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Joseph-Félix Le Blanc de La Combe (1790-1862), collectionneur tourangeau


par Brice Langlois
Université François-Rabelais de Tours - Master I Histoire de l'art 2016
  

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II. Joseph-Félix Le Blanc de La Combe, collectionneur d'art vivant à

Tours.

A. Tours, un terreau fertile pour la constitution d'une telle collection ?

À Tours qui fut capitale sous le règne des Valois au XVe siècle puis sous le règne d'Henri III entre 1584 et 1588, l'histoire semble régir l'évolution et la vie des habitants. Malgré ce passé glorieux, Tours souffre en ce milieu du XIXe siècle de la comparaison avec Paris, le siège du pouvoir gouvernemental mais surtout la capitale artistique internationale. Ainsi, à Tours les artistes et les institutions culturelles sont à l'évidence moins nombreux, à l'instar du marché de l'art qui y est moins dynamique. Les moyens d'approvisionnement pour les amateurs y sont en effet moins abondants. En ce sens, il est possible de se demander si cette ville permettait de constituer une collection aussi importante que la collection de La Combe ? Il peut être intéressant de relever ici l'ensemble des pôles d'activités du marché de l'art de la ville que le colonel de La Combe avait à disposition pour alimenter sa collection.

Il est probable que le colonel de La Combe ait fréquenté les ventes aux enchères des commissaires-priseurs tourangeaux. Officiers ministériels, ils sont habilités à tenir la police de leurs ventes directement au domicile des vendeurs, dans les salles des ventes, sur les places publiques ou dans diverses salles pouvant accueillir un public nombreux. Toutefois, le lieu de la vente est révélateur des objets mis aux enchères. En effet, le linge ou les bestiaux sont vendus presque exclusivement en place publique, tandis que les objets d'art sont proposés en salle des ventes. Aucun document ne permet de connaître la date d'installation de la salle des ventes de

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Tours. Néanmoins, sa création est soumise à l'autorisation du procureur du Roi près du tribunal d'instance112. La salle des ventes tourangelle se situe au 3, rue de la Harpe (aujourd'hui rue des Halles, ann. 3.1). Elle est partagée par les trois études de commissaires-priseurs de la ville113. Si la salle des ventes de Tours accueille les objets d'art des notables et des collectionneurs tourangeaux, elle ne peut tenir la comparaison avec l'hôtel des ventes de Paris. Anne Peltier remarque effectivement que les tableaux à Tours ne dépassent que très rarement les 100 francs, et que les grandes ventes réalisant un montant supérieur à 5 000 francs sont minoritaires114. De surcroit, le goût des Tourangeaux semble se porter principalement sur la peinture ancienne des écoles hollandaise et flamande. Bien qu'il en conserve quelques exemples dans sa collection, La Combe s'oriente davantage vers l'art vivant. Chez les commissaires-priseurs tourangeaux, La Combe a pu compléter sa bibliothèque et meubler sa maison. Les bibliomanes sont effectivement nombreux en Touraine. Ils représentent selon Martine Augouvernaire près d'un cinquième des collectionneurs, soit 17% des amateurs qu'elle a recensé dans le cadre de son étude sur les collectionneurs tourangeaux115. Les meubles en acajou que La Combe possède sont aussi assez proches de ceux recensés par Anne Peltier116. Par ailleurs, c'est à Tours et non à Paris que les héritiers de La Combe décident de vendre le mobilier. Me Félix-Alexandre Duboz, qui a réalisé l'inventaire après décès de La Combe, vend en plusieurs sessions de novembre à décembre 1862, les meubles pour une somme totale de 11 908,07 francs117. Vendre le mobilier à Paris n'avait à l'évidence que peu d'intérêt, puisqu'il correspondait finalement au marché tourangeau et que son transport aurait entrainé des coûts importants au contraire de sa collection d'art pour laquelle le marché parisien semblait plus pertinent.

