I.2. Objectif de l'étude
Dans le cadre de ce mémoire, afin d'éviter de
laisser un flou conceptuel ainsi que des interprétations et attentes
multiples, nous entendons par « communauté des parents »
toutes les entités, hors administratives regroupant des parents
d'élèves et qui interviennent dans la gestion de l'école
et qui, d'une façon ou d'une autre, apportent un appui pour accompagner
l'organisation des apprentissages scolaires. Dans notre contexte, cette
communauté est constituée des parents d'élèves,
généralement organisées autour des APE, des CGE et des
AME.
Ainsi, l'objectif principal que nous visons à travers
cette étude est de rechercher l'existence d'un lien entre l'implication
de la communauté des parents dans la gestion des écoles et les
résultats des apprentissages des élèves. Autrement dit, il
s'agira d'examiner si la présence de parents d'élèves
réunis en collectif pour prendre part à la gestion de
l'école contribue à améliorer les apprentissages des
apprenants.
Cet objectif général peut se décliner en
objectifs spécifiques suivants :
19
- identifier s'il y'a des résultats d'apprentissages
des élèves de 2e et 6e années qui
sont liés à l'implication de la communauté des parents
dans la gestion de l'école, indépendamment des
caractéristiques socio-personnelles de l'élève ;
- répertorier le type ou la forme d'implication de la
communauté des parents qui peut avoir un lien avec les résultats
des apprentissages des élèves.
I.3. Revue de la littérature
La littérature empirique sur les déterminants
des performances scolaires a permis de les classer en quatre catégories
(Bijou Mohammed, 2017) : 1) les déterminants liés à
l'environnement et au milieu familial de l'élève, 2) les
déterminants liés aux caractéristiques individuelles de
l'élève, 3) les déterminants en lien avec les
caractéristiques des établissements scolaires et enfin 4) les
déterminants apparentés aux caractéristiques du
système éducatif dans sa globalité.
Dans le cadre de cette revue de littérature, nous
mettrons l'accent davantage sur les déterminants liés
l'environnement et au milieu scolaire qui intègrent la
communauté.
Au cours de ces dernières décennies, de
nombreuses recherches se sont intéressées sur la relation
communauté-école. Certaines d'entre elles ont insisté sur
l'importance de la qualité de cette relation (R. Deslandes, 2010) sur
les apprentissages des élèves et plus globalement sur le
développement de l'enfant. Cette relation école-communauté
a fait l'objet de plusieurs études (Bempechat, 1992 ; Dauber &
Epstein, 1993 ; Reynolds, 1992 ; Epstein, 1991) dont les résultats
concluent que la réussite scolaire des enfants ne peut être
entièrement imputée aux seules aptitudes cognitives de
l'élève mais dépendrait également d'autres
variables comme les stratégies éducatives (C. Montandon, 1996)
mises en place.
Il s'agit par exemple de l'investissement des parents dans la
scolarité de leur enfant pour lutter contre l'échec scolaire (op.
cit) et de l'engagement ou le désengagement des parents (P. Davis-Kean,
2005), c'est-à-dire leur implication ou non dans la scolarisation de
leurs enfants. Pour ces auteurs, au-delà du fait qu'il contribue
à la réussite scolaire des enfants, l'engagement des parents
contribue également à la socialisation de ces derniers (Deslandes
et Jacques, 2004 ; Henderson et Mapp, 2002 ; Epstein, 2001). Les travaux de
Fehrman, Keith et Reimers (1987) s'inscrivent dans la même logique. En
effet, ces auteurs démontrent que la réussite de beaucoup
d'enfants est liée à l'investissement de leurs parents dans leur
scolarité. Selon eux, ceci est d'autant plus vrai que les enfants des
parents qui s'investissent moins dans leurs parcours scolaires peinent à
aboutir à des résultats positifs. Par ailleurs, il faut toutefois
signaler que l'implication des parents ne doit pas se limiter simplement au
suivi de l'enfant à domicile mais, elle doit se poursuivre
jusqu'à l'école. En
20
effet, en confiant leurs enfants à l'école, les
parents doivent contribuer à la gestion de cette institution en
intégrant les structures habilitées. Au Sénégal par
exemple, dans chaque école élémentaire15, il
est mis en place un CGE élu par une assemblée
générale convoquée par le chef d'établissement,
conformément à l'arrêté ministériel n°
1383 du 30 janvier 2015 portant application du décret n° 2014-904
du 23 juillet 2014, relatif à la création, à
l'organisation et au fonctionnement des CGE et des Unions de Comités de
Gestion d'Ecole (UCGE).
