Télévision et vulgarisation des pratiques agricoles innovantes au Burkina Faso: proposition d'émissions télévisuellespar Yamnoma Geoffroy ZONGO Université Senghor d'Alexandrie - Master 2 en développement / Spécialité: Communication et médias 2019 |
II.2- L'agriculture : un patrimoine culturel toujours en évolutionLa culture de manière simple est transversale. Mais de manière plus sérieuse, elle est un vecteur de progrès, une source de pensée et de réflexion sur la vie. Quand on parle de culture scientifique, de culture technologique, de culture d'entreprise, entre autres, on parle du processus de 39 DJIGUEMDE, Michaël, « Quelle communication pour la facilitation de la vulgarisation des pratiques agricoles innovantes : cas du paillage dans la zone de Koumbia au Burkina Faso », Mémoire, Université Senghor, 2017, Alexandrie, 53 pages. 18 Yamnoma Geoffroy ZONGO - Université Senghor - 2019 production de la pensée culturelle. La culture produit de la pensée et l'être humain se nourrit de cette pensée, de cette réflexion, de ce savoir culturel. II.2.1. L'agriculture, un savoir-faire culturel Le savoir-faire, le savoir-être et la projection en rapport avec l'avenir sont des éléments qui distinguent l'être humain des autres êtres vivants. La première grande révolution culturelle accomplie par l'homme en utilisant sa pensée était de ne pas attendre d'avoir besoin de quelque chose pour aller la chercher. Par exemple, la chasse et la cueillette ont été les premières étapes de la vie difficile de l'être humain. Grâce à la culture, à sa pensée, l'homme a commencé à anticiper ses besoins en domestiquant les animaux et en amenant auprès de son habitation les végétaux dont il cueillait les fruits dans la forêt. Parmi les animaux et les végétaux susceptibles d'être entretenus directement, l'homme les a tout simplement ramenés à sa porte. Cette démarche a donné naissance à l'élevage et à l'agriculture. Cependant, il faut signaler que ce n'est pas l'agriculture en tant que telle qui est un acte culturel, mais la démarche qui a produit l'agriculture. Au-delà de la démarche, un savoir-faire est né grâce à l'expérience. Ainsi, l'homme sait à quel moment il doit semer, labourer le champ et quand il doit récolter. Tout cela est un patrimoine transmis de génération en génération. Les agriculteurs ont produit d'abord un savoir-faire valable dans d'autres domaines également. La production et l'utilisation des produits de l'agriculture sont culturelles ; ce sont deux savoir-faire du patrimoine. C'est-à-dire un héritage, un legs aux générations contemporaines et futures. La démarche est donc culturelle car elle est l'émanation de la pensée, du savoir-faire et de la constitution d'un patrimoine autour de l'agriculture.40 II.2.2. L'agriculture, un héritage culturel Selon la FAO, on trouve aujourd'hui sur tous les continents des systèmes agricoles ingénieux, vestiges des siècles passés. Loin d'être prisonniers du passé, ces Systèmes ingénieux du patrimoine agricole mondial (SIPAM) sont toujours utiles au monde agricole moderne et à celui de la recherche. Les sites SIPAM41 sont similaires aux sites du patrimoine mondial de l'UNESCO. Mais la différence est que ceux de l'UNESCO doivent être préservés alors que les SIPAM sont des systèmes vivants qui évoluent pour répondre aux besoins et aux exigences des agriculteurs. Sur le plan mondial, la FAO estime qu'environ 500 millions d'hectares sont réservés à des systèmes du patrimoine agricole qui maintiennent leurs traditions uniques combinant des services sociaux, 40 Résumé d'un entretien avec le Professeur Pape MASSENE SENE, Chargé de recherche à l'IFAN, réalisé à Alexandrie le 30/10/2018. 41 www.fao.org/3/a-bp772f.pdf, consulté le 06/11/2018 à 15h30. 