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Joseph-Félix Le Blanc de La Combe (1790-1862), collectionneur tourangeau


par Brice Langlois
Université François-Rabelais de Tours - Master I Histoire de l'art 2016
  

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B. Joseph-Félix Le Blanc de La Combe, ami des arts et des artistes.

Joseph-Félix Le Blanc de La Combe manifeste un double intérêt pour la musique et les arts plastiques. Mais à la différence de nombreux amateurs, il participe pleinement de la scène artistique en entretenant des relations amicales avec nombre d'artistes.

S'il ne semble pas avoir une pratique de la peinture, du dessin ou de la gravure, le colonel de La Combe est musicien. En effet, Saint-Georges mentionne la participation du colonel dans les salons de Mme Orfila (-1853) et de Camille Erard (1813-1889), épouse du facteur d'instrument Pierre Erard (1794-1855)75. Toutes deux participent de la vie musicale parisienne, en invitant des musiciens professionnels ou amateurs à venir jouer dans leurs salons76. La pratique musicale du colonel de La Combe est confirmée par l'inventaire après décès (ann. 1.2.2). Il possédait en effet deux cors d'harmonie et une collection importante de partitions de « musique vocale et instrumentale contenant diverses partitions pour piano seul : Don Juan, Figaro, Freschoutz, Gazza-Ladra, Barbier, Osthelle, Marguerite d'Anjou et autres - des trios, des quatuors et de quinttets : de Mozart, Cremont, Reicha, Fescha, Weber, Dauprat, Beethowen et autres »77. Par ailleurs, Paul Scudo (1806-1864) fait référence à la qualité de musicien du colonel de La Combe dans sa revue musicale du 1er novembre 1858 de la Revue des Deux Mondes.

Un de ces hommes de goût et de coeur comme il y en a peu malheureusement, un ami de Charlet, qui a raconté la vie du peintre en un livre plein de faits intéressants et d'une émotion communicative,

M. de Lacombe, ancien colonel d'artillerie, dont le beau talent sur le cor est connu et apprécié depuis longtemps, me disait, en parlant des Noces de Figaro : «Si la musique des plus beaux opéras que nous connaissons est l'oeuvre du génie, celle de Mozart est l'inspiration d'un Dieu»78.

Le colonel de La Combe semble porter un intérêt particulier à la musique de Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791). Néanmoins, ce sont surtout les relations qu'il entretient avec les artistes contemporains qui sont intéressantes. Il fréquente notamment Anton Reicha (17701836) et Eugène Vivier (1817-1900), deux personnalités importantes de la scène musicale de ces années, aujourd'hui en grande partie oubliées. Reicha entame son éducation musicale à

75 SAINT-GEORGES, Henri de, L'historien de Charlet, op. cit., p. 50.

76 CHANTAVOINE, Jean, GAUDEFROY-DEMONBYNES, Jean, Le Romantisme dans la musique européenne, Paris, Éditions Albin Michel, p. 523.

77 Inventaire après décès des biens de Joseph-Félix Le Blanc de la Combe, op. cit., f27.

78 SCUDO, Paul, « Revue musicale », Revue des Deux Mondes, t. 18, Paris, imp. J. Claye, livraison du 1er novembre 1858, p. 225.

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partir de 1781 à Bonn, où il a pour condisciple Ludwig van Beethoven (1770-1827). Il rejoint Paris en 1808 après s'être établi à Hambourg, puis à Vienne. C'est à l'évidence entre 1808 et 1818, que Reicha fait la connaissance du colonel de La Combe, qui semble devenir sinon son mécène, au moins son protecteur.

Il m'est arrivé pour l'un d'eux de faire quelque chose d'analogue à ce que je fais pour Charlet. Quand je fis sa connaissance, et que je pus apprécier son immense mérite, il était bien malheureux. Successivement, je l'ai fait nommer professeur d'harmonie au Conservatoire [É] Enfin, je l'ai conduit jusqu'à l'Institut79.

