SECTION II : LES FAIBLESSES DU CADRE INSTITUTIONNEL
Le champ d'organisation dans le domaine de l'environnement
reste marqué par la pluralité des structures créées
soit à l'occasion de l'application de la politique de l'environnement
soit dans le cadre des conventions internationales. Le réseau
organisationnel en matière d'environnement est à la fois dense,
complexe et peu cohérent. Il est utile de noter qu'à
côté des organisations internationales à vocation
générale telles que l'ONU et ses organes
spécialisés, se retrouvent juxtaposées des structures
propres aux conventions internationales en matière d'environnement,
notamment les conférences des parties, les secrétariats des
conventions198.
Les politiques nationale en matière d'environnement en
général n'échappe pas à ce réseau
organisationnel puisse que directement influencer par tout ce qui se fait au
plan international. Ainsi, les imperfections du cadre normatif et
institutionnel recèlent des conséquences dans la mise en oeuvre
nationale des politiques environnementales. La Côte d`ivoire, à
l'instar des pays africains, font les frais de ces incohérences comme en
témoigne les faiblesses de son cadre institutionnel.
197HALLE (Birgit) et BRUZON (Véronique), Profil
Environnemental de la Côte d'ivoire, rapport final, Commission
européenne,AFG Consult, Belgique, 128p, p60
198 Voir GADJI (Abraham), Thèse de Doctorat,
Université de Limoges, 2007, p175
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Cet éparpillement du réseau institutionnel
(PARAGRAPHEI) fragilise l'application de la politique globale de protection de
l'environnement malgré l'argumentaire de la spécialisation. Ce
qui entraîne la multiplicité des institutions. Mais aussi ces
faiblesses s'expliquent par les limites du contrôle des activités
pouvant endommager le littoral (PARAGRAPHEII).
PARAGRAPHE I : L'EPARPILLEMENT DES INSTITUTIONS
NATIONALES COMPETENTES
En Côte d'Ivoire, la protection de l'environnement
incombe à diverses structures administratives. Il en sera ainsi pour la
protection de la zone côtière.
En effet, le mécanisme de protection du milieu marin se
caractérise par un éparpillement des institutions nationales
compétentes. Cette situation annihile substantiellement
l'efficacité escomptée des mesures de protection.
Aussi, Cet éparpillement résulte de la
diversité des institutions étatiques compétentes (A) et
l'absence de coordination institutionnelle (B).
A- LA DIVERSITE DES INSTITUTIONS ETATIQUES IMPLIQUEES
La gestion de l'environnement marin, eu égard à
son caractère transversal, fait intervenir plusieurs ministères.
L'Administration publique ivoirienne chargée de gérer et/ou
protéger le milieu marin est protéiforme. Cette Administration se
répartit en une pluralité de départements
ministériels eux-mêmes ayant sous leur tutelle ou leur direction
une diversité d'organes techniques199.
Ainsi, le littoral devient le lieu où interviennent
plusieurs départements ministériels selon la ligne de partage
classique entre la mer pour la marine marchande et les travaux public, et la
terre pour l'urbanisme, l'agriculture, l'industrie, les transports.
Le cadre institutionnel relatif à l'environnement et
à la protection de la nature en Côte d'Ivoire se
caractérise par une multiplicité d'intervenants et par des
restructurations récurrentes.
Les institutions s'occupant des questions environnementales se
retrouvent pratiquement dans tous les ministères ; une situation qui
provoque des chevauchements, des lacunes de compétences et la confusion
par rapport aux mandats et responsabilités.
L'instabilité institutionnelle amoindrit
l'efficacité des actions et empêche le suivi efficace des
programmes.200
Historiquement c'est le ministère en charge de
l'environnement qui avait principalement la mission de gérer et
protéger l'environnement et donc le littoral. La
spécificité et transversalité des problèmes
environnementaux ont nécessité une approche globale ou toutes les
composantes de la société dans son ensemble sont
mobilisées pour une protection efficiente. Mais au lieu de mieux les
résoudre, cette approche participative favorisant la multiplicité
des intervenants dans la protection alourdit plutôt le processus.
199Il s'agit notamment du Centre ivoirien
antipollution (CIAPOL), l'Agence nationale de l'environnement (ANDE), le Fonds
nationale de l'environnement (FNDE) et l'Office ivoirien des parcs et
réserves (OIPR) placés sous la tutelle du Ministère de
l'environnement des Eaux et Forêts ; de l'Office nationale de la
protection civile (ONPC) relevant de la tutelle du Ministère de
l'Intérieur ; du Centre de recherche océanologique (CRO)
placé sous la tutelle du Ministère de l'Enseignement
Supérieur ; la Police maritime, une direction du Ministère des
Transports. Cité par TIEBLEY (Didier Yves), op.cit. , p49
200 HALLE (Birgit) et BRUZON (Véronique), op.cit. ,
128p, p53
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1- Des distributions de responsabilités trop
larges aux autres autorités ministérielles
Hormis les Ministère de l'environnement et de
l'urbanisme, la gestion et la protection du milieu marin et côtier
incombent à plusieurs départements
ministériels201. Cette multitude d'intervenants pose un
réel problème de coordination. Ainsi pèle mêle on
peut citer comme départements ministériels compétents sur
le littoral et sa protection :
Le Ministère de l'intérieur intervient dans la
mise en oeuvre du Plan POLLUMAR ;
Aussi, le Ministère de l'intérieur se voit
être concerné en raison de l'implication des collectivités
territoriales et locales (Communes, Districts,...) qui en dépendent. La
décentralisation confère, de plus en plus, un rôle
prépondérant aux collectivités locales et territoriales en
matière de gestion de l'environnement mais plus spécifiquement
aux collectivités littorales.
