La multiplication de l'usage unilatéral du recours à la force par les membres de l'O.N.Upar Candice Perier Université Toulouse 1 Capitole - Master 2ème Année Droit International et Européen 2020 |
Paragraphe 1 : L'interprétation étatique abusive de certaines résolutions du CSComme démontré au sein de la première partie du devoir, le CS manque parfois de rigueur juridique dans ses résolutions et notamment en ce qui concerne la qualification des faits ainsi que les missions déléguées aux Etats lorsqu'il s'agit de recourir à la force. Dans ce sens, le CS peut parfois exprimer explicitement l'autorisation pour les Etats de « recourir à la force » ou de manière plus implicite en demandant aux Etats « d'user de tous les moyens nécessaires ». Cependant, il arrive au Conseil de ne pas utiliser une telle formule et les Etats, lorsque c'est le cas, présument à partir de certains indices, une invitation à recourir à la force dans certaines situations. Il s'agit toutefois d'une justification pour leurs recours illégaux à la force puisqu'il est clair que l'habilitation doit être clairement donnée par le CS avant le conflit comme l'exprime Daniel Dormoy dans son article251. En ce sens, seulement le CS détient la légitimité pour autoriser un quelconque recours à la force et, même s'il n'est pas très rigoureux dans certaines situations. Les Etats ont ainsi toujours reçu et compris l'information lorsque le CS autorise un recours à la force armée. S'il faut déceler des indices qui pourraient indiquer une autorisation, c'est que le CS n'a pas habilité un Etat pour une intervention coercitive. Les Etats en ont clairement conscience et essayent seulement de justifier et légitimer leur action qu'ils savent en illégalité avec le droit international et la Charte. En ce sens, les Etats intervenants au Kosovo ont utilisé ce registre afin de justifier leur intervention militaire. En effet, entre Mars 1998 et Mars 1999, le CS s'est investi du conflit se déroulant au Kosovo en adoptant de nombreuses résolutions dans le cadre du Chapitre VII de la Charte des Nations unies afin d'arrêter les violences à l'encontre des Kosovars albanais. C'est ainsi que certains Etats membres ont essayé de déduire des résolutions 1160252, 1199253 et 1203254, une autorisation implicite du recours à la force. En l'espèce, ces résolutions constataient seulement la menace sur le territoire en question mais elles n'étaient nullement suivi par des mesures coercitives. Comme l'exprime Olivier Corten, la seule référence au Chapitre VII dans une résolution du Conseil ne suffit absolument pas à habiliter les Etats membres à recourir à la force255. De ce fait, il n'est alors pas possible de déduire de l'une des résolutions du CS pour la Serbie, une autorisation implicite de recourir à la force. Cet argument est irrecevable en l'espèce tout comme pour le cas irakien en 2003. George W. Bush, afin de justifier la légalité de son intervention en Irak n'a même pas recouru aux résolutions en l'espèce, il s'est contenté d'énumérer les résolutions 678 et 687256 datant de 1990 et 1991. Ils considèrent ces dernières comme « both still in effect »257 ainsi, les Etats seraient toujours autorisés à intervenir en Irak afin de supprimer les armes de destruction massives. Les Etats-Unis maintiennent cette défense puisque dans un article intitulé 251 Dormoy D., Réflexions à propos de l'autorisation implicite de recourir à la force, dans Les métamorphoses de la sécurité collective, Droit pratique et enjeux stratégiques, pp.223-230 252 Résolution 1160 (1998) du 31 mars 1998 : S/RES/1160. Communiqué de presse à l'adresse : https://www.un.org/press/fr/1998/19980923.cs974.html Consulté le 18/06/2020 253 Résolution 1199 du 23 septembre 1998 : S/RES/1199 Disponible à l'adresse : https://undocs.org/fr/S/RES/1199(1998) consulté le 18/06/2020 254 Résolution 1203 du 24 octobre 1998 : S/RES/1203 Disponible à l'adresse : https://undocs.org/fr/S/RES/1203(1998) Consulté le 18/06/2020 255 Corten O., Dubuisson F., « L'hypothèse d'une règle émergente fondant une intervention militaire sur une `autorisation