La préservation de la zone côtière en droit ivoirienpar Bokoua Yao OUAGA Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody - Diplomes d'Etudes Approfondies (DEA) ou Master 2 Recherche 2014 |
B- DE LA COOPERATION SUR LE PLAN NON GOUVERNEMENTALNous commencerons ici par évoquer le soutien de la science à la protection du littoral puis nous verrons comment est menée cette coopération sur le terrain. 280Préambule de la Convention d'Abidjan. 281Article 14 de la Convention d'Abidjan. 282Ces programmes ont porté sur des thématiques telles que le contrôle de l'érosion côtière en Afrique del'Ouest et du Centre (WACAF/3) ; l'identification, l'établissement et la gestion des aires spécialement protégéesdans la région de l'Afrique de l'Ouest et du Centre (WACAF/8) ; la distribution et le statut des mammifères(WACAF/9) ; et la planification de la gestion intégrée des bassins versants et de la zone côtière (WACAF/11). 283Article 4 alinéa 3 de la Convention d'Abidjan. 104 1- L'incitation à la recherche scientifique pour une protection efficace du littoral Il existe une multitude de questions liées à la gestion et à la politique qui posent une vaste gamme d`exigences à la science, telles que : de nouvelles recherches fondamentales et appliquées; des études de base et des observations/une surveillance des changements systématiques ; l`analyse et l`interprétation des données ; l`évaluation des effets ; la prévision de tendances. Si la recherche n`aborde pas ces questions, la science appliquée à la solution de problèmes pratiques particuliers reste fragmentée et dépourvue de cadre cohérent. Dans ce contexte, le Système mondial d`observation des océans (SMOO), ainsi que d`autres systèmes mondiaux d`observation (par exemple le système mondial d`observation du climat (SMOC), le Système mondial d`observation de la terre (SMOT) et le Programme International Géosphère-Biosphère (IGBP) sont particulièrement importants. A la base de la gestion des zones côtières, il y a une compréhension des interactions entre systèmes socio-économiques et systèmes naturels. Par conséquent, il pourrait se révéler utile en côte d'ivoire de procéder à des recherches sur les fonctions écologiques (par exemple, des études sur la « capacité de charge », les effets de retour), la dynamique des ressources (par exemple, distinguer entre la variabilité naturelle des ressources renouvelables et les changements causés par l`activité humaine), la recherche appliquée (par exemple, mettre au point des programmes de surveillance efficaces et peu onéreux), les aspects socioéconomiques, l`économie et les questions institutionnelles. L`intégration de ces questions dans un cadre analytique global national qui combine l`évaluation des pratiques humaines, des effets sur l`ensemble de l`écosystème et des options au niveau d`un bassin de drainage (par exemple, les bassins fluviaux, les zones côtières et les eaux côtières adjacentes), devrait constituer l`objectif ultime de tout programme intégré de gestion des zones côtières. Dans la sous-région du Golfe de Guinée, l`eutrophisation à grande échelle et omniprésente demeure une préoccupation, notamment dans le cadre de l`augmentation des nuisances causées par les floraisons d`algues dans les zones côtières. Il existe d`importantes incertitudes sur le statut régionaldes récifs de corail. Il nous semble que la Côte d'ivoire n'y a pas encore pensé. La plupart des récifs n`ont jamais été étudiés par des scientifiques et il y a un manque sensible d`information. Les récifs les plus accessibles aux scientifiques sont aussi ceux qui sont les plus susceptibles de souffrir d`effets anthropiques. Par conséquent, il se pourrait que l`ampleur de la dégradation des récifs au niveau de la Côte d'ivoire soit sous-estimée. Il n`existe pas d`indicateurs généralement acceptés pour la santé écologique des récifs et on ne dispose que de peu d`informations sur l`échelle temporelle et géographique de leur variabilité naturelle. Les scientifiques sont encore loin de comprendre les effets de l`augmentation anthropique des arrivées d`éléments nutritifs dans les écosystèmes des récifs de corail. Les informations de base dignes de foi manquent, ce qui n`est pas sans conséquences pour l`équilibre des récifs de corail. Par ailleurs, une amélioration des données et des informations est nécessaire pour la gestion actuelle des pêcheries en côte d'ivoire par la formulation de politiques, la conception de plans 105 de gestion, la mise en oeuvre de ces plans et le contrôle de leur mise en oeuvre. La science associée à l`évaluation des stocks et au contrôle des effets globaux des pêcheries sur l`intégrité des écosystèmes marins n`est manifestement pas adéquate284. Les mécanismes de reconstitution de stocks de poissons réduits à la suite de leur exploitation commerciale sont mal compris dans presque tous les pays régionaux et en particulier en Côted'Ivoire. Il faut faire des recherches pour aider à formuler des objectifs, des cibles et des contraintes biologiques visant à protéger la pêche sur les espèces non ciblées. La recherche dans le domaine socio-économique, économique et sociologique devrait être combinée avec la recherche biologique en vue de la formulation d`objectifs de gestion. Les « grands écosystèmes marins » (GEM) ont fait l`objet de propositions et d`une promotion agressive au cours des dix dernières années ; ils ont été présentés comme des unités susceptibles d`être gérées pour l`environnement marin et côtier. Bien que la conception sous-jacente des GEM ait été élaborée d`un point de vue théorique dans un certain nombre de publications, et que la notion soit introduite dans un certain nombre de programmes, sa mise sur pied doit encore être vérifiée de manière scientifique et rigoureuse. Les connaissances sont très nettement insuffisantes en ce qui concerne les espèces qui habitent les océans, notamment celles qui sont à l`intérieur ou au-dessus des grands fonds. Aussi, le changement prévu au niveau mondial, l`incidence du changement climatique en particulier en Côte d'Ivoire, pose un certain nombre de problèmes qui exigent une analyse scientifique. Les conséquences potentielles d`une augmentation des températures ambiantes et des modifications du niveau des mers pour l`abondance des espèces et la composition des écosystèmes, la redistribution dans l`espace des ressources des pêcheries et les mutations dans la productivité des zones marines et côtières ne sont que quelques-uns des sujets qui exigent des recherches scientifiques. Les effets potentiels d`une modification de l`intensité des rayons ultraviolets peuvent affecter les ressources marines et doivent être étudiés. 2- L'organisation de rencontres scientifiques sur les zones côtières Les institutions internationales organisent fréquemment des colloques internationaux réunissant des scientifiques, et ayant trait à l`environnement marin et côtier. De telles réunions favorisent en effet la coordination des recherches sur le plan international et la définition de stratégies de protection et de gestions cohérentes. Ainsi, en mars 1990, se tenait en Ouganda un « Atelier sur les oiseaux aquatiques et l'aménagement des zones humides en Afrique ». Une manifestation importante a aussi été organisée en Italie, à Grado, en février 1991, portant sur « La gestion des zones humides méditerranéennes au XXIème siècle ». Lors du dernier Congrès Mondial des Aires Protégées, tenu à Durban (Afrique du Sud), du 8 au 17 septembre 2003285, les orientations préconisées privilégient la cogestion et l`approche écosystémique286(déjà adoptée par la CDB). 284 Le caractère inadéquat des bases scientifiques de la gestion des pêcheries est illustré par des programmes degestion pour plusieurs espèces visant à gérer des écosystèmes plutôt qu'à cibler des organismes. Les interactionsentre les prédateurs et leur proie sont encore mal comprises et les variations observées dans les stocks de poissons ainsi que dans les résultats des pêcheries sont encore amplifiées par l'absence d'équilibre quicaractérise les environnements des écosystèmes locaux les plus vastes. 