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La préservation de la zone côtière en droit ivoirien


par Bokoua Yao OUAGA
Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody - Diplomes d'Etudes Approfondies (DEA) ou Master 2 Recherche 2014
  

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CHAPITRE II : UNE INSUFFISANCE PATENTE DU CADRE

La protection de l'environnement marin et côtier est traitée de façon inégale dans les législations des pays de la sous-région du Golfe de Guinée. ceux-ci ne lui prêtent pas une attention égale sur le plan juridique. Les droits nationaux de quelques pays offrent un arsenal juridique assez fourni en la matière, alors que ceux de beaucoup d`autres Etats restent assez sommaires sur la question.

On aurait pu espérer trouver dans les conventions de caractère universel ainsi que les instruments juridiques régionaux précédemment examinés des ressources juridiques suffisantes pour combler ces lacunes ou ces inconsistances. Force est de constater que la plupart des Etats concernés ne prennent pas toujours les mesures d'application des conventions internationales auxquelles ils sont parties140.

En quoi consisteront donc les insuffisances de la protection juridique du littoral ivoirien ? En fait il s'agira pour nous dans cette partie de notre analyse, de faire un examen, sans forcémentprétendre à l'exhaustivité, des causes et des raisons de tout ce qui relativise la protection juridique de notre littoral.

Nous ferons le constat des faiblesses ou insuffisances du cadre juridique qui se retrouvent surtout au niveau de la pratique interne, c'est-à-dire qu'il y a un problème d'application et d'utilisation des instruments à dispositions qu'ils soient internationaux ou nationaux. Ou encore de simples redistributions de compétences comme nous le verrons par la suite semblent être quelques unes des raisons de cette effectivité relative.

Il nous a semblé important d'aborder la question sous l'angle tel que l'on l'a pris dans la Première Partie de notre travail à savoir les plans juridique, institutionnel et financier.

Ainsi examinerons-nous les insuffisances de la législation (SECTION I) ainsi que les faiblesses des acteurs institutionnels et financiers (SECTION II) pour ne citer que ceux-là principalement.

SECTION I : LES INSUFFISANCES DE LA LEGISLATION

Ne serait-ce pas cet arsenal juridique international mal intégré qui atténuent l'efficacité de la protection du littoral ivoirien ? Les manques ou les lacunes juridiques, parfois juridictionnelles font de la protection du littoral une protection souvent inappropriée ou encore insuffisante.

La première remarque qui peut être exposée est que la législation en question n'est pas celle qui découle des traités et conventions internationales et régionales mais plutôt celle interne. Ce qui en fait une protection juridique dont le contenu peut sembler quelque peu vidé et qui induit comme corollaire une gestion intégrée inachevée.

Ainsi, l'insuffisante intégration des normes internationales (Paragraphe I) et les carences législatives etrèglementaires (Paragraphe II) que cela induit sont à la base du retard qu`accuse ce pays dans la protection de l`environnement marin et côtier.

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140 ZOGNOU(Théophile), op.cit., P.180

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PARAGRAPHE I : UNE INSUFFISANTE INTEGRATION DES NORMES INTERNATIONALES DE PROTECTION DES ZONES COTIERES141

L`insuffisante intégration des textes internationaux en droit interne suppose que l'Etat n'a pas intégralement respecté l'obligation relative à l'introduction des engagements pris sur le plan international dans son ordre juridique interne (A). Dans notre cadre d'étude, il s'agit d'une insuffisante introduction dans notre droit national des mesures juridiques mises en place par les textes internationaux, ce qui n'est pas sans conséquences sur les efforts fournis par l'Etat de Côte d'Ivoire dans la protection du littoral. Cette insuffisante intégration se manifeste visiblement en droit pétrolier ivoirien (B).

A- L'OBLIGATION D'INTEGRATION DES NORMES

INTERNATIONALES

L'obligation faite à la Côte d'Ivoire d'intégrer ou d'introduire dans son ordre juridique interne les traités internationaux est une règle fondamentale établie par le droit international. Cela implique une mise en place nationale de mécanismes visant non seulement à ratifier les traités et les conventions auxquels elle est Partie contractante, mais aussi à les rendre effectivement applicables.

1- La règle posée par le droit international

L'application d`un traité dépend avant tout de sa ratification, sa transposition et l`efficacité du contrôle juridictionnel mis en place. Traditionnellement, le terme « application » est la notion consacrée en droit pour désigner l'opération consistant à donner effet à un traité, à une disposition de celui-ci, à une décision142. Ce terme a été entériné par la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités qui dispose que « tout traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi ». Il s'agit d'un principe fondamental du droit des traités qui a été énoncé, celui de « pactasuntservanda»143 .

L'exécution de bonne foi et le respect de cette règle sont intimement liés pour constituer deux aspects complémentaires d`un seul principe, celui de l`exécution des traités. Ce principe d'exécution de bonne foi des obligations conventionnelles impose l'introduction dans l'ordre juridique interne des traités, qui établissent des droits et des obligations pour tous. Cette introduction permet aux normes conventionnelles de s'imposer effectivement comme n`importe quelle autre norme du droit interne, vis-à-vis non seulement de toutes les autorités étatiques, gouvernementales, administratives, à tous les échelons possibles, mais aussi des particuliers. C`est une étape qui se révèle très importante puisqu'elle constitue le point de départ de la future mise en oeuvre des normes internationales dans l'ordre juridique interne.

Au niveau régional, Même si on admet, par exemple que la Convention d'Abidjan a prévu des dispositions en ce sens, elle est cependant restée très évasive sur l'obligation pour les Etats Parties de prendre des mesures visant à introduire dans leurs législations respectives les normes établies dans le cadre régional.

141 Cf. ASSEMBONI (Alida Nabobuè), op.cit., p194 - 208 et ZOGNOU (Théophile), op.cit. p180 - 190

142 Dictionnaire de la terminologie du droit international, Paris, Sirey, 1960, p. 47.

143 Article 26 section 1 : respect des traités du chapitre III : respect, application et interprétation des traités de la convention

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Elle s'est en effet simplement contentée de développer les modalités de signature, de ratification, d'acceptation, d'approbation et d'adhésion à la Convention et aux Protocoles ainsi que celles de leur entrée en vigueur à l`égard des Etats144. On constate ici une trop grande liberté d`action laissée aux Etats désireux d`adhérer ou non au système juridique d`Abidjan. Une telle situation qui apparaît comme un laisser-aller occasionné par ce système juridique n'est pas sans effet sur les modalités d'application des textes.

On estime certes qu'il existe un côté applicatif et un autre interprétatif dans la pratique des Etats Parties contractantes à un traité145.

Si la Côte d'Ivoire a bien voulu poser des règles de droit international, elle doit prendre des mesures nécessaires pour que les dispositions internationales puissent produire des effets sur le plan interne. La manière dont l'Etat intègre ou applique le texte conventionnel est essentiel car elle permet de déceler la portée des droits et obligations véhiculés par celui-ci, ainsi que son intention. L'interprétation du texte se révèle très importante puisqu`elle s'apparente souvent à la mise en application.

En effet, en droit des traités, l'exécution d'une obligation internationale constitue de la part de l`Etat l'interprétation de la volonté qui réside derrière la règle dont elle est issue146.

L'obligation faite aux Etats Parties d'exécuter un traité de bonne foi, est en effet parfois difficile à cerner surtout lorsque les normes conventionnelles sont ambiguës.

Les Parties contractantes peuvent, par des rédactions appropriées, réduire la portée de leurs engagements, soit qu'elles énoncent leurs obligations en termes suffisamment flous pour pouvoir jouer de cette ambiguïté au mieux de leurs intérêts, soit qu'elles se réservent la possibilité de se délier de leurs engagements dans certaines circonstances.

En effet, les Etats peuvent très aisément jouer sur la distinction entre les obligations posées par le texte conventionnel, à savoir les obligations de résultat et les obligations de comportement147.

Les traités peuvent annoncer en des termes très vagues les résultats à atteindre, ou à l`inverse, fixer avec beaucoup de précision le comportement que doivent suivre les Parties. En outre, notamment en matière de protection de l'environnement, certaines dispositions peuvent avoir un caractère évolutif et progressivement imposer aux Parties une adaptation de leur comportement dans la mise en oeuvre du traité148.

L'interprétation des dispositions de la Convention d'Abidjan ainsi que de ses protocoles pourrait aboutir à l'affirmation selon laquelle ils imposent des obligations de comportements aux Parties contractantes. Ils n'apportent cependant pas de précision sur l'obligation faite aux Parties contractantes d'intégrer leurs dispositions sur le plan interne, encore moins sur les effets produits en droit par le non-respect de ladite obligation. Cette obligation imposée à tout Etat lié sur le plan international à un traité, comporte à son égard un certain nombre d'implications dont l'importance mérite également d'être relevée.

144 Les articles 26 à 29 de la Convention d'Abidjan.

145 DISTEFANO (G.), « La pratique subséquente des Etats Parties à un traité », AFDI 1994, p.43.Cité par ZOGNOU (Théophile),op.cit.,

146 Ibid., p.44. Cela fait dire à l'auteur de cette affirmation qu'il n'existe en réalité qu'une différence de degrésentre la pratiqueapplicative d'un traité par les Etats Parties et la pratique subséquente comportantl'interprétation du traité.

147 Les obligations de résultat sont plus contraignantes dans la mesure où les Parties contractantes doivent atteindre un objectif préalablement fixé. Les obligations de comportement sont moins rigoureuses car elles imposent seulement aux parties d`adopter certaines attitudes.

148Cf. Arrêt de la CIJ, 25 septembre 1997, Affaire du Projet GABCIKOVO-NAGYMAROS (Hongrie/Slovaquie), Recueil 1997, p. 7.