Le Ministère de l'Agriculture dont l'un des objectifs
est de parvenir à une pratique raisonnée de l'agriculture
respectueuse de l'environnement a créé en son sein une
Sous-Direction de l'environnement en 2003. Depuis fin 2005, cette entité
administrative a démarré ses activités. Des structures
sous tutelle comme l'ANADER (Agence Nationale d'Appui au Développement
Rural) mènent des actions de vulgarisation des bonnes pratiques
agricoles et d'encadrement des populations rurales. Elle bénéfice
du soutien du LANADA (Laboratoire National d'Appui au Développement
Agricole) qui possède sept laboratoires thématiques (Pathologie
animale, Eco toxicologie, Hygiène alimentaire, Analyse des semences,
Aquaculture, Nutrition Animale, Insémination artificielle).
Le Ministère de l'Industrie dispose d'une Sous-Direction
"Environnement" chargée de la sensibilisation des entreprises pour
l'utilisation des technologies moins polluantes. Le Ministère a la
tutelle du LANEMA (Laboratoire National d'Essais, de Métrologie et
d'Analyses) pour assurer le suivi des émissions des industries.
Le Ministère des mines et de l'énergie qui
délivre les permis d'exploration et d'exploitation des ressources
pétrolières offshore ; aussi contrôle
l'exploration minière et des hydrocarbures. La direction de
l'énergie est chargée de l'électrification rurale et des
énergies renouvelables. Le Ministère et des Ressources Animales
Halieutiques est chargé entre autres de la gestion et du suivi des
ressources halieutiques. Aussi, il délivre les autorisations de
pêche en mer ;
Le Ministère de la Recherche Scientifique intervient
dans le secteur de l'environnement au travers des structures de recherche
placées sous sa tutelle.
En outre, le Ministère de l'Enseignement
Supérieur est impliqué dans la problématique de la gestion
de l'environnement côtier et marin à travers ses
universités, centres et instituts de recherches et ses laboratoires dont
les champs de compétences touchent les problèmes visés par
les conventions. Rattachés pour la plupart aux Unités de
Formation et de Recherches (UFR), ces centres, instituts et laboratoires
existent au plan national.
Le Ministère des Infrastructures Economiques :
gère les infrastructures et le domaine public de l'Etat. La Direction de
l'Hydraulique Humaine de ce Ministère s'occupe de l'alimentation des
populations en eau potable, de la collecte des données et des mesures
hydrologiques. Des sociétés d'Etat comme les Ports d'Abidjan et
de San Pedro sont sous la tutelle du Ministère des Infrastructures
Economiques.
201 Voir Décret n° 2012-625 du 06 juillet
2012portant attributions des Membres du Gouvernement de la république de
Côte d'ivoire.
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La Direction de la Météorologie Nationale
(DMN/SODEXAM) collecte les données climatologiques. Ses relations avec
les structures sous régionales lui donne un rôle dans l'Organe
National de Coordination de la Convention pour la Lutte contre la
Désertification.
Le Ministère des affaires étrangères est
chargé du suivi de la procédure de ratification des accords et
traites internationaux, de leur mise en application et de leur conservation. Il
est donc clair que tous traités, accords ou instruments en rapport avec
le littoral leur sera soumis.
Les Ministères, comme celui de la famille, de la femme
et de l'enfant ; de la culture et de la francophonie ; de la promotion des
jeunes, enfin de la communication entreprennent tous des actions qui ont des
impacts plus ou moins importants en matière de gestion
environnementale.
En définitive, la protection du littoral et même
de l'environnement est le théâtre d'intervention d'un grand nombre
d'acteurs qui débouche quelque fois sur un cafouillage quant à
qui fait quoi. L'on ne sait finalement qui est compétent, ce que
confirmera le Pr. KAMTO lorsqu'il dit « à l'éclatement
normatif correspondait une fragmentation institutionnelle qui soulevait et
soulève encore entre autres problèmes celui des conflits de
compétence dus aux chevauchements des missions »202 .
2- Une implication massive des organisations dans la
gestion du littoral
Le mouvement des ONG et associations apparaît
relativement récents en Côte d'Ivoire. Il a commencé dans
les années 90 avec la récession économique créant
des conditions de vie plus difficiles. Depuis 1999, l'éclosion des ONG
est plus forte dans la mesure où après le Coup d'Etat de 1999, la
modification de la constitution a conduit à une sorte de mobilisation
sociale.
Dans le domaine de l'environnement, il existe une centaine
d'ONG en grande partie organisée en réseaux. Environ 80 ONG
constituent la FEREAD (Fédération des Réseaux des ONG et
Associations de l'Environnement) et 40 autres sont en train de créer une
union des associations partenaires d'un programme PNUD ; programme qui finance
les micro-projets environnementaux des ONG locales.
Il existe une volonté politique d'associer la
société civile et, de plus en plus, les ONG participent au
dialogue politique.
Malheureusement, cet éparpillement des institutions
nationales compétentes est source de
dysfonctionnement dû à l'absence de coordination
entre les différents services administratifs.
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