Mise en place de la budgétisation par programmepar Yakub BEDA IAE de Poitiers - Master 2018 |
C- Cadre de suivi et d'évaluation du budget-programmeAu regard de l'importance de suivi et de l'évaluation de la mise en oeuvre d'un budget-programme, il convient de mettre en place un cadre approprié. Ce cadre est un système mis en place pour assurer un meilleur suivi et une bonne évaluation des projets ou programmes. Il est composé, en plus des acteurs de pilotage et d'exécution du budget, des acteurs spécialisés en suivi et évaluation, d'un système d'information et de l'ensemble des méthodes adoptées à cet effet. i. Comité Planification, Programmation, Budgétisation, Suivi et Evaluation Pour un suivi et une évaluation efficaces et de qualité, il est important de mettre en place une équipe performante, réactive, qui mobilise les compétences techniques adéquates, de définir des termes de référence, d'élaborer un plan, de proposer un calendrier et une méthodologie, de prévoir les moyens financiers pour sa mise en place et en oeuvre. Malheureusement, le Régime financier de l'Etat n'a pas prévu un tel cadre de suivi et d'évaluation. En dehors des acteurs du processus de l'exécution définis ci-dessus, ledit cadre se charge d'implémenter le plan de suivi et d'évaluation des programmes ou des sous-programmes. La définition d'un cadre logique des programmes facilite ce travail (voir annexe 4). Pour 20Henri Bouquin (1992) le système de suivi budgétaire doit permettre de vérifier la pertinence des références prévisionnelles retenues par l'entreprise, d'alerter les responsables pour leur permettre de prendre les décisions correctives nécessaires, et garantir le maintien de la cohérence des actions menées dans l'entreprise par les responsables de tous niveaux. En effet, les systèmes de suivi et d'évaluation budgétaire nécessitent de définir une situation de référence basée sur les conditions de fonctionnement normal et une situation cible à atteindre. La situation cible sert de boussole à la canalisation des efforts lors de la réalisation des actions, alors que la situation de référence permet de faire des comparaisons. Dans le cas d'un budget-programme, les références possibles sont les objectifs fixés, les résultats attendus, le budget. 21Jody Zall Kusek et Ray C. Rist (2006) pensent que la raison d'être principale d'un système de suivi et d'évaluation axé sur les résultats est l'utilisation des informations disponibles pour améliorer la performance de l'organisation. Ils ont repris dans leurs travaux les dix façons d'utilisation des données obtenus via le système de suivi-évaluation, à savoir : - répondre aux demandes des responsables élus et du public qui exigent davantage de responsabilité ; - aider à formuler et à justifier les requêtes budgétaires ; - alimenter les décisions sur l'affectation des ressources opérationnelles ; - provoquer un examen en profondeur des problèmes de performance existants et des corrections exigées ; - motiver le personnel pour qu'il continue à améliorer le programme ; - formuler et surveiller la performance des fournisseurs et des organismes subventionnés ; - fournir des données pour des évaluations spéciales et rigoureuses des programmes ; - fournir les services plus efficacement ; - appuyer les efforts de planification stratégique et à plus long terme en fournissant des données de départ et en permettant de suivre les progrès subséquents ; - mieux communiquer avec le public de façon à susciter la confiance. 20 Henri Bouquin (1992), « La maîtrise des budgets dans l'entreprise », page 189. 21 Jody Zall Kusek et Ray C. Rist (2006), « Vers une culture du résultat », page 129. BEDA Yakub bedayakub@yahoo.fr Page 29 sur 60 Mise en place de la budgétisation par programme : Cas de la Caisse de Stabilisation des Prix des Hydrocarbures au Cameroun Bien que le Régime financier de l'Etat n'ait pas prévu un tel cadre, il faut noter cependant que, chaque administration sectorielle met en place en son sein un comité chargé de la planification, de la programmation, de la budgétisation, du suivi et de l'évaluation (PPBSE) des programmes. Toutefois, il faut regretter l'absence d'un tel cadre au niveau national, quoi que, comme précisé supra, la Chambre des comptes de la Cour suprême contrôle, surveille et s'assure de la transparence en matière de GFP, mais aussi évalue l'efficacité économique et l'efficience des programmes. En effet, il convient de signaler que les actions liées à l'évaluation économique et de l'efficience des programmes ne sont pas ressenties au sein de cette chambre. Un tel cadre pouvait être placé à un très haut niveau, par exemple sous la tutelle ou la responsabilité du Premier Ministre ou de la Présidence de la République. Un 22décret du Premier Ministre a créé un comité interministériel d'examen des programmes (CIEP) en août 2011, dans le but de vérifier la cohérence des programmes avec la vision de l'Etat et non pas pour s'occuper des questions de suivi et d'évaluation des programmes.