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2- Les implications diverses de l'obligation d'intégration du droit international

L'obligation relative à l'introduction des normes juridiques internationales dans l`ordre juridique interne implique pour les Etats Parties à une convention internationale, la mise en place sur le plan interne de mesures concernant leur application. Cette démarche en Côte d'Ivoire se révèle, en définitive, encore médiocre pour ce qui est du littoral. En effet, non seulement elle n`a pas ratifié certaines conventions, mais en plus, la mise en oeuvre nationale de celles ratifiées n`est pas satisfaisante.

De manière générale, l'introduction des textes juridiques internationaux dans l`ordre juridique interne obéit à une procédure spécifique. D'après le système traditionnel généralement adopté par les Etats, l'introduction d`une norme juridique internationale, ou de manière globale, l'introduction d'un traité dans l'ordre interne est subordonnée à l'accomplissement par l'autorité étatique d'un acte juridique spécial. La forme et la nature juridique de cet acte varient suivant les systèmes nationaux. En règle générale deux thèses sont en présence. La première estime qu'il faut une réception spéciale du traité dans l'ordre juridique interne avant qu'il reçoive valeur de droit positif ; la seconde considère que la simple formalité de ratification suivie de publication dans le journal officiel devrait en principe suffir149.

En Côte d`Ivoire mais aussi en Guinée et au Togo, la loi fondamentale disposent que « les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés, ont dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie150 ».

Dans tous les cas, en vertu de ces dispositions, la Côte d'ivoire comme tous les autres de la sous-région entendent bien évidemment se conformer à la réglementation internationale en vigueur. Il est aussi important de relever que ces pays ont pour le moins respecté cette procédure d`introduction des traités internationaux en droit interne. Telle est le cas du Togo qui a procédé de la manière suivante : la Convention d`Abidjan a été ratifiée par la loi n°8317 du 20 juin 1983. Les instruments de ratification ont été postérieurement déposés au secrétariat de la convention le 16 novembre 1983. Le texte est entré en vigueur dans ce pays le 6 août 1984 et il a été publié par décret n°84-9 du 2 janvier 1984. Quant au premier Protocole signé le 23 mars 1981, il a été ratifié par la loi n°83-16 du 20 juin 1983 et publié par décret n°84-8 du 2 janvier 1984151.

Pour la quasi-totalité des pays de l'Afrique de l'Ouest, le traité est introduit dans l`ordre interne par la seule publication. Or, pour être véritablement applicable, un traité doit contenir des dispositions suffisamment précises et pouvoir s'inscrire dans des structures dites d'accueil, qui soient juridiques, financières d'ordre interne

La Côte d'ivoire, Partie à la Convention et aux Protocoles d'Abidjan se doit de prendre les mesures nécessaires, rendant effectives sur le plan national, les normes établies par les textes régionaux. Pourtant cela est bien loin d'être le cas.

149Cf. DAILLIER (Patrick) et PELLET (Alain), Droit international public, 8ème édition, Paris, LGDJ, 2009, pp. 43- 48

150 Article 87 de la Constitution ivoirienne du 1er Août 2000 ; 79 de la Constitution guinéenne et 140 de la Constitution togolaise.

151 JORT (Journal Officiel de la République du Togo) du 16 février 1984, pp. 111-117 ; V. également Recueil des principaux textes relatifs à la protection de l'environnement au Togo, mis à jour par la Direction de la Protection et du Contrôle de l'exploitation de la Flore (D.P .C.E.F), 1993, p. 159.

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En effet l'absence de précision dont souffrent les textes d'Abidjan, notamment en ce qui concerne l'obligation de prendre les mesures d'introduction des dispositions internationales, n`est pas sans conséquences pour l'Etat. Cette obligation, bien que relativement suivie par ces Etats, l'a été de manière très insuffisante. La principale conséquence qui en a découlé est que leurs textes nationaux sont affectés par les lacunes d`Abidjan, conséquence qui se manifeste par une carence en matière législative et réglementaire. Nous le verrons en droit pétrolier ivoirien.

B- LA MANIFESTATION DE CETTE INSUFFISANTE INTEGRATION EN DROIT PETROLIER IVOIRIEN152

Conformément à sa signification, la gestion durable des ressources pétrolières de la Côte d'Ivoire suppose de la part des autorités compétentes qu'elles veillent à ce que les ressources pétrolières ou, à défaut, les revenus pétroliers profitent également aux générations à venir d'ivoiriens. Elle suppose également que l'extraction des gisements n'altère pas considérablement la configuration de l'écosystème marin ambiant.

Cependant, le Code pétrolier du 29 août 1996 et son décret d'application du 19 septembre 1996 n'intègrent pas les deux pans du concept de gestion durable, moyen efficace de la protection du littoral. En d'autres termes, de la conciliation du développement et de la protection d'une part, de la solidarité intertemporelle d'autre part, seul le premier volet est clairement pris en compte par la législation pétrolière. Le second, en revanche, semble omis.

La législation pétrolière recèle en son sein des dispositions qui attestent de la volonté du législateur de gérer durablement les ressources pétrolières offshore de la République de Côte d'Ivoire. Cependant, la gestion durable, au vu des textes, n'a pas totalement été menée à son terme. Cette affirmation est loin d'être excessive si l'on s'en tient à la définition du principe de développement durable telle qu'elle ressort de la Déclaration de Rio du 13 juin 1992. Ce principe, au regard de la Déclaration de Rio de 1992 revêt un contenu global tandis que le droit pétrolier donne à ce principe un contenu partiel.

1- Le contenu global du principe du développement durable en droit international de l'environnement

Le principe du développement durable recouvre un diptyque qui est d'une part, la conciliation des exigences du développement durable avec celles de l'environnement et d'autre part, la conciliation des intérêts des générations actuelles avec celles des générations futures, encore appelée solidarité intergénérationnelle.

a- La conciliation du développement avec l'environnement

Le couple développement/environnement n'est pas apparu ex nihilo dans la Déclaration de Rio de 1992. En réalité, la conciliation du développement et de l'environnement a été esquissée dans la Déclaration de Stockholm de 1972 avant d'être confirmée dans la Déclaration de Rio de 1992.

152 Réflexion de TIEBLEY (Yves Didier), op.cit. , p223

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En effet, à la Conférence des nations unies sur l'environnement153, une déclaration a été adoptée. Elle comporte 26 principes parmi lesquels les principes 4, 8, 10, 13 et 14 se distinguent par la conciliation qu'elles opèrent entre développement économique et protection de l'environnement. Cette conciliation devrait être perceptible dans divers domaines de l'activité économique154.

La conciliation développement économique - protection de l'environnement avec prééminence du premier peut paraître surprenant au regard des pressions énormes exercées sur la biosphère par les activités économiques. Cela peut même être interprété comme un recul si l'on considère la croisade écologique155menée par un groupe de pays industrialisés, notamment la Suède, qui initia le 3 décembre 1968, à l'Assemblée Générale des Nations Unies (A.G.N.U), une résolution réclamant la convocation d'une conférence mondiale sur l'environnement humain qui se tiendrait à Stockholm en 1972156.

Cependant, la prééminence du développement économique ne devrait pas surprendre. Elle marque la prise en compte des réticences des pays en voie de développement qui, rappelons-le, constituaient la majorité des États participants à la Conférence de Stockholm. Les objections formulées par les États en développement reposent sur trois idées : le sous-développement constitue la première et la pire des pollutions ; l'environnement est un « luxe des pays riches » et ceux-ci qui ont fondé leur développement sur l'emploi de techniques polluantes ne peuvent imposer au monde en développement le recours à des techniques « propres » dont le coût risque considérablement d'entraver le processus de développement ; d'autant plus que les pays industrialisés demeurent, et de beaucoup, les gros pollueurs de la planète157.

Le Professeur KAMTO rapporte la méfiance voire l'hostilité manifestée par les pays africains à la veille et pendant la Conférence de Stockholm. Il cite d'ailleurs un délégué africain qui affirma : « Notre pollution, c'est la misère » et un autre qui n'hésita pas à déclarer : « Let me die polluted »158.

La conciliation du développement économique avec la protection de l'environnement a ensuite, été confirmée dans la Déclaration de Rio de 1992. La Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement (CNUED), réunie à Rio de Janeiro du 3 au 14 juin 1992159, se présente comme la continuité de celle de Stockholm de 1972.

153Qui s'est tenue du 5 au 16 juin 1972 à Stockholm (au Danemark) a été la première enceinte d'envergure universelle au sein de laquelle 113 États participants ainsi que de nombreuses ONG ont réfléchi sur les incidences néfastes du développement

sur l'environnement naturel et humain.

154Il s'agit notamment de la planification économique (Principes 4 et 14), de l'amélioration de la qualité de la vie (Principe 3), de la stabilité des prix et de la rémunération adéquate pour les produits de base et les matières premières (Principe 10) et de la gestion rationnelle des ressources naturelles (Principe 13). Le paragraphe 6 du préambule de la Déclaration de Stockholm rappelle d'ailleurs de manière opportune : « Nous sommes à un moment de l'histoire où nous devons orienter nos actions dans le monde entier en songeant davantage à leurs répercussions sur l'environnement ». Cette volonté de protéger l'environnement revêt des modalités diverses.

Celle-ci peut consister notamment en l'obligation faite à l'homme de sauvegarder et de gérer avec sagesse « le patrimoine constitué par la faune et la flore sauvages et leur habitat » (Principe 4). Dans les pays en développement, le Principe 10 fait de la stabilité des prix et la rémunération adéquate des produits de base et des matières premières, deux conditions « essentielles » à la gestion équilibrée de l'environnement. Il ajoute d'ailleurs : « les facteurs économiques devant être retenus au même titre que les processus écologiques ».