Reicha est nommé professeur au Conservatoire en 1818, puis il est élu à l'Institut en 1829 en remplacement de François-Adrien Boildieu (1775-1834)80. En remerciement pour son soutien, Reicha aurait dédié au colonel de La Combe l'un de ses vingt-quatre quintettes à vent81. Malheureusement l'intervention de La Combe n'est pas confirmée par un document d'archives, hormis la lettre publiée dans la biographie de Saint-Georges précédemment citée. Eugène Vivier ne bénéficie pas quant à lui d'une réputation aussi positive, comme en témoigne la notice de la Biographie universelle des musiciens et bibliographie générale de la musique, dans laquelle il est mentionné comme un « virtuose excentrique et bruyant »82. Joueur de cor, Vivier est invité à Tours par le colonel de La Combe qui « voul[ait] l'entendre et le juger à [son] aise »83. À l'évidence, La Combe en a fait profiter ses amis Tourangeaux, qui l'élisent ensuite à la tête de la société philharmonique de Tours84.

Si le colonel de La Combe est un mélomane éclairé entretenant des relations avec les musiciens de sa génération, il ne donc pas un hasard qu'il loue sa maison du 12, rue Buffon au compositeur et violoncelliste parisien Auguste Franchomme85. En grande partie oublié de nos jours, Franchomme est pourtant un personnage important de la scène musicale de la génération romantique. Premier prix de violoncelle au Conservatoire de Paris en 1826, puis professeur

79 SAINT-GEORGES, Henri de, L'historien de Charlet, op. cit., p. 53.

80 HONEGGER, Marc, Dictionnaire de la musique, Paris, Bordas, 1993, p. 1042.

81 SAINT-GEORGES, Henri de, L'historien de Charlet, op. cit., p. 52.

82 FÉTIS, F.-J., « Vivier Albert-Joseph », Biographie universelle des musiciens et bibliographie générale de la musique, Mesnil, Firmin-Didot, 1837, p. 632. L'auteur présente la biographie d'Albert-Joseph Vivier (1816-1903), mais fait référence à Eugène Vivier par ce commentaire.

83 SAINT-GEORGES, Henri de, L'historien de Charlet, op. cit., p. 53.

84 Ibidem.

85 Inventaire des biens de Joseph-Félix Le Blanc de La Combe, op. cit., f 3 et 43.

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vingt ans plus tard, Franchomme entretient également une riche correspondance avec Frédéric Chopin (1810-1849) avec qui il passera en 1833 un séjour à la Croix-en-Touraine chez ses mécènes les Forest. Franchomme et Chopin donnent à l'occasion de leur venue en Touraine un concert à la chapelle des Capucines à Tours, auquel il est probable que le colonel de La Combe ait assisté.

Si la musique rythme le quotidien du colonel de La Combe, les arts plastiques lui sont davantage associés. Par ses correspondances épistolaires et ses voyages à Paris, La Combe entretient de véritables amitiés avec les artistes de l'école romantique, et particulièrement avec Nicolas-Toussaint Charlet. Avec ce dernier, il partage un certain nombre de points communs, à l'instar de sa carrière militaire et son affection pour l'épopée napoléonienne. Les raisons et motivations de leur rencontre sont inconnues, et il est difficile de confirmer à partir de quelle année Charlet et La Combe se fréquentent. Toutefois leur rencontre doit intervenir entre 1824 et 1830. En effet, Francis Petit fait remarquer dans le catalogue de vente, que Charlet avait offert au colonel de La Combe en 1824 l'aquarelle du Chasseur au Moyen-Âge86. Saint-Georges propose pour sa part l'année 1830, en s'appuyant sur une lettre du colonel de La Combe.

Ceci est pour vous faire sentir que j'ai le coeur assez bien placé pour comprendre Charlet, homme de coeur avant tout. Quoique je l'aie connu seulement depuis 1830, et que nos relations aient même été interrompues pendant son paroxysme de juste milieu87.