23Jody Zall Kusek et Ray C. Rist (2006) distinguent deux principaux types de suivi, au niveau de la mise en oeuvre et au niveau des résultats, quoique les deux aboutissent à la surveillance des résultats. Le premier type est le suivi axé sur la mise en oeuvre, qui s'applique aux moyens et aux stratégies (c'est-à-dire, les intrants, activités et extrants qui font partie d'une planification annuelle ou pluriannuelle) utilisés pour atteindre une réalisation donnée. Lors de ce suivi, il est question de savoir si la dépense est celle qui a été prévue ? Est-ce que les moyens mis en oeuvre pour la réalisation de celle-ci sont ceux prévus, que ce soit en quantité ou en qualité ou encore en termes des compétences requises et de la méthodologie utilisée ? Est-ce que l'activité mise en oeuvre a été prévue ? Le second est le suivi des résultats, qui consiste au contrôle de l'alignement des extrants avec les résultats que l'organisation espère obtenir. Sur la question de l'évaluation, les mêmes auteurs en distinguent sept différents types, l'évaluation de l'enchaînement logique de la performance, l'évaluation antérieure à la mise en oeuvre, l'évaluation de la mise en oeuvre du processus, l'estimation rapide, l'étude de cas, l'évaluation d'impact et la méta évaluation, dont, l'impartialité, l'utilité, la conformité technique, l'implication des parties prenantes, la rétroaction et diffusion, et la rentabilité permettent de mesurer la qualité de l'évaluation. L'évaluation de l'enchaînement logique de la performance a pour objectif d'éviter un échec dû à un défaut de conception et est utilisée pour tester la solidité et la logique du modèle 22 Décret n°2011/2414/PM du 17 août 2011 portant création et organisation du comité interministériel d'examen des programmes (CIEP). 23 Jody Zall Kusek et Ray C. Rist (2006), « Vers une culture du résultat », page 114-117. BEDA Yakub bedayakub@yahoo.fr Page 30 sur 60 Mise en place de la budgétisation par programme : Cas de la Caisse de Stabilisation des Prix des Hydrocarbures au Cameroun causal, c'est-à-dire de l'enchaînement moyens utilisés, tâches effectuées, activités réalisées, actions menées, programme ou projet mis en oeuvre, objectifs à atteindre, stratégie déployée et mission accomplie. L'évaluation antérieure à la mise en oeuvre repose sur trois critères qui permettent de garantir que l'échec n'est pas programmé à l'avance. Il s'agit d'éprouver la réalisabilité des objectifs retenus, de voir la crédibilité et la cohérence du plan d'exécution et distinguer une mise en oeuvre réussie de celle qui ne l'est pas ou qui est déficiente, de tester si les ressources allouées correspondent aux exigences des résultats souhaités. L'évaluation de la mise en oeuvre du processus est très pointue puisqu'elle examine dans les détails près la mise en oeuvre du projet ou programme et son principe se rapproche de celui du suivi. Il est question dans cette évaluation de comparer ce qui a été prévu de ce qui est mise en oeuvre en matière des activités, des coûts, des compétences, des moyens utilisés, des installations, du respect de calendrier, de la méthodologie, de la qualité, des quantités et des procédures. L'estimation rapide permet d'évaluer et de rendre compte d'une situation rapide et en temps réel, fournissant une rétroaction immédiate aux décideurs sur les progrès d'un projet, d'un programme ou d'une politique. Elle utilise les méthodes de collecte de données telles que les entrevues avec des intervenants clés, des entrevues avec des groupes témoins, des entrevues avec des membres de la communauté, des observations directes structurées, et des enquêtes. Cette méthode d'évaluation est considérée comme moins coûteuse par rapport à celles qui sont plus structurées, à condition que les estimations soient justes, fiables et crédibles. Quoique entachée des préjugés et des penchants de