156 Il s'agit de la Résolution 2398 (XXIII)

157 Cf. DAILLIER (Patrick) et PELLET (Alain), Droit international public, 8ème édition, Paris, LGDJ, 2009, pp.1235-1236.

158 KAMTO (Maurice), Droit de l'environnement en Afrique, Vanves, Ed. AUPELF/UREF, 1996, pp.32-33.

159 Le paragraphe 3 de la Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement proclame cette continuité lorsqu'il proclame : « Réaffirmant la Déclaration de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement adoptée à Stockholm le 16 juin 1972, et cherchant à assurer le prolongement ... ».

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Selon une partie de la doctrine, cette situation aboutirait inéluctablement à la « subordination » de la protection de l'environnement au développement économique et notamment à la loi du marché en conférant à la croissance économique et à l'ensemble du système économique libéral « une nouvelle légitimité écologique »160.

b- La solidarité intertemporelle

Le concept de solidarité intergénérationnelle est le second volet du diptyque développement durable. Elle traduit l'idée selon laquelle l'exploitation des ressources naturelles à quelque fin que ce soit ne saurait se faire uniquement dans l'intérêt des générations actuelles des habitants de ce monde. Les générations actuelles sont tenues de léguer aux générations à venir un patrimoine de ressources égal ou supérieur à celui qui leur est échu.

La solidarité intergénérationnelle est un concept, à l'origine, présent dans le régime international des espaces qui a été repris par les Déclarations de Stockholm et de Rio.

En effet, l'expression « espaces » désigne dans la présente étude, l'étendue, parfois illimitée, qui échappe partiellement ou entièrement à la souveraineté des États. De manière concrète, les espaces soumis à un régime international sont la mer, les canaux et les fleuves internationaux, l'air et l'espace extra-atmosphérique161. Le régime international de la mer (particulièrement de la Zone internationale des fonds marins ou la «Zone») et de l'espace extraatmosphérique retiendront notre attention.

La «Zone» tout comme l'espace extra-atmosphérique ont été érigés par le droit international en patrimoine commun de l'Humanité (PCH). La CMB définit la Zone comme « les fonds marins et leur sous-sol au-delà des limites de la juridiction nationale » (article 1er).

La Zone désigne donc le lit et le sous-sol des fonds marins de la haute mer. Le terme « ressources » recouvre « toutes les ressources minérales solides, liquides ou gazeuses in situ qui, dans la Zone, se trouvent sur les fonds marins ou dans leur sous-sol, y compris les nodules polymétalliques » (article 133 § a).

L'espace extra-atmosphérique et les corps célestes qui s'y trouvent ont été érigés en

PCH par l'article 1 § 1er du traité sur l'espace du 27 janvier 1967. Selon l'article 1 § 1er précité, « l'exploration et l'utilisation de l'espace extra-atmosphérique, y compris la Lune et

Le contenu de certains principes traduit clairement cette continuité. Les principes 4 et 25 s'inscrivent dans cette mouvance. La particularité de ces deux Principes tient à la conciliation qu'ils opèrent entre le développement économique et la protection de l'environnement. Le Principe 4 énonce : « Pour parvenir à un développement durable, la protection de l'environnement doit faire partie intégrante du processus de développement et ne peut être considérée isolément ».

Contrairement à la Déclaration de Stockholm, la Déclaration de Rio ne subordonne pas formellement la protection de l'environnement à la réalisation du développement économique et social. Cependant, l'analyse du Principe 4 laisse apparaître la primauté du développement sur la protection de l'environnement. En effet, selon ce principe, « la protection de l'environnement doit faire partie intégrante du processus de développement ... ». En d'autres termes, la protection de l'environnement est incluse dans le développement.

160 Cf. PALLEMAERTS (Marc), « La Conférence de Rio : grandeur ou décadence du droit international de l'environnement », BDI, 1995, n°1, p.183. Ce point de vue est partagé par le professeur GUTWIRTH qui écrit : « Le processus de globalisation, (...) et l'émergence d'une «société postindustrielle» ouvrent peu de nouvelles perspectives. Ces évolutions renforcent les processus du capitalisme, comme la privatisation, (...) et la concurrence. Face à ces forces, le paradigme dudéveloppement durable avec ses attentes écologiques, socioéconomiques, démocratiques et culturelles ne représente qu'un piètre parti ». Il ajoute : « Dans la pondération des intérêts entre la «protection de l'environnement» et « développement économique», le principe du développement durable risque de donner la priorité à la croissance économique . . . Le développement durable pourrait n'être autre chose qu'une mise en scène de «la rencontre du pot de fer et pot de terre» ».

Cf. GUTWIRTH (Serge), « Trente ans de théorie du droit de l'environnement : concepts et opinions », article publié dans la revue Environnement et Société, n°26, Normes et Environnement, 2001, pp.5-17.

161 Le régime international de chacun des espaces sus-énumérés a été étudié de manière détaillée par les professeurs Patrick DAILLIER et Alain PELLET. Cf. DAILLIER (Patrick) et PELLET (Alain), Droit international public, 8ème édition, Paris, LGDJ, 2009, pp.1087-1216.

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les autres corps célestes, doivent se faire pour le bien et dans l'intérêt de tous les pays, quel que soit le stade de leur développement économique ou scientifique ; elles sont l'apanage de l'humanité toute entière ».

L'Accord du 18 décembre 1979 régissant les activités des États sur la Lune et les autres corps célestes, en son article 4 § 1er, fait de l'exploration et de l'utilisation de la Lune l'apanage de toute l'humanité. L'article 11 § 1er de la Convention ci-dessus érige la Lune et ses ressources en PCH. L'analyse des dispositions ci-dessus consacrées au PCH fait ressortir deux volets qui sont la solidarité interspatiale162 d'une part et la solidarité intertemporelle de l'autre.

Cette dernière est expressément affirmée par l'article 4 § 1er de l'Accord du 18 décembre 1979 régissant les activités de l'État sur la lune et les autres corps célestes. Selon cette disposition, « il est dûment tenu compte des intérêts de la génération actuelle et des générations futures ... ».

La solidarité intergénérationnelle, quant à elle, est implicitement affirmée en matière d'exploitation de la Zone et de ses ressources. En effet, l'Humanité ne se limite pas au présent mais se projette sur l'avenir en englobant les générations futures. Les générations actuelles sont tenues de transmettre intact le Patrimoine commun aux générations futures, héritières légitimes, en tant que faisant partie intégrante de l'Humanité163.

La solidarité intergénérationnelle constitue, au vu de ce qui précède, un des deux volets du concept de PCH. Elle est également incluse dans le principe du développement durable qui, lui-même, est repris dans les Déclarations de Stockholm (1972) et de Rio de Janeiro (1992).

En effet, la solidarité intergénérationnelle se retrouve dans divers passages des Déclarations de Stockholm et de Rio. D'abord, dans la Déclaration de Stockholm, le concept de solidarité intergénérationnelle apparaît implicitement ou explicitement aussi bien dans le préambule que dans le dispositif du texte.

Le préambule de la Déclaration de Stockholm, en son § 6, énonce : « En approfondissant nos connaissances et en agissant plus sagement, nous pouvons assurer, à nous-mêmes et à notre postérité, des conditions de vie meilleures dans un environnement mieux adapté aux besoins et aux aspirations de l'humanité ». Un peu plus loin, le même paragraphe, ajoute :

« Défendre et améliorer l'environnement pour les générations présentes et à venir est devenu pour l'humanité un objectif primordial ... ».

Aussi, le principe 5 par exemple, procède à un couplage du principe de gestion rationnelle avec les concepts de la solidarité interspatiale et de solidarité intertemporelle. En effet, le principe 5 prévoit que « les ressources non renouvelables du globe doivent être exploitées de telle façon qu'elles ne risquent pas de s'épuiser164et que les avantages retirés de leur utilisation soient partagés par toute l'humanité165».

162 La solidarité interspatiale transparaît de l'article 140 de la CMB. Selon cette disposition, la Zone et ses ressources doivent être exploitées dans l'intérêt de tous les peuples indépendamment de leur niveau de développement et de leur situation géographique par rapport à la mer. La solidarité interspatiale se perçoit également à l'article 1 alinéa 1er du traité sur l'espace du 27 janvier 1967 qui prévoit que l'exploration et l'utilisation de l'espace extra-atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes, doivent se faire pour le bien et dans l'intérêt de tous les pays quel que soit le stade de leur développement économique ou scientifique. L'article 4 alinéa 1er de l'Accord du 18 décembre 1979 régissant les activités des États sur la lune et les autres corps reprend presque textuellement l'exigence contenue dans l'article 1 alinéa 1er précitélorsqu'il dispose que l'exploration et l'utilisation de la Lune . . . se font pour le bien et dans l'intérêt de tous les pays, quel que soit leur degré de développement économique ou scientifique.

163 DÉGNI-SÉGUI (René), « Les nouveaux concepts du droit de la mer et leurs implications », Annales de l'Université d'Abidjan, tome VIII, 1988, p.124.

164 Principe de la gestion rationnelle.

165 Solidarité interspatiale et solidarité intertemporelle.

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La Déclaration de Rio, elle aussi, proclame la volonté des participants à la Conférence de Rio de promouvoir la solidarité intergénérationnelle. Il est vrai que la Déclaration de Rio est moins prolixe à ce sujet que celle de Stockholm, il n'empêche que le Principe 3 énonce que « le droit au développement doit être réalisé de façon à satisfaire équitablement les besoins relatifs au développement et à l'environnement des générations présentes et futures ».

