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La multiplication de l'usage unilatéral du recours à  la force par les membres de l'O.N.U


par Candice Perier
Université Toulouse 1 Capitole - Master 2ème Année Droit International et Européen 2020
  

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Section 3 : L'échec flagrant dans l'application du principe de la responsabilité de

protéger

L'intensité des débats entourant l'intervention de l'OTAN au Kosovo et les controverses qu'elle a suscitées sur la scène internationale ont donné naissance à la Commission internationale de l'intervention et de la souveraineté des Etats (CIISE) suite à une proposition du Canada. Ses réflexions ont fait émerger un nouveau concept « la responsabilité de protéger » en réalité très semblable à celui de l'intervention humanitaire (Paragraphe I), bien qu'il se définisse comme plus éthique. L'application de ce principe a encore une fois mené à de nombreux abus notamment avec les interventions incontrôlées en Libye et en Côte d'Ivoire avec des Etats intervenants qui ont largement outrepassé les limites de leur mandat. En cela, la mise en oeuvre du principe de protéger s'avère répréhensible (Paragraphe II).

parlement-britannique-debat-d-une-possible-intervention-en-syrie_3468570_3214.html

214 Résolution du CS des NU du 27 septembre 2013 n°2118, pour plus d'informations : https://www.un.org/press/fr/2013/CS11135.doc.htm#:~:text=Les%20Ministres%20am%C3%A9ricain %2C%20britannique%20et,s'est%2Dil%20exclam%C3%A9. Consulté le 17/06/2020

215 F. (2018, 14 avril). Syrie : ce que l'on sait de l'opération militaire menée par les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni. Consulté 17 juin 2020, à l'adresse https://www.francetvinfo.fr/monde/revolte-en-syrie/syrie-ce-que-l-on-sait-de-l-operation-militaire-des-etats-unis-de-la-france-et-du-royaume-uni_2705570.html

216 Christian Nadeau ira jusqu'à dénoncer l'ingérence humanitaire comme un concept « impérialiste, puisqu'elle remet en cause la souveraineté des Etats ». Nadeau C., Ingérence humanitaire et jus post bellum, Aspects, 2008, N°2, p.55

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Paragraphe I- Un nouveau concept semblable à celui d'intervention humanitaire

La Commission internationale de l'intervention et de la souveraineté des Etats (CIISE) susmentionnée avait comme tâches de réfléchir sur le concept de l'intervention humanitaire et surtout, de le réconcilier avec les dispositions de la Charte relatives au recours à la force. Ses travaux ont abouti à l'adoption d'un rapport intitulé « La responsabilité de protéger »217. Dans ce rapport, la Commission déclare que « L'intervention humanitaire a toujours suscité des controverses, que ce soit par sa présence ou par son absence. Les événements de 1994 au Rwanda ont exposé au grand jour toutes les horreurs auxquelles peut conduire l'inaction »218. Elle poursuit en considérant que « les termes des débats passés opposant partisans et adversaires d'un droit d'intervention par un État sur le territoire d'un autre sont dépassés et de peu d'utilité. Nous préférons parler non pas d'un droit d'intervention, mais plutôt d'une responsabilité de protéger »219. En changeant la terminologie, la Commission espère centrer le débat moral et juridique non plus sur la notion d'intervention mais plutôt de protection. Ainsi, les débats seront toujours les mêmes et resteront controversés car subjectifs seulement, ils seront centrés sur la responsabilité de protéger. Même si les objectifs sont louables, il semble que le problème ne soit pas dans la terminologie de la notion (quoi que le terme d'intervention renvoyait trop à un principe d'ingérence), mais à ce que les Etats en font dans la pratique. En cela et afin de palier à ces abus, il faut que le CS exerce un réel pouvoir de contrôle dans les missions qui sont délégués aux Etats et que ces dernières soient clairement définies en des termes précis, de manière positive (obligation de faire quelque chose...) et négative (interdiction de prendre part au conflit civil et politique d'un Etat).

La Commission ne manque pas cependant de rappeler le rôle majeur que détient le Conseil de sécurité puisqu'il doit se présenter comme l'initiateur de l'autorisation d'un recours à la force car ce dernier détient « une autorité universelle acceptée pour valider ces opérations 220». Toutefois, dans les cas où le Conseil ne « peut pas ou ne veut pas assumer le rôle qu'il était censé jouer, on peut difficilement écarter complètement toute possibilité de recours à d'autres moyens d'assurer la responsabilité de protéger lorsqu'il rejette expressément une proposition d'intervention alors que des questions humanitaires et de droits de l'Homme se posent très clairement, ou qu'il ne donne pas suite à cette proposition dans un délai raisonnable »221. Dans ce cas-là, l'une des solutions proposées par la Commission est de déléguer à une organisation régionale ou sous-régionale le soin de mener l'action collective. Cette proposition est risquée car elle inclut d'autre organismes que l'ONU afin de gérer les actions coercitives et de plus, cela arriverait en dehors du cadre de la Charte de l'ONU censée être le cadre réglementaire en la matière. Le but principal de cette Commission étant de concilier une intervention pour but humanitaire avec les dispositions de la Charte et en cela, elle a échoué car les blocages du CS avec le droit de veto des membres permanents ne peuvent être contournés sans