l'évaluateur, susceptibles d'influencer le jugement, la vérification de l'information est difficile à réaliser. L'étude de cas est utilisée lorsqu'un gestionnaire a besoin d'une information détaillée pour comprendre plus clairement ce qui s'est passé avec une politique, un programme ou un projet. L'évaluation d'impact est la détermination des changements survenus et leurs différentes origines afin de ressortir distinctement ceux induits par une politique, un projet ou un programme et ceux dus à d'autres événements sans lien avec les précédents. Elle est réalisée lorsque l'intervention est totalement achevée. Un problème de détermination du moment opportun de l'évaluation peut se poser, car très tard les effets peuvent se diluer par d'autres facteurs agissant positivement ou négativement sur l'intervention, et très tôt, il est possible que les effets attendus ne soient pas encore visibles, d'où la recherche du juste milieu, la nécessité de concevoir à l'avance le questionnaire approprié et la planification à l'avance de l'évaluation d'impact tout en spécifiant les objectifs, les unités à enquêter, ce qui permettra aussi d'établir les données de départ. La méta-évaluation est une revue des différentes évaluations qui ont été réalisées sur les projets ou programmes identiques selon le degré de certitude, afin d'avoir une information déjà existante. Elle intervient à la suite de plusieurs évaluations effectuées et permet d'établir des critères et des procédures pour examiner systématiquement cette série d'évaluations dans le but d'en résumer les tendances et de susciter une confiance vis-à-vis de leurs résultats. Bien que le Régime financier de l'Etat n'ait pas été très explicite sur les questions de système d'information et de cadre de suivi et d'évaluation du budget-programme, néanmoins, il s'est focalisé sur trois différents niveaux de contrôle à l'article 83. Il s'agit du contrôle administratif, du contrôle parlementaire et du contrôle juridictionnel. Il précise que ces différents contrôles sont orientés vers la vérification de la régularité ou vers la mesure de la performance. En plus, ils sont effectués a priori ou a postériori sur les ordonnateurs, les BEDA Vakub bedayakub@yahoo.fr Page 31 sur 60 Mise en place de la budgétisation par programme : Cas de la Caisse de Stabilisation des Prix des Hydrocarbures au Cameroun comptables publics et tout autre gestionnaire public. Le contrôle de régularité et de performance, ainsi que les missions d'audit de la gestion sont menés par des services spécialisés et compétents de l'exécutif. Les quatre types de contrôle administratif sont définis ainsi qu'il suit : - le contrôle du supérieur hiérarchique de l'administration sur ses agents, qui peut être disciplinaire ; - le contrôle interne des procédures et méthodes pour s'assurer de leur bon fonctionnement et de la maîtrise des risques ; - le contrôle exercé par des institutions et organes de contrôle ; - le contrôle financier et comptable tel que effectué par le contrôleur financier et le comptable public. Le contrôle parlementaire s'exerce à l'occasion de l'examen des projets de lois de finances et vise à s'assurer de la bonne exécution de celles-ci. À cet effet, les commissions parlementaires chargées des finances désignent un rapporteur général pour les recettes et des rapporteurs spéciaux pour les dépenses, mais aussi chargés du contrôle de l'usage des fonds publics et des bailleurs. Elles dressent un rapport qu'elles transmettent au parlement et en cas de connaissance d'un fait pouvant entraîner une sanction pénale, elles sont tenues de le transmettre aux autorités judiciaires ou saisir l'organe chargé de la discipline budgétaire. Le contrôle juridictionnel est assuré par la Chambre des comptes, indépendamment du gouvernement et du parlement. La juridiction décide seule de la publication de ses avis, ses décisions et ses