Au regard de ce qui précède, il devient évident que les deux déclarations précitées traitant du développement durable lui attribue un contenu global, un contenu qui englobe le diptyque environnement/développement d'une part et la solidarité intergénérationnelle de l'autre. Il n'en est pas ainsi en Côte d'Ivoire où la législation pétrolière privilégie visiblement un volet du concept de gestion durable au détriment de l'autre. Il en résulte un contenu partiel qu'il convient d'analyser.

2- Le contenu partiel du concept de gestion durable en droit pétrolier ivoirien

La législation pétrolière ivoirienne comporte des dispositions qui opèrent la conciliation des activités de reconnaissance, de recherche et d'exploitation pétrolière offshoreavec la protection du milieu marin environnant. Visiblement, cette législation pétrolière prend en compte les préoccupations environnementales. En revanche, elle est muette sur la question relative à la gestion des gisements d'hydrocarbures au profit des générations futures d'ivoiriens. Il est possible d'affirmer, à ce sujet, qu'il y a une omission du concept de solidarité intergénérationnelle.

a- La prise en compte des préoccupations environnementales

Cette prise en compte se traduit par le recours à certains principes du droit de l'environnement parmi lesquels le principe pollueur-payeur et le principe de prévention se démarquent nettement.

D'abord en ce qui concerne Le recours au principe pollueur-payeur, le Code de l'environnement en son article 35.5 donne au principe pollueur-payeur le contenu suivant : « Toute personne physique ou morale dont les agissements et/ou les activités causent ou sont susceptibles de causer des dommages à l'environnement est soumise à une taxe et/ou à une redevance. Elle assume, en outre, toutes les mesures de remise en état ».

À la lueur de la définition du principe pollueur-payeur, on peut affirmer que le législateur ivoirien entend lui conférer deux fonctions : une fonction redistributive et une fonction curative166.

166Le principe pollueur-payeur assume quatre fonctions : une fonction d'intégration économique (lerecours au principe pollueur-payeur en vue de prohiber les aides d'État tendant à financer les investissementsanti-pollution) ; une fonction redistributive(la rétrocession aux pouvoirs publics d'une partie desbénéfices que les pollueurs tirent de leurs activités) ; une fonction curative (réparation intégrale des dommagessubis par les victimes au moyen de la responsabilité civile) ; une fonction préventive (l'adoption denormes anti-pollution et surtout des redevances . . . devrait « inciter le pollueur à prendre lui-même aumoindre coût les mesures nécessaires pour réduire la pollution dont il est l'auteur »). Cf. SADELEER (Nicolas de), Les principes du pollueur-payeur, de prévention et de précaution : essai sur la genèse et la portée juridique de quelques principes juridiques du droit de l'environnement, Bruxelles,Bruylant/AUF, 1999, 437 p ; pp.65-70

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La fonction redistributive découle de l'assujettissement du pollueur au paiement d'une taxe et/ou d'une redevance. La fonction curative, quant à elle, est contenue dans la remise en état des lieux pollués ou endommagés167.

Le Code pétrolier ivoirien, pour sa part, privilégie l'approche dualiste de la fonction curative assignée au principe pollueur-payeur. L'article 64 § 2 du Code pétrolier dispose :

« Le titulaire d'un contrat pétrolier est tenu de réparer tous dommages(...), que ces dommages soient de son fait ou de celui de ses sous-traitants ... ».

Il est donc clair que le législateur ivoirien a eu recours au principe pollueur-payeur.

Quant à l'approche dualiste de la fonction curative qui lui est assignée, elle transparaît de l'article 64 § 2 in fine qui dispose : « A défaut de réparation, l'indemnité doit correspondre à la valeur du dommage causé ».

De quelle réparation s'agit-il en la matière ? D'une réparation matérielle ? Ou d'une réparation pécuniaire ? En d'autres termes, d'une réparation au sens propre ? Ou d'une réparation au sens figuré ? D'une remise en l'état ? Ou de l'octroi de dommages-intérêts aux victimes ?

L'emploi des termes « réparation » d'une part et « indemnité » d'autre part, nous conduit à penser que le législateur a entendu conférer au premier terme le sens de remise en l'état. Ce n'est qu'à défaut de la remise en l'état (réparation stricto sensu) que le pollueur se verra contraint de verser des dommages-intérêts aux victimes. Celles-ci sont de natures diverses.

Il peut s'agir de l'État ivoirien, des collectivités publiques infra-étatiques et des personnes morales ou physiques de droit privé. Cette acception large du mot « victimes » découle du fait que la loi elle-même ne procède à aucune distinction en la matière ; et il ne nous appartient pas de distinguer là où la loi ne distingue pas.

Il est vrai que l'article 64 tel que rédigé ne saurait être appliqué dans le seul cadre du contentieux de l'environnement. Il peut aussi servir dans le cas classique du contentieux civil168.

Quoi qu'il en soit, la disposition sus-étudiée traduit la prise en compte du principe pollueur-payeur par le Code pétrolier. La préoccupation environnementale se manifeste également par le recours au principe de prévention.

Quant à la manifestation du principe de prévention, elle se perçoit à travers : l'exigence d'une étude d'impact environnemental (EIE)169 ; l'exigence d'un plan d'abandon des gisements lors de la cessation de l'exploitation de ceux-ci (article 34 § 2 et 37 du Code pétrolier)170 ;

167 Il importe à ce niveau de faire la remarque suivante : la fonction curative, contrairement au point de vuedu professeur De SADELEER, ne saurait se limiter à la responsabilité civile du pollueur. Il est vrai que cemécanisme juridictionnel permet aux victimes d'obtenir la condamnation du pollueur à des dommages intérêtsvoire la cessation de l'activité génératrice de pollution, mais il est limité au regard de son approcheanthropocentrique. En d'autres termes, si le pollueur n'endommage pas un bien, il lui sera loisible de continuerà exercer son activité pourtant dommageable pour le milieu naturel, rescommunis. Dès lors, la remiseen l'état, décidée par voie administrative ou par voie juridictionnelle, constitue indéniablement le moyenapproprié par lequel les pouvoirs publics obtiendront plus ou moins le rétablissement du statu quo ante.

168À titre de comparaison, le contentieux civil nigérian nous fournit des illustrations survenues lors desopérations sismiques préalables à l'exploitation pétrolière on shore : Seismographic Service Ltd v. Onokpasa; Seismographic Service v. Akporuovo ; Seismographic Service v. Ogbeni. Dans ces différentes affaires,les victimes ont demandé réparation pour les opérations de prospection sismique (lors des activités dereconnaissance) qui ont provoqué respectivement les dégradations subies par les bâtiments des riverains duchamp pétrolier, les dégradations des biens ménagers, les préjudices corporels subis par les riverains du faitdu bruit excessif et des vibrations intenses consécutives à ces opérations. Cf. EBEKU (S.A. Kaniye), «Judicial Attitudes to Redress for Oil-related Environmental Damage in Nigeria », RECIEL, Vol.12, Issue 2,Oxford, Blackwell Publishing, 2003, p.203.cité par TIEBLEY (Yves Didier),op.cit.,p230.

169Article 34 § 2 du Code pétrolier et article 24 alinéa 3 du décret d'application du 19 septembre 1996

170 L'extraction du pétrole nécessite le creusement de puits qui permettront d'accéder au gisement situé dansle sous-sol du plateau continental Il peut arriver que pétrole s'échappe de manière incontrôlée et abondantedes roches sédimentaires qui l'emprisonnent et pollue le milieu marin environnant. Cette éruption incontrôléeest appelée blow-out. Pour éviter que les têtes de puits sous-marins ne constituent des points d'éruption,il importe de les combler après la cessation de l'exploitation de

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Il n'empêche que la mise en oeuvre de ces différentes exigences légales vise à prévenir aussi bien les marées noires provoquées par les éruptions incontrôlées d'hydrocarbures que la destruction de l'écosystème à l'entour consécutive à l'utilisation des techniques industrielles nuisibles à la protection de l'environnement.

La législation pétrolière ivoirienne intègre indéniablement des préoccupations environnementales traduisant par cet état de chose sa vocation à réaliser le principe du développement durable. En revanche, cette législation se caractérise par une absence ou, au mieux, par une allusion sommaire aux intérêts des générations futures d'ivoiriens. On note par ce fait une omission du concept de solidarité intergénérationnelle en droit pétrolier ivoirien.

b- L'omission du concept de solidarité intergénérationnelle

Cette omission est décelable à travers la vocation actuelle de la législation pétrolière. En d'autres termes, la législation pétrolière ne prévoit pas de sanctuariser une portion du plateau continental au profit des générations à venir d'ivoiriens. Au contraire, l'analyse de la législation pétrolière - particulièrement le titre VII du Code pétrolier - laisse apparaître des préoccupations essentiellement pécuniaires.

D'abord, en ce qui concerne la non sanctuarisation d'une portion du plateau continental ivoirien, Rationetemporis, le législateur ivoirien a opté pour une exploitation des gisements pétroliers au bénéfice quasi-exclusif des générations actuelles d'ivoiriens. En effet, le Code pétrolier ivoirien ne comporte aucune disposition qui prévoie expressément l'obligation pour les autorités compétentes de réserver certains champs pétrolifères au profit des générations à venir d'ivoiriens. Il est vrai que le régime juridique du plateau continental ivoirien, dépendance du domaine public étatique171, le met à l'abri de toute appropriation par une tierce personne. Mais les principes de l'inaliénabilité et de l'imprescriptibilité, à eux seuls, ne sauraient suffire à assurer la conservation des gisements pétroliers au profit des générations futures d'ivoiriens. En effet, ces principes ne limitent pas le droit de contracter des autorités compétentes ivoiriennes.

