2.3.1. Le surplus du consommateur et les
préférences individuelles
En réalité, l'évaluation
économique ne cherche pas à mesurer la valeur économique
d'un élément de l'environnement ou de l'écosystème,
mais les variations de « bien-être » engendrées par une
variation de la qualité et de la disponibilité de biens et de
services environnementaux (Weber, 2003). Le surplus du consommateur (ou du
producteur) est un outil précieux de
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Ononino Jean Charles
valorisation des bénéfices de l'environnement.
Mais pour comprendre tout l'intérêt de cet outil, il convient d'en
rappeler les fondements théoriques tels que l'ont souligné
Bonnieux et Desaigues (1998). Le choix du consommateur est basé sur
l'hypothèse fondamentale selon laquelle un individu cherche à
maximiser son utilité totale, c'est-à-dire son surplus sous
contrainte du revenu et des prix. Le surplus du consommateur étant la
différence entre la somme maximale que le consommateur est
disposé à verser pour obtenir une certaine quantité d'un
bien et la dépense qu'il doit supporter pour obtenir la quantité
du bien considéré. A titre d'illustration, un consommateur dont
la courbe de demande est représentée par (D) sera prêt
à payer un prix maximal P0 pour acheter une quantité q0 d'un bien
et se situera au point A de sa courbe de demande. Au cas où le prix du
bien est fixé à un niveau P1 (P1< P0), le consommateur pourra
demander une quantité q1 du bien et se situera à un point B de sa
courbe de demande. Le surplus du consommateur sera représenté par
la surface P0P1BA. La figure suivante illustre cette variation. Le prix du
marché reflète un compromis : ce n'est pas le Mesure du surplus
du consommateur.
Figure 1: courbe de demande marshallienne
2.3.2. Formalisations marshallienne et hicksienne du
surplus.
Les formalisations mathématiques du surplus selon les
analyses de Marshall et de Hicks ont été retenues. D'après
Marshall (1961), le surplus du consommateur se définit à partir
de la courbe
Ononino Jean Charles
de demande du marché qui est obtenue en faisant la
sommation des demandes individuelles. Tout au long de cette courbe, le revenu
est supposé être constant et c'est le niveau de l'utilité
de l'agent qui varie en fonction de la variation des prix. La fonction de
demande ordinaire dite aussi fonction de demande marshallienne ou demande non
compensée exprime la relation entre la quantité (q)
demandée d'un bien en fonction de son prix (p) pour un revenu Y
supposé constant. Lorsque le prix varie, le consommateur enregistre une
variation de son surplus, variation pouvant être positive (gain de
bien-être) ou négative (perte de bien-être) suivant que le
prix diminue ou augmente.
Dans le cadre d'une variation négative du prix
(baisse), allant de P1 à P2 (P1>P2) le surplus du consommateur est
renforcé et est représenté par l'ère P0P2CA. La
figure suivante illustre la variation de l'utilité du consommateur suite
à la variation du niveau des prix.
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Figure 2 : Mesure de la variation de surplus
Ononino Jean Charles
Cette démarche néglige donc tout effet-revenu
que pourrait entraîner la variation des prix. L'approche marshallienne ne
donne qu'une mesure imparfaite de la variation du bien-être du
consommateur puisqu'elle suppose marginale la variation du revenu réel
de ce dernier suite à une modification des prix. Si les prix varient, le
surplus du consommateur variera en sens opposé. Hicks (1904 - 1989)
propose de remplacer la courbe de demande ordinaire marshallienne par une
courbe de demande compensée, dont l'hypothèse centrale est de
maintenir une utilité constante. Il propose d'évaluer la
variation du bien-être d'un individu à partir des courbes de
demande compensée. Le surplus compensateur représente la
variation de bien-être que retire un consommateur de
l'amélioration proposée de la qualité paysagère. La
figure ci-dessous donne une représentation des surplus compensateur et
équivalent du consommateur pour une amélioration de la
qualité de l'environnement.
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Figure 3: Représentation des surplus
compensateur et équivalent
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Ononino Jean Charles
Source : Angel, 1995
Soit un programme d'aménagement
d'aménités paysagères qui consiste à créer
de nouveaux attributs au sein d'un espace vert4. D'après la
figure ci-dessus, q (en abscisse) représente le niveau
d'aménagement de la nature, et p (axe des ordonnées) correspond
au prix des biens et services marchands. L'agent concerné (un visiteur,
par exemple) dispose d'un revenu R qu'il utilise exclusivement à l'achat
de biens marchands X0. Avant la mise en place du programme, le visiteur
représentatif possède une quantité de biens marchands
notée X0 et bénéficie d'un niveau d'aménités
environnementales noté q0, le situant ainsi au point A sur la courbe
d'utilité U0. Lorsque le programme est mis en place, le niveau
d'aménités environnementales passe de q0 à q1 et
l'individu voit en même temps son bien-être amélioré
puisqu'il passe du point A (U0) au point B situé sur la courbe U1. Sa
consommation de biens marchands reste constante mais son utilité
augmente du fait des nouveaux attributs créés. La valeur
monétaire de cette variation de bien-être, en d'autres termes,
celle que le visiteur accorde à la modification enregistrée au
niveau de la protection de la nature, peut être estimée de deux
manières. En premier lieu, si l'on prend U0 comme niveau
d'utilité de référence, on remarque que, pour
bénéficier des espaces naturels concernés, l'individu est
prêt à renoncer à consommer une quantité de biens
marchands notée X1, c'est-à-dire diminuer sa dépense de
consommation de biens marchands de pX1, le plaçant ainsi au point C sur
la courbe U0. Dans ce cas, avec un paiement de pX1, il est indifférent
entre les points A et C. L'écart entre les points B et C, correspondant
à px1, représente le CAP maximum du visiteur pour
bénéficier de l'amélioration du niveau de protection de la
nature de telle sorte que son utilité reste identique son niveau initial
U0. Ce CAP est égal au surplus compensateur ou à la variation
compensatrice de revenu.
En second lieu, si l'on considère à
présent U1 comme niveau d'utilité de référence, on
constate qu'au point B, pour un revenu R donné, l'individu dispose d'une
quantité de biens marchands X1 et bénéficie d'un niveau
d'aménités environnementales de q1. On constate également
que si l'on rajoute X2 à X0, l'individu se situe au point D : il gagne
en consommation de biens marchands mais perd en niveau de protection puisque ce
dernier est passé de q1 à q0. A ce point D, l'individu est
indifférent entre la réalisation et le rejet du programme. Si on
lui demandait combien il accepterait de recevoir en guise de compensation pour
renoncer au projet de telle sorte qu'il a la même satisfaction qu'il
aurait eue si les aires protégées avaient été mises
en
4 Voltaire Louinord., `Méthode
d'évaluation Contingente et Evaluation Économique d'un Projet de
Réserves Naturelles Dans Le Golfe Du Morbihan (France).'
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Ononino Jean Charles
oeuvre, il devrait normalement déclarer un montant
minimum correspondant à pX2. Ce montant, considéré comme
le CAR minimum, est égal au surplus équivalent ou
à la variation équivalente.
Dans le cas où il s'agissait plutôt d'une
dégradation du niveau d'aménités environnementales, (donc
U1 serait le niveau d'utilité initial), la variation compensatrice
serait égale au CAR minimum pour accepter ladite dégradation et
la variation équivalente serait le CAP maximum pour l'éviter.
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