285 Les actions de la francophonie dans le secteur de la protection des ressources naturelles ont été traduites parla création en 1988 de l'institut de l'énergie et de l'environnement de la Francophonie (IEPF) basé au Québecdans le but de contribuer « à 106 Cette dernière est censée réconcilier les « sciences-dures » (biologie, physique, chimie, mathématiques...) avec les « sciences molles » (anthropologie, sociologie, histoire, droit, économie...) et les unir au coeur d`une même « philosophie de gestion »287. La démarche écosystémique est un postulat à dominante scientifique, fondé sur le travail des chercheurs et leur connaissance des milieux naturels et Durban a été une occasion donnée aux scientifiques pour aider les décideurs à agir. L'Agence Universitaire de la Francophonie (AUF) organisa du 14 au 15 juin 2001 à Yaoundé au Cameroun les quatrièmes journées scientifiques de son Réseau Droit de l'environnement. Les instruments et les pratiques favorisant ou entravant la mise en oeuvre du droit international de l`environnement dans le droit national étaient au centre de ces quatrièmes journées scientifiques, sujet important dans un contexte dominé par le principe de souveraineté des Etats. Au cours des XIème Journées Scientifiques du Réseau Télédétection de l`Agence Universitaire de la Francophonie tenues à Antananarivo, (Madagascar) du 3 au 7 novembre 2008, il avait été question des méthodes de la télédétection et de leur impact sur la protection des zones côtières. Quatre ans plutôt lors des Xème journées du même réseau tenues à Ottawa, Canada du 24 au 29 mai 2004, les participants avaient travaillé sur le milieu côtier et les ressources halieutiques. Il ressort de ces journées que la télédétection permet de surveiller, gérer et réhabiliter les zones côtières, en fournissant des données spatiales à fréquence élevée, utiles pour la prise des mesures de protection. Le World Bank CoralreefTargetedResearch Program, quant à lui, organise très souvent des conférences scientifiques avec pour objectif de fournir aux gestionnaires de ressources récifales les meilleures données scientifiques sur la façon dont les récifs s`adaptent aux changements climatiques et aux activités humaines et de permettre une collaboration entre les pays développés et ceux en voie de développement pour traiter le problème à l`échelle globale. L`objectif de ces rencontres est de comprendre les facteurs qui déterminent la vulnérabilité et la résistance des écosystèmes marins et côtiers à une série de stress afin d`aider les décideurs à concilier leur protection avec les besoins directs et indirects des différents usagers de ces milieux. Autrement dit, l`expertise, fruit de ces rencontres scientifiques, est utilisée par les gouvernements. Dès lors, la coopération en vue de préserver les écosystèmes marins, lieux de reproduction et de croissance de ces ressources halieutiques, s'avère indispensable. L'État de Côte d'Ivoire, sans doute conscient de cet enjeu, privilégiera davantage la coopération internationale en vue de protéger sa zone côtière en participant à ces rencontres scientifiques organisées par les institutions internationales. la formation et au renforcement des capacités des différentes catégories d'acteurs dedéveloppement des pays de l'espacefrancophone dans les secteurs de l'énergie et de l'environnement pour ledéveloppement durable; au développement de partenariat dans les secteurs de l'énergie et de l'environnementpour le développement durable ». ( http://www.iepf.org/iepf/index.php). 286 Cette assemblée se réunit tous les dix ans sous l'égide de l'UICN, elle fait un bilan critique de la situation desaires protégées mondiales et définit les objectifs prioritaires de la décennie. 287 « ...basée sur l'application des méthodologies scientifiques appropriées focalisées sur les niveaux del'organisation biologique qui comprend les processus et les interactions essentiels des organismes et de leurenvironnement. L'approche écosystémique reconnaît que les humains sont une composante à part entière desécosystèmes », Conférence des parties à la CDB, janvier 1998. 107 Il devient évident que la Côte d'ivoire cherchera à améliorer sa coopération scientifique pour valoriser ses acquis. Mais la coopération scientifique ne reste pas la seule à améliorer. Si la protection de l'environnement en général mais plus particulièrement celle des zones côtières coutent cher288 , il serait plus qu'important d'améliorer la coopération économique et financière. PARAGRAPHE II : L'AMELIORATION DE LA COOPERATION ECONOMIQUE ET FINANCIERE La question est ici celle du « partage des charges » liées à la protection de l`environnement marin et côtier. Celle-ci entraîne des coûts financiers importants, qu`il s`agisse d`entretenir des sites, de renoncer à exploiter une zone, de lutter contre la pollution, ou contre l`érosion côtière. Si ces charges reviennent d`abord et principalement à l`Etat territorial, des mécanismes de solidarité ont été mis en place dans la mesure où les richesses en biodiversité ne vont pas toujours de pair avec les richesses économiques. Comme le développement de la coopération scientifique, celui de la coopération économique et financière permet d`assurer une meilleure effectivité aux instruments de protection. Cette coopération est d`abord un élément fondamental des incitations à la participation et à la ratification. Indépendamment de cela, elle favorise une meilleure application de ces instruments et confère même indirectement un certain droit de regard aux bailleurs de fonds sur cette application. En cela, elle peut bien être qualifiée de moyen de promotion du droit. Les mécanismes de solidarité sont mis en oeuvre dans un cadre nord-sud, que ce soit sur le plan universel ou régional. A- DE L'APPROPRIATION DES MECANISMES DE SOLIDARITE SUR LE PLAN UNIVERSEL PAR LA COTE D'IVOIRE La question de la coopération économique et financière dans un cadre nord-sud en matière de protection du littoral doit être replacée dans le contexte plus général de la Conférence de Rio sur l`environnement et le développement. Nous ne reviendrons pas ici sur la question, fort complexe, des liens entre environnement et développement. Il convient seulement de rappeler que le sous-développement et l`endettement sont fortement responsables de la dégradation du littoral dans les pays en développement289 et donc en Côte d'ivoire. L`urbanisation incontrôlée, la forte concentration démographique dans les zones côtières, les changements des pratiques agricoles, ont un impact considérable sur la santé de la zone côtière en Côte d'ivoire. Il appartient aux mécanismes internationaux d`aide au développement de soutenir la mise en place de politiques respectueuses de ces écosystèmes fragiles. Les mécanismes financiers ad hoc encouragent une telle évolution, tandis que la prise 288L'Etat français avait octroyé une somme de 30 millions de dollars en 1996 pour ses missions. Information portant la note 141donnée dans son mémoire par NYOGOK, op.cit.voir http://www.memoireonline.com/02/13/6941/m La-protection-du-littoral-camerounais-au-regard-du-droit-international-de-l-environnement42.html 289 Voir par exemple J.D. SHILLING, ?Réflexions sur la dette et l'environnement?, Finances et développement,juin 1992, p. 28 et s. 108 en compte des exigences environnementales dans les programmes d`aide au développement s`améliore, sans être pour autant encore parfaite. La Côte d'ivoire ne doit donc pas rester en marge du respect des procédures des mécanismes financiers ad hoc si elle souhaite bénéficier efficacement de cette coopération. 1- L'appel au respect des procédures des mécanismes financiers ad hoc pour une coopération efficace et bénéfique Par mécanismes financier ad hoc, nous entendons ici des mécanismes ayant pour objet de protéger l'environnement et particulièrement les écosystèmes marin et côtier. Il s'agit traditionnellement des fonds environnementaux. Plus récemment, une technique novatrice a été expérimentée, celle des échanges dette-nature. a- Des fonds environnementaux Les différents fonds290 mis en place pour favoriser l`application des instruments de protection sont complétés à présent par un mécanisme plus général, le fonds pour l`environnement mondial. Les mécanismes qui trouvent leur origine dans les instruments de protection de l`environnement marin et côtier et plus généralement de la nature, ne sont pas dotés de sommes très importantes et n`apportent souvent qu`une faible assistance. Il faut par conséquent remplir les conditions définies pour être éligible. L`éligibilité d`un projet à ce type de financement est susceptible de catalyser des financements bilatéraux et internationaux. A travers leurs mises en place, c`est donc plutôt un effet d`entraînement qui est recherché. D'abord, en ce qui concerne le fonds du patrimoine mondial de l'UNESCO, l`article 13.1 de la Convention du patrimoine mondial stipule que « le Comité du patrimoine mondial reçoit et étudie les demandes