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Joseph-Félix Le Blanc de La Combe (1790-1862), collectionneur tourangeau


par Brice Langlois
Université François-Rabelais de Tours - Master I Histoire de l'art 2016
  

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Introduction

Né à Lorient le 18 mars 17901 dans une famille de militaire (ann. 1.1.1), Joseph-Félix Le Blanc de La Combe réunit une collection riche de plus mille oeuvres. Il la débute dans les années 1820 à Paris et la complète durant près de quarante ans jusqu'à sa mort, le 18 mars 18622 (ann. 1.1.2). Un an plus tard, ses héritiers vendent sa collection aux enchères en l'hôtel Drouot à Paris. Bien qu'également composée de tableaux anciens des écoles européennes des XVIIe et XVIIIe siècle et de peintures françaises du XIXe siècle, la collection de La Combe se caractérise avant tout par l'ensemble d'estampes, qui représentent en effet les trois-quarts de la collection et sont signées des artistes les plus fameux du XIXe siècle, à l'instar de Théodore Géricault (1791-1824), Eugène Delacroix (1798-1863), Honoré Daumier (1808-1879) ou encore Horace Vernet (1789-1863). Mais c'est la réunion complète de l'oeuvre lithographique de Nicolas-Toussaint Charlet (1792-1845) qui offre à la collection sa notoriété. Cette partie de la collection semble rendre compte de l'amitié qui unit Charlet et le colonel de La Combe. Ils partagent le même attachement à l'épopée napoléonienne, dont ils ont été acteurs et dont ils gardent chacun un souvenir impérissable en tant que soldat. La Combe a ainsi notamment participé aux campagnes d'Allemagne (1813) et de France (1814).

La Combe entame très jeune une carrière militaire suivant l'exemple de son père et de son oncle. Fils de Jacques-Hyacinthe Le Blanc de La Combe (1750-1807), lieutenant-colonel et inspecteur-adjoint dans l'artillerie de marine, et neveu du vice-amiral Antoine Jean-Marie Thévenard (1733-1815) ministre de la marine sous Louis XVI de mai à septembre 1791, il s'engage sur un navire dès l'âge de neuf ans en tant que mousse, du 15 juin 1799 au 10 novembre 18003. Durant sa carrière militaire de plus de trente ans, La Combe voit défiler les régimes politiques. Il est fait chevalier de la Légion d'Honneur le 17 mai 1813, puis promu au grade d'Officier le 1er septembre 1814. Malgré un renversement politique total par l'avènement de la Restauration, La Combe sert le « nouveau souverain de la France avec la même fidélité et le même dévouement » selon son biographe Henri de Saint-Georges4. De fait, il continue de

1 Acte de naissance de Joseph-Félix le Blanc de la Combe, [en ligne], Lorient, Archives municipales, cote 1E1/2159, consulté le 06/11/2015.

2 Acte de décès de Joseph-Félix Le Blanc de La Combe, Tours, Archives municipales, cote 5E71.

3 SAINT-GEORGES, Henri de, L'historien de Charlet peint par lui même : étude biographique, Nantes, imp. Guéraud, 1862, p. 11.

4 Ibid, p. 11.

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recevoir récompenses et distinctions, parmi lesquelles la promotion au grade de lieutenant-colonel dans l'artillerie à pied de la garde royale, et le titre de Chevalier de l'Ordre de Saint-Louis le 20 août 18245. Si sa carrière militaire s'arrête prématurément en 1830, à la suite des bouleversements de la Révolution de Juillet et des insubordinations des troupes voisines entourant la ville de Besançon où le colonel de La Combe est dépêché, ce dernier en ressort toutefois avec les honneurs de ses pairs : « j'ai pu tirer des larmes de tous les yeux, et à mon départ je fus accompagné par les plus anciens de chaque grade, qui m'ont dit au moment où je montais dans la malle-poste « «Au nom de nos camarades, nous sommes chargés de vous dire, colonel, que vous emportez tous nos regrets, toute notre estime, et que votre place sera toujours vacante au régiment» »6.