Né le 20 décembre 1792 d'un père dragon de la République et d'une mère fervente bonapartiste, Charlet étudie au lycée Napoléon avant d'être embauché comme commis dans une mairie de Paris. Licencié pour bonapartisme, il entreprend une formation artistique dans l'atelier de Charles-Jacques Lebel (1772-1830), un ancien élève de Jacques-Louis David (17481825). Il intègre en 1817 l'atelier d'Antoine-Jean Gros (1771-1835) - une pépinière d'artistes romantiques - et y rencontre notamment Paul Delaroche (1797-1856), Richard Parkes Bonnington (1802-1828), Hippolyte Bellangé (1800-1866), Robert Fleury (1797-1890), Camille Roqueplan (1800-1855), Eugène Lami (1800-1890), ou encore Antoine-Louis Barye (1797-1875), qui tous sont représentés dans la collection du colonel de La Combe. Bien que placé sous la tutelle de David, l'atelier de Gros fait émerger les jeunes talents de la génération

86 PETIT, Francis et alii, Catalogue des tableaux anciens & modernes, op. cit, p. 5.

87 SAINT-GEORGES, Henri de, L'historien de Charlet, op. cit., p. 31.

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des enfants du siècle88. Charlet semble avoir présenté à La Combe l'ensemble des protagonistes de son cercle artistique. Ainsi, La Combe se lie d'amitié avec une partie de ces artistes. Il est particulièrement proche de Bellangé, ce qui ressort de la correspondance publiée en partie par Henri de Saint-Georges. Le portrait du colonel par Bellangé (fig. 1) publié dans l'historien de Charlet peint par lui-même témoigne également de leur amitié. Manifestement l'artiste le réalise à titre posthume, puisqu'il est imprimé chez Aubry en 1862. Cherchant à rendre hommage à son ami, Bellangé met en lumière dans ce portrait l'érudition du colonel de La Combe. Il le représente accoudé sur un livre, qui est probablement un exemplaire de la biographie de Charlet. De surcroît le spécimen de L'historien de Charlet peint par lui-même conservé à l'INHA est dédicacé à l'épouse de Bellangé89, ce qui confirme les liens qui unissaient La Combe à la famille de l'artiste. Rappelons-le, ce livre est avant tout dédié à ceux qui ont partagé l'intimité du colonel de La Combe.

Joseph-Félix Le Blanc de La Combe entretient aussi des liens avec les artistes de la génération suivante et principalement avec les élèves de Charlet. Il les rencontre probablement dans l'atelier du maître lors de ses voyages à Paris. Il fréquente notamment François-Hippolyte Lalaisse (1812-1884) et Jean-Louis Canon (1809-1892). Ces derniers deviennent à la suite de leur formation les amis de Charlet, mais également ses adjoints à l'École polytechnique où il enseigne le dessin depuis 1838. Une certaine complicité semble unir La Combe à ces jeunes artistes. Lalaisse envoie par exemple au colonel de La Combe des lithographies illustrant la Bretagne, qui font probablement allusion aux origines du collectionneur90 . De surcroît, l'épisode du « sauvetage » d'une toile de Charlet rend compte également de la complicité de La Combe et des jeunes artistes : « en même temps que Charlet me présentait le résultat de son coupable enthousiasme, Canon me faisait signe, et me montrait un tableau achevé sur le chevalet du maître, puis me tirant à part : "Emportez-le, me dit-il, car ce soir il n'existerait plus", et je me mis le conseil à profit »91. Il serait trop fort de parler de relation filiale entre les élèves de Charlet et La Combe. Néanmoins il faut considérer que le colonel de La Combe porte une attention particulière à la carrière de Canon. De 1833 à 1835, La Combe accueille Canon en

88 GARCIA, Clémentine, « Jacques-Louis David, Antoine-Jean Gros, Paul Delaroche et Charles Gleyre une généalogie d'atelier ? », in NERLICH, France (éd.), BONNET, Alain (éd.), Apprendre à peindre les ateliers privés à Paris 1780-1863, Tours, Presse Universitaire François-Rabelais, 2013, p. 209-217.

