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La multiplication de l'usage unilatéral du recours à  la force par les membres de l'O.N.U


par Candice Perier
Université Toulouse 1 Capitole - Master 2ème Année Droit International et Européen 2020
  

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Paragraphe II : La théorie illicite d'une légitime défense préventive ou préemptive

La légitime défense préventive trouve ses fondements dans les résolutions 1368 (2001)180 et 1373 (2001)181 qui ont consacré tout acte de terrorisme international comme une menace à la paix et à la sécurité internationales et aussi réaffirmé le droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective des Etats. Pour les défenseurs de cette théorie, en demandant aux Etats de collaborer d'urgence pour prévenir et réprimer les actes de terrorisme, et ce, par tous les moyens, le CS a autorisé indirectement les Etats à faire usage de la force, même en cas de suspicion de menace. Dans cette optique, les Etats auraient un devoir moral d'intervenir de manière coercitive afin d'empêcher une attaque terroriste, ce qui resterait dans le cadre de la Charte des Nations unies puisque supposément admis par le CS.

En droit international, il existe deux types de défenses principales avant le déclenchement d'un conflit : la défense préventive et celle préemptive. Le qualificatif « préemptif » a rarement été employé par un Etat car il s'agit d'attaquer en premier un Etat qui se prépare à la guerre. En cela, l'action préemptive est déclenchée lorsque la perspective d'une attaque est imminente. En revanche, le qualificatif « préventif » a lui connu une action plus récurrente puisqu'il s'agit d'une attaque initiée avec la croyance qu'un conflit futur est inévitable quoique non-imminent. Ainsi, comme le résume Monsieur Alassani dans sa thèse : « une défense préventive se distinguerait de celle préemptive, par le fait que la préventive est lancée pour détruire une menace naissante et potentiellement incertaine, alors que la préemptive est lancée en prévision d'une

177 Ago R., Intervention au cours de la 1619ème séance de la C.D.I, 1980, à la page 174.

178 Détroit de Corfou, op.cit p.35, Nicaragua c/ Etats-Unis, op.cit, p.127, Licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires, op.cit p.246.

179 Rapport CDI commentaire de l'article 50, Doc A/56/10 aout 2001 Commentaire de la Commission du droit international sur le projet d'articles sur la responsabilité de l'Etat pour fait internationalement illicite : « pour pouvoir être admises en tant que circonstances excluant l'illicéité, les contres mesures ne doivent pas impliquer l'emploi de la force ».

180 Résolution 1368 du CS des NU du 12 septembre 2001 op.cit

181 Résolution 1373 du CS des NU du 28 septembre 2001. S/RES/1373 (2001) disponible à l'adresse : https://www.un.org/securitycouncil/fr/content/resolutions-adopted-security-council-2001 consulté le 16/06/2020

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agression immédiate »182. Pour autant, comme l'écrit Stephen Van Evera, le choix se fait entre « la guerre maintenant » ou « la guerre plus tard »183. Et quoi qu'il en soit, une action qu'elle soit préventive ou préemptive est toujours un recours à la force qui rompt la paix et donc illégale en droit international.

Après le 11 septembre 2001, les Etats-Unis se sont lancés dans une guerre contre le terrorisme, une guerre menée de façon préventive selon la célèbre formule de Machiavel : « Vous ne voulez pas être subjugué ? Alors, subjuguez rapidement votre voisin, tant que sa faiblesse vous en donne l'occasion »184. Le 20 mars 2003, une coalition de 49 Etats, menée par les Etats-Unis et le Royaume-Uni, est intervenue militairement en Irak afin d'attaquer avant d'être attaquée et d'arrêter les « Etats voyous »185 qui forment « l'axe du mal »186. Le président des Etats-Unis, George W. Bush, lors de son discours à l'AG du 23 septembre 2003 a d'ailleurs déclaré que « The deadly combination of outlaw regimes and terror networks and weapons of mass murder is a peril that cannot be ignored or wished away. If such a danger is allowed to fully materialize, all words, all protests, will come too late. Nations of the world must have the wisdom and the will to stop grave threats before they arrive »187. En cela, il justifie la légitimité d'une attaque sur une autre entité étatique et donc la transgression du recours à la force avec la théorie de la légitime défense préventive. Cependant, l'état du droit positif en ce sens est clair, l'article 51 de la Charte nécessite une agression armée afin d'enclencher le processus de légitime défense d'un Etat.