d'assistance internationale formulées par les États parties à la présente Convention en ce qui concerne les biens du patrimoine culturel et naturel situés sur leur territoire, qui figurent ou sont susceptibles de figurer sur [les Listes indicatives et la Liste du patrimoine mondial]. Ces demandes peuvent avoir pour objet la protection, la conservation, la mise en valeur ou la réanimation de ces biens ». Le Préambule souligne qu`une assistance collective doit être octroyée pour protéger les sites du patrimoine culturel et naturel. À cette fin, un Fonds pour la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel, a été institué par les articles 15 à 18 de la Convention. Les contributions au Fonds sont versées par les États parties à titre obligatoire ou volontaire. L`assistance internationale est prélevée sur ce Fonds et complète l`action engagée par l`État partie pour sauvegarder les sites du patrimoine mondial. Elle soutient, mais en aucun cas ne saurait se substituer à l`action de l`État partie291. Il est néanmoins bon de rappeler que la législation sur le patrimoine, dans un certain nombre de cas, a été adoptée lors de l`époque coloniale et ne reflète pas nécessairement les spécificités de la région. De plus, des stratégies efficaces pour un développement durable fondé sur une conservation holistique des sites et de l`environnement font souvent défaut. 290 Voir, pour un approfondissement, la réflexion de ZOGNOU (Théophile), op.cit. , PP.408-412 291 Article 25 de la Convention du patrimoine mondial de l'Unesco. 109 Trop fréquemment le patrimoine est perçu comme un obstacle au développement et d'une façon ou d'une autre en opposition au processus de modernisation. Afin de renforcer la coopération avec l'UNESCO et continuer de bénéficier des financements, la Côte d'ivoire devra actualiser et harmoniser sa législation sur le patrimoine pour être en cohérence avec les procédures de financement ; soumettre sa liste indicative et les dossiers de proposition d`inscription chaque année. Elle doit également créer et/ou mettre en oeuvre les comités nationaux du patrimoine mondial, en valorisant la complémentarité et les synergies avec les comités nationaux du programme de l'Homme et de la Biosphère (MAB). Pour être éligible rappelons également que les Etats doivent s`acquitter de leur contribution, ce qui n`est pas toujours le cas pour la majorité des Etats du Golfe de Guinée. Au titre de contribution pour l`année 2012 quelques Etats292 seulement (Nigéria, Ghana, Guinée, Guinée Bissau, Gabon) sont à jour, la cote d'ivoire cumulant encore des arriérés sur plusieurs années. Elle doit par conséquent se mettre à jour dans leur cotisation pour assurer une coopération efficace avec le fonds du patrimoine mondial de l`UNESCO. La sensibilisation générale à la Convention du patrimoine mondial doit enfin être organisée non seulement dans la sous-région du Golfe de Guinée mais sur tout le continent sous les auspices de l`UA afin de drainer des ressources suffisantes pour la préservation du milieu marin et des zones côtières du continent. b- Des échanges dette-nature L`échange dette-nature fait partie de différents types d`arrangements financiers conclus pour apporter une solution à la double crise dont souffrent la plupart des pays en développement, celle de la dette et de la crise écologique. En échange du rachat d`une partie de sa dette, le gouvernement du pays concerné prend des engagements écologiques. Au lieu de troquer une partie de la dette contre une participation dans le capital d`une entreprise locale, comme c`est souvent le cas dans le cadre des opérations plus classiques de conversion de la dette en d`autres types d`actifs, l`acquéreur la transforme en une créance du pays débiteur-monnaie ou titre et en fait don à un fonds de protection de l`environnement. La Bolivie a été le premier Etat à participer à un tel échange en 1987, qui a permis la protection de 2 millions d`hectares de forêts293. Ce type d`opérations, en ce qu`il vise principalement la préservation ou la restauration des sites sensibles du point de vue écologique, et par là surtout des zones humides ou des forêts tropicales, peut, en complément des fonds environnementaux, favoriser la protection des aires marines et côtières protégées et notamment la biodiversité. Jusqu'à présent, il semblerait qu'il n'y aurait pas encore eu d'échanges dette/nature ou de programmes de réduction de dettes pour l'environnement en côte d'ivoire, quoiqu'il y ait eu quelques conversions en faveur d'activités de développement. 292 http://whc.unesco.org/fr/fonds-du-patrimoine-mondial/ 293 Une fondation privée américaine acheta l'équivalent de 650.000 dollars de dette commerciale, pour 15% de sa valeur faciale, soit 100.000 dollars. En échange de l'annulation de ce montant, le gouvernement bolivien aconstitué un fonds de 250.000 dollars en monnaie nationale pour la préservation de la nature. Une ONG locale aété constituée pour gérer le programme de protection. A. COMOLET, ?Echange dette-nature : d'une pierre deux coups?, Le Monde Diplomatique - Manières de voir, ?La planète à sac?, 1990, p. 45. 110 Bien qu'il existe des dettes bilatérales et commerciales susceptibles d'être échangées et que des opérations aient été proposées dans un certain nombre de pays, aucune n'a effectivement abouti pour les raisons suivantes : Les gouvernements de la sous-région éprouvent des difficultés à mobiliser les fonds de contrepartie pour les conversions de dettes de manière générale, même lorsque celles-ci ont été proposées par des créanciers bilatéraux pour l'annulation des prêts de l'aide publique au développement294. Nous nous sommes interrogés sur le cas de la côte d'ivoire. Normalement, dans le cadre d'une conversion de dettes, un des avantages pour le pays débiteur est que l'obligation liée à la dette extérieure est transformée en une obligation intérieure. La conversion de dettes pour l`environnement implique l`annulation de la dette extérieure d`un pays en développement en échange d`un financement en monnaie locale destiné à la conservation de la nature et/ou à la protection de l`environnement de ce pays. Au sein du MINESUDD, la capacité technique de proposer des échanges dette/nature serait assez limitée. Mais soulignons que les ressources issues des échanges dette/nature malgré le montant de l`assiette peuvent toujours être utiles pour la protection des écosystèmes marin et côtier du pays. Alors, la Côte d'ivoire devra chercher à renforcer sa capacité technique pour proposer ces échanges dans le cadre par exemple du Club de Paris ou de la coopération bilatérale. Elle devra aussi mobiliser des fonds de contrepartie pour les projets environnementaux à réaliser afin d`assurer non seulement le succès des opérations mais aussi une certaine efficacité à cette coopération. L`aide publique au développement n`est consacrée que pour 4% à la protection de l`environnement. En revanche, pour 70%, elle finance la mise en place d`activités (infrastructures, agriculture, industrie) potentiellement dommageables, en particulier pour les zones côtières ou les zones humides295. Il n`est aucunement question de remettre en cause cette répartition. Mais, dans ces conditions, il est clair que les effets les plus favorables sont à attendre d`une meilleure prise en compte de la dimension environnementale dans les programmes d`aide au développement non environnementaux. 2- La réorientation de l`aide publique au développement Bien que l`aide multilatérale ne représente que 30% de l`aide publique au développement, c`est essentiellement sur elle que portera l`analyse, en raison de l`insuffisance de la documentation sur l`aide bilatérale296. Les instruments internationaux protecteurs contribuent significativement à orienter l`aide bilatérale au développement dans leur champ d`application, 294 Par exemple, la France dans le cas du Fonds Libreville pour les pays à revenu intermédiaire. 295 Elle atteint la somme de 55 milliards par an. 0.04% financent la conservation des zones humides. P.DUGAN, Y. PIROT, ?Development assistance and the Ramsar convention?, Procès-verbaux de la cinquièmesession de la Conférence des Parties contractantes à la convention de Ramsar, Kushiro, Japon, 9-16 juin 1993,vol. II, Ateliers de la Conférence, W.G.C.5.4 (Rév.), annexe 3, p. 291.Cité par ZOGNOU (Théophile), Op.cit., P.414 296 Nous n'abordons pas non plus, pour les mêmes raisons, les financements privés et les investissements dansles pays en développement, qui sont cependant essentiels. Leur caractère très décentralisé et l'absence d'étudesynthétique sur le sujet rendrait toute analyse délicate. Il est certain cependant que les ONG jouent là aussi unrôle très important. Le montant de leurs financements et investissements dans ces pays représentait en 1993 unesomme égale à 10% de l'aide publique au développement. G. CORCELLE, ?20 ans après Stockholm : laConférence des Nations Unies de Rio de Janeiro sur l'environnement et le développement : point de départ ou aboutissement ? ?, op. cit. p. 116. 