Tout au plus, permettent-ils de préserver l'intégrité du plateau continental contre tout empiètement ou tout démembrement préjudiciable à l'État de Côte d'Ivoire. Par contre, les hydrocarbures contenus dans le sous-sol du plateau continental ne jouissent pas du régime juridique protecteur du domaine public étatique. Aussi, les autorités compétentes peuvent-elles conclure autant de contrats pétroliers qu'elles estiment nécessaires aux fins de l'exploitation des gisements offshore d'hydrocarbures. Le risque inhérent à cette grande liberté d'action est l'exploitation intensive et simultanée de tous les blocs pétrolifères du plateau continental ivoirien pour le profit immédiat et exclusif des générations actuelles.

Visiblement, les préoccupations essentiellement pécuniaires ont prévalu sur toute autre considération.

Quant à la prépondérance des considérations financières, l'absence de garde-fous juridiques contre les risques d'exploitation incontrôlée des gisements pétroliers offshore se perçoit à

la plate-forme pétrolière. Cette mesure estrendue d'autant plus nécessaire que les dommages causés par les éruptions de pétrole peuvent être extrêmementgraves et multiformes : dommages à l'environnement marin ; dommages subis par l'État de contrôlede l'installation offshore (dépenses de lutte contre la pollution, frais d'information nationale et internationale,. . . ) ; dommages causés à d'autres États riverains ; dommages touchant des tiers vivant de la mer :pêcheurs, ostréiculteurs, hôteliers, collectivités locales gérant des stations balnéaires (pertes de taxes perçuessur les touristes).Cf. BOLLECKER-STERN (Brigitte), « À propos de l'accident d'Ekofisk : problèmes posés par la pollutionprovoquée par les installations de production pétrolière offshore », AFDI, 1978, p.776.

171 En vertu de l'article 37 du Code de l'environnement.

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travers l'analyse du Code pétrolier ivoirien et de son décret d'application du 19 septembre 1996.

D'une part, les dispositions relatives à la reconnaissance, la recherche et l'exploitation des hydrocarbures s'inscrivent plutôt dans une perspective d'exploitation maximale des ressources pétrolières. En effet, l'article 39 du décret d'application du Code pétrolier685 manifeste cette volonté étatique à travers l'octroi par le Gouvernement d'un crédit d'investissement en zone marine profonde686 en vue d'encourager les opérations pétrolières dans cette partie de la mer placée sous souveraineté nationale. De même, l'État de Côte d'Ivoire peut décider, dans le contrat de concession, de consentir des exemptions totales ou partielles de la redevance à la production ... en vue de promouvoir les opérations pétrolières en République de Côte d'Ivoire, notamment dans les zones marines profondes (article

69 alinéa 3).

D'autre part, certaines dispositions du Code pétrolier visent à accroître les revenus tirés des activités pétrolières. À ce sujet, le contenu du chapitre premier du titre VII du Code pétrolier est fort éloquent. En effet, l'article 66 du Code pétrolier assujettit les titulaires de contrats pétroliers au « paiement des impôts, taxes et redevances ... tels qu'ils sont déterminés dans le Code général des Impôts ... ». Les articles suivants du titre chapitre premier du titre VII, intitulé « des dispositions fiscales », s'inscrivent toujours dans la perspective de percevoir des recettes fiscales en vue de renflouer les caisses de l'État. Ainsi, les demandes d'attribution, de renouvellement, de cession, de transmission ou de renonciation de contrats pétroliers et des autorisations en dérivant sont soumises au paiement de droits fixes dont les montants et modalités de règlement sont déterminés dans le cadre de la loi de finances (article 67). En outre, les titulaires de titres pétroliers sont soumis au paiement de droits d'enregistrement (article 76.2), d'une redevance superficiaire (article 68), d'une redevance mensuelle proportionnelle à la production (article 69) sans omettre leur assujettissement à l'impôt direct sur les bénéfices industriels et commerciaux à raison des bénéfices nets qu'ils retirent de l'ensemble de leurs activités de recherche et d'exploitation d'hydrocarbures (article 70).

Il importe ici de lever toute équivoque. La volonté de l'État ivoirien de percevoir des revenus à raison des opérations pétrolières menées sur son plateau continental n'est pas condamnable en soi. Au contraire.

Cependant, cette volonté éclipse toute autre considération, notamment celle de préserver les droits des générations à venir d'ivoiriens. Cette rupture d'égalité est déplorable.

La réalisation du principe de développement durable, du moins de gestion durable, en droit ivoirien nécessite qu'on recherche des solutions qui permettent de remédier aux insuffisances de la législation pétrolière.

Cela ne pourra se faire que lorsqu'on aura montré les carences législatives et règlementaires qui existent en matière d'environnement marin et côtier.

PARAGRAPHE II :DES CARENCES LEGISLATIVES ET REGLEMENTAIRES EN MATIERE D'ENVIRONNEMENT MARIN ET COTIER

L`insuffisance des lois en matière de protection des espaces marin et côtier en Côte d'Ivoire comme dans la plupart des pays de la sous-région du Golfe de Guinée est due d`une part à l`entrée assez tardive dans le vocabulaire et dans les moeurs du mot environnement.

En outre cette carence découle aussi du non-respect de l`obligation d`intégration des normes juridiques internationales en droit interne comme nous l'avons vu plus haut.

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Parfois, l`insuffisante internalisation des obligations auxquelles l'Etat ivoirien est lié sur le plan international crée en terme législatif et réglementaire un vide juridique. Parfois aussi, ce sont les lacunes dont souffrent certains textes juridiques internationaux qui affectent le cadre juridique interne lorsque l'Etat les intègre dans sa législation. Non seulement les obligations faites aux Etats ne sont pas respectées sur le plan interne, notamment du fait que la procédure légale de traduction des normes juridiques internationales en droit interne est relativement suivie, mais aussi, parce que le système juridique des Parties contractantes souffre de graves lacunes en ce qui concerne la mise en place de la législation et de la réglementation en matière d`environnement marin et côtier172.

Aussi est-il important de préciser que nous axerons notre analyse sur les mécanismes de lutte contre les pollutions pélagiques et d'aménagement côtier. Ainsi les insuffisances du mécanisme de lutte contre les pollutions pélagiques résultent entre autre de l'inadaptation des règles de réparation civile contre les pollutions pélagiques avec un caractère peu dissuasif des règles classiques de la responsabilité civile à l' égard des pollueurs. Par ailleurs, nous exposerons les carences des instruments juridiques en matière d'aménagement côtier.

A- LE CARACTERE PEU DISSUASIF DES REGLES CLASSIQUES DE LA RESPONSABILITE CIVILE A L'EGARD DES POLLUEURS

La réparation civile des dommages causés par les pollutions pélagiques comporte deux grandes catégories de règles juridiques : d'une part, les règles de responsabilité civile relevant du droit interne des États, et d'autre part les règles de responsabilité prévues par les conventions internationales pertinentes173.

En retenant la première cause suscitée comme objet de notre réflexion, il serait bon de remarquer que l'inadaptation des règles de réparation civile est perceptible à travers le caractère peu dissuasif des règles classiques de la responsabilité civile à l'égard des pollueurs.

Ainsi le droit commun de la responsabilité civile tel qu'il se présente, ne permet pas d'inciter efficacement les pollueurs à s'abstenir d'effectuer les rejets d'hydrocarbures ou d'autres substances polluantes dans le milieu marin. En effet, l'analyse des règles de réparation civile permet de relever d'une part, des entraves à l'indemnisation satisfaisante des victimes de marées noires et d'autre part, l'institution involontaire d'un droit de polluer.

1- Les entraves à l'indemnisation satisfaisante des victimes de pollution marine

Ces entraves sont de deux ordres : les unes ont trait, d'une part, aux difficultés énormes liées à l'établissement de la preuve et d'autre part, à l'obstacle né des caractères du dommage indemnisable.

172ZOGNOU (Théophile), op.cit., p187

173 Au niveau des normes internationales, notre attention se portera sur la convention de Bruxelles du 29 novembre 1969 portant sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures telle que modifiée par le Protocole du 27 novembre 1992 ; sur la convention de Bruxelles du 18 décembre 1971 portant création d'un Fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures (FIPOL) telle que modifiée par le Protocole du 27 novembre 1992. Notre analyse portera également sur la Convention internationale du 3 mai 1996 sur la responsabilité et l'indemnisation pour les dommages liés au transport par mer des substances nocives et potentiellement dangereuses (SNPD).

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D'abord, en ce qui concerne les difficultés énormes liées à l'établissement de la preuve, elles consistent pour les victimes à prouver, d'une part, la faute du pollueur et, d'autre part, le lien de causalité entre la faute et le préjudice subi. Ces deux éléments à prouver (en sus de celui tenant aux caractères du dommage indemnisable qui sera traité plus bas) constituent les conditions (cumulatives) de mise en oeuvre de la responsabilité civile délictuelle. Cependant, la réunion de ces trois conditions n'est pas du tout facile.

En effet, pour la preuve de la faute du pollueur, elle commande que la victime établisse dans le chef du pollueur qu'il a eu l'« attitude d'une personne qui par négligence, imprudence ou malveillance ne respecte pas...son devoir de ne causer aucun dommage à autrui »174. Or il est évident que le plus souvent, les victimes de marées noires ou autres pollutions marines ne se trouvaient pas à bord des navires ou des plates-formes pétrolières ayant effectué les rejets d'hydrocarbures. Dans de telles conditions, comment peuvent-elles, sans difficultés énormes, arriver à établir que le pollueur, quel qu'il soit, a soit violé le standard du bonus pater familias soit qu'il a intentionnellement choisi de procéder à des rejets d'hydrocarbures dans le milieu marin ?