Revenu à la vie civile en 1830, le colonel s'installe la même année à Tours, préfecture d'Indre et Loire, avec son épouse Rose Isabelle Cécile Thomassa Mathilde de Mons d'Orbigny7 (1801-1859) (ann. 1.2.1), et ses quatre enfants : Louis Félix (1822-), Victor Christophe (18231893), Cécile Jeanne Louise Mathilde (1825-1893), et Mathilde Marie Joséphine (1829-1882). Originaire de Touraine, la famille de Mons d'Orbigny est présente dans cette région depuis le XIIe siècle, mais aurait pour origine exacte la région de Sainte-Maure, pour se développer par la suite vers Mons, près de Montbazon, ou dans le Poitou à Monts près de Loudun8. Elle possède notamment le fief de la Roche d'Enchaille près de Loches. Toutefois la famille s'est établie aux Antilles depuis deux générations. Mathilde naît ainsi le 29 août 1801 à Cuba9 du comte Louis-Hector de Mons d'Orbigny (1770 - 1867) (ann. 1.1.4)10 et de Cécile-Victoire Basile. L'union du colonel de la Combe avec la fille du comte de Mons d'Orbigny n'est probablement pas étrangère aux relations qu'ont dû entretenir les deux pères avant le mariage de leurs enfants. Effectivement Jacques-Hyacinthe Le Blanc de La Combe était capitaine au bataillon auxiliaire

5 http://www.saint-louis.info/pages/osl.html, consulté le 06/11/2015. 6SAINT-GEORGES, Henri de, L'historien..., op. cit., p. 12-13.

7 Contrat de mariage de Joseph-Félix Le Blanc de La Combe et Mathilde de Mons d'Orbigny, Paris, Minutier central, Archives nationales, cote ML/ET/LV/299.

8 BOISNARD, Luc, Dictionnaire des anciennes familles de Touraine, Mayenne, Éd. Régionales de l'Ouest, 1992 p. 284. Et Pierre-Louis Lainé, « de Mons », dans Archives généalogiques et historiques de la noblesse de France, ou Recueil de preuves, mémoires et notices généalogiques, Paris, imp. de l'auteur, Vol. 6, 1839, p. 1

9 Acte de décès de Rose Isabelle Cécile Thomassa Mathilde de Mons d'Orbigny, Tours, Archives municipales, cote 5E58. Reproduit en annexe 4.

10 Acte de décès de Louis-Hector de Mons d'Orbigny, Tours, Archives départementales d'Indre et Loire, [en ligne], consulté le 06/11/2015, cote 6NUM8/122/008.

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des Colonies en 1781. Quant à Louis-Hector de Mons d'Orbigny, il naît à Saint-Domingue en 1770, et n'a manifestement pas quitté cette aire géographique avant de revenir en métropole avec son épouse et sa fille. Cela peut expliquer une rencontre précoce des deux familles. La famille de Mons d'Orbigny s'installe par la suite à Joué-lès-Tours au château de l'Épan.

Le colonel de La Combe noue en Touraine des liens avec les élites intellectuelles, scientifiques et politiques. Bien intégré dans la ville, il joue à l'occasion un rôle dans les affaires culturelles pour le compte de la municipalité. Toutefois, La Combe continue d'entretenir des relations avec les artistes parisiens, dont il collectionne activement les oeuvres. Il se déplace ainsi régulièrement à Paris, où la dynamique artistique est plus importante qu'à Tours.

La pratique de la collection du colonel de La Combe fait écho à l'essor du collectionnisme, qui tend à toucher un plus large public entre 1830 et 1860. Pierre Larousse dans son Grand dictionnaire universel du XIXe siècle, écrit à la notice collection : « Le goût des arts et la manie des collections, qui en est le résultat, sont les privilèges des peuples civilisés et des époques de paix et de prospérité »11. Si la paix n'est pas toujours d'actualité en cette France des révolutions, la pratique de la collection semble toutefois s'apparenter à l'otium des latins. Le terme désigne en effet un loisir studieux12. Cette réunion d'objets d'art ou de curiosité engage le collectionneur à une réflexion permanente. À partir de ses goûts et de ses intérêts, il propose une ligne directrice, à laquelle il se doit de répondre constamment, pour la constitution de sa collection. Plus tard et au fur de ses acquisitions, l'amateur s'engage dans le classement des objets qui composent son intérieur. Cette activité éclairée reçoit un statut privilégié, mais se voit réservée dans les faits aux élites intellectuelles et financières - les deux vont de pair généralement - qui ne composent finalement qu'une part infime de la population.