111 même si le résultat est loin d`être satisfaisant297. Quant à l`aide multilatérale, une réorientation ressort de celle qui est fournie aussi bien par les institutions à vocation universelle, que par les institutions régionales. a- Les actions des institutions internationales en faveur du milieu marin et des zones côtières Pendant longtemps il ne s`est établi aucun lien entre l`aide au développement et la protection de l`environnement. Bien au contraire, les pourvoyeurs d`aide ont financé quelques fois, en toute bonne conscience, des projets dont on mesure aujourd`hui seulement les conséquences écologiques désastreuses (usines chimiques, exploitations forestières, minières, etc.). C`est seulement dans les années 1970 qu`on a observé le « premier verdissement »298, encore bien timide, des organismes bilatéraux et multilatéraux d`assistance au développement. Il est la résultante de la poussée conjuguée, d`une part de l`opinion publique et des politiques des pays occidentaux, notamment des Etats-Unis où l`Environment Policy Act venait d`être voté, d`autre part de l`impact de la Conférence de Stockholm de 1972. Le principe 25 de la Déclaration de Stockholm demandait d`ailleurs aux Etats de « veiller à ce que les organisations internationales jouent un rôle coordonné, efficace et dynamique dans la préservation et l'amélioration de l'environnement ». Par la suite, les alertes sur un amenuisement de la couche d`ozone et une exposition accrue aux rayons ultraviolets nocifs dûe à de fortes concentrations de chlorofluorocarbone dans l`atmosphère, les décharges de déchets dangereux en mer et dans les pays en voie de développement, la destruction massive des forêts ont accentué l`intérêt de ces institutions pour la protection de l`environnement, en révélant la portée globale ou transnationale des effets des agressions sur la nature. En 1980, les neuf principaux organismes multilatéraux signaient une déclaration commune établissant les principes environnementaux qu`ils s`engageaient à suivre. La prise en compte des préoccupations environnementales par les institutions d`aide au développement n`est donc pas très ancienne. La Banque Mondiale fait désormais de la protection de l`environnement un des piliers de sa politique d`aide au développement. Elle a pris un virage important dans cette direction en 1987 sous la houlette de Barber Conable, son Président de l`époque, après le Rapport Brundtland publié la même année. La Banque estime que la lutte contre la pauvreté et la protection de l`environnement sont au coeur de sa mission qui est de contribuer à l`amélioration des conditions de vie dans les pays en développement, membres de l`institution. Le principal objectif de la Banque à cet égard est d`élaborer des programmes permettant la conception et la mise en oeuvre de stratégies de développement respectueuse de l`environnement dans les pays bénéficiaires de son assistance. En effet « La Banque inclut l'environnement dans le dialogue avec ses emprunteurs et (tient) compte des résultats de ce dialogue dans ses stratégies de prêts aux pays »299. 297Cf. par exemplel'assistance du gouvernement hollandais envers la Mauritanie pour la protection del'aire protégée du banc d'Arguin, dans le cadre de la mise en oeuvre de la Convention de Ramsar. 298 Voir F. FALLOUX et L. TALBOT, Environnement et développement. Crise et opportunité en Afrique,Maisonneuve et Larose/ACCT, 1992, p. 335. 299 La Banque Mondiale et l'environnement, Rapport d'activité, Exercices 91, p. 79. 112 Ainsi par exemple, la Banque a exprimé clairement son intention de refuser de financer tout projet comportant l`évacuation de déchets toxiques vers les pays tiers. S`agissant particulièrement de la sous-région du Golfe de Guinée300, la Banque accorde depuis quelques années une place croissante à l`intégration des considérations écologiques dans le développement économique et social. La Banque a par ailleurs aidé presque tous les pays de la sous-région à mettre au point des plans d`action environnementale (PNAE), plans qui pour tous les Etats côtiers, intègrent la problématique du milieu marin et des zones côtières. Allant dans ce sens la Banque a courant 2009, fait un don à la Côte d`Ivoire de 2.540 millions de dollars destiné aux aires protégées. Par ce don, la Banque mondiale comme dans d`autres pays de la sous-région entend renforcer la gestion durable de la faune et de l'habitat du parc national de la Comoé par le renforcement de la capacité de l'Office ivoirien des parcs et réserves (OIPR), l'élaboration et la mise en oeuvre d'un plan participatif pour les parcs, etc. D`après Madani, représentant local de la Banque, «La signature de ce don pour la protection des aires protégées démontre l'engagement de la Banque mondiale et du gouvernement ivoirien à renverser la tendance de l'exploitation abusive des ressources naturelles et à les préserver pour les générations à venir»301. L`intégration progresse en fait lentement. En revanche, il est plus facile de financer quelques projets environnementaux. La Banque a réorienté de manière significative ses financements en faveur de la biodiversité, en particulier des forêts, des zones humides302. Des aides parfois spectaculaires sont accordées pour la protection de l`environnement. Il en est de même du PNUD303. L`établissement d`une zone protégée, au titre d`un instrument de protection de la nature, contribue à l`allocation de financements par ces institutions. b- Les actions des institutions régionales: Le cas du Groupe de la Banque africaine de développement (BAD) Deux groupes d'institutions financières régionales agissent dans le domaine de l`environnement dans la région du Golfe de Guinée. L'un est africain : il s'agit de la Banque africaine de développement (BAD) ; l'autre européen : ce sont les instruments de financement de la coopération ACP-CEE. A ces institutions il convient de relever l`apport de l`UA (l`Union africaine). Mais nous ne traiterons ici, et ce volontairement que du cas de la BAD qui nous semble visible et lisible. 300 Signalons que la politique environnementale de la Banque couvre tous les pays de cette région, pays qui sontconfrontés à plusieurs problèmes, notamment la dégradation de l'environnement marin et côtier, l'érosioncôtière, la destruction des forêts, et les problèmes urbains exacerbés par la croissance rapide des villes. 301 V. République de la Côte d'ivoire, 4ème rapport national sur la convention sur la diversité biologique, 2009. http://www.cbd.int/doc/world/ci/ci-nr-04-fr.doc. 302 Cf. C. REES, « Le rôle de la Banque mondiale dans le domaine de la conservation de la diversitébiologique », Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe, Comitépermanent, Quatorzième réunion, 20-24 mars 1995, doc. T-PVS(94) 14, p. 114. 303 Le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) est le principal organisme d'aide dusystème des Nations Unies. Organe central de financement, de planification et de coordination de l'assistancetechnique pour l'ensemble du système, il fournit une aide non remboursable pour la formation de personnel et lamise en valeur des ressources naturelles. Le PNUD a assisté plusieurs pays du Golfe de Guinée dans laplanification et l'amélioration du cadre juridique et institutionnel national en matière d'environnement. 