implicite' du Conseil de sécurité », RGDIP, 2000/4, p. 885 256 Résolutions 678 du 29 novembre 1990 et 687 du 3 avril 1991 op.cit. 257 Discours de George W. Bush sur l'ultimatum du 13 mars 2003 op.cit. 73 Preemption, Iraq and International Law 258 le conseiller juridique du département d'Etat de l'époque William Howard Taft déclare que la résolution 678 (lors de l'invasion du Koweït par l'Irak) exige que l'Irak se conforme pleinement à la résolution 660 et à toutes les autres résolutions ultérieurement. Ainsi, plus de dix ans plus tard, cette résolution serait toujours d'actualité et autoriserait les Etats membres du CS à déployer la force armée afin de leur faire respecter ces résolutions. Ces résolutions ne visaient cependant qu'un but précis à l'époque qui était la libération du Koweït et, une fois cet objectif atteint, l'autorisation cesse d'exister. Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne considèrent également que la résolution 1441, cette fois adoptée pendant la crise irakienne le 8 novembre 2002259, détient une autorisation implicite du CS afin de recourir à la force sur le territoire. Selon l'Attorney General britannique Lord Goldsmith : « L'autorisation de recourir à la force contre l'Irak existe en raison de l'effet combiné des résolutions 678, 687 et 1441. Toutes ces résolutions ont été adoptées sous le Chapitre VII de la Charte des Nations unies qui autorise le recours à la force afin de restaurer la paix et la sécurité internationales »260. Dans cette résolution, le CS ordonne à l'Irak de respecter les obligations en matière de désarmement sous peine de sanction. Il n'existe cependant pas de recours à la force autorisé, ou même de passage ambigu qui pourrait faire douter les Etats des intentions du CS. Il est donc encore une fois impossible de déduire de la résolution 1441 une quelconque autorisation du recours à la force. Le CS détient le monopole de l'autorisation du recours à la force en qualifiant le conflit et en décidant des mesures à prendre en l'espèce. Les arguments invoqués à la fois par certains membres de l'OTAN pour le Kosovo ou par le gouvernement britannique et américain pour le cas de l'Irak ne sont nullement pertinents en droit. Il s'agit uniquement d'une tentative bancale de justification en vu de se rapprocher de la légalité et du système réglementaire de la Charte. En plus de chercher une autorisation implicite au sein des résolutions, certains Etats ont considéré que le silence du CS était un gage de consentement et d'autorisation du recours à la force. Cet argument doit également être rejeté en raison du respect du droit de la Charte et du droit international (Paragraphe II). Paragraphe 2 : L'irrecevabilité de l'argument d'une autorisation implicite du fait du silence du CS Le silence du CS lorsque des Etats violent les règles du droit international et le principe d'interdiction du recours à la force est problématique. Il ne qualifie pas d'illégal des actions qui, objectivement le sont. Pour Philippe Weckel, l'intervention anglo-américaine en Irak aurait dû être qualifiée d'agression mais au lieu de ça est tombé « dans une sorte de zone grise juridique »261. Pour lui, « ces zones correspondent à des ambiguïtés juridiques volontairement créées par les sujets de droit international »262. Il s'agit d'un entre-deux, « une situation est maintenue entre deux eaux dans un état 258 Taft W., Buchwald T., Preemption, Iraq and International Law, A J I L, vol 97-3, 2003 à la page 557. 259 Résolution du CS des NU n°1441 du 8 novembre 2002. S/RES/1441 (2002) Disponible à l'adresse : https://undocs.org/pdf?symbol=fr/S/RES/1441(2002) Consulté le 19/06/2020 260 Lord Goldsmith, Attorney General's Advice On The Iraq War Iraq : Resolution 1441, ICLQ, 2005, vol. 54/3, p. 767-778. Sur une présentation des différentes interprétations : K. M. Messen, « Le droit au recours à la force militaire : une esquisse selon les principes fondamentaux », in Les nouvelles menaces contre la paix et la sécurité internationales, Paris, Pedone, 2004, 297 p., p. 109-128, p. 119. 