89 Ibid. p.1. Exemplaire conservé à l'INHA sous la cote 8Y253.

90 PETIT, Francis et allii, p. 104.

91 LE BLANC DE LA COMBE, Joseph-Félix, op. cit. p. 76-77.

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Touraine et informe Charlet des travaux et des progrès de son élève92. Au moins sept oeuvres de Canon - datées, localisées et signées - faisant partie de la collection du colonel de La Combe témoignent de ce séjour en Touraine. Canon continue d'y suivre l'exemple de son maître en réalisant des scènes de genre, à l'instar du Pouilleux, de La mendiante, de L'escalier, et de La prière93. Il s'adonne également à la copie d'oeuvres conservées au musée des Beaux-Arts de Tours, à l'exemple de La vierge tenant l'enfant Jésus dans ses bras94. Néanmoins son activité de copiste ne peut être vérifiée, puisque le musée des Beaux-Arts de Tours ne conserve pas de registre de copistes. Enfin, Canon semble s'intéresser au dessin de paysage sur le motif, en représentant les bords du Cher et de la Loire à la sépia et à l'aquarelle95.

C'est aussi dans le cercle des amateurs de Charlet que La Combe va trouver des amitiés durables, à l'instar de celle qui le lie à Henri de Saint-Georges. Auteur prolifique, Saint-Georges partage avec La Combe des origines bretonnes, mais surtout son goût pour la collection des oeuvres de Charlet. L'origine de leur relation remonte manifestement à l'année 1856, date de la publication de Charlet sa vie, ses lettres suivies d'une description raisonnée de son oeuvre lithographique, comme le rappelle de manière quelque peu emphatique l'auteur du catalogue de vente après décès d'Henri de Saint-Georges :

Quelques trente ans plus tard, un livre paraît, sans bruit, sans réclames, dont un exemplaire vient tomber dans ses mains. Il le lit ; non il le dévore, prend aussitôt la plume et écrit à l'auteur : - Ò Monsieur, en vous lisant, j'ai senti redoubler l'admiration, je devrais dire le culte, que depuis plus de trente ans je professe pour notre grand, pour notre bon Charlet. [É] Combien d'un autre côté, sous cette écorce rabelaisienne, sous cette sève du vieil esprit gaulois, respire de bonté, de franchise, de sensibilité vraie ! ...» - Cette déclaration à brûle-pourpoint, adressée à M. De La Combe, ne pouvait manquer d'être payée de retour. Dès lors s'établit entre ces deux coeurs une correspondance intime, dont la correspondance par lettres n'était que l'épanchement naturel96.

L'amitié entre La Combe et Saint-Georges paraît presque fraternelle, bien qu'elle soit relativement tardive. Ensemble, ils entreprennent à partir de 1860 la réalisation de la seconde

92 Ibid, p. 69.

93 N°59, 61, 69, 70, in PETIT, Francis et alii, Catalogue des tableaux anciens & modernes, op. cit, p. 8 et 9.

94 N°54, ibid., p. 7.

95 N°55 et 87, ibid., p. 7 et 11.

96 DELBERGUE-CORMONT, Victorien Louis Jean-Baptiste, CLÉMENT, Louis, Catalogue des dessins et aquarelles, quelques tableaux, lithographies et eaux fortes moderne, OEuvre de Charlet, Estampe ancienne et portrait composant le cabinet de feu M. Henri de Saint-Georges, Paris, 1865, p. 7-8.

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édition de l'ouvrage sur Charlet. Par ailleurs, c'est à l'évidence par l'intermédiaire de Saint-Georges, que le colonel de La Combe est présenté au peintre Eugène Delacroix. Le colonel de La Combe et Delacroix semblent entretenir une courte correspondance à partir de la fin de la décennie 1850. Delacroix partage en effet l'intérêt de La Combe pour les oeuvres de Charlet. Ainsi, il rend honneur à l'ouvrage du colonel de La Combe dans un article sur Charlet, publié dans la Revue des Deux Mondes en janvier 186297. À l'annonce du décès du colonel de La Combe, Delacroix répond ainsi à Saint-Georges.