En outre, une étude longitudinale menée en 2017
par les Professeurs Kristel Tardif-Grenier et Isabelle Archambault et portant
sur un échantillon de 296 élèves répartis dans cinq
écoles situées dans une zone défavorisée de
Montréal a permis à ces auteurs d'établir une relation
entre l'implication parentale dans le suivi scolaire et le rendement ainsi que
l'engagement scolaire d'élèves du primaire issus de
l'immigration.
Sous un autre registre, d'autres recherches, notamment celles
de Stevenson et Baker (1987) ou Bempechat (1992) citées par Deslandes
(2001), montrent des convergences de vue quant à l'importance de
l'engagement des parents dans la scolarisation des enfants, non sans mettre en
avant l'impact du statut socioéconomique des parents sur le cursus
scolaire des enfants. Pour Deslandes et Bertrand (2004), l'implication
parentale est influencée par quelques caractéristiques
inhérentes à la famille, telles que le capital culturel, le
niveau d'instruction ainsi que le statut social des parents. Ainsi, selon
Bourdieu et Passeron (1970), les familles plus défavorisées tant
sur le plan culturel que sur le plan socioéconomique, participent moins
dans la scolarité de leurs enfants car elles ne sont pas suffisamment
dotées d'aptitudes et de compétences nécessaires pour
contribuer activement à la réussite scolaire des enfants.
Qui plus est, dans son mémoire de DEA, Abdramane Cherif
Haidara (2018) évoque l'engagement des parents dans le suivi de la
scolarité de leurs enfants comme « tributaire de certains
facteurs internes aux familles ». Pour Abdramane, « le
facteur relatif au facteur socioéconomique est le plus important
». Il signale en outre qu' « il y a une interaction entre le
statut socioéconomique en considérant le lieu de
résidence, le niveau d'instruction ainsi que l'engagement des parents
dans le suivi scolaire des enfants » (Haidara, 2018). En effet, dans
cette étude qualitative menée sur des parents
d'élèves du Lycée Ibrahima Ly de Banankabougou au Mali,
l'auteur révèle que les familles les plus engagées dans le
suivi scolaire des enfants sont celles qui sont plus aisées sur le plan
socio-économique. Cependant, ces facteurs socioéconomiques ne
seraient pas l'indicateur le plus important de l'implication des parents dans
la gestion de l'école (Clark, 1983 ; Glasman, 1992).
15 L'école élémentaire renvoie
ici au cycle primaire.
21
Pour Franze et al. (2005), ce serait plutôt
l'environnement positif à la maison qui a un effet considérable
sur les apprentissages, et cela indépendamment du milieu
socioéconomique.
En outre, il convient de préciser que l'appartenance
ethnique, raciale et culturelle des familles ne semble pas être
déterminante par rapport à leur rôle dans la
scolarité de leurs enfants et leur engagement pour l'école
Boethel (2003). En effet, selon Boethel, au même titre que les autres
familles, celles appartenant à des minorités raciales, ethniques
et culturelles sont également très impliquées dans la
scolarisation de leurs enfants. En revanche, il soutient que les facteurs
socioéconomiques influencent les types de participation chez les
familles à faible revenu.
