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La multiplication de l'usage unilatéral du recours à  la force par les membres de l'O.N.U


par Candice Perier
Université Toulouse 1 Capitole - Master 2ème Année Droit International et Européen 2020
  

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CHAPITRE II

Des arguments juridiques incompatibles avec l'esprit de la Charte et le Droit international

Dans sa thèse sur Le droit international et la pratique de l'ingérence armée démocratique depuis 1945, Sale Tiereaud231 constate qu'après la guerre froide, la communauté internationale et les Etats ont opté pour une interprétation particulière des règles gouvernant l'interdiction du recours à la force. De nombreux arguments légaux ont émergé pour justifier les interventions unilatérales qui apparaissent comme discutables du point de vue du droit positif. La ré-interprétation des règles est aujourd'hui malheureusement devenue une constante dans « la perspective de la recherche d'une sorte de validité normative de comportements juridiquement discutables»232. L'auteur appelle cette tendance la déconstruction, qui intervient sur la validité et la stabilité des structures traditionnelles du droit positif international. La déconstruction force ainsi la règle admise pour lui donner un sens en l'espèce et légitimer un comportement illégal. Cette déconstruction est de plus en plus présente dans l'époque contemporaine en ce que les Etats recourent à la force de manière unilatérale sans se soucier du cadre réglementaire de la Charte. Néanmoins, en essayant de justifier leur comportement par le droit international, ils démontrent tout de même une volonté de légitimer leur action. C'est ce que Serge Sur constatait lors de l'intervention des forces de l'OTAN au Kosovo « Ce que l'on pensait acquis, et confirmé parfois depuis la Charte, a été remis en cause sans être remplacé par une nouvelle interprétation cohérente du droit, ou par une doctrine qui gouvernerait son application »233. Cette remise en cause du droit établi passe par un discours de déconstruction utilisé comme instrument de légalisation des actions unilatérales. Ce discours inclut les arguments tel qu'une intervention « illégale mais légitime » (Section 1), c'est-à-dire la conviction générale d'une majorité distincte de la Communauté qui considère ce recours à la force juste et acceptable. Cette justification admet un facteur subjectif dangereux et une idéologie hégémonique des grandes puissances qui se placent en maîtres du monde. Certains Etats considèrent également que l'acceptation d'un recours à la force peut se trouver dans les résolutions du CS et dans des autorisations implicites de ce dernier. Seulement, la théorie de l'autorisation implicite n'a pas de fondement légale et apparaît comme un alibi dangereux pour recourir à la force (Section 2). Enfin, les Etats afin de légitimer leur action ont également fait émerger la théorie de l'autorisation à posteriori des actions coercitives. Cet argumentaire, en plus d'être dangereux juridiquement car il pourrait mener à anarchie, est inadmissible aussi bien

231 Tiereaud S., Le droit international et la pratique de l'ingérence armée démocratique depuis 1945. Droit. Université Nancy 2, 2009. Français

232 Ibid. p.343

233 Sur S., L'affaire du Kosovo et le droit international : points et contrepoints, AFDI, XLV, Paris, 1999, p.286

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dans la Charte qu'en droit international (Section 3). Le but de ce chapitre est de prouver que les arguments juridiques employés ne doivent pas devenir pratique courante car ils vont à l'encontre de l'esprit de la Charte et du droit international. En refusant d'admettre de telles justifications et en les déclarant illégales, l'ONU se replacerait au centre du processus de sécurité collective et permettrait une stabilité et sécurité juridique certaine.

Section 1: La conception hégémonique de l'argumentaire « illégal mais légitime »
lors d'une action coercitive

Comme le fait remarquer Rousseau, en principe, on présuppose que la légalité et la légitimité coïncident, c'est-à-dire que le droit positif est juste, en pratique cependant c'est loin d'être toujours le cas.234 Antigone qui désobéit à la loi de Créon en donnant une sépulture à son frère enfreint le droit au nom de la justice et admet qu'elle a agi de façon illégale mais légitime235. Au sein de la communauté internationale, de nombreux Etats utilisent cet argument et considèrent que si une majorité distincte adhère à l'intervention alors, cette dernière peut être considérée comme légale. Seulement, ce discours de légitimation avec la mise à l'écart de l'argument légal au profit de l'idée de légitimité apparaît comme dangereux dans ses répercussions (Paragraphe I). De plus, le seul organe habilité à considérer une action comme légitime est le CS, lorsque les Etats interviennent unilatéralement et utilisent des arguments de la sorte, ils se placent en position de dictateurs afin de décider du caractère légitime d'une intervention (Paragraphe II). Ils ne voient ainsi les possibilités qu'à travers un prisme hégémonique.