19 Yamnoma Geoffroy ZONGO - Université Senghor - 2019 culturels, écologiques et économiques bénéficiant à l'humanité42. Ces systèmes, bien que traditionnels, sont efficaces et ingénieux. S'ils ne l'étaient pas, ils n'auraient pas traversé les siècles et aidé autant de générations équipées seulement des outils les plus rudimentaires de leur époque. Cet héritage culturel est évolutif car il fait face, aujourd'hui à un développement rapide, à la mondialisation, à l'urbanisation, aux catastrophes naturelles et aux effets du changement climatique. II.2.3. Le patrimoine cultural est dynamique Si la FAO octroie le statut de SIPAM43 à des communautés rurales, cela se justifie non seulement par l'utilité reconnue de ces patrimoines culturaux pour les générations actuelles mais aussi du dynamisme de ceux-ci. Un dynamisme qui se manifeste le plus souvent par la fierté pour les populations locales, qui ont hérité des systèmes de leurs ancêtres et qui continuent de les entretenir. Si les populations tiennent toujours à ces patrimoines culturaux, c'est certainement parce qu'ils répondent toujours à leurs besoins et continuent d'augmenter leurs revenus. En plus, les agriculteurs qui entretiennent les SIPAM peuvent les utiliser pour préserver leur mode de vie, leurs paysages, la biodiversité agricole et leurs systèmes de connaissances. Au niveau de la FAO, l'approche adoptée pour les SIPAM est qualifiée de «conservation dynamique». C'est-à-dire que les sites ne sont pas préservés comme des musées en l'honneur du passé, mais continuent d'évoluer et de changer, dans le cadre d'une vision globale d'«agri culture». Les communautés et institutions locales peuvent tirer parti des traditions ancestrales et du caractère unique des SIPAM en promouvant, en commercialisant et en valorisant leurs produits et services. Mais en parallèle, les personnes qui ont hérité de ces systèmes culturaux peuvent continuer de les entretenir, de les améliorer et de les transmettre aux générations futures44. Dans le cas qui nous intéresse, on peut avancer que le dynamisme du patrimoine cultural fait appel aux pratiques culturales innovantes. C'est pourquoi Aurélie LABORDE estime que « contrairement aux croyances populaires, l'innovation est permanente et culturelle dans le secteur agricole45 ». L'innovation agricole, c'est la plus-value apportée aux patrimoines culturaux hérités du passé pour répondre aux besoins existentiels des populations. Cette démarche correspond à la notion de «conservation dynamique» définie par la FAO. 42 Food and Agriculture Organization of the United Nations (FAO), « Mettre l'accent sur la `'culture" dans l'agriculture », disponible sur http://www.fao.org/in-action/accenting-the-culture-in-agriculture/fr/, consulté le 06/11/2018 à 16h02. 43 Idem 44 Idem. 45 LABORDE, Aurélie, « TIC et Agriculture, Appropriation des dispositifs numériques et mutations des organisations agricoles », 2012, Paris, page 26. 20 Yamnoma Geoffroy ZONGO - Université Senghor - 2019 II.3- Les approches conceptuelles sur la télévision et la vulgarisation agricole : définition des concepts La définition des concepts est indispensable pour une étude scientifique. En effet, selon Madeleine GRAWITCH, « le concept n'est pas seulement une aide pour percevoir, mais une façon de concevoir. Il organise la réalité en retenant les caractères distinctifs, significatifs des phénomènes. Il exerce un premier tri au milieu du flot d'impressions qui assaillent le chercheur. »46 Nous estimons nécessaire de lier la définition à l'usage des mots convenant le plus à notre sujet de recherche. II.3.1. La vulgarisation agricole Selon le Dictionnaire étymologique de la langue française, « vulgariser » vient du mot latin « vulgus » qui signifie « le commun des hommes »47. Le terme signifie « rendre accessible » et publique une connaissance au commun des hommes. La notion de vulgarisation agricole comporte plusieurs définitions dont l'objectif commun est de faire connaître un savoir ou un savoir-faire à un ou à plusieurs acteurs du secteur agricole. Nous retenons quelques définitions qui ont un lien avec notre problématique. - La transmission de connaissances techniques « Vulgariser, c'est présenter, sous une forme assimilable pour les paysans, les solutions mises au point pour résoudre leurs problèmes de production agricole. C'est une formation technique et très pratique pour produire plus et/ou mieux ». 48 Cette forme de vulgarisation émane le plus souvent du milieu de la recherche-développement. Elle nécessite une approche participative et active des paysans. - Un changement de comportements « Vulgariser, c'est amener les paysans à changer certains comportements vis-à-vis des méthodes de production. »49 Certaines pratiques et méthodes de productions étant en déphasage avec les réalités socio-culturelles, économiques et naturelles du milieu, cette approche vise à faire prendre conscience du problème et à amener progressivement les paysans à adopter de nouvelles méthodes plus adaptées. - La communication « Vulgariser, c'est faciliter la communication du monde paysan avec l'extérieur, communication avec la recherche, mais aussi avec l'ensemble des autres services détenteurs d'informations 46 GRAWITCH, Madeleine, citée par Mamadou DIAKITE, en 2010 dans son Mémoire de maîtrise en sciences et techniques de l'information et de la communication. Thème : « Etude d'un phénomène médiatique sur la télévision nationale du Burkina : les télénovelas », Université de Ouagadougou, P. 27. 