Par ailleurs, d'autres recherches ont mis en lien
l'implication de la famille dans l'école avec le rapport entre les
interactions au sein des familles. En Suisse par exemple, il a
été observé que plus les familles ont un fonctionnement de
type « associatif », c'est-à-dire qu'elles favorisent les
relations de chaque membre avec le monde extérieur, plus elles mettent
l'accent sur la coordination avec l'école. En revanche, plus les
familles ont un fonctionnement « fusionnel », c'est-à-dire
qu'elles accordent une importance à la cohésion du « groupe
famille » et limitent leurs relations avec le monde extérieur, plus
elles manifestent une distance vis-à-vis de l'école (Kellerhals
et Montandon, 1991).
Selon la littérature les formes d'implication des
parents (Champagne et Marçal, 2011 ; C. Delorme, 2002) dans
l'école ainsi que le rôle et la place de ces derniers varient
généralement selon le contexte géographique. A titre
d'exemple, au Mali c'est à travers les associations de parents
d'élèves (APE) que les parents sont associés. Ces derniers
peuvent ainsi contribuer aux repérages des nouveaux besoins
éducatifs et scolaires et sont également consultés dans la
redéfinition des programmes. Tandis que dans d'autres États, les
parents sont sollicités dans la gouvernance et la gestion des
écoles (A. Coly, 2014). En effet, souvent en tant que membres des
conseils de gestion des établissements, les parents de ces pays
participent à l'évaluation des réformes et plus
spécifiquement à l'évaluation des apprentissages de leurs
enfants. Ainsi, leur implication contribue à la fois à la prise
en compte des inégalités d'accès et à une gestion
transparente des écoles. Ceci est le cas en Guinée «
où les parents évaluent les réinvestissements des
apprentissages de leurs enfants dans la vie active » (C. Delorme,
2002).
En outre, la littérature révèle
également qu'il existe une variété de types d'implication
des parents avec différents impacts sur l'élève
(Larivée, 2012). Ces types varient généralement selon
l'âge et le cycle scolaire de l'élève (préscolaire,
primaire, moyen ou secondaire). En effet, l'implication des parents est moins
accentuée au fur et à mesure que l'enfant avance dans son cursus
scolaire
22
(Deslandes et Bertrand, 2004) et se présente sous
différentes typologies16 en fonction de la perspective dans
laquelle l'implication est abordée (Larivée, 2012). Ces
typologies sont fonction, entre autres, des objectifs visés par les
parents, des lieux et des formes d'implication parentale, du degré de
relation entre les parents et l'école. Dans cette optique, Epstein
(2001) dégage une typologie fondée sur six situations
d'implication (rôles et compétences parentales, communication
entre l'école et la famille, bénévolat, apprentissages
à la maison, participation à la prise de décision et
collaboration avec la communauté) en fonction des situations (maison,
école, ou communauté). Cette typologie d'Epstein se distingue des
autres, non seulement, par le fait qu'elle repose sur plusieurs types
d'implication parentale mais intègre également différents
lieux d'implication parentale (maison, école, etc.). En ce sens, cette
typologie prend en compte notre champ d'étude, c'est-à-dire
l'implication des parents dans l'école, à travers les
organisations de parents d'élèves.
Au demeurant, il importe de souligner le caractère
multiforme de l'implication parentale désignée à travers
différentes expressions : engagement des parents, Delorme (2002) ;
relation famille-école, Deslandes & Jacques (2004) ; participation
des parents, Comhaire & Mrsic-Garac (2007). Ces appellations
désignent tantôt la même chose mais peuvent parfois avoir
des nuances.
Des recherches se sont également
intéressées à la coéducation, c'est-à-dire
à la collaboration étroite et à la responsabilité
partagée entre la famille (premiers éducateurs) et l'école
(éducateurs professionnels) dans l'éducation des enfants. Ainsi,
selon Coly (2014), l'intérêt de la coéducation
réside dans le fait que les parents puissent, sur la base de leur
expérience et leur intuition, aider les enseignants dans
l'apprentissage, par le biais des APE.
Ainsi, avec le développement de l'approche
communautaire en Afrique et en particulier au Sénégal, la
participation de la communauté dans la gestion de l'école
favorise la proximité avec l'école et l'intérêt pour
ce qui s'y déroule (C. Delorme, 2002). Elle facilite également
l'intégration scolaire (Lambert, 1998) qui est un processus et une
démarche au service de la participation effective et de l'inclusion
sociale des élèves surtout ceux en difficultés (J.