Paragraphe I- la mise à l'écart de l'argument légal au profit de l'idée de légitimité lors d'une intervention armée

Il est considéré comme « légal » ce qui est conforme au droit positif, et comme « légitime » ce qui est en accord avec la justice en tant que norme du droit. La justice comme norme du droit est un ensemble de valeurs fondamentales auxquelles toute législation est supposée se conformer en principe236. Quand les blocages institutionnels du CS apparaissent et que le légitime et le légal ne peuvent plus se superposer, à quel moment est il justement légitime de faire primer ce qu'on doit faire avec ce qui est légal de faire ?

Cette question se rapproche énormément du concept d'intervention humanitaire et celui de la responsabilité de protéger dépeints au sein du Chapitre précédent. En droit international, est défini comme légitime par les Etats « la conviction générale d'une

234 Rousseau J-J., Discours sur l'économie politique, in OEuvres Complètes, t. III (Bibliothèque de la Pléiade), Paris, 1964, p. 249. Rousseau déclare également ; « la première des lois est de respecter les lois »

235 Antigone , tragédie de Jean Anouilh (1944), résumé disponible à l'adresse : A. Antigone (Anouilh) : Résumé | Superprof. Consulté 18 juin 2020, à l'adresse https://www.superprof.fr/ressources/langues/francais/autres-niveaux-fr1/tout-niveau-fr1/antigone-anouilh.html

236 Auroux S., Weil Y., Nouveau vocabulaire des études philosophiques. Hachette. Et André Lalande, Vocabulaire technique et critique de la philosophie. P.U.F. Cité par Longeart, M. L. (2020). Légal /

Légitime. Consulté 1 8 juin 2 0 2 0 , à l ' a d r e s s e http://www.ac-
grenoble.fr/PhiloSophie/logphil/reperes/legal.htm

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majorité distincte de la communauté internationale que le recours à la force est juste et acceptable »237. Les Etats se servent de cette légitimité afin de faire adhérer les autres acteurs de la scène internationale à leur action. En se justifiant sur le fondement de valeurs émotionnelles et morales, les Etats placent le droit au même niveau que la nécessité. La justification de la légitimité n'est pas nouvelle puisqu'elle renvoie à l'optique de « guerre juste » de la période antique jusqu'au XIXe siècle définie en introduction.

Cependant, en dépit des critiques, cette argumentation peut être tirée du préambule de la Charte des Nations unies ou les peuples proclament leur foi « dans les droits fondamentaux de l'homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine »238, l'article 55c de la Charte déjà mentionnée déclare que le respect des droits de l'Homme doit être universel et effectif. Un Etat interventionniste comme la France239 va dès qu'elle le peut dans ses interventions, chercher l'approbation du CS comme le droit international l'exige. En revanche, lorsqu'elle ne peut s'appuyer sur les dispositions de la Charte pour fonder son intervention coercitive, le recours à la légitimité pour conforter l'illégalité de l'attaque est constant. Ainsi, l'argument du légitime n'est pas utilisé à bon escient. Bien sûr, les Etats devraient intervenir avec l'aval du CS lorsqu'il s'agit d'une nécessité mais dans les cas des Etats interventionnistes, ils utilisent cette nécessité comme objet de légitimation de leur illégalité. La France, dans sa lutte contre le terrorisme international, décide de manière discrétionnaire de recourir à la force ou non en dépit du cadre réglementaire de l'ONU. En effet, la légitimité de la lutte antiterroriste est encore plus renforcée par le fait que celle-ci dispose également d'un volet humanitaire. Intervenir afin de repousser les groupes terroristes permet aussi de sauvegarder les droits de l'Homme des citoyens. Ainsi, en Irak et en Syrie, sont dénoncés des actes d'atrocités avec par exemple des destructions culturelles massives dénoncées telles que les manuscrits du Centre Ahmed-Baba240, les mausolées de Tombouctou en 2012241 ou les livres dans les sites de Hatra242 et de Nimrud243 en Irak en

237 Ortega M., L'intervention militaire et l'Union Européenne, Cahier de Chaillot 45, Paris, mars 2001, p.17 cité par Tiereaud S., Le droit international et la pratique de l'ingérence armée démocratique depuis 1945. Droit. Université Nancy 2, 2009. Français p.357

238 Préambule de la Charte des Nations unies à l'adresse : https://www.un.org/fr/sections/un-charter/preamble/index.html consulté le 18/06/2020

239 La France est en effet une puissance interventionniste, elle est intervenue ces dernières années en Côte d'Ivoire avec l'opération Licorne (2011), en Libye (Opération Harmattan), en 2013 au Mali (Opération Serval) et en 2014 en Centrafrique (Opération Sangaris) et en Irak (Opération Chammal). Cité par L. Balmond, « La pratique récente de l'emploi de la force par la France : entre légalité et légitimité », paru dans PSEI, Numéro 1, La pratique récente de l'emploi de la force par la France : entre légalité et légitimité, mis en ligne le 10 juillet 2015, URL : http://revel.unice.fr/psei/index.html? id=89 .