Mes relations encore récentes avec M. de la Combe ne me donneraient pas le droit de me dire son ami, et il me semble pourtant que je sens briser un de ces liens qui nous attachent au monde. C'est qu'il ne fallait qu'un instant pour apprécier cette riche nature, dans laquelle le coeur et l'esprit allaient de pair. Hier encore, je m'occupais de chercher une pièce rare qui lui manquait et que j'eusse été si heureux de lui offrir : je l'ai trouvé enfin, voilà que ses yeux ne s'ouvriront plus98 !

Si l'on ne peut confirmer le fait que Delacroix ait trouvé la pièce dont le colonel de La Combe était à la recherche, il est intéressant néanmoins de noter que la proximité du collectionneur avec les artistes lui permettait de les missionner pour compléter sa collection ou l'aider dans la constitution de la seconde édition de son catalogue raisonné de l'oeuvre lithographique de Charlet, comme le fait Henri de Saint-Georges depuis Nantes. De surcroît la participation de Delacroix - qui est alors à l'apogée de sa carrière et considéré comme l'un des grands maîtres de l'art vivant - dans la quête du colonel de La Combe confirme le statut important de celui-ci et montre que La Combe se distingue de la majorité des autres amateurs.

Si le colonel de La Combe apparaît comme un personnage intéressant pour la vie musicale du XIXe siècle, l'historiographie retient principalement ses relations avec les artistes du cercle de Charlet. En effet, c'est par l'intermédiaire de cet artiste que La Combe est introduit dans ce milieu artistique, dans lequel il semble s'investir profondément. Il entretient en effet une correspondance importante avec les artistes, qui nous est connue grâce à la transcription d'une partie de ses lettres dans Charlet sa vie, ses lettres et dans L'historien de Charlet peint par lui-même. Il rencontre aussi régulièrement les peintres à Paris. Personnage de confiance, La Combe devient pour certain un véritable mécène et protecteur, en suivant leur carrière et les invitant dans sa demeure tourangelle. La Combe tisse ainsi des liens entre Tours et Paris : Tours profite

97 DELACROIX, Eugène, « Charlet », Revue des Deux Mondes, t. XXXVII, 1er janvier 1862, p. 234-242.

98 DELACROIX, Eugène, lettre du 21 mars 1862 adressée à M. Henri de Saint-Georges, in BURTY, Philippe, Lettres de Eugène Delacroix, Paris, A. Quintin, 1878, p. 353.

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du rayonnement social du colonel de La Combe et les édiles locaux lui confient des missions dans les affaires culturelles de la ville. La Combe entre de cette manière au service de la communauté.

C. Un amateur d'art au service de la communauté. La participation du colonel de La Combe dans les affaires culturelles de Tours.

Il semble que le colonel de La Combe soit connu pour ses relations avec les collectionneurs et les artistes de la capitale. Sa collection - dont l'élite tourangelle a manifestement connaissance - lui donne la qualité d'amateur éclairé dans le domaine des Beaux-Arts. Aussi, la municipalité n'hésite-t-elle pas à lui confier des responsabilités, pour apporter une nouvelle dynamique culturelle.

En 1852, le colonel de La Combe est dépêché à Paris par la municipalité tourangelle pour participer à l'affaire du legs de la collection Clarke de Feltre. Cette collection de soixante-dix-sept tableaux des grands maîtres de l'école française, à l'instar d'Hippolyte Flandrin (18091864) et Paul Delaroche, de quatre dessins et trois bustes en marbre, a été constituée par les frères Alphonse (1806-1850) et Edgar Clarke de Feltre (1799-1852). Fils d'Henry Jacques Guillaume Clarke de Feltre (1765-1818), duc de Feltre et ministre de la guerre de Napoléon Ier de 1807 à 1814, Alphonse et Edgar ainsi que leur frère Arthur (1802-1829) avaient entamé une carrière militaire. À la mort d'Arthur, ses deux frères décident de prendre congé de l'armée et entreprennent ensemble la constitution d'une collection de peinture. Avec leur ami le colonel de La Combe, qu'ils fréquentent depuis leurs carrières militaires passées, ils partagent ce goût pour les oeuvres des artistes vivants. Ils décident qu'à leur mort la collection sera léguée entièrement à un musée pour ne pas la disperser aux enchères. Le comte Alphonse Clarke de Feltre meurt en 1850. Edgar décède deux ans plus tard, le 30 mars 1852. Ils lèguent dans un premier temps leur collection au musée du Louvre.