47 BLOCH et WARTBURG, Dictionnaire étymologique de la langue française, Paris, 1994, 10e édition, p. 679. 48 MORIZE, Jean. Manuel pratique de vulgarisation agricole. Paris: Agence de coopération culturelle et technique, 1992, p. 24. 49 Idem p. 25. 21 Yamnoma Geoffroy ZONGO - Université Senghor - 2019 susceptibles d'intéresser la production ou le développement »50 agricole. Cette définition fait appel aux moyens de communication, aux messages, aux médias (canaux de diffusion) et aux acteurs (émetteurs et récepteurs du message) dont le concours est indispensable à la vulgarisation agricole. De ces trois définitions, nous retenons que la vulgarisation agricole est un ensemble de méthodes visant la transmission de messages et de connaissances techniques et un changement de comportements des paysans en vue d'améliorer leur production. Autrement dit, la vulgarisation dépend du type de communication qui s'établit entre les paysans et le vulgarisateur agricole. Un vulgarisateur agricole doit éviter d'imposer aux paysans ce qu'il faut faire et ce qu'il ne faut pas faire. Il doit humblement aller à leur école. Certains parmi eux peuvent avoir des pratiques agricoles qui paraissent dépassées mais la réalité, c'est qu'il y a toujours une certaine rationalité-technologique, écologique ou culturelle- derrière ces pratiques qu'on ne peut découvrir qu'en allant à leur écoute.51 Tout cela est possible si la communication au sein du monde paysan est une réalité et est facilitée avec l'extérieur. II.3.2. L'innovation Etymologiquement, « innover » vient du verbe latin « innovare » qui, lui-même est composé de « in » (dans ou en) et de « novus » (nouveau)52. Littéralement, le terme fait penser à du `' nouveau» qui s'ajoute à `'en ou dans». Innover c'est apporter du nouveau à ce qui existe déjà, c'est introduire une chose nouvelle dans une autre déjà établie, modifier ou transformer pour rendre neuf. La notion d'innovation (ou d'action d'innover) dans notre contexte se focalise sur le volet agricole. Elle est une « nouvelle manière de faire ou de pratiquer (...) pour l'individu ou pour le groupe »53. L'adoption d'une innovation agricole par le paysan est facilitée par les motifs suivants : - l'avantage qu'elle offre selon la situation actuelle de l'activité agricole ; - la non complexité de l'innovation par rapport à l'ancienne pratique ; - la compatibilité de l'innovation avec les milieux socio-culturels et environnementaux dans lesquels évolue le paysan ; - la divisibilité de l'innovation : elle doit être capable de faire l'objet d'une expérimentation sur une petite parcelle qui va servir de démonstration ou d'école pour les paysans ; - la communicabilité de l'innovation : la communication pour faire comprendre les avantages, les contraintes et convaincre par des moyens adaptés et acceptés par le public vers qui la communication est adressée. 50 Idem p. 25 51 David GAKUNZI, La vulgarisation agricole, un problème de communication, http://base.d-p-h.info/fr/fiches/premierdph/fiche-premierdph-1215.html#Haut, consulté 26/10/2018 à 17h26. 52 BLOCH et WARTBURG, Dictionnaire étymologique de la langue française, Paris, PUF, 1994, 10e édition, p. 340. 53 MORIZE, Jean, Manuel pratique de vulgarisation agricole. Paris: Agence de coopération culturelle et technique, 1992. P. 104. 