261 Weckel P., L'usage déraisonnable de la force, RGDIP, Paris, 2003, p.380 262 Weckel P., Interdiction de l'emploi de la force : De quelques aspects de méthodes » p.191 74 intermédiaire parce que les qualifications possibles de cette situation sont considérées comme inadmissibles »263. Serge Sur se demande si le CS ne serait pas voué à l'arbitraire avec des situations dans lesquelles il n'agit pas alors que la sécurité est menacée ou d'autres ou il laisse une résolution de principe inexécutée comme dans les différents conflits remettant en cause Israël264. L'inaction du CS est ainsi plus fréquente que ses débordements. En effet, il a accepté de nombreuses transgressions à ses résolutions comme l'intervention de l'OTAN au Kosovo, l'agression américano-britannique en Irak pour ne citer que les plus « graves ». Il n'a pas cherché à démontrer l'inadmissibilité des arguments employés après coup et à juste accepté l'état de fait. Cette position-là est dangereuse et peut mener à de nombreuses transgressions impunies. Les 5 membres permanents apparaissent ainsi comme décrits au sein de la première partie de la recherche, complètement hors d'atteintes. Ils se justifient avec des arguments juridiques qui n'ont pas de sens ou de pertinence et le CS reste dans le silence. Ainsi, les Etats intervenants tentent le plus souvent de valider l'intervention, de faire passer dans le droit positif des notions comme « zones grises » ou encore « excès de pouvoir dans le recours à la contrainte »265. Encore une fois, ces arguments ne représentent que des tentatives de justification afin d'occulter l'illégalité de leur intervention. Le CS ne devrait pas laisser ses argumentations s'installer durablement dans la pratique. Il doit se replacer en tant que pièce centrale dans le système du recours à la force multilatéral. Tous les arguments sur lesquels les Etats tendent à faire reposer la légalité de l'intervention sur une autorisation implicite sont problématiques. Il en est de même lorsque le CS ne se prononce pas sur une question. Dans le cas de l'intervention irakienne, cet argument a également fait parti de la défense des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne. Le silence du CS se réfère le plus souvent à son incapacité d'intervenir dû à utilisation du veto par ses membres et non par une autorisation implicite. Ces interprétations ne tiennent pas debout et rien dans la pratique aurait pu ressembler à des précédents sur ce sujet. De plus, la Charte est très claire en ce sens puisqu'en son article 53 elle énonce « aucune action coercitive ne sera entreprise en vertu d'accords régionaux ou par des organismes régionaux sans l'autorisation du Conseil de sécurité »266. Certes, il s'agit d'une disposition spécifique pour les organismes régionaux mais il est certain que cela s'applique aussi aux Etats. De plus, la qualification de menace contre la paix et l'utilisation du Chapitre VII de la Charte par le CS ne veut pas forcément indiquer un recours à la force. Le CS dispose d'un arsenal de mesures non-coercitives et qualifier une situation avec l'article 39 de la Charte ne veut en aucun cas signifier une autorisation de recourir à la force. Ainsi, l'autorisation implicite ne représente pas un argument juridique valide afin de légitimer l'unilatéralisme des Etats en cas de recours à la force. En suivant l'ordre des choses, l'autorisation devrait précéder une action et non le contraire. L'approbation implicite post facto a également été invoquée dans le cas kosovar afin de justifier les actions de l'OTAN. Il s'agit d'une pratique dangereuse qui pourrait mener à un anarchisme. C'est pourquoi l'argument de la légalisation à posteriori d'un conflit ne peut 263 Ibid. 264 Sur, S. (2004). Le conseil de sécurité : blocage, renouveau et avenir. Pouvoirs, 109(2), 61-74. doi:10.3917/pouv.109.0061. 265 Weckel P., L'usage déraisonnable de la force, op.cit. P .195 266 Article 53 de la Charte des Nations Unies, disponible à l'adresse : https://www.un.org/fr/sections/un-charter/chapter-viii/index.html#:~:text=Article%2053,coercitives%20prises%20sous%20son %20autorit%C3%A9. Consulté le 19/06/2020 75 être admissible (Section 3). Section 3 : L'inadmissibilité en droit