La presse, et plus particulièrement les revues spécialisées participent à l'émancipation du collectionnisme au XIXe siècle. Ainsi, sont documentées les collections anciennes et contemporaines les plus fameuses. Par ailleurs, l'intérêt de la population pour le collectionnisme devient durant cette période l'un des thèmes favoris de la littérature réaliste. Honoré de Balzac en particulier, brosse le portrait de ce microcosme de la société française. Il livre avec Le Cousin Pons, qu'il publie sous la forme d'un feuilleton dans Le Constitutionnel

11 LAROUSSE, Pierre, « Collection », Grand dictionnaire universel du XIXe siècle, Paris, Administration du Grand dictionnaire Universel, 1869, p. 597.

12 GAFFIOT, Félix, « Otium », Dictionnaire français-latin, Paris, Hachette, 1934, p. 1098.

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en 1847, une étude sur le collectionnisme d'une part et sur les protagonistes qui le constituent d'autre part. Si Sylvain Pons, le personnage principal de l'intrigue, conserve des liens familiaux avec les individus de la société mondaine, ce vieux musicien apparaît néanmoins comme un marginal. De surcroît, Balzac manifeste un esprit d'avant-garde lorsqu'il fait publier son ouvrage en utilisant le terme « collection », pour qualifier la « bric-bracomanie » à laquelle s'adonnent ses contemporains et lui-même 13 . Par ailleurs Balzac participe de ce fait à l'enrichissement de la langue française. Outre la définition du Grand dictionnaire universel du XIXe siècle en date de 1869, celles des dictionnaires plus anciens semblent brèves pour définir ce qu'est une collection, comme le fait remarquer Françoise Hamon14. En somme, le sens du mot collection ne s'avère pas évident pour l'homme de ce milieu du XIXe siècle.

À partir du Cousin Pons, qui s'appréhende comme la première étude sur le collectionnisme, d'autres auteurs se sont essayés à définir sociologiquement les profils des collectionneurs et du marché de l'art dont ils participent. Henri Rochefort15, mais également Jules Champfleury16 analysent ces individus dans deux ouvrages consacrés à l'hôtel des ventes de Paris.

On a conté déjà bien des histoires sur les collectionneurs, leurs manies, leur détachement de toute affection, leur attache au moindre fétiche, leur rapacité, leurs joies particulières, les privations qu'ils s'imposent, leur aveuglement en tant de cas, leur clairvoyance si rare, leur ignorance pour toute chose qui échappe à leur spécialité, leurs profondes connaissances en matières qui n'en valent pas la peine, les voyages qu'ils entreprennent pour des misères, leur contemplation de Siméon Stylite en face d'un objet aimé17.

S'ils se montrent plutôt acerbes à l'égard des acteurs du collectionnisme, ils s'emploient toutefois à mettre en lumière la diversité des profils des personnages qui composent ce milieu en proposant des catégories, à l'exemple des amateurs de gravures, amateurs boutonnés, ou

13 MOZET, Nicole, « Le passé au présent. Balzac ou l'esprit de la collection », Romantisme, n° 112, 2001, p. 8394.

14 HAMON, Françoise, « Collections : ce que disent les dictionnaires », Romantisme, n°112, 2001, p. 95-108.

15 ROCHEFORT, Henri, Les petits mystères de l'hôtel des ventes, Paris, E. Dentu, 1862.

16 CHAMPFLEURY, Jules, L'Hôtel des commissaires-priseurs, [Paris, E. Dentu, 1867], Paris, Hachette Livre BNF, 2013.

17 Ibid, p. 3.

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encore amateurs enthousiastes18. Il est important de souligner que ces études faites sur les collectionneurs entrent dans une observation plus large qui concerne aussi le commerce de l'art.

Collection et transaction sont en effet intrinsèquement liées. L'amateur ne peut effectivement enrichir sa collection qu'à partir d'oeuvres mises en vente. Il passe pour cela par l'artiste lui-même, par un marchand, ou bien par un commissaire-priseur. Le terme de marché de l'art, au même titre que celui de collection est soumis à une définition mouvante au XIXe siècle. La diffusion se fait autant sinon plus par des réseaux de collectionneurs, par des liens d'amitié entre artistes et amateurs et par les réussites au Salon, que par les marchands promoteurs de l'oeuvre d'un artiste.