L'affaire de l'Amoco-Cadiz est fort instructive sur les difficultés que pourraient rencontrer les victimes à ce sujet. En effet, l'État français, une des parties demanderesses au procès intenté devant les tribunaux américains dans l'affaire précitée, n'est parvenu à retenir la responsabilité de la société Standard Oil que par le recours à la procédure du discoveryayant court en droit américain175. A en croire un auteur, « la procédure du discoveryaméricaine s'est révélée d'une redoutable efficacité. Elle a permis, chose impensable devant une juridiction française, de révéler l'existence d'un document interne(...). La révélation de ce comportement a été le tournant du procès »176.

Il est évident que les victimes de marées noires ne pourront pas toujours accéder à des informations capitales internes à l'entreprise gérante ou propriétaire du navire ou de l'installation offshore qui a causé la pollution. A moins que cette entreprise n'accepte, d'elle-même, de fournir aux victimes les documents administratifs, techniques ainsi que toutes autres informations qui établissent sa négligence ou sa malveillance177.

En somme, il s'agira d'attendre que le pollueur fournisse à ses victimes les informations qu'elles n'auraient pu se procurer par elles-mêmes. Bien entendu, ces informations capitales permettront aux victimes d'obtenir du juge la condamnation du pollueur à leur verser des

174 GUILLIEN (Raymond) et VINCENT (Jean) (dir.), Lexique des termes juridiques, 12e édition, Dalloz, 1999, pp.244-245.

175 La procédure du discoveryest une procédure d'investigation avant tout examen de l'instance au fond, qui a pour objet de soumettre chaque partie à l'obligation rigoureuse de révéler ses sources d'information, de documentation et de témoignage . . . qui ont un rapport avec le litige. Cette procédure se déroule sous le contrôle du juge. Chaque élément probatoire du dossier est examiné de manière contradictoire de même qu'il est fait obligation aux témoins et experts de subir une sorte de contre-interrogatoire systématique (ou «cross-examination») . . . Cette procédure expose tout plaideur qui refuse de communiquer ou de témoigner, à des sanctions sévères pouvant entraîner le rejet de sa demande ou l'approbation pure et simple de la demande émanant de l'adversaire. Cf. NDENDÉ (Martin), « L'affaire de l'Amoco Cadiz . . . Quatorze ans de bataille juridique », Collection Espaces et Ressources Maritimes, n°6, Editions PEDONE, janvier 1992, pp.11-12.

176 FONTAINE (Emmanuel), Les sinistres de l'Amoco-Cadiz et du Tanio : comparaison de deux expériences, Communication au colloque du CMI à Gênes (21 - 25 septembre 1992).

177 L'inexistence de la procédure du Discovery en droit français aurait dû, selon le Dr. TIEBLEY que nous partageons d'ailleurs, déterminer le juge à ne pas exiger de la commune de Mesquer qu'elle rapporte la preuve de la faute des sociétés TOTAL, propriétaire de la cargaison ayant pollué les côtes de ladite commune. Surtout, lorsqu'on tient compte du fait que celle-ci n'a nullement contribué à la survenue du naufrage de l'Erika. La Cour d'appel de Rennes, dans son arrêt du 13 février 2002, estime : « Considérant qu'il n'est pas établi que les sociétés Total, intimées, ont commis . . . des fautes à l'origine directe de la pollution subie par la commune de Mesquer . . . ». Cf. Cour d'appel de Rennes, 13 février 2002, Commune de Mesquer c/ SA Total Raffinage Distribution, Société Total International Ltd, RJE, n°1, 2003, p.59.

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dommages-intérêts. Avouons qu'un tel scénario est très improbable, pour ne pas dire impossible.

Les aléas ci-dessus traduisent en filigrane les difficultés inhérentes à l'institution de la responsabilité pour faute. Ce type de responsabilité civile ne permet pas d'indemniser de manière automatique et satisfaisante les victimes de pollution marine. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le professeur André TUNC a suggéré la suppression de la responsabilité civile basée sur la faute, en tout cas pour les accidents de la circulation178. Nous sommes tout comme le Dr. TIEBLEY179 d'avis qu'il serait avantageux de lui substituer la responsabilité objective du pollueur surtout dans le cas d'un « accident unilatéral », un accident dû à la seule négligence du pollueur.

En sus des difficultés relevées ci-dessus, il convient de mentionner celle qui découle du lien de causalité à établir entre la faute et le préjudice subi par la victime. Nous remarquerons à ce propos que s'il est aisément possible d'identifier l'auteur d'une pollution pélagique accidentel et massive, il demeure, en revanche, difficile de déterminer les auteurs de rejets opérationnels180.

La question est de savoir combien de ces dégazages ou rejets opérationnels ont donné lieu à des actions en réparation ? Et même en cas d'action en responsabilité, les victimes sont-elles assurées d'obtenir gain de cause ?

La difficulté que nous voulons faire ressortir à travers cette seconde interrogation est celle qui tient à la quasi-impossibilité matérielle pour les victimes d'établir le lien de causalité entre les rejets opérationnels effectués en mer et les dégâts causés à la conchyliculture, aux activités économiques effectuées au bord des mers, aux aires protégées ...

En outre, il peut s'écouler un long laps de temps avant que le préjudice n'apparaisse, temps pendant lequel la majeure partie des preuves s'estompera. De lors, la victime ne pourra pas établir que, par exemple, la maladie qui le ronge provient de la consommation de poissons contaminés par le déversement d'hydrocarbures dans le milieu marin.

En Afrique, singulièrement au Nigeria, certaines affaires judiciaires ont mis en évidence l'obstacle que constitue pour les victimes l'établissement du lien de causalité avant toute indemnisation des préjudices survenus à celles-ci. Ces affaires ne concernent pas à proprement parler la pollution marine par les hydrocarbures ou les activités pétrolières offshore.

Elles portent plutôt sur l'exploration pétrolière on shore. Néanmoins, la teneur des décisions rendues par la Cour Suprême du Nigeria nous situe sur les difficultés énormes rencontrées par les victimes dans l'établissement du lien de causalité (`causal connection') entre les préjudices subis par elles et les activités incriminées. Dans les affaires Seismographic Service Ltd v. Onokpasa, Seismographic Service Ltd v. Akporuovo, Seismographic Service Ltd v. Ogbeni181, les victimes ont, dans chaque cas, intenté une action en réparation contre le Seismographic Service Ltd en vue d'être dédommagées pour les dégradations subies par leurs

178TUNC (André), La sécurité routière. Esquisse d'une loi sur les accidents de la circulation, Paris, Dalloz,1966 ; et TUNC (André), « Les problèmes contemporains de la responsabilité civile délictuelle », RevueInternationale de Droit Comparé, 1967, p.757. Cité par FAURE (Michael), L'analyse économique du droitde l'environnement, Bruxelles, Bruylant, 2007, p.87. 179TIEBLEY (Yves Didier), op.cit. , p263

180 À ce sujet, un rapport préparé par le US Academy of Sciences en 1990 pour l'Organisation maritime internationale (OMI) établissait que 568.800 tonnes d'hydrocarbures s'étaient répandues en mer durant l'année 1989. De cette quantité déversée, seules 114.000 étaient le résultat de déversement accidentel. En d'autres termes, la plus grande partie des rejets d'hydrocarbures (soit 80% du total des rejets) a été volontairement effectuée.Cf. KRISTAKIS (Théodore), « L'exemple du contrôle exercé par l'OMI dans le domaine de la pollutionmarine », in IMPERIALI (Claude) (dir.), L'effectivité du droit international de l'environnement : contrôlede la mise en oeuvre des conventions internationales, Paris, Economica, 1998, p.157.

181EBEKU (S.A Kaniye), « Judicial Attitudes to Redress for Oil-related Environmental Damage in Nigeria», RECIEL, Vol. 12,

Issue 2, Oxford, Blackwell Publishing, 2003, p.203.Cité par TIEBLEY (Yves Didier), Ibidem.

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bâtiments, leurs biens ménagers, ou pour les préjudices corporels subis par elles-mêmes du fait du bruit excessif et des vibrations intenses provoquées par les opérations de prospection sismique.

Ensuite, la seconde difficulté à laquelle sont confrontées les victimes de marées noires est celle du préjudice indemnisable. En effet, le préjudice pour être indemnisable doit présenter les caractères suivants : il doit être direct, certain et actuel.

De ces trois caractères permettant d'identifier le préjudice indemnisable, le caractère direct est celui qui est source de difficulté majeure pour les victimes. En effet, un préjudice est considéré comme direct lorsqu'il provient de la faute commise par l'auteur de l'acte dommageable. En faisant une application littérale de ce critère, il apparaît que le préjudice subi par ricochet ne serait pas indemnisable. Cette situation appelle de notre part une remarque.

En effet, il est difficilement compréhensible que la victime par ricochet d'une pollution pélagique ne puisse obtenir réparation pour le préjudice subi nonobstant le fait qu'elle n'ait pas contribué à la survenance de celui-ci. En nous référant au principe fondamental selon lequel « celui qui cause un dommage à autrui doit le réparer », nous avons la conviction que l'obligation de réparation mise à la charge de l'auteur d'un acte dommageable ne saurait être circonscrite au préjudice direct.

Dès lors, le caractère indirect du préjudice subi ne devrait pas constituer, à notre avis, un obstacle dirimant à la réparation civile de celui-ci. Notre point de vue est d'ailleurs conforté par le FIPOL dans l'affaire Braer182. En effet, à la suite de l'échouage du pétrolier libérien Braerau large des îles Shetlands en janvier 1993, le Comité exécutif du FIPOL a accepté d'indemniser une large panoplie de victimes indirectes183.

''184.

Selon le Comitéexécutif, «the loss allegedly suffered by the [abovementioned] claimants should be considered as damage caused by contamination, since these activities were an integral part of the fishing activities in the affected area

En substance, le Comité exécutif du FIPOL convient que les pertes alléguées par les plaignants devraient être considérées comme ayant été causées par la pollution dès lors que leurs activités étaient une part intégrante des activités de pêche menées dans l'espace affectée (par cette pollution).