international de la légalisation à posteriori Le CS lors de certaines opérations interventionnistes a pu féliciter des organismes régionaux dans leur comportement et leur action même si ces derniers ont recouru à la force sans l'autorisation expresse du Conseil. Cette application semble très dangereuse et doit être abrogée afin d'éviter d'autres actions unilatérales sur ce fondement. La pratique de la légalisation ex post facto du CS a émergé lors des conflits au Liberia et en Sierra Leone (Paragraphe I). Cependant, l'OTAN a voulu justifier son intervention au Kosovo par une légalisation à posteriori du CS afin de légitimer leur action unilatérale (Paragraphe II). Si la première pratique semble dangereuse, la seconde n'est pas admissible car aucune légalisation n'a eu lieu lors des résolutions du CS après l'intervention. Paragraphe I- L'émergence de la légalisation ex post facto du CS lors des interventions d'organismes régionaux au Libéria et en Sierra Leone Le terme ex post facto désigne une loi décrétée après un fait mais qui peut s'appliquer de façon rétroactive. En l'espèce, le CS, après l'intervention de l'ECOMOG267 au Liberia (1990) et en Sierra Leone (1991) félicite la CEDEAO268 « des efforts qu'elle fait pour rétablir la paix, la sécurité et la situation au Libéria »269 et vote un « soutien sans réserve aux efforts faits par le Comité de la CEDEAO pour régler la crise en Sierra Leone et l'encourage à continuer de s'employer à restaurer pacifiquement l'ordre constitutionnel... »270. Ainsi, le conseil de sécurité dans les deux cas ne mentionne rien à propos du recours à la force sans son aval et au contraire, inclut ses opérations dans le système de le Charte puisqu'il félicite clairement les actions prises. Pourtant, conformément à l'article 53 de la Charte déjà mentionné, le Conseil aurait dû donner son autorisation préalable, ce qui n'a pas été fait. L'ECOMOG a été créé à l'origine pour répondre au conflit du Liberia et maintenir la paix dans la région. Son but initial étant de faire respecter les cessez-le-feu signés au sein des pays membre de la CEDEAO. Elle devient dès 1999, la force armée de l'organisation et mènent des opérations en son nom. La CEDEAO dès 1990 s'investit dans la résolution du conflit de guerre civile au Liberia. Le 9 août 1990, le Nigeria au nom de la CEDEAO prévient le CS de son intention de conduire une opération militaire au Liberia dans le plus strict principe de neutralité271. L'ECOMOG intervient ainsi au Liberia le 24 août 1990 sans autorisation expresse du CS mais avec l'autorisation de la CEDEAO. Plus tard, le CS considère ces opérations post facto comme étant des opérations de maintien de la paix qui constataient simplement la situation en cours. Le 267 Economic Community of West African States Cease-fire Monitoring 268 Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest 269 Cf les Résolutions 856 (1993) du 9 aout 1993, 866 du 21 septembre 1993, 950 du 21 octobre 1994, 1001 du 30 juin 1995, 1014 du 15 septembre 1995, 1020 du 10 novembre 1995, 1041 du 29 janvier 1996, 1059 du 30 mai 1996, 1071 du 30 aout 1996 270 Cf la Résolution du CS des NU 1132 (1997) S/RES/1132 au paragraphe 3 disponible à l'adresse : https://www.un.org/fr/documents/view_doc.asp?symbol=S/RES/1132(1997) consulté le 19/06/2020 271 Déclaration du 9 aout 1990 adressée au Secrétaire Général par le représentant du Nigéria auprès de l'ONU, S/21485, p.3 76 CS dans sa résolution 788 adoptée le 19 novembre 1992272 approuve ainsi l'opération de cette organisation régionale plus de deux ans après qu'elle soit engagée sans son accord. En agissant de la sorte, il a voulu légitimer l'action de la CEDEAO post facto avec un effet rétroactif. De la même façon la situation en Sierra Leone a été légalisée à posteriori de l'intervention. Dans le cas sierra-léonais, sans être autorisé expressément à recourir à la coercition militaire, la CEDEAO va donner à l'ECOMOG la possibilité « d'user tous les moyens nécessaires »273 pour appliquer les sanctions