2. PROBLEMATIQUE
Il est vrai que l'histoire de l'humanité est faite de
rapports de force, des luttes armées ou non entre des peuples ou des
individus. C'est ainsi que nous affirmons, à la suite de Philippe
TUNAMSIFU SHIRAMBERE, que depuis la nuit de temps, des conflits armés
existent, d'autres naissent, accroissent et finissent par disparaitre.
Malheureusement, l'actualité montre que les conflits armés
existent encore et causent un nombre des victimes, en particulier parmi ceux
qui devraient rester protégés par le droit : les membres de la
population civile.2
Lorsque des exactions commises sont avérées,
cela appelle la responsabilité des auteurs d'autant plus qu'aucune
exemptions n'est possible car le DIH (ci-après DIH) s'applique à
tous et à toutes les parties antagonistes. Ainsi, dans le cas de notre
travail, nous nous assignons un devoir agréable de
réfléchir sur les abus sur la propriété
privée pendant la période d'occupation de la ville de Goma,
chef-lieu de la Province du Nord-Kivu en République Démocratique
du Congo, par le mouvement rebelle dénommé M23 (Mouvement du 23
mars).3
En effet, le DIH, autrement appelé droit de la guerre
ou droit des conflits armés, s'applique uniquement dans le contexte des
conflits armés.4 Il a deux grandes fonctions, notamment la
règlementation de la conduite des hostilités et la protection des
victimes des conflits armés. Les dispositions destinées à
protéger les victimes des conflits armés se trouvent
réunies dans quatre Conventions de Genève du 12 Août 1949
(pour l'amélioration du sort des blessés et des malades dans les
forces armées en Campagne [I], pour l'amélioration du sort des
blessés et des malades et des naufragés des forces armées
sur mer [II], relative au traitement des prisonniers de guerre [III], et celle
relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre [IV]).
En plus viennent deux Protocoles additionnels du 8 juin 1977 (relatif à
la protection des victimes des conflits armés internationaux [I] et
celui relatif à la protection des victimes des conflits armés non
internationaux [II] et un troisième relatif à l'adoption d'un
signe distinctif additionnel du 08 décembre 2005).
De ces Conventions, nous nous intéresserons beaucoup
plus à la quatrième relative à la protection des personnes
civiles en temps de guerre dans le cadre de nos recherches. Cette limitation se
justifie du fait qu'assurer la protection des personnes civiles et leurs biens
est une obligation et un devoir reconnu à tout occupant. Ainsi,
l'article 53 de cette Convention dispose :
2 P. TUNAMSIFU SHIRAMBERE, Droit international
humanitaire, notes de cours dispensées en L1, Faculté de Droit de
l'ULPGL, 2013-2014, p. 2.
3 Cette appellation fait référence
à l'Accord du 23 mars 2009 entre le Gouvernement de la RDC et le groupe
rebelle, Congrès national pour la défense du peuple.
4 P. TUNAMSIFU SHIRAMBERE, Notes de cours
précitées, p.57.
6
Il est interdit à la Puissance occupante de
détruire des biens mobiliers ou immobiliers, appartenant
individuellement ou collectivement à des personnes privées,
à l'État ou à des collectivités publiques, à
des organisations sociales ou coopératives, sauf dans les cas où
ces destructions seraient rendues absolument nécessaires par les
opérations militaires.5
En ce qui concerne l'occupation, la puissance occupante doit
se comporter en administrateur temporaire voire en usufruitier6 ou
en « bonus pater familias » et considéré usant d'un
pouvoir « délégué », alors que celui qui a
reçu un pouvoir par délégation ne remplace pas le
délégataire, il a des limites dans la prise de certaines
décisions.7
Afin de limiter encore davantage les risques d'abus de
l'occupant, c'est en 1949 qu'on a franchi un pas de plus en prévoyant
que même si des changements interviennent dans les institutions, le
gouvernement du territoire occupé, suite à un accord entre les
autorités du territoire et l'occupant, ou en raison d'une annexion, les
personnes protégées ne pourront en aucun cas être
privées du bénéfice de la 4e Convention
à son article 47.8
Le régime de la protection de la
propriété privée suivant ses prescrits, interdit le
pillage dans la Convention de Genève a son article 339, il
interdit à l'occupant qui doit se comporter en usufruitier ou
administrateur temporaire de confisquer la propriété
privée à l'exception du matériel de guerre (objectif
militaires) et aussi l'admissibilité limitée de
réquisition.10
Le mouvement du 23 mars (M23), n'avait pas agi sans cause, il
y a un contexte lié à son agissement et le M23 avait un objectif
très précis en occupant la ville de Goma et la cité de
Sake, mais ce mouvement devrait observer bon nombre des règles pendant
son occupation.
Durant l'occupation de Goma et de Sake, les combattants du M23
auraient commis des violations graves du DIH à l'encontre de la
population civile et des membres des FARDC qui s'étaient rendus et ne
participaient plus aux hostilités. Les violations commises incluent les
meurtres, des viols, des cas de travail forcé, le recrutement et
l'utilisation d'enfants, des traitements cruels, inhumains ou dégradants
et des violations du droit à la propriété (pillage
généralisé des biens publics et privés), violations
du droit à un procès équitable11. De toutes
ces
5 CICR, IVème Convention de Genève
relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre du 12
aout 1949, Article 53 : «Il est interdit à la Puissance occupante
de détruire des biens mobiliers ou immobiliers, appartenant
individuellement ou collectivement à des personnes privées,
à l'Etat ou à des collectivités publiques, à des
organisations sociales ou coopératives, sauf dans les cas où ces
destructions seraient rendues absolument nécessaires par les
opérations militaires ».
6 Idem, p. 5;
7 J. WAYESU NAMUNINGA, De la
délégation du pouvoir aux ministères par le premier
ministre en RDC, TFC en Droit, ULPGL, 2012, p.20.
8 P. TUNAMSIFU SHIRAMBERE, Notes de cours
précitées, p. 54
9Idem. p. 56
10 Ibidem.
11Nations Unies Droits de l'homme, Haut-Commissariat,
Monusco, Rapport du bureau conjoint des Nations Unies
aux droits de l'homme sur les violations des droits de l'homme
perpétrées par les militaires des forces armées
7
violations, il est important de rappeler que seules les
violations du droit à la propriété vont faire l'objet de
ce travail.
Au regard de ce qui précède, il y a lieu que les
questions suivantes soient posées : dans quel contexte la ville de Goma
a été occupée et quelles seraient les obligations de
l'occupant ? En clair, en cas d'abus, quelle peut être la
responsabilité de l'occupant ? Les réponses à ces deux
questions permettront de comprendre d'une part ce qui avait poussé le
M23 a occupé la ville de Goma, les obligations non dérogeables
que le Mouvement du 23 mars (M23) devait assumer pendant l'occupation de la
ville de Goma et de la cité de Sake, mais aussi d'essayer
d'établir la responsabilité de tous actes posés en
violation du DIH d'autre part.
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