Comme on peut le constater, les conditions de mise en oeuvre de la responsabilité classique du pollueur ne sont pas favorables aux victimes de pollution pélagiques. Pis, les règles de la responsabilité civile classique instituent involontairement un droit de polluer au profit des transporteurs maritimes de substances polluantes et des opérateurs pétroliers offshore.

2- L'institution involontaire d'un droit de polluer

182Le Braer était un pétrolier libérien avec une cargaison d'environ 84.700 tonnes de pétrole brut. Ce navirea connu une panne de machine au sud des îles Shetlands en janvier 1993. A cause de cette panne et desmauvaises conditions météorologiques, le navire s'échoua et perdit presque toute sa cargaison.

183Au titre des victimes indirectes, furent indemnisées : une unité de réparation d'équipements de pêche à lasuite de la baisse de son chiffre d'affaires due à la mesure d'interdiction de la pêche prise par le gouvernementbritannique ; un plongeur qui ne pouvait pas continuer de mener ses activités de maintenance des filetsde pêche et des cages de saumon ; un fabricant de glace dont le volume des ventes avait baissé à la suite dela destruction des stocks de saumon vivant dans la zone contaminée et la suspension des activités de pêchedans la zone d'interdiction de pêche ; un fabricant de coffres servant au transport de saumon ; une personnephysique dont l'activité de subsistance consiste en la collecte des abats de saumon dans la zoned'interdiction de pêche. Cf. BRANS (H.P. Edward), « The Braer and the Admissibility of Claims for PollutionDamage under the 1992 Protocols to the Civil Liability Convention and The Fund Convention », Env.Liability, 1995, p.65.

184 ibidem.

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Cette aberration découle d'une part, du but assigné au droit de la responsabilité civile et d'autre part, de la nature du dommage indemnisable.

D'abord, pour l'aberration découlant du but assigné au droit de la responsabilité civile, disons que la reconnaissance involontaire d'un droit de polluer au profit des auteurs de pollutions pélagiques découle de la nature même du droit civil. En effet, ce droit ne permet pas d'obtenir une indemnisation intégrale de la victime. Une indemnisation intégrale signifierait que la situation de la victime serait la même avant et après l'accident, une fois les dommages-intérêts octroyés à celle-ci185.

Or il est bien établi que le droit de la responsabilité civile (tel qu'il se présente en France et, corrélativement, en République de Côte d'Ivoire) a un but « correctif ». En d'autres termes, les dommages-intérêts versés par l'auteur d'une pollution ne sauraient excéder le préjudice causé. Cette situation découle du fait que les juristes accordent plus d'importance au rôle compensatoire de la responsabilité civile186.

Il est vrai que certains juristes n'écartent pas le rôle dissuasif de la responsabilité civile760187. Il n'empêche que les normes régissant l'indemnisation des victimes d'un dommage mettent l'accent sur le désintéressement des personnes ayant subi un préjudice imputable à une tierce personne. Cette conception de la responsabilité civile diffère de celle des économistes qui ont tendance à privilégier son rôle dissuasif188.

Le but « correctif » assigné à la responsabilité civile, à notre avis, ne contribue pas à « assagir » les pollueurs éventuels. Par exemple, un transporteur maritime de substances polluantes peut procéder à une analyse coûts-bénéfices de la pollution qu'il projette189.

Il en résulte qu'il est très avantageux pour lui de polluer. A titre d'exemple, un exploitant d'une plate-forme pétrolière pourrait choisir délibérément de ne pas prendre les mesures nécessaires en vue de prévenir les déversements en mer de quantités incontrôlées d'hydrocarbures (pollution accidentelle ou blow-out).

Dans ce cas de figure, le pollueur ne table plus sur une quelconque faiblesse de la probabilité de découverte ; l'installation pétrolière offshore ayant la particularité d'être fixe. Il tablerait plutôt sur le peu d'engouement des victimes éventuelles pour les longues et coûteuses actions en justice surtout lorsque les inconvénients et les incertitudes d'une action en justice excèdent les indemnités que les victimes percevront190. Et dans l'hypothèse où une telle action serait

185 OGUS (Anthony) et FAURE (Michael), Économie du droit : le cas français, Paris, Éditions PanthéonAssas, 2002, p.124.

186 FAURE (Michael), L'analyse économique du droit de l'environnement, Bruxelles, Bruylant, 2007, p.89.Paradoxalement, le juriste (!) Guido CALABRESI de l'École de Droit de l'Université de Yale aux États-Unis fut, bien avant les économistes, le premier auteur à étudier la fonction dissuasive de la responsabilitécivile. Cf. CALABRESI (Guido), The Costs of Accidents. A Legal and Economics Analysis, New Haven,Yale University Press, 1970. Cité par FAURE (Michael), L'analyse économique du droit del'environnement, op.cit, p.90.

187 Le professeur André TUNC écrit à ce sujet: « L'indemnisation de la victime est, elle aussi, une fonctionfondamentale de la responsabilité: on ne peut en douter. La responsabilité doit à la fois décourager lescomportements antisociaux et assurer l'indemnisation de ceux qui seraient victimes d'un tel comportement».Cf. TUNC (André), La sécurité routière. Esquisse d'une loi sur les accidents de la circulation, Paris, Dalloz,1966, n°170. Cité par le Professeur Michael FAURE dans son livre intitulé L'analyse économique du droitde l'environnement, op.cit, p.88.

188 Une différence importante entre l'approche juridique et l'approche économique de la responsabilitécivile est que les économistes considèrent l'approche juridique comme une approche ex post. Cela signifie que le juriste s'intéresse uniquement à la responsabilité civile après que l'accident est intervenu . . . Dans l'analyse économique de la responsabilité civile, les règles de droit ont une fonction importante ex ante pour la réduction des dommages. Cette approche ex ante signifie que les règles de la responsabilité civile ont pour objectif d'inciter les parties (l'auteur du dommage et la victime !) à prendre des mesures de précautions pour prévenir les accidents. Cf. FAURE (Michael), L'analyse économique du droit de l'environnement,op.cit, p.89.

189 Pour de plus amples informations sur l'analyse coûts-bénéfices opérée par le délinquant, consulterl'ouvrage des professeurs OGUS (Anthony) et FAURE (Michael), Économie du droit : le cas français,op.cit, pp.125-132.

190 Parfois un auteur d'accident peut échapper à une action indemnitaire parce que le préjudice, quoiqu'important, est réparti de manière éparse parmi les victimes. Par conséquent, le préjudice subi par chaquevictime est si infime qu'elles n'ont pas intérêt à un procès. Cf. FAURE (Michaël), L'analyse économiquedu droit de l'environnement, op.cit, p.220.

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entreprise et sa responsabilité civile engagée, le pollueur dispose des ressources financières nécessaires pour désintéresser la partie adverse. Les paradoxes découlant du droit de la responsabilité civile sont également dus à la nature du dommage indemnisable.

Quant à l'aberration liée à la nature du dommage indemnisable, le préjudice indemnisable est celui qui revêt une nature économique, c'est-à-dire qui est évaluable en termes monétaires. Par contre, les aspects touchant aux échanges biologiques entre les différents éléments altérés de la nature ne sont pas pris en compte dans la fixation du montant des dommages-intérêts. Dans l'affaire des Boues Rouges, des pêcheurs de Bastia, en France, ont intenté une action en responsabilité contre la société Montedisonpour les produits toxiques déversés dans le milieu marin. Cet acte de pollution a entraîné une « perte incontestable de la biomasse »191.

Dans sa décision, le tribunal de grande instance (TGI) de Bastia a accédé à la demande des pêcheurs de la prud'homie de Bastia en leur octroyant des dommages-intérêts calculés sur la base des prises de poissons qu'ils auraient pu effectuer n'eût été la survenance de la pollution.

Par contre, les dégâts d'ordre écologique n'ont pu être chiffrés afin de les internaliser dans le coût de la pollution192. Il s'ensuit que les dommages-intérêts mis à la charge de la société Montedisonont été inévitablement inférieurs à leur montant réel.

L'analyse ci-dessus nous conduit à dire que les règles de la responsabilité civile sont peu protectrices du milieu marin et des victimes humaines contre les actes de pollution marines pélagiques. Dans le pire des cas, elles instituent une permission de polluer dès lors que le pollueur est financièrement capable de dédommager les victimes de pollution.

Les conventions internationales relatives à la réparation des dommages résultant de pollutions pélagiques ne sont pas exemptes de toute critique. Elles présentent aussi des faiblesses qu'il importerait d'analyser. Mais qui serait volontairement écarté pour un souci de méthodologie.

B- LES CARENCES DES INSTRUMENTS JURIDIQUES EN MATIERE D'AMENAGEMENT COTIER ET DE PROTECTION DU LITTORAL

La Côte d'ivoire semble partager les mêmes problèmes avec la plupart des autres pays africains à l'instar du Cameroun dont les carences des instruments juridiques en matière d'aménagement côtier découle d'un dispositif juridique fragmentaire qu'on aurait pu croire révolu avec la loi-cadre de 1996. Mais visiblement les réalités sont les mêmes confirmant ainsi ce que pensait le Pr. KAMTO lorsqu'il déclarait que « ce qu'il convient d'appeler le droit camerounais de l'environnement se caractérise en effet par un éparpillement normatif tenant non seulement à sa fragmentation sectorielle, mais aussi, sur un plan général, au pluralisme du système juridique camerounais »193. Aussi, les carences découlent de la non spécification des textes en matière de protection du Littoral et la vétusté de certains instruments.