Larivée, S., Kalubi, J. & Terrisse, B., 2006). Cette participation
est d'autant plus souhaitée chez les familles des élèves
en difficultés (Boutin, 2007) puisque sans leur implication, les
résultats de l'intégration peuvent être insignifiants.
C'est pourquoi, par exemple, dans la province de Québec, les
législateurs ont prioritairement inscrit les pratiques de collaboration,
de coopération, voire de partenariat entre les professionnels et les
familles pour l'intervention en contexte d'intégration scolaire et
d'inclusion (MEQ, 1997, 1999a). Ce rapprochement entre les familles et
l'école entraine un progrès dans les résultats scolaires
des
16 Pour Larivée (2012), l'implication peut
être abordée en fonction de la « décision des parents
de s'impliquer, des types et des lieux de l'implication parentale, du
degré de relation avec les partenaires, des objectifs visés par
les parents, etc. »
23
enfants (Jean-Michel Devaux, Michèle Hamel, Bernard
Vrignon, 1989). Etant toutefois précisé ici que les
résultats des recherches sont parfois mitigés quant à ce
qui concerne les méthodes de soutien familial (Chatelanat,
MartiniWillemin et Beckman, 2006) dans la réussite scolaire des
élèves.
En outre, le rôle des parents dans l'éducation
est plus ressenti chez les filles. En effet, à travers
différentes études menées par l'Unicef, il ressort que les
parents auraient un rôle déterminant pour favoriser la
réussite scolaire de leurs filles, que ce soit au niveau de
l'accès à l'école (problème de
l'éloignement) que dans la régularité dans les
études.
Toutefois, il convient de signaler à ce stade qu'il
n'existe pas de consensus quant à l'existence d'une « relation de
cause à effet » entre l'implication de la communauté et les
résultats des élèves. La littérature
révèle que l'implication de la communauté dans la
scolarité des élèves n'est pas forcément synonyme
de réussite scolaire de ces derniers. En effet, bien que bon nombre
d'études (Deslandes, 2010 ; Coly, 2014) montrent des effets
bénéfiques de l'implication de la communauté des parents
dans la gestion de l'école, force est de noter que la plupart de ces
études évoquent généralement des constats de
corrélation et non une relation causale (Montandon, 1996) entre
l'implication des parents dans les apprentissages de leurs enfants et les
résultats de ces derniers.
Par ailleurs, d'autres recherches évoquent la
nécessité d'un dialogue entre la communauté des parents et
l'école pour relever les défis de la réussite scolaire
(Kanouté, André, Charrette, Lafortune, Lavoie et
Gosselin-Gagné, 2011) ainsi que pour résoudre les
difficultés que leur relation peut comporter sur le plan local. La
collaboration école-communauté fait souvent
référence aux liens entre les écoles et la
communauté au sens large, c'est-à-dire intégrant les
institutions, les organismes, les associations, etc. - qui soutiennent et
favorisent de façon directe ou indirecte le développement social,
émotionnel, physique et intellectuel des jeunes (Deslandes, 2010). Cette
collaboration entre la communauté et l'école est souvent
favorisée par l'attitude des enseignants vis-à-vis des parents.
Pour Hoover-Dempsey, Bassler et Brissie (1987), l'ouverture des enseignants aux
parents semble être liée à la perception que les
enseignants se font de leurs propres compétences. Ainsi, les contacts
entre enseignants et parents sont moins fréquents lorsque les
enseignants ont une image négative de leur travail. Par contre, de
façon générale, les enseignants qui intègrent mieux
les parents dans l'école sont le plus souvent ceux qui ont un sentiment
positif vis-à-vis de leur travail (Epstein, 1990).
Ainsi, au vu de ce qui précède, nous pouvons
relever ici, que même si globalement la littérature parcourue
révèle des effets bénéfiques de l'implication de la
communauté dans l'école, il convient de préciser que ces
effets reposent généralement sur des constats de
corrélation (Montandon, 1996).
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