Conformément au désir que nous avons toujours eu, mon frère et moi, d'éviter la dispersion de notre collection de tableaux, je donne et lègue au Musée national du Louvre, tous les tableaux, sans exception [É] Ce legs n'est fait par moi qu'à la condition expresse pour ledit Musée du Louvre de réunir ces tableaux dans une seule et même salle, ou dans deux salles attenant et bien éclairées, convenables, et jugées comme telles par mon exécuteur testamentaire, et portant l'inscription de Collection Clarke de Feltre. En cas de non-acceptation de la part du dudit Musée de ce legs, ou de non-exécution par lui des conditions ci-dessus, je charge mon exécuteur testamentaire de disposer de tous les tableaux composant le legs ci-dessus en faveur de telle autre collection de tableaux (collection publique) qu'il choisira, soit en France, soit même à l'étranger, pourvu qu'elle accepte

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ce legs avec les conditions formelles et absolues que j'y attache, et les remplisse, sous peine de nullité pour elle du legs.99.

Les dons d'oeuvres d'art faits aux musées de France sont encouragés par la politique culturelle du XIXe siècle. Ils permettent d'enrichir les collections et montrer la vitalité des musées100. Toutefois les exigences des collectionneurs, poussent certains musées à refuser ces legs, à l'instar du musée du Louvre dans le cas de la collection Clarke de Feltre. Le choix de ce musée n'est pourtant pas anodin. Premier musée de France et d'Europe, le Louvre symbolise pour les donateurs la reconnaissance de leur goût, et les pose comme l'élite des collectionneurs d'oeuvres d'art101. Refusée par l'administration du musée, le legs Clarke de Feltre est proposé à l'ensemble des musées de France à partir du 7 juin 1852. Les villes de Nantes, Tours et Nancy se portent volontaires. Malgré les nombreuses exigences du testateur, ce legs est pour ces musées de province une aubaine pour leur réputation et l'enrichissement de leurs collections. Le musée de Nantes conserve déjà un nombre important d'oeuvres de qualité. Il a effectivement bénéficié d'envois de l'État depuis 1801 grâce à l'arrêté Chaptal. Le fonds a également été augmenté par le legs de la collection Fournier102.

Le musée des Beaux-Arts de Tours semble jouir d'une réputation mitigée comme le rappelle Paul Mantz dans ses articles consacrés aux musées de France qui paraissent dans L'Artiste : « malgré tant de fortunes heureuses, le musée ne possède que quelques échantillons des maîtres des écoles étrangères. Seules, l'école française y montre une série de tableaux qui, s'il étaient disposées dans un ordre plus logique, pourraient donner aux Tourangeaux quelques notions sur l'histoire de l'art dans notre pays »103. Sous la direction de Jean-Charles Henri Raverot (1793-1869), conservateur du musée de 1841 à 1859, l'accrochage demeure serré et ne paraît pas suivre un ordre chronologique, malgré l'espace important dont dispose le musée depuis son installation sur les quais de Loire depuis 1828. De surcroît, la municipalité tourangelle ne débourse annuellement que 1 400 à 2 500 francs pour le fonctionnement du

99 Testament d'Edgar Clarke de Feltre du 12 février 1852, in SAINT-GEORGE, Henri de, « Notice historique sur le musée de peinture de la ville de Nantes d'après des documents officiels et inédits », Revue des Provinces de l'Ouest, n°5, 1857, p. 525.