prises à l'encontre du régime. Cette décision a été prise encore une fois sans autorité quelconque donnée par le CS. Le CS pourtant, lors de sa résolution 1132 déclare soutenir « sans réserve les efforts de la CEDEAO pour régler la crise en Sierra Leone et l'encourage à continuer de s'employer à restaurer pacifiquement l'ordre constitutionnel»274. De plus, le Conseil dans cette résolution autorise clairement post facto la CEDEAO à veiller au bon fonctionnement de l'embargo : « Agissant également en vertu du Chapitre VIII de la Charte des Nations Unies, autorise la CEDEAO, en coopération avec le gouvernement démocratiquement élu de la Sierra Leone, à veiller à la stricte application des dispositions de la présente résolution touchant la fourniture de pétrole, de produits pétroliers, d'armements et de matériel connexe de tous types (...) »275. Ainsi, le Conseil, par cette résolution, autorise de manière rétroactive l'intervention en Sierra Léone par la CEDEAO. Une fois encore il considère l'opération menée par l'ECOMOG comme une opération de maintien de la paix. Il semble bien dangereux d'accepter la possibilité pour une intervention armée, de rentrer dans le champ réglementaire de la Charte à posteriori. La CEDEAO, jusqu'à ce que le CS intervienne, était en situation d'illégalité avec le droit international et quand bien même le CS, au pied du mur, n'avait pas d'autre choix que d'autoriser l'intervention, ce dernier aurait du rappelé la procédure de l'article 53 de la Charte à l'organisme régional. Le CS, admet par ce biais, une autorisation ex post facto pour les interventions d'organismes régionaux et interprète l'article 53 de la Charte de manière très extensive. Le CS apparaît comme souhaitant reprendre en main une situation qui lui échappe, mais en autorisant un tel comportement, il ne fait qu'ouvrir la porte à d'autres transgressions et abus. Comme le démontre Thieraud dans sa thèse, « la validation ex post vise à réaffirmer la prépondérance du CS dans les questions de paix et de sécurité internationales à travers le rattrapage dont il fait ainsi preuve »276. Ce comportement apparaît comme irresponsable venant du CS puisqu'il laisse la porte ouverte à toute sorte d'abus et de justifications sur ce principe. Le CS et la CEDEAO ont ainsi justifié ces habilitations par l'autorisation de l'Etat hôte, et le principe de légitime défense. Cependant, l'OTAN s'est servie de ces précédents afin de justifier de son intervention au Kosovo malgré qu'elle soit dans l'illégalité (Paragraphe II). Paragraphe II- L'inapplicabilité d'une autorisation à postériori dans le cadre de l'intervention au Kosovo et en Irak 272 Résolution du CS des NU du 19 novembre 1992 ; S/RES/788, disponible à l'adresse : https://www.un.org/fr/documents/view_doc.asp?symbol=S/RES/788(1992) consulté le 19/06/2020 273 Cf lettre du représentant nigérien à l'ONU adressée au CS le 8 septembre 1997. S/1997/695. Disponible à l'adresse : https://undocs.org/S/1997/695 consulté le 19/06/2020 274 Résolution 1132 du CS des NU du 8 octobre 1997. S/RES/1132 (1997) 275 Ibid p.3 276 Tiereaud S., Le droit international et la pratique de l'ingérence armée démocratique depuis 1945. Droit. Université Nancy 2, 2009. Français p.326 77 Dans le cas kosovar, il n'apparaît pas que le Conseil de sécurité ait accepté l'intervention militaire de l'OTAN en l'insérant dans le cadre réglementaire de la Charte. En effet, les Etats argumentent une légalisation à posteriori de l'intervention en raison de la résolution 1244 prise par le Conseil de sécurité du 10 juin 1999277. Le CS prend ainsi note des conséquences de l'intervention mais ne dit rien sur sa légalisation. Pour Philippe Weckel278, la résolution en l'espèce ratifie certes la situation issue de la confrontation militaire, mais elle ne valide pas l'emploi de la force par l'OTAN. Le CS ne fait qu'organiser la suite des évènements et ne commente pas réellement sur l'opération. En effet, il n'y a aucune disposition relative à l'OTAN ou à l'opération effectuée. En ce sens, il n'est pas légitime de considérer cela comme une acceptation à