Le fonctionnement combiné de ces deux champs, le collectionnisme et le marché de l'art, a engendré une littérature importante et un vaste périmètre bibliographique. Les publications sur le sujet deviennent effectivement pléthoriques dès les années 1990. Ce sont les auteurs anglophones qui sont intervenus les premiers, tels que le couple Harrison et Cynthia White19, Francis Haskell20, ou encore Linda Whitheley son élève21. Ils ont pour l'essentiel consacré leurs recherches à l'exemple français en général, et au marché de l'art parisien en particulier. Dans un premier temps en effet, c'est sur Paris et ses grands collectionneurs que tous les regards se sont portés, et cela durant une quinzaine d'années à partir des années 1990. Les actes du colloque Collections et marché de l'art en France 1789-1848, réunis par Monica Preti-Hamard et Philippe Sénéchal témoignent de cet engouement pour l'étude conjointe du collectionnisme et du commerce de l'art22. On peut noter qu'à cette heure les chercheurs se sont moins intéressés à l'économie de l'art durant la période romantique, soit les années 1820-1860, mais davantage aux périodes qui la précèdent et lui succèdent : la fin du XVIIIe siècle où se développe un véritable marché de la peinture avec notamment l'étude de la communication au travers des

18 Ibid., p. 3-14.

19 WHITE, Harrison et Cynthia, La carrière des peintres au XIX ème siècle : du système académique au marché impressionniste, (s.l., trad. de l'anglais par Antoine Jaccottet, 1991), Paris, Flammarion, 2009.

20 HASKELL, Francis, Rediscoveries in Art : Some Aspects of Taste, Fashion, and Collecting in England and France, 1976 (La Norme et le Caprice : Redécouvertes en art, aspects du goût et de la collection en France et en Angleterre, 1789-1914, trad. de l'anglais par Robert Fohr, Paris, Flammarion, 1986).

21 WHITELEY, Linda, Painters and dealers in Nineteenth-Century France,1820-1878, with special reference to the form of Durand-Ruel, Thèse de doctorat, Université d'Oxford, 1995.

22 PRETI-HANARD, Monica (éd.), SÉNÉCHAL, Philippe (éd.), Collections et marché de l'art en France 17891848, actes de colloque, Rennes, décembre 2003, Presses universitaire de Rennes/Institut national d'histoire de l'art, 2005.

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premiers catalogues de vente, et la période impressionniste dont la figure de Paul Durand-Ruel a été très étudiée notamment par Linda Whiteley, ou plus récemment par Sylvie Patry, directrice de la publication du catalogue de l'exposition Durand-Ruel, qui s'est tenue au musée du Luxembourg à Paris23.

Il semble que les publications concernant le commerce de l'art durant la période romantique sont moins nombreuses. Elles développent particulièrement les questions de la location de tableaux24 et la perception de la pratique de la collection25 en plus d'études monographiques sur des collectionneurs privés 26 . Elles insistent en particulier sur la démocratisation et l'entichement des bourgeois pour les arts en se fondant notamment sur l'exemple du Cousin Pons27. Si les recherches antérieures sur le marché de l'art et la collection au XIXe siècle ont déjà bien exposé les enjeux et les faits relatifs à ces thèmes, il reste encore du travail pour mieux appréhender par exemple la diffusion des oeuvres, ou les relations entre les collectionneurs avec les autres acteurs du monde de l'art. Il convient également d'ouvrir la focale sur les comportements en province du marché de l'art et du collectionnisme, thèmes que notre étude vise à mettre en lumière. « En province le goût des collections n'est pas moins développé [É] » écrit un rédacteur du Magasin Pittoresque de 184128. Pourtant, ce n'est que récemment, que le commerce de l'art dans les régions françaises a été étudié au cours du colloque Marché(s) de l'art en province29.

23 PATRY, Sylvie (éd.), Paul Durand-Ruel le pari de l'impressionnisme, cat. exp, Paris, musée du Luxembourg, Réunion des Musées Nationaux, 2014.

24 ROTH-MEYER, Clothilde, Les marchands de couleurs à Paris au XIXe siècle, thèse de doctorat, sous la direction de Bruno Foucart, Université de Paris-Sorbonne, 2004.