240 Libération. (2013, 30 janvier). « Plus de 90% » des manuscrits de Tombouctou auraient été sauvés. Consulté 18 juin 2020, à l'adresse https://www.liberation.fr/planete/2013/01/30/plus-de-90-des-manuscrits-de-tombouctou-auraient-ete-sauves_877914

241 France Culture. (2019, 12 juillet). Les mausolées de Tombouctou : constructions et déconstruction. Consulté 18 juin 2020, à l'adresse https://www.franceculture.fr/architecture/les-mausolees-de-tombouctou-constructions-et-deconstruction

242 Le Journal des Arts. (2020, 19 mars). Le site d'Hatra en Irak classé patrimoine en péril par l'Unesco - 2 juillet 2015 - lejournaldesarts.fr. Consulté 18 juin 2020, à l'adresse https://www.lejournaldesarts.fr/patrimoine/le-site-dhatra-en-irak-classe-patrimoine-en-peril-par-lunesco-126135

243 Sciences et Avenir. (2016, 18 novembre). Nimroud : la stratégie du nettoyage culturel. Consulté 18 juin 2020, à l'adresse https://www.sciencesetavenir.fr/archeo-paleo/archeologie/la-destruction-du-site-archeologique-de-nimroud-en-irak_108253

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2015. La lutte contre les groupes terroristes apparaît également comme ayant un consensus universel, comme un ennemi commun à abattre et en raison de cela, les Etats interviennent unilatéralement et militairement à la moindre suspicion de menaces terroristes. D'un point de vue juridique, ces nombreux bombardements ou autres interventions ne sont pas légales car elles se déroulent en dehors du cadre admis par l'ONU et la Charte des Nations unies. Il s'agit cependant d'un argument qu'il est difficile de contester au point de vue de la morale. Ce qui est contraire à l'esprit de la Charte est d'utiliser l'argument du légitime afin de justifier une action qui n'avait pas à la base été entamée pour des intérêts solidaires. Il est difficile de trouver une frontière entre des argumentations authentiques et des argumentations du registre de la justification.

Le droit est ainsi utilisé face au légitime car ce dernier est trop controversé, subjectif et à la solde des grandes puissances (Paragraphe II).

Paragraphe II- Les puissances occidentales, dictateurs des interventions légitimes

La légitimité fait appel à des valeurs démocratiques, des valeurs partagés par le plus grand nombre. Cependant, le plus grand nombre représente t-il la norme ? En faisant appel à l'argumentation du légitime, les Etats portent un jugement de valeur sur l'orientation des régimes politiques de certains Etats. Ils hiérarchisent et mettent sur un piédestal la démocratie comme seule forme possible de gouvernance. Comme expliquait Rougier en 1910 : « Toutes les fois qu'une puissance interviendra au nom de l'humanité, elle ne fera qu'opposer sa conception du juste et du bien social à la conception de cette dernière en la sanctionnant au besoin par la force »244. En faisant appel au registre du légitime, cela établit un rapport de force jugé favorable certes par une majorité mais défavorable pour le reste. Ce qui est perçu comme une conduite licite par les uns est qualifié de violation du droit par les autres et comme Hagen Rooke le remarque dans sa thèse, ce que les uns « considèrent comme une contre-mesure visant à restaurer la règle de droit, les autres la qualifie de mesure illicite et déstabilisatrice de l'ordre juridique »245.