113 La Banque africaine de développement (BAD) créée à Khartoum (Soudan) le 4 août 1963, le Fonds africain de développement (FAD) institué à la IXe assemblée annuelle de la BAD tenue à Lusaka (Zambie) en juillet 1973, et le Fonds spécial du Nigeria créé par un accord signé entre la Banque et le Gouvernement du Nigeria en février 1976 forment ce qu`il est convenu d`appeler le Groupe de la BAD. Cependant, ces trois institutions demeurent juridiquement des entités autonomes. L`année 1985 marque un tournant dans l`évolution de la prise de conscience environnementale du Groupe de la Banque. C`est cette année-là qu`un spécialiste de l`environnement a été nommé et rattaché au Département central des projets de la Banque. Deux ans plus tard, en 1987, une Division de l`environnement et de la politique sociale était créée au sein dudit département avec une équipe réduite. Par ailleurs, un Secrétariat pour la Dimension environnementale du Développement (abrégé EDDS en anglais) a été établi sous le patronage conjoint de l`office des Nations Unies pour la zone soudano-sahélienne (abrégé UNSO en anglais), la Banque mondiale et la BAD, et logé au sein de cette dernière sous la direction d`une personnalité africaine. Le rôle de la Division de l`Environnement et de la Politique sociale de la BAD est de coordonner tout le travail technique et les procédures relatives à l`environnement dans les programmes de la Banque, d`élaborer des directives et procédures pour l`évaluation de l`environnement et les études d`impact des projets financés par la Banque, de donner des conseils techniques au département des programmes par pays, à l`équipe chargée de l`étude des projets et aux pays membres de la région sur les questions environnementales, d`élaborer des programmes de formation et d`accroître l`expertise en matière d`étude des projets sur ces questions. La direction a complété l`étude de la Politique de l`environnement de la Banque304 et l`a soumise au conseil des Gouverneurs en décembre 1989. Les objectifs du document de Politique environnementale de la Banque sont d`évaluer l`état de l`environnement sur le continent et l`assistance aux pays membres des groupes régionaux de la Banque dans l`identification des principaux problèmes environnementaux. La BAD a ainsi aux côtés d`autres institutions telles que le PNUD, l`ONUDI, le FEM, la FAO, l`UNESCO, apporté son appui à plusieurs pays côtiers du Golfe de Guinée (au départ : Côte d`Ivoire, Togo, Bénin, Nigeria et Cameroun), dans un projet régional de restauration environnementale. Il s`agit du projet du Grand Ecosystème Marin du Golfe de Guinée (PGEMGG), plus connue en anglais sous l`appellation " The Gulf of Guinea Large Marine Ecosystem (GOG-LME) Project ". Il s`agit, à ce jour, du plus vaste projet régional de protection marine en Afrique. Coordonné sur le plan technique par l`Organisation des Nations Unies pour le Développement Industriel (ONUDI), le projet vise à restaurer et à protéger durablement les ressources naturelles, en particulier la qualité de l`écosystème marin des pays du Golfe de Guinée. En clair, ce projet doit doter ces pays des mesures et des moyens propres à lutter contre les pollutions, à contrer l`érosion côtière305, à préserver la flore marine côtière (telle que les forêts de mangrove) qui favorise la protection, l`alimentation et l`éclosion de la faune marine. Ces actions permettront d`accroître la quantité de poissons disponibles et de procurer un environnement côtier plus vivable, améliorant ainsi les conditions de vie de plus de 150 millions d`habitants. 304 Voir ADG, ADF, Environmental Policy Paper, adopté en juin 1990, imprimé en 1991, 56 p. Cité par ZOGNOU (Théophile), op.cit., P.420 305L'érosion côtière fait disparaître 50 mètres de terres chaque année dans certaines zones du Golfe de Guinée (Benin, Togo). 114 Au cours de la première phase du projet débutée en 1995, les principaux partenaires scientifiques, gouvernementaux et non-gouvernementaux ont abouti à un consensus sur les voies et moyens de restaurer l`environnement côtier, notamment les dommages causés à la mangrove et la lutte contre l`érosion côtière. Puis, en janvier 1998, le symposium international tenu à Abidjan sur ce projet a permis d`adopter le plan de la deuxième phase, qui vise à restaurer la qualité des eaux côtières, reconstituer les stocks de poissons et autres ressources vitales. Environ 350 scientifiques, techniciens et gestionnaires des ressources, des cinq pays du Golfe de Guinée (mentionnés plus haut) participent activement au projet, avec l`appui financier de l`ONUDI, du FEM, du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), de l`Organisation des Nations Unies pour l`Agriculture et l`Alimentation (FAO), de la Banque Africaine de Développement (BAD), de l`Organisation des Nations Unies pour l`Education, la Science et la Culture (UNESCO), de la Banque Mondiale, de l`Administration nationale des Océans et de l`Atmosphère (NOAA)des Etats Unis d`Amérique. De façon générale la BAD se dit disposée à fournir l`assistance technique nécessaire à tous les projets qui assurent la promotion d`un développement conforme aux exigences de l`environnement306. C'est donc pour la Côte d'ivoire le moment de s'approprier ces mécanismes de solidarité universel de manière prioritaire en respectant les procédures mis en place par ces mécanismes financiers ad hoc car comme nous l'avons démontré l'aide publique au développement a été réorientée. Il serait souhaitable que des initiatives soient prises au plus tôt. Mais envisager un autofinancement de la protection du littoral pourrait réduire leur dépendanceextérieure en terme de financement de la protection de l`environnement. B- VERS L'AUTOFINANCEMENT DE LA PROTECTION DU LITTORAL IVOIRIEN Très peu d'argent est consacré à la protection des zones côtières dans les pays couverts par la Convention WACAF. Les ressources mobilisées sont très souvent des subventions des organismes et institutions étrangères, ressources du reste limitées dans le temps. Afin de combler ce déficit financier et d'être viable sur le long terme, il faudra une plus grande compréhension, à tous les niveaux, des coûts et desbénéfices fournis par cet environnement, un engagement à long terme de la part des Etats régionaux à travers le renforcement de l`assise financière de la Convention d`Abidjan. Ce qui serait avantageux pour la cote d `ivoire parce qu'il serait mieux de dépendre d'une organisation dont on fait partie et qui regroupe des pays avec lesquels nous vivons les mêmes réalités que de tous attendre de l'extérieur. Mais cela n'empêche de réfléchir sur la mise en place de mécanismesd`autofinancement fiables propres à nos besoins et réalités ivoiriennes. 306 Voir Le Groupe de la BAD, Information de base. Structure, Politiques, Organisation, Initiatives, 1992, p. 44. 115 1- Le renforcement de l'assise financière de la Convention d'Abidjan La fameuse maxime populaire « L'argent est le nerf de la guerre », traduit bienl'assentiment selon lequel le succès de toutes initiatives se mesure à l'aune desmoyens mobilisés pour les mettre en oeuvre. C'est pourtant le point qui a le plus faitdéfaut à la Convention d'Abidjan, contribuant dès lors à relativiser la portée de sesinitiatives et à restreindre son engagement en faveur de la réalisation de ses objectifsstatutaires. A l'origine, le principe retenu était qu'après l'assistance financière initiale apportéepar le système onusien, les gouvernements de la région WACAF se devaient d'assumer eux-mêmes la responsabilité financière de la Convention régionale ainsi instituée307. Le mécanisme de financement créé à cet égard fut le Fonds Régional d'Affectation Spéciale (FAS) alimenté par les contributions des Etats, suivant une répartition proportionnelle déclinée en quatre catégories : Catégorie 1 : contribution égale à 3,72% du budget total (Angola, Bénin, Cameroun, Cap Vert, Congo, Gambie, Guinée, Guinée Bissau, Guinée Equatoriale, Libéria, Mauritanie, Sao Tomé-et- Principe, Sénégal, Sierra Léone, Togo) ; Catégorie 2 : contribution égale à 4,90% du budget total (Gabon, ex-Zaïre) ; Catégorie 3 : contribution égale à 6,16% du budget total (Côte d'Ivoire, Ghana) ; et Catégorie 4 : contribution égale à 22% du budget total (Nigéria). Cette architecture financière n'a pas empêché la Convention de se trouver en situation de difficultés financières qui ont érodé ses capacités d'action. A titre d'exemple, et en prenant pour base de référence la période 1982 - 1989, aucun des Etats membres n'était à jour en ce qui concerne le versement de ses contributions. Onze Etats n'avaient procédé à aucun versement (Angola, Cameroun, Cap-Vert, Guinée Equatoriale, Guinée, Guinée-Bissau, Libéria, Mauritanie, Sao Tomé-et- Principe, Sierra Léone, ex-Zaïre). Les autres pays étaient à des niveaux de versement variable : de l'ordre de 80% pour la Côte d'ivoire à près de 5% pour le Nigéria, ce qui représentait un taux général de contributions de l'ordre de 16% (566009 USD versées sur 3407350 USD escomptées)308. En 2004, les Parties contractantes à la Convention d'Abidjan ont décidé d'effacer les arriérés accumulés en espérant que cela constituerait la base d'un nouvel élanfinancier. Dans le cadre du processus de revitalisation en cours, les Parties onténuméré en mai 2008 un ensemble de recommandations financières en vued'asseoir la santé financière de l'organisation, à savoir :