100 BERTINET, Arnaud, Les musées de Napoléon III une institution pour les arts (1849-1872), Paris, Mare et Martin, 2015, p. 473.

101 LONG, Véronique, « Les collectionneurs d'oeuvres d'art et la donation au musée à la fin du XIX siècle : l'exemple du musée du Louvre », Romantisme, n° 112, 2001, p. 45.

102 CLÉMENT DE RIS, Louis, « Le musée de Nantes », L'Artiste, 5ème série, t. III, 1849, p. 180.

103 MANTZ, Paul, « Les musées de France. Tours », L'Artiste, t. II, 15 novembre 1857, p. 170.

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musée, ce qui apparaît relativement peu et n'incite probablement guère sa direction à améliorer le parcours des visiteurs104.

Quant au musée de Nancy, il est jugé très rapidement trop éloigné de Paris pour recevoir cette donation. Les villes de Tours et de Nantes reçoivent chacune les exécuteurs testamentaires : le marquis de Cubières et M. Aubry. Ils sont accueillis à Tours par la comtesse Louise-Mathilde de Flavigny (1811-1883), nièce du testateur, et par le colonel de La Combe105. À l'issue cette visite, la ville de Tours est favorite. Néanmoins, Alphonse François, le président de la Commission de surveillance du musée de Nantes, est missionné à Paris pour retourner la situation. Il obtient le legs en faveur de son musée. M. de Cubières envoie les explications de ce choix au colonel de La Combe dans une lettre du 15 août 1852.

Je viens d'adresser à M. le Maire une lettre par laquelle je lui donne avis de la décision prise relativement à la collection de Feltre, décision qui, malheureusement, n'est pas favorable à la ville de Tours. Cette déclaration n'est irrévocablement arrêtée que depuis quelques jours, c'est à dire depuis que la ville de Nantes et le Préfet de la Loire-Inférieure ont déclaré accepter les conditions dont je leur avais envoyé la note détaillée. L'attachement que vous aviez voué à mes excellents amis, la bienveillance si grande dont vous avez bien voulu m'honorer moi-même, me font un devoir, Monsieur, de vous expliquer les raisons qui m'ont fait donner la préférence à la ville de Nantes ; et cela, je puis le dire, tout fait contre mon attente, j'ajouterai même contre mon inclinaison personnelle. Ceci est tellement vrai, que j'avais déjà annoncé ma décision en faveur de Tours à M. Aubry, et que j'étais occupé à écrire dans ce sens à M. le Maire de votre ville, et à rédiger la série des conditions auxquelles j'attachais mon choix en faveur de Tours. [É] En effet, la ville de Nantes s'engageait (entre autres choses, car il serait trop long de tout énumérer) à faire exécuter en marbre les bustes d'Edgar et d'Alphonse de Feltre, qui seraient placés dans la salle destinée à recevoir la collection. La ville donnera tous les ans un grand concert de bienfaisance, dont le programme sera composé en notable partie d'oeuvres d'Alphonse de Feltre, dont le buste sera placé, en outre, dans la salle de concert de la Société des Beaux-Arts, etc., etc.106.

Cette donation au musée des Beaux-Arts nantais a manifestement bénéficié de l'influence du comte Émilien de Nieuwerkerke (1811-1892), directeur des Musées impériaux, comme le tend à prouver sa réponse au maire de Nantes au sujet de l'envoi d'un reliquaire d'Anne de

104 BENÂTRE, Nathalie, Un musée de Province au XIXème : le musée des Beaux-Arts de Tours des origines à 1910, mémoire de maîtrise d'histoire contemporaine, sous la direction d'Alain Corbin, Université François Rabelais de Tours, 1988, p. 51.

105 BENÂTRE, Nathalie, ibid. p. 113.

106 Lettre de M. Cubières au colonel de La Combe en date du 15 août 1852, in SAINT-GEORGES, Henri de. « Notice historique sur le musée... », op. cit., p. 531-532.