posteriori puisque le CS ne faire que constater la situation telle qu'elle est au moment de la résolution. Il ne qualifie pas l'intervention comme illégal, mais ne la légalise pas non plus afin de rentrer dans cette situation de zone grise. Interpréter cela comme une approbation ne serait pas juste légalement puisqu'à aucun moment le CS a expressément approuvé cette intervention. Créer une pratique en ce sens est dangereux puisque cela reviendrait à mettre le CS au pied du mur pour chaque recours unilatéral à la force. La seule règle qui puisse exister et être pérenne en droit international est celle d'une autorisation expresse et en amont d'une intervention et uniquement de la part du CS. Une intervention différente de celle-ci ruinerait l'esprit de la Charte des Nations unies. Il semblerait ainsi que le CS interprète au cas par cas les situations qu'il souhaite autoriser ex post facto. Il semble encore une fois que les arguments en faveur d'une telle légalisation relèvent de l'ordre de la justification. Serge Sur s'interrogeant sur la légalité de l'intervention au Kosovo, résume a écrit « La question n'est pas ici de savoir si le recours à la notion d'intervention d'humanité était en l'occurrence justifié, mais si l'intervention pourrait servir de précédents dans des hypothèses plus convaincantes. (...) Trois arguments se présentent à l'encontre de cette thèse. D'abord, le Pacte Atlantique, pacte de défense collective de ses membres, ne donne pas compétence à l'OTAN pour décider de telles actions. Ensuite, il ne peut être utilisé pour méconnaître la Charte des Nations Unies, qui l'emporte en vertu de ses propres dispositions sur tout autre traité international (...) Pour que l'OTAN dispose de semblables compétences, comme de la possibilité d'intervenir plus largement hors de l'hypothèse de la légitime défense collective, il faudrait que sa charte constitutive soit modifiée, et qu'elle devienne une organisation de sécurité collective - mais alors que le sens et l'intérêt de l'ONU et du Conseil de sécurité seraient remis en cause et gravement altérés »279. Cette analyse est aussi valable pour l'intervention en Irak et ses nombreuses tentatives de justification. Les résolutions 1483 du 22 mai 2003280 et 1511 du 16 octobre 2003281 sont les bases juridiques de cette argumentation et pour certains ces dernières 277 Résolution 1244 du 10 juin 1999. S/RES/1244 (1999) Disponible à l'adresse : http://www.operationspaix.net/DATA/DOCUMENT/2478~v~Resolution_1244 __deploiement_de_pre sences_internationales_civiles_et_de_securite_au_Kosovo_-_S_RES_1244__1999_.pdf consulté le 20/06/2020 278 Weckel P cité par Tiereaud S., Le droit international et la pratique de l'ingérence armée démocratique depuis 1945. Droit. Université Nancy 2, 2009. Français p.325 279 Sur S., Le recours à la force dans l'affaire du Kosovo et le droit international, Notes de l'IFRI, Institut Français de relations internationales, 2001, disponible à l'adresse: http://www.sergesur.com/Le-recours-a-la-force-dans-l.html 280 Résolution 1483 du 22 mai 2003. S/RES/1483 Disponible à l'adresse : https://digitallibrary.un.org/record/495555?ln=fr consulté le 20/06/2020 281 Résolution 1511 du 16 octobre 2003. S/RES/1511 Disponible à l'adresse : procèdent à une légalisation de l'intervention. Pourtant, ces arguments ne semblent pas pertinents car, comme pour le cas kosovar, le CS apparaît comme essayant de reprendre en main la situation en qualifiant uniquement le conflit tel qu'il est au moment de la résolution. L'OTAN et les Etats-Unis utilisent cette pratique flou afin de légitimer leur action et de trouver des justifications au fait qu'ils sont intervenus en dehors du cadre réglementaire de la Charte. En cela, l'intervention en Irak n'a pas été légalisée et apparaît encore comme une action unilatérale, une agression de la souveraineté d'un Etat. 78 https://digitallibrary.un.org/record/504316?ln=fr consulté le 20/06/2020 282 Sur, S. S. (2004). Le Conseil de sécurité : blocage et renouveau. Et maintenant ? - Serge SUR. 79 |
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