307 PNUE, « Plan d'Action pour la protection et la mise en valeur du milieu marin et des zones côtières de larégion de l'Afrique de l'Ouest et du Centre », Rapport et études des mers régionales, n° 27, 1983, partie VDispositions institutionnelles et financières. 308 PNUE, « Rapport de réunion », sixième Réunion du Comité Directeur de l'environnement marin de l'Afriquede l'Ouest et du Centre, Dakar (23-24 janvier 1989), Document UNEP(OCA)/WACAF/IG.2/3, 24 janvier 1989,Annexe VI 'Contributions au Fonds d'affectation spéciale pour la période 1982 - 1989'. 116 d) que lesfuturs paiements doivent se faire par rapport à la contribution évaluée selon lesconditions approuvées en 1983309. Si de telles recommandations visent à régler unproblème essentiel qui a longtemps miné la Convention, à savoir la question desarriérés des contributions, elles ne posent pas pour autant les bases de la pérennitéfinancière de l'organisation dans le futur. Les Etats parties à cette Convention sedevront à cet effet de réfléchir à un nouveau mode de financement susceptibled'accompagner la mise en oeuvre de son programme d'activités. Les instruments decoopération EU/ACP et le NEPAD qui offrent une occasion de financement doiventpar exemple faire l`objet d`explications dans les Etats pour une exploitationbénéfique. Les recettes provenant de l`exploitation du domaine public maritime de larégion peuvent également contribuer à financer les plans d`action de la Convention. A l'analyse, il apparaît que la Convention d'Abidjan est l'une des conventions sur lesmers régionales les moins développées. En dépit de l'élan initial qui s`était manifestélors de son adoption, elle n'a pas réussi à s'imposer comme l'instrument de référencedevant orienter les politiques nationales en matière de gestion du milieu marin et deszones côtières de la région. Cette léthargie ne lui a pas permis de se singulariser pardes initiatives concrètes et visibles sur le terrain, lesquelles auraient sûrement permisson ancrage dans le quotidien des populations et dans l`agenda des Etats de larégion. Elle s`est par conséquent trouvée suppléée sur le terrain par diversesinstitutions qui ont assuré - avec des résultats relatifs - la tâche de protection et degestion de l'environnement marin et côtier dans l'espace régional alors qu`une bonnegestion des revenus générés par cet environnement pourrait conduire à sonautofinancement. Il serait temps, à travers cette étude, de faire comprendre à l'Afrique mais particulièrement à la région couverte par la convention WACAF qu'elle a un bel instrument en sa possession. Nous pensons, et c'est véritablement notre contribution, que les états partis devraient revitaliser sinon renforcer l'assise financière de la convention afin de lui donner une place de choix et forcer le respect des institutions internationales. Car, sans toutefois verser dans `'l'afro - centrisme», l'a-t-on bien appris, « la main qui donne, c'est cette même main qui ordonne ». C'est pourquoi, la Côte d'ivoire, puisque c'est ici qu'elle a vu le jour, devrait user de son leadership pour mobiliser les autres Etats afin d'apporter une fraicheur financière à la convention qui couvre l'une des parties les plus riches des littoraux du monde. 2- La mise en place des mécanismes d'autofinancement La crise financière qui secoue actuellement les pays développés va se traduireinéluctablement par la diminution de l`aide publique au développement fournie parles donateurs, aussi bien bilatéraux que multilatéraux. L'assèchement des capitaux va amener les pays riches à être plus exigeants envers les récipiendaires de cetteaide dans l`utilisation des dons au bénéfice de la lutte contre la pauvreté et donc pourla protection de l`environnement. La Côte d'ivoire ne peut doncéchapper à ce paradigme qui pourrait se traduire par la dégradation accélérée de son littoral. Elle doit donc anticiper le choc que peut créer l`arrêt ou laréduction des aides. Signalons déjà que les mécanismes traditionnels definancement, (tels que les subventions des bailleurs de fonds et les programmesd`ONG, les subventions budgétaires du gouvernement et 309 PNUE, « Rapport de la première Réunion du Bureau de la Convention d'Abidjan relative à la Coopérationen matière de Protection et de Mise en Valeur du Milieu Marin et des Zones Côtières de la Région de l'Afriquede l'Ouest et du Centre », Dakar (10 mai 2008), Document UNEP(DEPI)/WAF/BUR.1/F, avril 2008. 117 les frais d'utilisation) sontsouvent de durée limitée et rendent donc difficile la planification des investissementset des actions de gestion sur le terrain à long terme. Pour mieux assurer unfinancement durable des frais de fonctionnement et d`investissement, il devientsouhaitable de mettre en place des mécanismes pour assurer un niveaud`autofinancement indépendant. La déclaration de Rio signée lors du sommet de la terre en 1992, établit que lesautorités nationales devraient s'efforcer de promouvoir l'internalisation des coûts de protection del'environnement et l'utilisation d'instruments économiques, en vertu du principe selon lequel c'est lepollueur qui doit, en principe, assumer le coût de la pollution...» Le principe d`internalisation doit encourager les réformes macro-économiques et institutionnelles dans les pays en développement donc en Côte d'ivoire, comme les Réformes Fiscales Ecologiques310 que le GTZ311 encourage déjà dans plusieurs pays : Benin, République Démocratique du Congo, Gabon, Ghana. Si ces réformes sont conduites en attirant explicitement l`attention sur les impacts environnementaux induits par le développement, nul doute que les revenus générés serviront à l`autofinancement de l`environnement et donc du milieu marin et des zones côtières. Cela conduit également à l`idée que les préoccupations environnementales doivent être intégrées aux préoccupations économiques et sociales, comme le veut le concept de développement durable. Un système definancement durable efficace devra toutefois s`appuyer sur plusieurs mécanismes etapproches, car la diversification des sources de financement sera une garantieessentielle pour le financement durable à long terme. Mais avant, si nous voulons parer au plus presser, il serait souhaitable, aux regards des autres domaines qui se sont dotés d'un fonds assez particulier, que le littoral ait un fonds qui lui est dédié vu son importance. Cela permettrait une véritable efficacité dans la résolution des conflits mais aussi des dommages de tous ordres. Encore que c'est ce milieu qui génère plus de revenu à l'Etat avec ses nombreuses activités économiques que nous avons étudiées en introduction de ce mémoire. SECTION II : LA PROMOTION DES STRUCTURES ADMINISTRATIVES CHARGES DE LA PROTECTION DU LITTORAL Aussi pertinentes qu'elles soient, les règles de droit ne produisent pas, par elles-mêmes, les effets qu'on en attend. Leur efficacité dépend le plus souvent des moyens de contrôle mis en oeuvre par les parties pour en assurer le respect. Les règles de protection de l`environnement n`échappent pas à cette réalité. Or, dans en Côte d'ivoire, les règles de protection de l`environnement marin et côtier souffrent d`un cruel déficit de contrôle, les institutions chargées d'opérer ces contrôles n'exerçant pas toujours les compétences que leur reconnaissent les instruments nationaux et internationaux relatifs au littoral ratifiés par la Côte d'ivoire. Leur efficacité s`en trouve donc affectée. Les différents textes relatifs à la protection de la zone côtière prévoient, globalement, deux types de mécanismes de mise en oeuvre de leurs dispositions : les mécanismes non juridictionnels et les mécanismes juridictionnels. 310 Les Reformes Fiscales Ecologiques (RFE) sont promues par le Comité d'aide au développement (CAD) del'OCDE. Voir OECD DAC (2003), Working Party on DevelopmentCo-operation and Environment, Scoping Workshop on «Reducingpovertythroughenvironmental fiscal reform (EFR)», OCDE: Paris, (disponible en ligne: http://www.sourceoecd.org/environment/9264026576) et OCDE DAC (2005) La Réforme Fiscale Ecologique axée sur la réduction de la pauvreté, OCDE: Paris. Disponible en ligne: http://www.oecd.org/dataoecd/32/32/35050955.pdf ; Cité par ZOGNOU (Théophile), op.cit., P.432 311 Voir GTZ, Environmental Fiscal Reform and National Forest Policies, 2005. GTZ la Deutsche GesellschaftfürTechnischeZusammenarbeit est l'agence de coopération technique allemande pour le développement). Cité par ZOGNOU (Théophile), op.cit., P.432 118 Les mécanismes non juridictionnels consistent essentiellement en des procédures administratives non contentieuses que peuvent par exemple mettre en oeuvre la cote d'ivoire et consistent concrètement en des mesures que peuvent prendre directement les services techniques du ministère en charge de l'environnement ou d'autres ministères pour des questions relevant de leurs compétences respectives. Ces mesures peuvent revêtir la forme de décisions d'interdiction ou de suspension d'une activité jugée dangereuse pour l`environnement; elles peuvent également consister en des amendes de police en réparation d'un dommage limité à l'environnement portuaire, en des saisies et confiscations de produits ou denrées obtenus en infraction aux dispositions environnementales ou en une transaction consécutive à une atteinte à l'environnement, lorsque son auteur est disposé à trouver un arrangement à l'amiable avec l'autorité administrative compétente, tandis que les mécanismes internationaux de contrôle mis en oeuvre dans le cadre des conventions peuvent parfois aboutir à l'arrêt des financements. Mais dans l'un comme dans l'autre cas on relève de nombreuses insuffisances312. Sur le plan juridictionnel, malgré tous les actes de délinquance écologique qui se traduisent très souvent par le déversement des déchets industriels directement dans la mer, l`occupation anarchique de la zone côtière, la pêche illégale dans les eaux de la région, la pollution fréquente de la mer et des zones côtières par les hydrocarbures, on observe encore une certaine tolérance administrative. Les tribunaux sont rarement saisis. Le déversement en 2006 à Abidjan par le navire Probo Koala affrété par la société Trafigura des déchets toxiques, causant la mort d'au moins 17 personnes et l'intoxication de plus de 100 000 autres313, illustre bien cette attitude. La catastrophe est soldée par un arrangement à l'amiable alors que la Convention d`Abidjan était applicable314. 312 On a pu constater que les Etats agissent « selon qu'il leur convient » et « dans la mesure du possible », ce qui altère la portée de la norme et compromet la réalisation des objectifs poursuivis. On a aussi remarqué que le « législateur » international, aux termes des conventions récentes, a institué un contrôle préventif pour éviter toute violation de la norme, pour en assurer le respect et la promotion .voirC.IMPERIALI, « Introduction générale », in L?effectivité du droit international de l?environnement, Ed. Economica, 1998, p.9.. Il s'agit en fait d'un contrôle systématique fait par les organes conventionnels dont les techniques et procédures s'inscrivent largement dans un système de rapports qui dans le Golfe de Guinée reste insuffisant et insusceptible d'obliger les Etats régionaux à respecter leurs obligations conventionnelles. Malgré l'institution des Comités scientifiques et techniques notamment dans la plupart des conventions ratifiées par les Etats du Golfe de Guinée telles la Convention sur la Diversité Biologique, la Convention sur les changements climatiques et même la Convention d`Abidjan, les résultats escomptés sont bien loin d`être atteints. De plus, en dépit du suivi réactif que peut impliquer ce contrôle (enquête et inspection), il s'avère difficile d'en admettre l'efficacité. L'aboutissement des procédures est facultatif et se heurte au consentement préalable de l'Etat. En outre, si malgré tout le contrôle s'opère, la mise en oeuvre des conclusions et recommandations repose sur le dialogue, la négociation et la conciliation. Ibid. p. 13.. 313 Chiffres issus de sources officielles ivoiriennes et repris par des observateurs internationaux (ex : Rapporteur spécial des Nations unies sur les déchets toxiques, Organisation mondiale de la santé, Bureau de la coordination des affaires humanitaires - OCHA). Ces chiffres ont toujours été contestés par TRAFIGURA qui a, dans le cadre de la procédure engagée au Royaume-Uni, appelé en 2009 des experts à étudier la question ; à l'issue de leur étude, ils ont déclaré ne pas pouvoir faire de lien direct entre le déversement et l'exposition auxdéchets toxiques à Abidjan, et les morts et blessures graves constatées en Côte d'Ivoire. 314 A Douala au Cameroun, l'usine de savonnerie C.C.C (Complexe chimique du Cameroun), qui constitue l`une des plus anciennes unités industrielles de la ville, a toujours déversé des déchets liquides dans un canal qui rejoint le lit du Wouri, grand fleuve qui se déverse en mer (contenant des crevettes, des silures dits sacrés) entraînant régulièrement la mort de dizaines de milliers d`espèces marines. Pourtant, aucune procédure judiciaire n'a jamais été engagée à l'encontre de ladite usine. De même, la CIMENCAM (Cimenterie du Cameroun), implantée dans la zone industrielle de Bonabérie, continue de déverser des déchets liquides dans le même fleuve Wouri, sans jamais avoir non plus été inquiétée par une quelconque procédure judiciaire. Et encore, même les coupes abusives de bois de mangrove et les feux de brousse, pourtant pénalement répréhensibles, ne font quasiment pas l'objet de poursuites pénales. De nombreux établissements classés se créent et fonctionnent en méconnaissance de la réglementation relative aux établissements. 119 Cette amélioration s'analyserait sur un double angle à savoir l'amélioration des moyens d'intervention des structures administratives et la nécessité de la mise en place d'un organisme chargé de la gestion du littoral. PARAGRAPHE I : L'AMELIORATION DES MOYENS D'INTERVENTION DES STRUCTURES ADMINISTRATIVES On observe en effet une certaine impunité qui montre les limites des mécanismes juridictionnels à assurer une protection efficace de la zone côtière du pays. Il devient par conséquent impératif de réorienter ou plutôt de redéfinir les mécanismes conventionnels de contrôle et le pouvoir des institutions d`une part (A) et renforcer la responsabilité pour une protection efficace du littoral d`autre part (B). A- LA REDEFINITION DES MECANISMES DE CONTROLE ET DES POUVOIRS DES INSTITUTIONS Ilest vrai que le droit de l`environnement souffre de sa complexité et de sa nature révolutionnaire qui implique un réel changement de comportement de la part de ceux qui ont longtemps cru que protéger l`environnement était « l'affaire de quelques naturalistes et autres marginaux »315. Toutefois, précisément parce qu`il ne va pas dans le sens des habitudes des citoyens, le droit de l`environnement exige une action volontariste des pouvoirs publics pour lui assurer un minimum d`efficacité. Cela suppose que ces pouvoirs publics jouent pleinement leur rôle, notamment en organisant des contrôles préventifs et, le cas échéant en rendant effective les sanctions. En Côte d'ivoire, il s`agira surtout de réorienter les mécanismes de contrôle mis en place dans le cadre de la protection de la zone côtière, mais aussi de renforcer les capacités des institutions en charge de ce contrôle. 1- La réorientation des mécanismes de contrôle Les procédures de contrôle de l`application des textes ne débouchent pas, généralement, sur une condamnation des Etats « fautifs », mais sur une assistance à leur mise en oeuvre, qu`elle soit financière, technique ou juridique. Bien plus, les moyens de sanctionner le non-respect proprement dit sont peu nombreux. Lorsqu`ils existent, ils ont une valeur dissuasive et sont destinés en réalité à prévenir les manquements. Cette politique que nous pouvons qualifier de paternaliste est certainement à l`origine de la dégradation continue de notre littoral. Il devient impératif d`exhorter le gouvernement à activer et renforcer son contrôle. En effet, les lois et les règlements sont faits généralement pour prescrire, ordonner ou interdire. On peut dire que la législation sur le milieu marin et les zones côtières vise normalement ces mêmes objectifs. Mais, la question qui se pose est celle de l`efficacité des textes juridiques. Pour cette raison la loi doit prévoir en même temps les moyens de son application. A ce propos, Catherine BERGEAL estime que « nombreux sont les textes, surtout parmi ceux qui créent des droits ou des garanties nouvelles, dont l'application nécessite la 315 M. KAMTO, Droit de l'environnement en Afrique op. cit. , p.16. 120 mise en place de moyens pratiques supplémentaires en personnel ou en argent. Or trop souvent, ces moyens font défaut et des textes soigneusement élaborés ne peuvent être adoptés, ou même, ce qui est beaucoup plus praticable, restent lettre morte, parfois durant de longues années »316. C`est pourquoi, il est souhaitable que la législation sur le littoral prévoit non seulement les mécanismes de contrôle administratif des utilisations de ces espaces mais aussi ceux de la validité des autorisations et permis d`exploitation des ressources. En outre, certaines dispositions du texte doivent assurer, d`une part la protection des droits acquis par voie administrative ou légalement, et de l`autre, prévoir les possibilités d`exercer des recours contre certaines décisions administratives ou même contre les procédures mises en oeuvre. En plus, on peut noter que des sanctions administratives et pénales sont nécessaires à la bonne application de la loi. Toutefois, l`usage excessif des sanctions paraît contre-productif par rapport aux objectifs de gestion durable de cet environnement et de ses ressources qui requièrent nécessairement la participation de tous les acteurs. Cela ne veut pas dire qu`il faut négliger les sanctions, mais il s`agit de privilégier une démarche visant à prévenir la survenance des tensions autour de la protection et la gestion de ces écosystèmes. Compte tenu des usages multiples des zones côtières, les infractions aux dispositions réglementaires seront constatées par procès-verbal notifié au contrevenant par les officiers et agents de police judiciaire, les agents et fonctionnaires assermentés et commis à cet effet par les ministres chargés de l'environnement, de l'urbanisme et de l`habitat, de l'agriculture et de l'élevage, etc. Par contre, nous pensons que cette démarche a peu de chance de déboucher sur des sanctions pour des raisons liées au manque de personnel qualifié et de moyens logistiques. En plus, les logiques sociétales africaines privilégient beaucoup plus les arrangements en lieu et place des sanctions. La précarité des agents de l`État chargés de la protection des ressources naturelles pousse aussi ceux-ci à tolérer certaines infractions en contrepartie d`une faveur financière ou par l`évocation des liens sociologiques notamment le clan, la tribu, l`ethnie, etc.317. Dans le contexte ivoirien, pour rendre effective les réglementations de gestion des ressources naturelles, celles-ci pourront renforcer les pouvoirs des autorités coutumières qui auront pour charge de constater certaines infractions et ce en complément des agents relevant de l`État.Aussi, l`adoption des conventions locales permettra de créer les conditions pour une adhésion des bénéficiaires à travers les engagements auxquels ils auront librement souscrit. Un autre volet indispensable à l`objectif de protection effective de la zone côtièreivoirienne est celui de la redynamisation institutionnelle qui se résume à l'octroi de moyens aux institutions pour assumer leurs responsabilités. 2- L'octroi de moyens aux institutions pour assumer leurs responsabilités L'efficacité des textes relatifs à la protection de la zone côtière en Côte d'ivoire est fragilisée par le faible poids des institutions en charge de leur application. En effet, ces services disposent souvent de trop peu de pouvoirs et de moyens pour faire face à la forte pression à laquelle ils sont soumis, notamment dans les cités côtières où l`urbanisation est incontrôlée et où les dangers de pollutions sont palpables pour cette zone. Aucune action durable de 316 BERGEAL (Catherine), rédiger un texte normatif, loi, décret, arrêté, circulaire, Berger-Levrault, Paris, décembre2008, p. 179. 317D`ailleurs, même en France, Le Conseil d`État constatait que pour certaines législations techniques, « les infractions sont insuffisamment relevées par les agents chargés de leur contrôle et, lorsqu'elles le sont, font souvent l'objet d'un classement sans suite du parquet ou bien d'une indulgence des tribunaux pour des infractions considérées comme secondaires ou mal appréhendées en raison de leur technicité. Les sanctions pénales sont, par ailleurs inadaptées aux infractions commises en raison de leur caractère déshonorant » Cf. BERGEAL (Catherine), op.cit. P 201. 121 sauvegarde et de mise en valeur de ce milieu n`atteindra ses objectifs en Côte d'ivoire tant que la grande majorité des services qui en ont la charge resteront aussi passifs. Ces services ont manifestement besoin d`être renforcés d`un point de vue institutionnel, humain et opérationnel, pour être à la hauteur de leurs missions. Pour l`essentiel il sera question ici du renforcement du pouvoir des institutions en charge de la zone côtière. Comme on a eu l`occasion de le remarquer, les institutions tant nationales qu`internationales jouent un rôle très important dans la mise en oeuvre des règles juridiques prescrites par les conventions internationales et les textes nationaux législatifs et réglementaires. L`intervention de ces institutions est cependant limitée compte tenu de l`étendue et de la portée des pouvoirs qui leur sont conférés. Ces limites sont essentiellement relevées dans l`exercice de leur pouvoir de contrôle de la mise en oeuvre des normes juridiques. De manière générale, les institutions publiques jouent un rôle primordial aussi bien dans la mise en place des règles juridiques de protection et de gestion de l`environnement que dans leur application effective. Elles doivent veiller au respect des règles édictées et pouvoir sanctionner les administrés qui violent lesdites règles. Cependant, si dans le pays, les organes publics rencontrent d`énormes difficultés dans l`exécution de leurs tâches, cela est fondamentalement dû au fait que leur politique interne en matière d`environnement marin est inefficiente et inefficace. C`est la raison pour laquelle plusieurs approches de solutions sont possibles pour remédier à ces manquements. Pour que l`administration publique (centrale, déconcentrée et décentralisée) puisse effectivement jouer le rôle qui lui incombe, elle devrait pour commencer, se doter de personnels compétents en matière d`environnement. Pour cela, il est important, voire nécessaire, qu`elle dispose au niveau le plus haut de compétences en matière juridique et de gestion administrative. La maîtrise des procédures permet, en effet, de mieux bénéficier des possibilités offertes : lignes budgétaires, procédures de recrutement, etc. Les servicesde protection de l`environnement marin et côtier doivent également veiller à ce que les normes existantes soient efficaces et en adéquation avec les réalités du terrain. Par la suite, ils doivent formuler des propositions concrètes permettant d`améliorer le cadre juridique existant, lorsque cela s`avère nécessaire. Une telle expertise peut s`acquérir par la pratique. Des formations internes dans les ministères pourraient cependant s`avérer d`une plus grande efficacité. En ce qui concerne spécifiquement l`environnement marin et côtier, un contrôle plus poussé devrait être exercé à tous les niveaux du mécanisme de protection. Pour les moyens de prévention par exemple, les autorités qui délivrent les autorisations pour le démarrage d`activités à risques devront en premier lieu s`assurer de l`effectivité de la réalisation d`études d`impacts sur le milieu marin et les zones côtières et en second lieu exercer un contrôle sur le contenu du rapport produit. Elles devront être en mesure d`interdire la réalisation des activités entrant dans le cadre de la mise en oeuvre du projet, lorsqu`elles jugent les résultats des études d`impact non conformes aux normes environnementales. Par ailleurs, afin de permettre aux services administratifs d`exécuter leurs tâches dans le respect des textes juridiques, des solutions devraient être trouvées aux problèmes posés par le manque de ressources financières dont souffrent le pays. L`affectation de fonds publics à la recherche environnementale, à la réalisation de projets environnementaux, la lutte contre la corruption dans les services publics, la promotion de la participation de tous les acteurs de développement, la lutte contre la pauvreté, sont autant de propositions de solutions pour sortir de la situation dans laquelle se trouvent ces institutions de droit interne. Il faudrait surtout mener des réflexions à tous les niveaux, réflexions censées aboutir à la réalisation d`activités susceptibles de générer des fonds (au niveau étatique et local) afin de doter les services d`une certaine autonomie financière. 122 A coté de la redéfinition des mécanismes de contrôle des structures déjà existantes, il est nécessaire de créer un organe chargé de la gestion du littoral qui pourrait voir le jour en même temps que la loi sur le littoral proposer plus haut. |
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