rapports. Elle assiste le parlement dans le contrôle de l'exécution des lois de finances, certifie la régularité, la sincérité et la fidélité du compte général de l'Etat, juge les ordonnateurs, les contrôleurs financiers et les comptables publics conformément à la réglementation en vigueur. Elle contrôle la légalité financière et la conformité budgétaire de toutes les opérations de dépenses et de recettes de l'Etat, évalue l'économie, l'efficacité et l'efficience de l'emploi des fonds publics au regard des objectifs fixés des moyens utilisés et des résultats obtenus. Elle évalue aussi la pertinence et la fiabilité des méthodes, indicateurs et données permettant de mesurer la performance des politiques et administrations. En plus de ces dispositifs de contrôle, la Loi sur le Régime financier de l'Etat et des autres entités publiques prévoit la tenue de quatre comptabilités : - une comptabilité budgétaire destinée à vérifier le respect par le Gouvernement de l'autorisation parlementaire ; - une comptabilité générale destinée à mesurer l'évolution du patrimoine de l'Etat ; - une comptabilité analytique pour analyser les coûts des actions engagées ou des services rendus dans le cadre des programmes ; - une comptabilité-matières, des valeurs et titres. La comptabilité budgétaire est tenue par l'ordonnateur et le comptable public, en partie simple (article 74). Elle retrace les opérations d'exécution du budget de la phase d'engagement à la phase de paiement, conformément à la nomenclature budgétaire de la loi de finances de l'année concernée. Les recettes sont prises en compte à l'année de leur encaissement, alors que les dépenses sont prises en compte au moment de leur engagement, puis de leur paiement au titre de l'année sur laquelle elles sont engagées par l'ordonnateur et payées par le comptable public. À cette comptabilité budgétaire, l'ordonnateur doit également tenir une comptabilité auxiliaire des liquidations et des émissions de recettes, et une autre comptabilité budgétaire des liquidations et des ordonnancements des dépenses. Il en est de même du comptable public qui doit tenir, en plus de la comptabilité budgétaire de la loi de finances, une comptabilité budgétaire auxiliaire qui renseigne sur les encaissements des recettes BEDA Yakub bedayakub@yahoo.fr Page 32 sur 60 Mise en place de la budgétisation par programme : Cas de la Caisse de Stabilisation des Prix des Hydrocarbures au Cameroun et les paiements des dépenses, ce qui permet de dégager les restes à recouvrer et les restes à payer. La comptabilité générale a pour objet de produire le compte général de l'Etat comprenant la balance générale des comptes, le tableau de la situation nette du bilan, le compte de résultat, le tableau des flux de trésorerie, le tableau des opérations financières, et l'état annexé (article 75). Elle est tenue en partie double et son principe est fondé sur la constatation des droits et obligations, c'est-à-dire que les opérations sont prises en compte au titre de l'exercice auquel elles se rattachent, indépendamment de leur date de paiement ou d'encaissement. Elle s'inspire des normes comptables internationales et ce sont les comptables publics qui la tiennent. La mise en oeuvre de la comptabilité analytique est fixée par des textes réglementaires. Elle a pour objet de retracer les éléments de coûts des actions engagées dans le cadre de la mise en oeuvre des politiques publiques à travers les programmes. Ce sont les ordonnateurs qui les tiennent. La comptabilité-matières est instituée auprès des ordonnateurs, les modalités de leur mise en oeuvre sont aussi fixées par un texte réglementaire. Elle a pour objet de décrire les biens mobiliers et immobiliers existants, les stocks et les valeurs inactives autres que les deniers publics et les archives administratives de l'Etat. |
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