217 Commission internationale de l'intervention et de la souveraineté des Etats, « La responsabilité de protéger », Centre de recherches pour le développement international, Ottawa, décembre 2001. Disponible à l'adresse : https://diplomatie.belgium.be/sites/default/files/downloads/rapport%20intern %20comm%20inzake%20interv%20en%20soev%20staat%20over%20beschermingsver_fr.pdf Consulté le 17/06/2020

218 Ibid p.10

219 Ibid p.12

220 Ibid p.53

221 Ibid p.57

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sortir de ce cadre. Toutefois, la proposition faite par la Commission aux membres permanents du CS de ne pas exercer leur droit de veto lorsque leurs intérêts ne sont pas en jeu est intéressante. Il serait cependant très compliqué d'établir des bases juridiques dans ce sens-là puisque comment jaugerait-on de ce qui représente un intérêt étatique digne ou non de représenter un réel intérêt. La seule solution afin qu'une telle responsabilité de protéger soit utilisée de manière légale par le CS serait de soumettre les membres permanents à un vote à la majorité avec interdiction de veto puisque ces décisions représenteraient un droit supérieur dans un but d'intérêt général mais les Etats occidentaux ne sont pas prêts d'accepter de perdre leur pouvoir si aisément. La Commission précise enfin qu'en aucun cas, un Etat ne peut unilatéralement sous couvert « humanitaire » intervenir unilatéralement sur le territoire d'un autre Etat et aucune intervention militaire ne peut être le fait unilatéral d'un Etat sans être considérée comme un crime d'agression. En effet, seule l'ONU a la responsabilité de défendre les objectifs fondamentaux prévus par la Charte.

Le 16 septembre 2005, dans sa résolution A/RES/60/1222, l'AG consacre la notion de responsabilité de protéger, concept qui est censé mettre un terme à la controverse sur la notion d'intervention humanitaire. Ainsi, il appartient à chaque Etat de faire respecter les droits de l'Homme sur son territoire, mais, en cas de défaillance, la communauté internationale peut intervenir et se substituer à lui pour agir sous le couvert de l'autorisation du CS. Cette résolution a été en grande partie saluée et présentée comme une avancée en droit international public. Pourtant, le bilan de sa mise en oeuvre reste extrêmement mitigé comme l'intervention en Côte d'Ivoire ou en Libye le prouve (Paragraphe II).

Paragraphe II- Une mise en oeuvre répréhensible du principe de la responsabilité de protéger

Afin de démontrer l'application abusive de ce concept de la part des Etats, deux crises seront évoquées, La Libye et la Côte d'Ivoire. Dans les deux cas, le CS a autorisé les Etats à recourir à la force dans le but de protéger les populations civiles et à chaque fois, les Etats ont outrepassé leur mandat et pris part aux conflits internes à l'encontre du gouvernement en place.

La première est l'intervention incontrôlée de Libye en 2011. En février 2011, en écho à la révision tunisienne et au printemps arabe, le soulèvement débute à l'est de la Libye. Cette protestation fut immédiatement réprimée par les autorités du régime de Kadhafi. Selon Human Rights Watch, 173 manifestants ont été tués en seulement quatre jours d'affrontements223. Dès la fin février, les insurgés reçoivent le soutien des puissances occidentales notamment celui de la France qui leur livre ensuite d'importantes quantités d'armes pendant la guerre civile224. Le 26 février, le CS s'empare de la question et dénonce les violations flagrantes et systématiques des droits de

222 Résolution adoptée par l'Assemblée Générale le 16 septembre 2005 Disponible à l'adresse : https://undocs.org/fr/a/res/60/1 Consulté le 17/06/2020

223 Point.Fr, L. (2011, 20 février). Une foule énorme enterre les manifestants tués à Benghazi. Consulté 17 juin 2020, à l'adresse https://www.lepoint.fr/monde/une-foule-enorme-enterre-les-manifestants-tues-a-benghazi-20-02-2011-1297503_24.php

224 Afp, L. M. A. (2011, 29 juin). La France aurait livré des armes aux rebelles libyens. Consulté 17 juin 2020, à l'adresse https://www.lemonde.fr/libye/article/2011/06/29/la-france-aurait-livre-des-armes-aux-rebelles-libyens_1542584_1496980.html

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l'Homme225. Il adopte à l'unanimité la résolution 1970226 dans laquelle il rappelle que les autorités libyennes ont la responsabilité de protéger leur peuple. Cela n'arrange rien à la situation qui se dégrade de jour en jour, comme le démontre la seconde résolution du CS adopté moins d'un mois après la première dans laquelle il déplore que les autorités libyennes ne respectent pas la précédente résolution227. Lors de cette résolution Alain Juppé, alors ministre des Affaires étrangères s'exprime afin de convaincre le CS de voter une résolution franco-britannico-libanaise permettant le recours à la force afin d'assurer une zone d'exclusion aérienne et de protéger les populations civiles. Cette résolution est adoptée sous le Chapitre VII de la Charte et autorise les Etats membres à « prendre toutes les mesures nécessaires (...) pour protéger les populations et zones civiles menacées »228. Cette résolution marque le baptême de feu de la responsabilité de protéger avec une volonté du CS d'entreprendre une action collective rapide et décisive.