La Combe a cependant acquis à Tours une partie des oeuvres de sa collection, à l'exemple des cinq dessins et aquarelles de l'artiste tourangeau, Gaëtan Cathelineau (1787-1859.) Après des études à Paris sous la direction de David et des expositions au Salon à partir de 1819, Cathelineau était revenu à Tours en 1828, où il enseigna le dessin et la peinture de 1835 à 1848

112 PELTIER, Anne, op. cit, p. 65.

113 Annuaire historique, statistique et commercial du département d'Indre et Loire 1831, Tours, Ad. Mame, 1831, Paris, BNF, 8 LC30-199, p. 178.

114 PELTIER, Anne, op. cit., p. 37.

115 AUGOUVERNAIRE, Martine, op. cit. p. 131.

116 PELTIER, Anne, op. cit. p. 73.

117 Double répertoire des actes reçus par Me Félix Alexandre Duboz commissaire priseur à Tours, au cours de l'année mil huit cent soixante deux, Tours, Archives départementales d'Indre-et-Loire, série 8U154.

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au Collège Royal. À Tours, Cathelineau réalise nombre de portraits de notables comme en témoigne le Portrait du docteur Louis-Eugène Giraudet (1827-1887) (fig. 2) conservé au musée des Beaux-Arts de Tours. Cette pratique du portrait bourgeois lui rapporte des commandes et un revenu régulier. Il s'illustre par ailleurs dans les portraits des classes sociales les plus basses comme en témoigne la Vieille paysanne, le Jeune garçon vêtu de bleu, et les Petits orphelins conservés dans la collection de La Combe118. Il est probable que le colonel de La Combe ait acheté ses cinq oeuvres de Cathelineau directement à Tours dans l'atelier de l'artiste. Il est en effet aussi probable que Cathelineau et le colonel de La Combe se soient connus à Tours, voire qu'ils aient entretenu une relation suivie. Cathelineau est un acteur important des manifestation culturelles locales, à l'instar de l'Exposition des produits des arts et de l'industrie de 1841, ou de l'exposition de tableaux et objets d'art qui se tient dans l'église des Minimes en 1847119. Par ailleurs, Cathelineau tout comme La Combe est collectionneur, même s'il s'intéresse davantage aux maîtres anciens et qu'il fait don de sa collection en 1858 au musée des Beaux-Arts de Tours, à la différence du colonel dont la collection est vendue aux enchères à sa mort. Peut-être que le colonel de La Combe n'avait pas pris la précaution de rédiger un testament à son décès ? À l'évidence, ses héritiers décident de vendre les biens de leur père pour combler les dettes qu'il avait contracté comme semble l'indiquer l'inventaire après décès120.

Parmi d'autres objets de sa collection, le colonel de La Combe a très probablement acheté à Tours son Plat de reptiles de Charles-Jean Avisseau (1796-1861)121. D'origine tourangelle, Avisseau installe son propre atelier rue Saint-Maurice à Tours en 1843 (aujourd'hui rue Lavoisier). Il reçoit malgré les attaques parfois violentes des critiques, de très nombreuses commandes de la part des habitants de la ville mais aussi des souverains européens, à l'exemple de la princesse de Talleyrand (1762-1834) qui lui passe la commande d'une large assiette pour le roi de Prusse, Frédéric-Guillaume IV (1795-1861).

Les amateurs tourangeaux peuvent compter également sur les quelques boutiques de marchands de couleurs, dont le plus connu est sans conteste le bazar turonien tenu par Jacques

118 PETIT, Francis et alii, op. cit., p. 11.

119 MIOCHE, Laura, Gaëtan Cathelineau (1787-1859) : Artiste, collectionneur et donateur tourangeau, mémoire de master d'histoire de l'art contemporaine, sous la direction de France Nerlich, Université François-Rabelais de Tours, 2010, p. 24.

120 Inventaire après décès des biens de Joseph-Félix Le Blanc de la Combe, op. cit., f 42-45.

121 Ibid., f 8.

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Delahaye. Situé au 6, rue neuve Saint-Martin (ann. 3.1) - aujourd'hui rue des Halles, le magasin est bâti sur les ruines de l'ancienne abbaye de Saint-Martin démolie en 1797122. Le bazar turonien mêle vente de fournitures pour les artistes et commerce de « quelques centaines de tableaux qui se renouvellent fréquemment, et parmi lesquels les amateurs sont toujours assurés d'y trouver des maîtres des meilleures écoles ; une réunion d'antiquités et de curiosités dans tous les genres, tels que meubles de boule, sculptures en bois, marbres, bronzes, médailles, toutes les productions des trois règnes de la nature, livres, manuscrits et gravures »123. Le magasin semble aussi diversifier ses activités, en proposant des ateliers pour les travaux de restauration, dorures et sculptures sur marbre, en plus d'un théâtre pouvant accueillir jusqu'à 250 spectateurs. La multiplicité des activités de ce magasin s'inscrit dans le courant de diversification des fonctions des marchands de couleurs qui résulte de l'abolition des corporations en 1793. À l'exemple d'Alphonse Giroux (1776-1848) qui se forme dans l'atelier de David, des individus ayant reçu une formation artistique ouvrent des échoppes de fournitures pour les peintres124. Plus que des marchands de couleurs, ils deviennent de véritables galeristes avant l'heure qui développent le commerce de l'art, mais aussi sa location. S'il ne semble pas fournir d'oeuvres à la location, le bazar turonien apparaît néanmoins comme une véritable institution culturelle de Tours, comme en témoigne les quelques références dans la France pittoresque125 ou dans la Suite aux lettres vendéennes ou relation du voyage de S. A. R. Madame la Duchesse de Berry : « S. A. R., accompagnée de M. Giraudeau, maire de la ville, de MM. Bellanger-Cartau et Viot-Prudhomme, ses adjoints, et de plusieurs membres du conseil municipal, est allée visiter le bazar Turonien. Là, S. A. R. a tout examiné avec l'intérêt et l'amour éclairé des arts qui la caractérise ; son attention s'est surtout fixée sur les beaux tapis de la manufacture de MM. Duboy-Bellanger » 126.

122 KILIAN, A.-J., Dictionnaire géographique universel contenant la description de tous les lieux du globe intéressants sous le rapport de la géographie physique et politique, de l'histoire, de la statistique, du commerce, de l'industrie, etc, t. X, Paris, A.-J. Kilian et Ch. Picquet éditeurs, 1833, p. 119.

123 Annuaire historique, statistique et commercial du département d'Indre et Loire 1831, op. cit., p. 179.

124 ROTH-MEYER, Clothilde, « Le phénomène de la location de tableaux par les marchands de couleurs parisiens au XIX », Histoire de l'art, n°58, 2006, p. 58.

125 HUGO, Abel-Joseph, France pittoresque ou Description pittoresque, topographique et statistique des départements et colonies de la France..., t. II, Paris, Delloye, 1835, p. 103.

126 WALSH, Joseph-Alexis, Suite aux lettres vendéennes ou relation du voyage de S. A. R. Madame Duchesse de Berry dans la Touraine, l'Anjou, la Bretagne, la Vendée et le Midi de la France, Paris, L. F. Hivert, 1829.

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En connaissance de ces quelques exemples, le marché de l'art tourangeau semble finalement insuffisant pour entreprendre une collection aussi importante que celle du colonel de La Combe. De plus, la majorité des objets vendus en cette ville ne correspondent vraisemblablement pas au goût de ce collectionneur. Si La Combe trouve à Tours quelques oeuvres auprès des artistes, des commissaires-priseurs et des marchands de couleurs locaux, il est plus probable qu'il complète en majorité sa collection lors de ses déplacements à Paris.

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