Le discours de légitimation, employé le plus souvent par les membres permanents du CS, afin de justifier de leur recours unilatéral à la force apparaît comme ethno-centré. Par une intervention légitime, ils imposent leur vision de la morale, de ce qui est juste au sein des pays en conflit. À ce sujet, l'article de Mansfield et Snyder Democratization in War246 est éloquent. Les auteurs relativisent ainsi le postulat selon lequel la démocratie favoriserait une situation de paix. Il s'agit pourtant d'un principe universel et très consensuel mais les deux professeurs de Columbia considèrent que faire la promotion du modèle démocratique démontre une attitude impérialiste des Etats occidentaux et de l'ONU. Pour eux, la violence et la guerre sont inextricablement liées à l'émergence d'un régime démocratique. Dans leur développement, les auteurs constatent que les Etats en voie de démocratisation ont plus de probabilités d'entrer en guerre que les Etats ne connaissant aucun changement de régime. Selon eux, les probabilités s'expliquent par un sentiment plus poussé de nationalisme. Ils nuancent néanmoins leur

244 Rougier, Les guerres civiles et le droit des gens, Paris, 1910

245 Rooke Hagen, L'autoprotection et le droit de l'OMC. Réflexions sur les implications juridiques des comportements unilatéraux des membres de l'Organisation mondiale du commerce. (2007). Thèse pour obtenir le grade de docteur de l'Université Paris I Panthéon-Sorbonne. Droit international public. Editions universitaires européennes. p.665

246 Mansfield E., Snyder J., Democratization in War, Foreign Affairs, vol.74, n°3, Mai-Juin 1995, pp. 79-97

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propos en expliquant que la démocratisation des Etats ne mène pas automatiquement à la guerre mais que cela favorise leur propagation. Il est aujourd'hui évident que l'interventionnisme américain de 2003 en Irak a fortement affaibli le pouvoir central en place et a créé une totale autonomie dans certaines parties du territoire aux populations locales. Cette intervention a été justifiée par les Etats-Unis par la défense de la démocratie et la doctrine Bush. Le document de la Maison Blanche intitulé The National Security Strategy of the United States of America mentionne que les Etats-Unis « défendent la paix en combattant les terroristes et les tyrans »247. Ces actions ont créé un véritable vivier pour le développement de l'Etat islamique qui a pu s'emparer des ressources naturelles de ces zones et y imposer son autorité comme le démontre l'article du professeur Rey248.

Ainsi, « sauver les pauvres kosovars qui se font exterminer ou encore les malheureux irakiens qui subissent le régime sanguinaire de Saddam Hussein, apporter la vraie démocratie dans ces Etats, sont autant d'arguments qui relèvent du registre de légitimité »249. Cet argument met en oeuvre « des phénomènes de mobilisation psychique relevant du registre de l'emphase et du pathétique »250. La notion d'intervention « illégale mais légitime » apparaît ainsi comme ethno-centrée, hégémonique, subjective et surtout allant à l'encontre de la Charte des Nations unies et du cadre règlementaire de l'ONU relatif au recours à la force. La légitimité ne s'acquiert que par l'autorisation du Conseil de sécurité et elle va de pair en ce sens avec la légalité. Laisser la liberté aux Etats de définir ce qui est légitime de manière unilatérale est très dangereux pour la stabilité du droit international et la pérennité de la paix. Ainsi, le discours de la légitimité ne doit pas être une coutume et le CS devrait en ce sens interdire de tels arguments afin de justifier des interventions unilatérales. Il en est de même pour la théorie de l'autorisation implicite énoncée par certains Etats. Cette théorie ne dispose d'aucun fondement juridique légal et est utilisée dans l'unique but de rapprocher les actions des Etats avec le droit international (Section 2).

Section 2 : L'absence de fondement légal pour la théorie de l'autorisation implicite du recours à la force

Cet argument a été employé notamment afin de légitimer l'intervention du Kosovo et l'intervention en Irak. Comme il est indiqué au sein de la première partie du devoir, l'autorisation implicite du recours à la force n'a aucun fondement juridique légal ce qui constitue en soit le motif principal de l'impertinence de cet argument. Les Etats au vu de certaines résolutions du CS, argumentent une autorisation implicite du recours à la force (Paragraphe I). Cet argument est bien sûr irrecevable car le CS ne peut donner que des autorisations expresses. Dans certains cas cependant, en raison des zones grises de la Charte et du silence du Conseil, les Etats justifient leur action coercitive par ce biais-là (Paragraphe II).

247 The National Security Strategy of the United States of America, 17 septembre 2002, op.cit.

248 Rey M., Aux origines de l'Etat islamique, La vie des idées, 17 mars 2015, p.8

249 Tiereaud S., Le droit international et la pratique de l'ingérence armée démocratique depuis 1945. Droit. Université Nancy 2, 2009. Français p.359

250 Rabault H., Etat et globalisation : vers une cosmopolitique ?, Revue internationale de théorie du droit et de sociologie juridique, Droit et Société, LGDJ, Paris, 59/2005, p.200

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984