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La multiplication de l'usage unilatéral du recours à  la force par les membres de l'O.N.U


par Candice Perier
Université Toulouse 1 Capitole - Master 2ème Année Droit International et Européen 2020
  

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Paragraphe II- Une souplesse juridique à double tranchant

Virally considère que la souplesse juridique dont le CS fait preuve dans ses résolutions permet une adaptation constante aux besoins du maintien de la paix et rend compte de la double nature politique et juridique du CS140. Il n'est, en effet, pas toujours évident de rattacher juridiquement une opération de maintien de la paix à l'un ou l'autre des chapitres de la Charte. Une partie de la doctrine emploie le terme Chapitre VI bis pour décrire ces mesures qui n'appartiennent pas à un fondement spécifique de la Charte. Ces mesures sont, en ce sens, prises en fonction des besoins, de manière pragmatique et dans l'urgence. Le CS ne mentionnant pas systématiquement le fondement juridique de ses actions afin d'accéder à un éventail plus large de possibilités, une même opération peut voir se succéder différents types de mesure dans un temps restreint.

Dans ce sens, Y. Petit identifie trois situations différentes 141:

- La première est l'utilisation combinée et simultanée des deux chapitres VI et VII comme au Liberia, en Haïti, en Angola, au Rwanda ou en ex-Yougoslavie.

- La deuxième situation se réfère à l'utilisation des chapitre VI bis et VII en alternance ou de façon concomitante sous forme de séquence (en Somalie, au Rwanda, en Haïti ou au Timor-Oriental) avec la force multinationale pouvant prendre le relais de l'opération de maintien de la paix comme lors de l'opération « Restore Hope » avec l'Opération des Nations unies en Somalie (ONUSOM) ou de l'opération « Turquoise » avec la Mission des Nations unies d'assistance au Rwanda (MINUAR II et III).

- Enfin, la dernière catégorie dépeint l'utilisation fusionnée des Chapitres VI bis et VII donnant naissance à une opération de maintien de la paix (ONUSOM II, l'Opération des Nations unies pour la restauration de la confiance en Croatie, ONURC, à la suite du refus de la Croatie de prolonger le mandat de la Force de protection des Nations unies en ex-Yougoslavie.

Ces classifications ne sont mentionnées nulle part dans la Charte mais sont dégagées de la pratique du CS. Certes, ainsi le Conseil dispose d'un arsenal de mesures à prendre et d'un champ de compétences élargi mais, il agit également sans fondements juridiques et sans créer de cadre cohérent et récurrent dans leur utilisation. Cet aspect-là pose d'avantage problèmes. Étant donné que le CS détient un pouvoir discrétionnaire de qualification des crises et de choix dans les mesures à prendre suite à cette qualification,

140 Virally M., L'ONU d'hier à demain, 1961, Seuil, p. 21

141 Petit Y., Droit international du maintien de la paix, 2000, LGDJ, p. 56 et 57

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il semble important qu'il s'en tiennent aux dispositions de la Charte. Sans cela, le pouvoir que détient le CS, un organe politique plaçant la diplomatie avant la règle de droit, est trop important pour être entre les mains d'un seul organe. Il semble que le fonctionnement de l'ONU est bien trop dépendant du CS et de ses membres permanents disposant d'un pouvoir discrétionnaire pour l'ensemble des mesures ayant attrait au recours à la force. Il serait alors préférable qu'un organe juridique et indépendant soit chargé de la mission de qualification du conflit international ou que ce dernier détienne un certain pouvoir de contrôle sur les mesures que prend le CS.

La terminologie du CS dans ses résolutions favorise le flou et l'incertitude préférant des périphrases aux mots d'« agression » ou de « recours à la force » jugés trop lourds de sens et trop rigoureux dans leurs effets142. Ainsi, comme mentionné dans le premier Chapitre, l'invasion de l'Irak en 2003 a été qualifiée « d'illégale » par le secrétaire général des Nations unies (Kofi Annan)143 au sens de la Charte sans pour autant que celui-ci ou le CS l'ait qualifié « d'agression ». Les contours de chacune des situations sont relativement flous et la pratique du Conseil manque sans doute de cohérence. Toutefois, ce manque de rigueur juridique dans les résolutions du CS entraîne également une pratique dangereuse de la part des Etats puisqu'ils se nourrissent du caractère trop général de la terminologie du Conseil pour interpréter à leur manière les résolutions. Comme il le sera expliqué dans la deuxième partie, la plupart des actes unilatéraux des Etats sont tirés d'interprétation de la Charte ou surtout des résolutions vagues du CS. Il semble qu'une rigueur juridique plus marquée avec des champs d'action clairement définis pour les Etats et pour une mission spécifique diminuerait les abus d'interprétation des Etats. Bien sûr, il est aussi possible qu'avec un changement dans les termes employés, les Etats qui veulent s'adonner à des pratiques unilatérales trouveront tout de même un moyen tiré d'un autre fondement juridique. Cependant, les défaillances à la fois de la Charte et du CS semblent renforcer ces comportements illégaux.

En plus, des faiblesses juridiques de l'ONU, le déséquilibre fonctionnel et institutionnel de l'Organisation représente une énième lacune facilitant les comportements unilatéraux de ses Etats membres (Section 3). En effet, le droit de veto représente une pratique incapacitant l'ONU et qui doit être modifiée. Une meilleure représentativité entre les Etats membres doit ainsi apparaître afin de créer une réelle Organisation universelle.

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