2.4. La prise en compte de l'environnement dans
l'économie néoclassique 2.4.1. Les concepts fondamentaux de
l'économie environnementale
L'économie environnementale traite des
défaillances du marché dues aux actifs naturels, principalement
en recourant à trois nouveaux concepts7. Il s'agit tout
d'abord de la notion de ressource naturelle ou d'actif
naturel, qui désigne les biens non-productibles mais ayant une
utilité pour l'homme. Plus précisément, Godelier (1984)
indique qu'une réalité naturelle ne devient une ressource pour
l'homme que par l'effet combiné de deux conditions : (1) qu'elle
6 Faucheux S , G Froger, `Prise de Décision
Dans l'incertitude Environnementale', Economie Ecologique, 1995.
7 Godard O, `Des Marchés Internationaux Des
Droits à Polluer Pour Le Problème de Serre : De La Recherche de
l'efficacité Aux Enjeux de Légitimité', Politique et
Management Public, 1992.
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Ononino Jean Charles
puisse directement ou indirectement répondre à
un besoin humain ; (2) que l'homme dispose des moyens techniques de la
séparer du reste de la nature et de la faire servir à ses fins.
On peut ainsi définir une ressource naturelle comme un
élément de l'environnement qui fournit des biens et services
utiles, qui puisse être exploité et qui est dépendant de
mécanismes naturels pour son abondance et sa distribution. Cette
définition permet de distinguer les ressources naturelles, d'une part,
en tant que stock de biens et de services directement utilisables et, d'autre
part, en tant qu'éléments constitutifs de fonctions
écologiques nécessaires aux activités humaines. Dans le
premier cas, le capital naturel se divise entre ressources naturelles
épuisables et renouvelables.
Les ressources épuisables se
régénèrent à un rythme trop lent pour que leur
croissance puisse être prise en compte à l'échelle humaine.
On estime par conséquent que ces ressources existent en quantité
finie et que les utilisations faites aujourd'hui diminuent d'autant le stock de
ressources laissé aux générations futures. C'est Hotelling
en 1931 qui proposa le premier traitement économique des ressources
épuisables. A l'inverse, les ressources renouvelables se
régénèrent régulièrement et donnent
l'opportunité aux hommes de prélever une certaine quantité
de cette ressource sans en modifier le niveau total. Les premiers
modèles théoriques, tirés de l'économie des
pêches, furent formulés par Gordon (1954) et Schaefer (1954) et
vulgarisent la notion de rendement maximum soutenable. Les ressources
naturelles, considérées dans leur globalité, fournissent
également des fonctions écologiques qui sont nécessaires
à l'activité humaine. Etant donné l'ampleur et
l'importance cruciale de ces fonctions, celles-ci ne peuvent être
remplacées que très difficilement par du capital artificiel
produit par l'homme (Pearce8.
Le deuxième concept important de l'économie
environnementale est celui de bien public ou de bien
collectif, pour lesquels les conditions de la propriété
privée ne peuvent être respectées. Ces biens se
caractérisent par le fait qu'aucun membre de la communauté ne
peut être exclu de leur usage. Cette impossibilité d'exclure des
consommateurs de la ressource a trois origines essentielles : une
incapacité physique de limiter l'accès à l'actif naturel,
un coût excessif de contrôle de l'accès, ou une limitation
de l'accès qui est socialement inacceptable. Cette absence de droits
exclusifs de propriété ou d'usage de la ressource
environnementale engendre généralement une surconsommation de la
part des agents, qui, à terme, se concrétise par une diminution
ou une disparition de la ressource. Dans ce cas, l'utilisation optimale de ces
biens ne peut découler des stratégies privées et requiert
l'intervention d'une instance supérieure,
8 Pearce DW, RK Turner, `Economie Des Ressources
Naturelles et de l'environnement'.
Ononino Jean Charles
censée représenter l'intérêt
collectif. Pour ce type de bien environnemental, le marché, en tant que
lieu de convergence des comportements individuels, n'est pas un
mécanisme de régulation efficace : seules des institutions
collectives peuvent être en mesure de déterminer le niveau
économiquement efficient de production de ces biens9.
Enfin, la prise en compte de l'environnement par
l'économie néoclassique se réalise par le biais de l'effet
externe. En matière environnementale, l'effet externe est souvent
négatif ; c'est par exemple le cas de la pollution émise par un
agent et qui nuit à l'ensemble de la communauté sans qu'il y ait
compensation. "La présence d'effets externes, en distordant le
système d'incitations qu'est le système de prix, est une source
d'inefficacité dans l'allocation des ressources naturelles et des autres
facteurs de production, et dans la répartition des biens produits. [...]
Au total, pour atteindre un niveau donné de bien-être collectif,
le coût supporté est plus élevé qu'il ne pourrait
être ou bien, pour un niveau donné des ressources disponibles, le
niveau de bien-être atteint est plus restreint" (Godard, 1992). L'objet
de l'économie environnementale est d'internaliser ces effets externes
afin de viser un fonctionnement optimal du marché allocataire de
ressources. Le déploiement de ces trois concepts est significatif de la
volonté de l'économie environnementale de constituer une
extension de la théorie néoclassique appliquée à
l'environnement naturel. L'ensemble de cette démarche prend comme
référence normative le paradigme du marché, qui assure
l'efficience des actions entreprises et vise à rassembler le maximum de
conditions permettant au marché d'assurer une régulation optimale
de l'usage des actifs naturels.
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9 Randall A, JR Stoll, `Consumer's Surplus in
Commodity Space'.
Ononino Jean Charles
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Chapitre 2 : Eploration de la littérature
empirique inhérente à l'évaluation économique
des biens environnementaux
Les économistes ont été amenés
à proposer des méthodes d'évaluation afin de pallier
l'absence de prix pour les besoins de quantification des actifs naturels. Les
méthodes d'évaluation environnementale se basent sur deux
principes : soit sur l'observation direct de la variabilité des prix du
marché révélatrice du rapport entre l'offre et la demande
de biens et services environnementaux, soit sur la révélation
indirecte des consentements à recevoir ou à payer, pour accepter
ou empêcher une dégradation de l'environnement.
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