Cependant certains Etats intervenants ont interprété « la protection des populations et zones civiles » comme couvrant des actions visant à faire tomber le régime de Kadhafi et à apporter un soutien aux forces rebelles opposées au régime. En agissant de la sorte, ils ont ainsi outrepassé leur mandat et pris part aux affaires internes d'un Etat souverain ce qui est illégal dans le droit international.

De la même manière, l'intervention en Côte d'Ivoire a été interprétée de façon extensive. L'instabilité de la Côte d'Ivoire remonte aux années 2000 suite à la tentative de coup d'état transformée en rébellion armée en 2002. Le président de l'époque Laurent Gbagbo demande alors de l'aide à la communauté internationale et notamment l'ONU afin de rétablir la paix au sein de l'Etat. Selon le rapport de 2003 sur l'urgence de la situation des droits de l'Homme en Côte d'Ivoire « Tous les Ivoiriens se tournent vers l'ONU dont ils attendent qu'elle joue un rôle central dans le processus de paix »229 . C'est ainsi que l'ONU va être présente sur le terrain, dans un premier temps afin de rétablir la paix puis ensuite de manière à superviser les élections présidentielles et parlementaires de l'Etat. À la suite du second tour le 28 novembre 2010, les deux candidats s'accusent mutuellement d'intimidations envers certains électeurs et revendiquent la victoire. D'un côté Laurent Gbagbo, président sortant et en poste depuis 10 ans et de l'autre, Alassane Ouattara, 1er ministre de la Côte d'Ivoire de 1990 à 1993. La victoire de ce dernier est officiellement reconnue par la Commission électorale indépendante mise en place pour l'occasion et également par la Communauté internationale. Le Conseil constitutionnel du pays, le 5 décembre 2010, déclare néanmoins Laurent Gbagbo vainqueur et est investi par la suite. Un conflit armé débute alors avec d'un côté les Forces Nouvelles pro-Ouattara contre les troupes loyales à Gbagbo. C'est dans ce climat de tension que le CS des NU adopte la résolution 1975 du 30 mars 2011230 afin d'alerter sur les violations du droit international humanitaire en raison de la violence contre les populations civiles. Cette résolution autorise notamment l'ONUCI à recourir à la force afin de restaurer la paix et de protéger la population. Ainsi, le 4 avril 2011 l'ONUCI entame une opération

225 Résolution S/RES/1970 (2011) du 26 février 2011 Conseil de sécurité des NU disponible à l'adresse : https://www.un.org/securitycouncil/fr/s/res/1970-%282011%29 consulté le 17/06/2020

226 Ibid.

227 Résolution du CS de l'ONU S/RES/1973 (2011) du 17 mars 2011, résumé à l'adresse : https://www.un.org/press/fr/2011/CS10200.doc.htm consulté le 17/06/2020

228 Ibid paragraphe 4.

229 Rapport d'une mission d'urgence de l'ONU sur la situation des droits de l'homme en Côte d'Ivoire, (S/2003/90) du 24 janvier 2003, pp 27-28

230 Résolution 1975 du CS des NU du 30 mars 2011 résumé à l'adresse : https://www.un.org/press/fr/2011/CS10215.doc.htm consulté le 17/06/2020

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militaire qui conduit à l'arrestation le 11 avril de l'ex président Laurent Gbagbo par les forces pro-Ouattara, les forces militaires françaises et l'ONUCI. Le mandat a ainsi encore une fois été clairement outrepassé, prendre part aux combats armés afin de procéder à l'arrestation de l'ex président ivoirien ne figuraient pas dans les missions confiées à l'ONUCI ou aux troupes françaises.

Ainsi, la responsabilité de protéger s'est avérée être le même problème que son prédécesseur, l'intervention humanitaire. Les Etats sur place lors du conflit ne respectent pas les missions confiées par le CS et abusent de ce droit. La responsabilité de protéger devrait se cantonner à la protection et non à intervenir pour le camp que les Etats estiment légitime. En cela, le principe porté par le CS a été dénaturé par la pratique étatique. Afin de justifier leur action unilatérale, les Etats interprètent les notions du système de sécurité collective de la Charte tels que la légitime défense, l'intervention humanitaire et plus récemment la responsabilité de protéger. Comme justification juridique, les Etats utilisent l'argument de la légitimité de l'action, d'une autorisation implicite présente dans les résolutions ou encore d'une légalisation à postériori. Ces argumentaires ne correspondent pas à l'esprit de la Charte telle qu'elle fut créée (Chapitre II). Il n'est pas non plus souhaitable qu'elles engendrent une pratique coutumière en raison de leur logique dangereuse.

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"Ceux qui rĂªvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rĂªvent de nuit"   Edgar Allan Poe