophe CARDET, op. cit. p. 178. * 401 V. art. 261-79 du nouveau C.P.P. * 402 Philipe ROBERT, « un mal nécessaire » ? La détention provisoire en France, Rév. Déviance et Société, vol. 10, n°1, 1986, pp. 58. Cf. https://www.persee.fr/doc/ds_0378-7931_1986_num_10_1_1465, consulté le 21 avril 2021 à 11h : 33. * 403 Christophe CARDET, op. cit. p. 178. * 404Ibid. * 405 Robert BADINTER, Un pré-jugement :La détention provisoire, In Le Monde, 12-13 avril 1970, p.11. v aussi Mohammed-Jalal ESSAID, La présomption d'innocence, Thèse, Université de Paris, 1969, pp.371-381 ; Stalislaw PLAWSKI, « Détention avant jugement », R.P.D.P., 1987, pp.48-81. * 406 Philipe CONTE et Patrick MAISTRE DU CHAMBON, Procédure pénale, éd. Masson/Armand Colin, coll. U Série Droit, Paris, 1995, p.26. * 407P. ESCANDE, Contrôle judicaire et détention provisoire, commentaire des articles 137 à 150 du code de procédure pénale, Juris-Classeur 1990, éd. Techniques. |
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