22 Yamnoma Geoffroy ZONGO - Université Senghor - 2019 II.3.3. L'agriculture Du latin « agricultura » qui signifie « culture du sol », l'agriculture se définit comme étant « l'ensemble des travaux transformant le milieu naturel pour la production des végétaux et des animaux utiles à l'homme »54. L'Agriculture avec grand `'A» regroupe tout ce qui entre dans le processus de productions des biens issus de la forêt, des végétaux, de la pêche, des oiseaux et des animaux. Pour notre étude, nous entendons par Agriculture, toute activité champêtre ou agricole (ager en latin qui veut dire champ) entrant dans la production des végétaux. On distingue deux types d'agriculture au Burkina Faso : - L'agriculture vivrière : en tant que mode de vie, cette activité représente pour l'humain un patrimoine, une identité culturelle, un pacte ancestral avec la nature. Elle est traditionnelle, faite le plus souvent sur une petite échelle de superficie et destinée à l'autoconsommation par les populations locales. Sa finalité c'est l'autosuffisance alimentaire des agriculteurs. A cause de sa consommation sur place, elle ne nécessite pas de transport et pollue très peu l'environnement. Elle est pratiquée généralement pendant la saison des pluies (juin à septembre en moyenne), mais de plus en plus, avec l'introduction des cultures de contre-saison, certains ménages l'exercent également pendant la saison sèche (octobre à mai en moyenne) par les systèmes d'irrigation. Les céréales (mil, sorgho, maïs, riz, fonio) constituent les principales productions végétales. Selon le dernier recensement général de l'agriculture (RGA 2008), le mil, le sorgho et le maïs représentent respectivement 29%, 35% et 11% des superficies céréalières, le riz ne couvrant que 1%. Les autres cultures vivrières (niébé, igname, patate douce, voandzou) représentent 3% des superficies totales emblavées55. - L'agriculture de rente : elle est semi-moderne et est pratiquée sur de grandes superficies surtout pendant la saison des pluies. Les grandes surfaces irriguées permettent à certains gros producteurs de continuer leurs activités en période sèche. Elle est destinée principalement à la vente. Ici, l'utilisation des intrants, des techniques culturales nouvelles, des semences améliorées et certifiées, des machines, d'une forte main d'oeuvre, entre autres, est constatée de plus en plus sur le terrain, car c'est également une industrie pourvoyeuse d'emplois temporaires dans certaines zones (les plus arrosées surtout) du pays. Les cultures de rente (coton, sésame, arachide, soja) et les cultures maraichères occupent 19 % des superficies totales ensemencées.56 Alors, l'agriculteur est celui qui pratique l'agriculture, qui travaille dans un champ, qui cultive la terre, qui exerce une ou des activités de l'agriculture. L'agriculteur vit essentiellement des produits et bénéfices de son champ. Dans notre étude, le terme a aussi des synonymes comme : paysan, cultivateur, fermier, métayer, exploitant. 54 Dictionnaire Le Petit Robert 1, 1991, Paris, P. 39 55 http://agriculture.gouv.fr/burkina-faso, consulté le 04/11/2018 à 00h36. 56 http://www.economiesafricaines.com/les-territoires/burkina-faso/, consulté le 08/10/2018 à 23h01 23 Yamnoma Geoffroy ZONGO - Université Senghor - 2019 II.3.4. La télévision La télévision se définit comme étant la transmission d'images et de sons d'un appareil émetteur à un appareil récepteur. Elle permet au public récepteur de regarder et d'écouter un élément audiovisuel émis à distance par un mécanisme satellitaire ou hertzien ou par internet. Dans notre contexte, la télévision peut se définir comme étant l'entreprise ou la société détentrice du matériel de production et de transmission des contenus qui passent sur les appareils récepteurs du public. Ces appareils récepteurs sont également appelés postes téléviseurs qui transmettent en définitive les images et les sons au public. Le public ou les téléspectateurs considèrent le plus souvent, par abus de langage, le poste téléviseur comme une `'télévision». II.3.5. L'émission télévisuelle L'émission télévisuelle ou émission télévisée ou encore émission de télévision « est une production audiovisuelle d'une certaine durée diffusée sur une chaîne de télévision. Elle débute le plus souvent par un générique qui contient un indicatif musical »57. Le générique, le présentateur, le décor et le nom accordé à l'émission sont généralement les caractéristiques identitaires dudit programme télévisuel. L'émission est un des genres télévisuels comme on peut l'entendre par genre journalistique dans le sens qu'elle nécessite une préparation, un traitement de l'information en respectant une ligne éditoriale et une transmission du contenu dont le squelette a été fixé d'avance par les acteurs. Elle fait partie des éléments constitutifs d'une grille de programme d'une télévision. |
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