JACQUINOT, Amélie, « Étudier l'art moderne, les marchands et la location de tableaux dans la pratique de la copie 1820-1850 », BONNET, Alain (éd.), NERLICH, France (éd.), Apprendre à peindre. Les ateliers privés à Paris 1780-1863, Tours, Les Presses Universitaires François-Rabelais, 2013.

25 HAMON, Françoise, « Collections : ce que disent les dictionnaires », Romantisme, n°112, 2001, p. 95-108. POMIAN, Krzysztof, « Collection : une typologie historique », Ibid., 2001, p. 9-22.

VOUILLOUX, Bernard, « Le discours sur la collection », Ibid., p. 95-108.

26 NERLICH, France, La peinture française en Allemagne 1815-1870, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l'homme, 2010, p. 281-287, p. 325-335.

27 PETY, Dominique, « Le personnage du collectionneur au XIXe siècle : de l'excentrique à l'amateur distingué », Romantisme, n°112, 2001, p. 71-81.

28 Le Magasin pittoresque, 1841, p. 381.

29 HOUSSAIS, Laurent (éd.), LAGRANGE, Marion (éd.), MOULIN, Raymonde (éd.) et alii, Marché(s) de l'art en province, actes de colloque, Bordeaux, Bibliothèque municipale, 30 janvier et 1er février 2008, Pessac, Presses Universitaires de Bordeaux, 2010.

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Au cours de nos recherches, nous avons constaté que des études avaient déjà été menées sur le marché de l'art et les collectionneurs de Touraine, surtout dans le cadre de travaux universitaires menés en histoire et histoire de l'art contemporaine à l'université de Tours. C'est ainsi qu'en 1992 Martine Augouvernaire défriche la première le terrain en retraçant les collections d'un ensemble de protagonistes tourangeaux30. Elle s'emploie notamment à définir les motivations et les profils des collectionneurs de Touraine du XIXe siècle, en les classant par catégories sociales. Toutefois, le mémoire ne rend compte qu'à de rares occasions du dynamisme économique de l'art dans la ville. Anne Peltier complète les recherches en 1999 avec un mémoire sur l'histoire des commissaires-priseurs de Tours au XIXe siècle31. Si elle s'efforce de retracer d'une part l'histoire de la profession comme le fait en 2013 Isabelle Rouge-Ducos32, son travail est d'autre part une source importante en ce qui concerne l'état du marché de l'art à Tours.

Malgré son importance, le colonel de La Combe n'est guère cité dans ces mémoires s'intéressant à l'histoire locale. Ce n'est donc pas au travers des ouvrages consultés que les connaissances sur cet individu sont les plus importantes, mais bien à partir des sources primaires à savoir les archives manuscrites et imprimées. La connaissance de la carrière militaire de La Combe repose en partie sur la biographie posthume que livre Henri de Saint-Georges (17991875) en mémoire de son ami. L'historien de Charlet peint par lui-même, qui paraît en 1862, est une succession de lettres du colonel recueillies et publiées par Saint-Georges. L'ouvrage est destiné aux proches du colonel et par conséquent « n'a été imprimé qu'en un petit nombre d'exemplaires, dont aucun n'[a été] mis en vente È33. L'activité de collectionneur n'est que peu renseignée, mais l'auteur présente les liens que La Combe entretenait avec les artistes parisiens, à l'instar de Nicolas-Toussaint Charlet, Hippolyte Bellangé (1800-1866) ou encore Jean-Louis Canon (1809-1892). Si le livre de Saint-Georges est une porte d'entrée facile pour l'étude de la biographie du colonel de La Combe, il est nécessaire de ne pas en rester là. Bien qu'elle offre

30 AUGOUVERNAIRE, Martine, Collectionneurs, Amateurs, et curieux au XIXème siècle en Indre-et-Loire, mémoire de maîtrise d'histoire contemporaine, sous la direction d'Isabelle Brelot, Université François-Rabelais de Tours, 1992.

31 PELTIER, Anne, Les commissaires-priseurs et les ventes à Tours au XIXème siècle, mémoire de maîtrise d'histoire contemporaine, sous la direction de Sylvie Aprile, Université François-Rabelais de Tours, 1999.

32 ROUGE-DUCOS, Isabelle, Le Crieur et le Marteau. Histoire des commissaires-priseurs de Paris (1801-1945), