B- UNE FAIBLESSE DE COORDINATION INSTITUTIONNELLE
À la diversité institutionnelle relevée
ci-dessus correspond une fragmentation des compétences dévolues
aux ministères et autres organismes impliqués dans la protection
et la gestion des ressources naturelles marines.
Le MINESUDD est confronté à d'importantes
difficultés institutionnelles : les rôles, tâches et
missions par rapport aux autres ministères ne sont pas bien
clarifiés.
202Voir Pr. KAMTO (Maurice), Droit de
l'environnement en Afrique, Edicef, 1996, p 266, p. 105.
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Aussi, Les restructurations quasi - permanentes de la plupart
des Ministères empêchent le développement de
"mémoires" institutionnelles. Cette situation rend extrêmement
difficile l'intégration transversale des aspects environnementaux et la
création d'une vision commune.
Il n'existe pas, à l'heure actuelle, en Côte
d'Ivoire, une structure unique, transversale, chargée de la gestion et
de la protection de l'environnement marin et côtier.
En effet, la commission nationale du développement
durable (CNDD) a été mise en place en février 2005 et le
coordonnateur nommé en novembre 2005. La CNDD était
rattaché en ce moment, au cabinet du ministre chargé de
l'environnement, des eaux et forêts au lieu d'un rattachement au cabinet
des Ministres comme initialement prévu. Du fait de problèmes
multiples (financier et organisationnel), cette structure n'était pas
encore opérationnelle. Aucune réunion de concertation entre les
divers ministres n'avait encore été tenue. De plus, les multiples
réorganisations nécessitent un remplacement de 25% des membres
nominé, ces derniers ayant aujourd'hui une autre
fonction203.
Ainsi, l'exploitation des ressources halieutiques incombe au
ministère de la production animale et des ressources halieutiques. La
prospection et l'exploitation des ressources pétrolières
offshore ressortissent à la compétence du
ministère des mines et de l'énergie. La lutte contre la pollution
pélagique relève de la compétence de la police maritime,
une direction du ministère des transports. La lutte contre la Pollution
d'origine tellurique relève de la compétence du Service
d'inspection des installations classées (SIIC), une structure
placée sous l'autorité du ministère de
l'environnement204.
L'émiettement des structures relevé ci-dessus
entraîne, malheureusement, une incohérence dans l'action des
services administratifs concernés205.
Cette situation, soulignons-nous, n'est pas spécifique
à la Côte d'Ivoire. Elle se rencontre également dans
d'autres États. Le phénomène n'est pas seulement
circonscrit aux services administratifs chargés de protéger le
milieu marin et côtier. Il concerne plutôt l'ensemble des services
administratifs ayant des compétences en matière
environnementale.
Au niveau africain, le professeur Maurice KAMTO souligne,
à juste titre d'ailleurs, que « l'incohérence des
institutions classiques ... vient de l'absence de coordination dans un contexte
de pluralisme structurel accentué. Il en résulte, d'une part, un
manque de vision globale des problèmes et une absence d'articulation des
solutions, d'autre part, une
203 HALLE (Birgit) et BRUZON (Véronique), op.cit., p53
204 Le décret n°98-43 du 28 janvier 1998 relatif
aux installations classées pour la protection del'environnement
répartit les champs de compétence entre, d'une part, les
installations classées relevant ducivil et les installations
classées de l'État affectées à la Défense
nationale, d'autre part. Selon l'article 22 dudécret n°98-43 du 28
janvier 1998, le Service d'inspection des installations classées (SIIC)
est placé sousl'autorité du ministère de l'environnement.
L'inspection des installations de l'État affectées à la
Défensenationale relève de la compétence du
ministère de la Défense en vertu de l'article 23 du même
décret. Cité par TIEBLEY (Didier Yves), op.cit. , p50
205 À titre d'illustration, nous mentionnerons
l'intervention du docteur Alphonse DOUATY, ministre de laproduction animale et
des ressources halieutiques, au cours d'une édition du « Grand
Journal » de la Radio télévision Ivoirienne (RTI)
1ère chaîne. L'intervention du ministre DOUATY a été
diffusée le vendredi 25avril 2009, au journal de 20 heures. Dans cette
interview accordée à la journaliste Awa Tabitha EHOURA,le
ministre DOUATY déplorait le manque de synergie entre la Marine
marchande, la Police maritime et laDirection des pêches. Il a
révélé que l'action non concertée de ces structures
étatiques influe négativementsur l'efficacité de la lutte
contre le pillage des ressources halieutiques des eaux côtières de
la République deCôte d'Ivoire.Le ministre a également mis
en relief, dans le quotidien Fraternité Matin, les avantages d'une
action concertéeponctuelle entre les services administratifs en
matière de surveillance active des pêcheries maritimes dela
République de Côte d'Ivoire. Il a commenté que cette action
administrative concertée a permisl'arraisonnement, aux larges de San
Pedro, de deux bateaux de pêche : le « Toty» immatriculé
au Nigeriaavec un équipage coréen et le « Match 2»
immatriculé à Takoradi au Ghana, avec un équipage chinois.
Leministre a souligné que le bateau immatriculé au Ghana a
été saisi pour nécessité d'enquête. Des
soupçonspèseraient sur ce navire à propos de l'incident
qui s'est soldé par la disparition de quatre agents de la policemaritime
le 10 mars 2009.Cf. KOUADIO (Théodore), « Pêche
illégale : Deux bateaux étrangers saisis à San Pedro
Fraternité Matin », in Fraternité Matin, n°13.328,
mercredi 15 avril 2009, p.8. Cité par TIEBLEY (Didier Yves), op.cit. ,
p51
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dispersion des moyens de fonctionnement, la dilution du
pouvoir de décision et donc une certaine inertie de l'administration
face à des problèmes qui appellent des réactions rapides
»206.
En République Française, le Doyen Michel PRIEUR
constatait également un phénomène de dispersion des
services administratifs compétents en matière environnementale.
Il écrit à ce sujet : « Dans les années 1960, les
responsabilités administratives en matière d'environnement
étaient partagées entre six ministères principaux,
compétents pour l'hygiène et l'aménagement du milieu
»207.
Enfin, la lenteur administrative générale
(signature des décrets et arrêtés par les ministères
concernés) empêche la mise en oeuvre de certaines activités
pour une meilleure participation de la population (exemple de
l'arrêté inter - ministérielle concernant les
comités locaux de gestion)208.
PARAGRAPHE II : LES LIMITES DU CONTROLE DES ACTIVITES
POUVANT ENDOMMAGER LE LITTORAL
Il s'agit ici de montrer les faiblesses, qui sont de sources
diverses, des organes chargés du contrôle du littoral et de
l'ensemble des activités qui s'y exercent. Aussi lorsqu'on parle des
limites au niveau du contrôle, il serait question d'un aspect important
de la pratique de la protection du littoral celui du contrôle.
Précisons déjà qu'il n'existe pas
à proprement parler de structure de contrôle spécifique au
littoral ; et qu'ensuite malheureusement l'action de contrôle des organes
qui en sont chargés souffre de quelques maux qui limite la protection du
littoral et dont il faille en soulever les raisons. Nous aborderons donc cette
analyse l'absence de contrôle des autorités environnementales(A),
qui est sans doute, liée à un véritable problème de
finances. Enfin, à cela, peut s'ajouter le problème de la base de
données (B).
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