Pourtant, les Etats-Unis se consacrent le droit de recourir à la force contre tous ceux qui représentent ou pourrait représenter une menace pour leur sécurité sans même l'accord du CS. Afin de justifier cette théorie, les Etats-Unis ont invoqué plusieurs arguments notamment celui du droit coutumier antérieur à la Charte qui consacrerait ce droit de légitime défense préventive. On trouve les fondements de cette argumentation au sein du document intitulé The National Security Strategy of the United States of America publié par la Maison Blanche le 17 septembre 2002188 : « For centuries, international law recognized that nations need not suffer an attack before they cal lawfully take action to defend themselves against forces that present an imminent danger of attack »189. Les partisans de cette doctrine considèrent que les affaires de la

182 Alassani Z., L'évolution du droit de recourir à la force : vers une reconnaissance de l'autorisation implicite. op.cit p.370.

183 Van Evera S., Causes of war- Power and the roots of conlict, Ithaca, Cornell University Press, 1999. Dan Reiter, Exploding the powder keg myth- Preemptive war almost never happen, International Security, Vol. 20, n°2, Fall 1995, p.40

184 Cité par Van Evera S, ibid.

185 Allocation du Président Bush de West Point du 1er Juin 2002. Cette allocution insiste sur les nouveaux dangers et défis de la Communauté internationale après la fin de la guerre froide, ses dangers sont véhiculés par les « rogue states ». Glass, A. (2019, 29 janvier). President Bush cites `axis of evil,' Jan. 29, 2002. Consulté 16 juin 2020, à l'adresse https://www.politico.com/story/2019/01/29/bush-axis-of-evil-2002-1127725

186 Ibid.

187 Discours du président Bush devant la 58ème assemblée des Nations unies le 23 septembre 2003, Disponible à l'adresse : https://www.state.gov/state-gov-website-modernization/ consulté le 16/06/2020

188 The National Security Strategy of the United States of America, 17 septembre 2002 disponible à l'adresse : https://2009-2017.state.gov/documents/organization/63562.pdf consulté le 16/06/2020

189 Ibid p.15

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Caroline de 1837190 et du Virginius de 1873191 représentent des précédents qui autorisent en droit international d'utiliser la légitime défense préventive même si la Charte ne l'admet pas. Cette argumentation ne tient pas la route car au XIXe siècle l'état du droit n'était absolument pas le même que depuis le principe d'interdiction du recours à la force de 1945. Ainsi, à l'époque, la notion de légitime défense n'était qu'un terme générique utilisé en pleine période d'auto préservation et de libre recours à la force comme le décrit Anis Ben Flah dans son mémoire192. La CDI a également souligné que l'incident de la Caroline de 1837 ne représentait pas un cas de légitime défense : « faisant en réalité intervenir l'excuse de nécessité à une époque où le droit régissant l'emploi de la force ne reposait pas du tout sur les mêmes bases qu'aujourd'hui »193. Ainsi, l'argument que le droit coutumier à consacré le principe de légitime défense préventive avant l'entrée en vigueur de la Charte est infondé et ne peut être utilisé afin de justifier le recours à la force contre l'Irak en 2003.