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Bretagne pour l'aménagement des salles de la colonnade en 1852 : « je vous engage à plaider la cause du musée des souverains comme j'ai plaidé celle du musée de Nantes à propos de la collection Feltre »107. La salle consacrée à la collection de Feltre est inaugurée à Nantes le 15 mai 1854. L'ensemble reçoit un accueil en demi-teinte de la part des Nantais. Le coût considérable de 36 402 francs consacré à l'aménagement de la salle108, l'absence de chefs-d'oeuvre des écoles anciennes et la comparaison avec le don de la collection Urvoy de Saint-Bedan qui intervient deux plus tard, contribuent à jeter une lumière - injustement - défavorable sur la collection Clarke de Feltre.

Plus tard, le colonel de La Combe semble avoir participé à la vie culturelle de Tours en présidant la Société philharmonique à partir de 1858. Un temps inactive, cette société fondée en 1838 est ressuscitée à l'initiative de plusieurs habitants sous la direction de La Combe.

Le besoin se faisait sentir ici de la reconstitution d'une société philharmonique ; et comme on ne l'avait pas satisfait encore, il y a eu comme une émeute musicale. Le peuple s'est rassemblé sur la place publique, et, par acclamation et à l'unanimité, m'a nommé dictateur, me confiant tous les

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pouvoirs d'organisation, de nominations, de commissions, etc.

De manière quelque peu déclamatoire, La Combe fait part à Bellangé de sa nouvelle activité au sein de la cité tourangelle. Il est en effet peu probable que le peuple se soit réuni sur la place publique pour le nommer directeur de la société, comme il l'indique. Néanmoins, hormis cette lettre reproduite dans l'ouvrage de Saint-Georges, aucune archive ne peut confirmer cette déclaration. Ni la bibliothèque musicale de Touraine, ni la société archéologique, ni même les archives départementales d'Indre-et-Loire ne conservent de documents relatifs à cette société110. Seules les Archives municipales de Tours détiennent un règlement de 1870111. Toutefois, il est probable que le colonel de La Combe ait joué un rôle dans cette société savante de Tours, tant sa qualité de musicien devait être connue des amateurs de la ville.

107 Lettre de Ferdinand Fabre à Nieuwerkerke, 1er juillet 1852, note manuscrite de Nieuwerkerke pour réponse dans l'angle en haut à gauche. (AMN, MS2 Administration du musée et restitutions après sa suppression, 18521892, 14 juin 1871, inventaire des envois de 1852) in BERTINET, Arnaud, op. cit, p. 213.

108 SAINT-GEORGES, Henri de. « Notice historique sur le musée... », p. 539.

109 SAINT-GEORGES, Henri de, L'historien de Charlet, op. cit., p. 54-55.

110 Sociétés savantes de Tours, Tours, Archives départementales d'Indre-et-Loire, cartons T1250 et T1488.

111 Règlement de 1870 de la Société philharmonique de Tours, Tours, Archives municipales, série 2R5 AM.

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À l'évidence, le colonel de La Combe joue un rôle important dans le paysage culturel de Tours. Son caractère dévoué, son réseau et sa connaissance du monde artistique engagent les édiles et les notables de la ville à lui confier des responsabilités. Ses missions semblent participer à accroître sa reconnaissance sociale en Touraine. Cependant, à l'exception de la société philharmonique, La Combe n'est membre d'aucune autre société savante qui pourtant animent la vie intellectuelle de Tours à l'exemple de la société archéologique de Touraine fondée en 1840 à l'initiative de l'abbé Manceau (1805-1855), Noël Champoiseau (1795-1859), Henri Gouïn (1782-1861) et Ernest Giraudet, ou encore la Société d'agriculture, sciences, arts et Belles Lettres créée en 1799. Il semblerait que les préoccupations de ces sociétés ne convergent pas avec les intérêts du colonel de La Combe qui le portent à collectionner l'art vivant et fréquenter les artistes de son temps.

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