La participation des salariés en droit des sociétés commercialespar Dilane Gildas DJIOKENG FEUJIO Université de Dschang - Master 2 2019 |
PARAGRAPHE I : LE RECOURS À D'AUTRES MÉCANISMES D'ACTIONNARIATSALARIÉ Il existe une multitude de techniques d'actionnariat très séduisantes qui favoriseraient mieux la participation des salariés dans la vie des sociétés commerciales OHADA. L'on pourrait dans ce sens envisager la consécration des options de souscription ou d'achat d'actions (A) et le rachat de l'entreprise en temps de crise par ses salariés (B). A - La consécration envisageable des options de souscription ou d'achat d'actionsLe droit OHADA ne consacre pas que les sociétés commerciales puissent octroyer à leurs travailleurs ou mandataires sociaux des options de souscription ou d'achat d'actions. Or 74 l'option de souscription ou d'achat des actions, pratique inspirée du modèle américain des « stock-options plans », a pris aujourd'hui corps dans plusieurs législations à travers le monde. Elle arrive en France par une loi du 31 décembre 1970 et occupe aujourd'hui une place importante dans le code de commerce249. Cette évolution ne traduit-elle pas le succès d'une formule qui pourrait aider à dynamiser la gouvernance des entreprises OHADA et justifier que législateur s'en inspire ? En effet, l'option de souscription ou d'achat d'actions est une formule d'actionnariat salarié permettant aux salariés d'une société commerciale d'actions, de souscrire des actions à émettre ou d'acheter des actions existantes à un prix fixé ab initio sous certaines conditions. Clairement, c'est une promesse unilatérale que la société fait à certains de ses salariés de leurs vendre ou de les laisser souscrire un certain nombre déterminé d'actions pendant une durée précise à un prix définitivement fixé à l'avance250. À l'inspiration du droit Français, on constate que l'option de souscription ou d'achat d'actions présente une similarité avec l'attribution gratuite d'actions en ce qui concerne les conditions d'ouverture. Mais le mécanisme251 dans sa totalité tel qu'il suit s'avère différent de celui des AGA. En effet, l'assemblée générale extraordinaire autorise le conseil d'administration (ou l'administrateur général selon le cas) à offrir pendant une période le droit de souscrire ou d'acheter des actions à un prix fixé à l'avance et qui restera le même au jour de l'exécution dudit droit. À l'évidence, le salarié ne lèvera son option que quand la valeur de l'action sera en hausse afin de réaliser un gain quitte à le céder immédiatement252. Les stock-options ne sont donc pas des cadeaux offerts par les actionnaires aux salariés en ce sens que le bénéficiaire devra dépenser pour avoir la propriété de l'action. La nature onéreuse des options de souscriptions ou d'achat d'actions est certainement un inconvénient pour le salarié bénéficiaire, dans la mesure où il n'est pas garanti de faire les bénéfices. La conjoncture économique pouvant même l'obliger à abandonner son droit d'option253. Mais dans le cadre de l'OHADA, elle pourrait s'avérer être un avantage. À vrai dire, les actionnaires sont moins favorables à l'AGA en raison de l'énormité du sacrifice qu'ils doivent faire. Dans un environnement économique moins rentable que celui de la France, les sociétés du droit OHADA pourraient être moins réticentes à appliquer les stock-options que l'AGA car ils ne sont pas totalement gratuits. Cette formule permet en quelque 249 Art. L. 225-177 et suivants. 250 MERLE (P.), op. cit., p. 681. 251 Ibid., pp. 680-681; COZIAN (M.), VIANDIER (A.), DEBOISSY (F.), op. cit., p. 344. 252Idem ; Idem. 253 FOY (R.), précité, p. 3. 75 sorte de concilier l'approche actionnariale du droit des sociétés avec une vision un peu partenariale. Comme toutes les formules de l'actionnariat salarié, elle renforce l'efficacité de la gouvernance d'entreprise et favorise la convergence des intérêts des différentes parties prenantes254. C'est pourquoi l'on pense qu'elle serait une solution adéquate pour faciliter l'actionnariat salarié et de là, dynamiser la gouvernance. Cependant, l'adoption du mécanisme de l'option sur actions en droit OHADA devra se faire de façon prudente. En effet, en raison de sa réglementation fragile (à la base255), les stock-options ont donné lieu en France à des pratiques peu orthodoxes qui ont relancé le débat sur son efficacité et son importance. Par exemple, en raison d'une absence d'obligation de conservation des actions comme c'est le cas avec l'AGA, les bénéficiaires revendaient directement les actions une fois l'option levée afin de se faire rapidement des gains ; ce qui détourne ce mécanisme de la finalité recherchée : la fidélisation du salarié256. En plus, il s'est avéré que la formule n'était utilisée que pour associer les cadres dirigeants à la prospérité de l'entreprise de la société que pour développer l'actionnariat salarié257. Mais sa pertinence ne devrait pas être remise en cause pour autant. Le législateur français la conserve toujours et la doctrine (économique surtout) majoritairement, s'accorde à dire que la formule des stock-options influence positivement les performances de l'entreprise258. Elle incite les bénéficiaires à accroitre la valeur de leurs actions259. Elle est en outre un excellent outil de gestion des ressources humaines, permettant, d'attirer, motiver et conserver les salariés performants dont la fidélisation est indispensable à la rentabilité de l'entreprise260. L'on pourra aussi envisager le rachat d'une branche de la société ou de sa totalité par ses propres salariés. 254 DESBRIERES (P.), « Les actionnaires salariés », Revue Française de Gestion, Vol. 28, n° 141, 2002, pp. 11. 255 De nombreux textes sont depuis lors intervenus pour régulariser cette pratique. Mais ils n'ont fait que le rendre moins attractif. 256 FOY (R.), précité, pp. 3-4. 257 COUTURIER (G.), op. cit., p. 290 ; COZIAN (M.), VIANDIER (A.), DEBOISSY (F.), op. cit., p. 345. 258 IDI CHEFFOU (A.), « Les Stock-options en faveur des dirigeants : déterminants d'octroi et impact sur la performance des entreprises, le cas français », janvier 2007, [en ligne sur] https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00151918, (consulté le 29 mai 2020 à 10h). 259 Théorie de l'incitation. V., JENSEN (M. C.) et MURPHY (K.), 1990, « Performance Pay and Top Management incentives », Journal of Political Economy, Vol. 98(2), 1990, pp. 225-264. 260 GUILLOT-SOULEZ (C.), « Comment mesurer la performance des plans d'options sur actions (stock-options) ? Les liens inévitables entre le social et le financier », p. 2666. 76 |
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