Il n'existe ainsi aucun précédent qui valide la thèse américaine puisque par exemple, le bombardement par l'aviation israélienne du réacteur nucléaire irakien d'Osiraq, le 7 juin 1981, au titre de la légitime défense préventive a été violemment condamné par le CS. Cette conception extensive et illicite de la légitime défense peut encore une fois être assimilée à des représailles armées en raison de son caractère préventif et répressif. Quoi qu'il en soit, cette agression armée contre l'Irak est contraire au droit international tout comme l'argumentaire visant à la légitimer. Une partie de la doctrine considère toutefois que la légitime défense est un droit naturel et en ce sens, peut être utilisée par l'Etat sans autorisation du CS. Cet argument est dangereux car il laisserait la porte ouverte à de nombreux abus et il suffit de rappeler qu'aujourd'hui, l'ONU a la prérogative de l'autorisation du recours à la force et aucune circonstance ne peut lui échapper. Les Etats membres constituants l'ont créée dans ce but et ne peuvent aujourd'hui s'en défaire car ils ont transféré une partie de leur pouvoir discrétionnaire entre les mains de cette Organisation, il n'existe ainsi aucun droit naturel inhérent à l'Etat qui lui permettrait de recourir à la force sans l'autorisation expresse de l'ONU.

Le débat concernant les contours de la notion de légitime défense a poussé le SG de l'ONU de l'époque, Kofi Annan à nommer un groupe de personnalités de haut niveau sur les menaces, les défis et le changement, déjà mentionné dans le paragraphe de la mutation de la notion de menaces contre la paix. Dans son Rapport, ce groupe explique que « face à des menaces potentielles apparentes omniprésentes, le risque pour l'ordre mondial et la règle de non-intervention sur laquelle il reste fondé est trop élevé pour que la légalité autorise une action préventive unilatérale, au lieu d'une action collective. Autoriser une action préventive unilatérale de ce type, c'est les autoriser toutes. Nous ne sommes pas partisans d'une révision ou d'une nouvelle interprétation de l'Article 51 »194. Ainsi, il semble dorénavant clair que le droit international actuel n'autorise pas la légitime défense préventive ou préemptive et que les interventions sur cette théorie sont

190 Voir le résumé de l'affaire : Mingashang, I. (2008, 6 mai). DI-fusion Table of Contents : L'actualité de l'affaire de la Caroline... Consulté 16 juin 2020, à l'adresse https://difusion.ulb.ac.be/vufind/Record/ULB-DIPOT:oai:dipot.ulb.ac.be:2013/210494/TOC

191 Voir un résumé de l'affaire à l'adresse : The Editors of Encyclopaedia Britannica. Virginius affair | United States history. Consulté à l'adresse https://www.britannica.com/event/Virginius-affair

192 Ben Flah A., Essai de synthèse des nouveaux modes de légitimation du recours à la force et de leurs relations avec le cadre juridique de la Charte des Nations unies, mémoire, Université du Québec à Montréal, Juin 2008. p.105

193 Rapport de la CDI, op.cit commentaire de l'article 21 p.209

194 Ibid p.59

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de ce fait toutes illégales. Pourtant, cette notion de légitime défense préventive ne cesse d'être appliquée. L'action armée sans fondement juridique en Irak semble alors avoir créé un précédent dangereux et illégal. Ainsi, à titre d'exemple, le 7 septembre 2015, François Hollande annonçait des vols de reconnaissance sur le territoire syrien pour permettre « des frappes contre Daech »195. Il indiquait également posséder des preuves que Daech préparait des attentats en France et dans d'autres pays. Ces frappes aériennes ont eu lieu sans autorisation explicite du CS ou sans l'autorisation de l'état syrien en question et donc dans la pure illégalité. En plus du cas français, la Turquie a également déclaré avoir exercé son droit de légitime défense en Syrie le 24 juillet 2015 en mettant en exergue le fait que le régime syrien n'était ni capable ni désireux de s'opposer à de telles attaques terroristes émanant de son territoire.

Comme décrit au sein de la première partie de la recherche, force est de constater l'inadaptation du droit international positif face aux attaques terroristes et la nécessité de légiférer dans ce domaine. Les zones grises de la Charte ne devraient néanmoins pas permettre une telle dénaturation du principe de légitime défense et de son article 51. Les grandes puissances utilisent ainsi ce principe dans leur tentative de légitimation de leur guerre contre le terrorisme et leur recours à la force sans l'aval de l'ONU. Le même phénomène est arrivé avec le concept d'intervention humanitaire, faussement utilisé dans de nombreuses interventions illicites et unilatérales (Section 2).

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