191 LITTMANN (Marie-José) et LAMBRECHTS (Claude), « La spécificité du dommage écologique », inSFDE, Le dommage écologique en droit interne, communautaire et comparé, Actes du colloque organisé les21 et 22 mars 1991 à la faculté de droit, d'économie et de gestion de Nice Sophia-Antipolis, Paris, Économica,1992, p.51.

192 A ce sujet, un des considérants du jugement rendu par le TGI de Bastia le 4 juillet 1985 se présentecomme suit : « que les experts ont précisé qu'il s'agit là d'un des problèmes les plus complexes del'écotoxicologie marine . . . que l'extrême diversité des organismes marins n'a pas permis aux experts dedire ce qui était tolérable de ce qui ne l'était pas en fonction de chacun d'eux . . . ». Cité par LITTMANN(M.J) et LAMBRECHTS (C.), in « La spécificité du dommage écologique . . . », op.cit, p.51.

193Pr. KAMTO, Op.cit., Avril 1992

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1- Des dispositions juridiques fragmentaires

Comme nous l'avons évoqué un peu plus haut, à l'instar des autres pays, le littoral ivoirien ne souffre pas de vide juridique, il n'est pas dépourvu de réglementation. Le droit du littoral ivoirien est constitué d'un ensemble de dispositions fragmentaires en dehors de la loi-cadre de 96, qui sont à rechercher dans des textes spécifiques qui touchent au domaine public maritime, aux aménagement et planification territoriale, à l'urbanisme, aux mines et énergies, à la réglementation de certaines activités, à la lutte contre certains types de pollution et à la protection de l'environnement en général, etc.

Ainsi par exemple, nous pouvons remarquer que les textes sur l'urbanisme et la construction n'assurent qu'une protection limitée du littoral. En effet, ces outils peuvent être utilisés comme des instruments pour limiter ou même empêcher l'urbanisation des certaines zones côtières. Néanmoins dans la pratique, les documents d'urbanisme se préoccupent très peu, ou pas du tout, de la protection du littoral194.

En outre, les textes sur la domanialité publique n'assurent qu'une protection très limitée. Prenons en exemple les critères restrictifs de délimitation du domaine public maritime sur lesquels il se fonde, sont largement dépassés. Ou encore les principes d'inaliénabilité et d'imprescriptibilité sur lesquels s'appuie la domanialité, sont souvent mis en échec par les autorisations temporaires d'occupation systématiquement renouvelées et qui se transforment en occupation de fait du littoral.

De même la législation sur les lotissements peut être en principe, utilisée comme moyen pour protéger les zones sensibles. Ainsi, on pourrait subordonner l'octroi des autorisations de lotir et de construire à l'obligation de respect de l'environnement, du moins textuellement. Toutefois, le problème de l'environnement est rarement évoqué puisque ces autorisations sont souvent délivrées sur la base de critères purement urbanistiques (conformité ou non avec les documents d'urbanisme).

On peut également invoquer les textes réglementaires sur les établissements dangereux, incommodes et insalubres qui soumettent ce type d'activité à un régime d'autorisation préalable et autorise l'administration à suspendre l'établissement s'il a des effets dangereux sur la santé publique. Ces textes ne visent pas directement à protéger l'environnement et le milieu physique mais plutôt la santé des populations. Pour assurer la protection des zones côtières la loi-cadre de 96 ne prévoit aucun mécanisme immédiatement opérationnel et se contente de renvoyer à d'autres dispositions législatives et réglementaires. C'est malheureusement le propre des lois-cadres.

Il faut tout de même dire que cette fragmentation en soi n'est pas qu'uniquement négative puisqu'elle traduit aussi non seulement l'implication de nombres d'administration mais plus encore le souci d'une protection large du littoral ivoirien, globale, d'ensemble marquant ainsi la transversalité qui doit être de mise pour une approche intégrée de la protection du littoral. Les véritables problèmes se trouvant être ceux du trop-plein de dispositions concernant le littoral mais qui n'ont pas de réels applicabilité pour moultes raisons.

194Au Cameroun par exemple, le SDAU, juin 1986, du littoral nord et Sud Ouest ne font mention nulle part des préoccupations environnementales des zones concernées, on n'y fait qu'une description physique ; et leurs recommandations n'abordent quasiment pas le volet environnemental.

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Il s'agira ici pour nous de remettre en cause la substance des textes législatifs et réglementaires concernant la protection du littoral ivoirien et de leurs instruments. Ce sera un examen des textes que nous aborderons de manière différente et où nous présenterons les lacunes quant à la protection dans leurs économies au travers du caractère global non spécifique des textes et de la vétusté des instruments.

2- La non spécification des textes en matière de protection du littoral et la caducité de certaines politiques

A l'exception des textes internationaux et régionaux, aucun texte législatif ou réglementaire du droit interne ivoirien n'a spécifiquement tenu compte de la protection du littoral. Tous les textes y relatifs sont des textes à la compétence globale c'est-à-dire qui régissent la protection de l'environnement dans son ensemble et non de façon particulière ou spécifique le littoral.

La loi-cadre de 1996 déjà ne définit nulle part dans son texte ce qu'elle entend par littoral lorsqu'on perçoit les appréhensions qui peuvent naître quant à sa définition (géographique / physique ou environnementale ?) ; elle en aborde la mesure mais se contente plus de disposer dans un sens large, la protection du littoral puisqu'elle penche plus pour l'environnement marin et spécifiquement s'intéresse plus au problème des pollutions, des mesures à prendre. On peut tirer une triple leçon, malgré la pertinence et le caractère révolutionnaire de ce texte à savoir que: la loi-cadre visiblement ne se penche que sur les problèmes de pollution, de domanialité et de responsabilité semblant ainsi occulter les autres problèmes tout autant importants dont a à faire face le littoral comme ceux de l'érosion côtière195 ou encore de la destruction et disparition des mangroves, des phénomènes de retraits de côte, de la surexploitation des ressources côtières, les ravages du tourisme196, la pression urbaine et démographique...

En outre, elle semble les avoir laissés aux administrations dites concernées d'en trouver solution, mais malheureusement nous ne percevons pas la pertinence ni des textes et ni de leurs applications vu que nombres de difficultés censés être tranchées ou résorbées par celles-ci se posent toujours avec acuité comme celui de la pression urbaine et démographique et d'autres encore.

Enfin, la gestion intégrée qui se voudrait être si l'on la résume de manière simpliste une gestion sectorielle dans une gestion globale avec une double approche consultative et participative, a encore du chemin avant de voir sa totale effectivité dans le cadre du littoral puisque celui-ci dans les textes ivoiriens n'est principalement encore conçu que comme milieu annexe du milieu marin, ce qui est là l'occasion pour en ajuster l'importance par un changement conceptuel, politique et de gestion.

La deuxième analyse ou remarque qu'il conviendrait de faire, après la question de la non spécification, c'est celle de la caducitéde certaines politiques et instruments.

195« Nous avons ainsi pu établir que, ce littoral...subit des changements indéniables...ceci à cause des phénomènes d'engraissement et d'amaigrissement de la plage... Il y a donc... rétrécissement des aires de plaisance des touristes... la vitesse d'érosion à ces endroits est estimée à 13,9 cm par an ...La moyenne de déplacement de la ligne du rivage sur l'ensemble des zones se situant autour de 17 cm par an au rivage de Kribi».,Tonye, Fangue, Akono, Ozer, « Estimation de la vitesse de recul de la ligne du rivage par télédétection sur le rivage kribien, Cameroun », p. 35. Cité par NGOYOK, op.cit.

196« Beaucoup de pays ont payé 1 lourd tribut lorsqu'il se sont rendus compte du grand déséquilibre entre les capacités réelles des sites et l'afflux des arrivants.» déclarait le Pr. Paul Tchawa en août 2004,Cité par NGOYOK, op.cit.

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En effet, cette vétusté peut être abordée sous un double angle, celui de l'obsolescence des instruments techniques de la protection du littoral et des politiques nationales.

D'abord, en ce qui concerne les instruments techniques, le constat malheureusement est fait et claire : la volonté des autorités compétentes est mise à mal puisqu'il n y a pas de traduction au niveau des actes ; bon nombre d'instruments techniques qui sont constitués pour la plupart par les documents techniques de la planification urbaine et de l'aménagement du territoire ne sont plus d'actualités, ils ne sont plus de toute jeunesse et souffrent d'un manque d'actualisation. Quelques cas devraient nous en donner la compréhension : sinon comment expliqué que le territoire en général n'a pas eu de plan d'aménagement réactualisé ?

Aussi, Aucun plan d'aménagement du littoral n'a jamais été mis au point du moins réaliser. L'absence d'un schéma directeur d'aménagement du littoral, l'inexistence d'un programme intégré de gestion des zones côtières sont les signes d'une carence notoire de la législation.

Quant à la caducité des politiques, quelques fois, elle est en phase avec celle des instruments puisque les textes qui les mettent sur pied ne sont pas eux-mêmes d'une certaine jeunesse; il s'agirait juste de dire ici que certains des instruments ne sont pas d'actualités ce qui en obère la praticité et la réalité et qui en conséquence rend la protection du littoral inopérante.

Nous citerons le cas du PNAE non révisé. En fait, ce plan a été conçu pour la période 19962010. Le PNDS n'est pas en reste puise qu'elle devrait couvrir la période 1996-2005. Pareil pour la DSRP proposé en 2002 qui n'a même pas été adopté. Enfin, il serait légitime de tenir rigueur aux initiateurs du livre blanc du littoral de la Côte d'Ivoire (gestion intégré de l'espace littoral) produit en 2004197.Ce dernier reste un outil essentiel pour la protection du littoral.

Au nombre des limites de la protection du littoral ivoirien, en plus des problèmes juridiques, il y a aussi des faiblesses institutionnelles et financières.

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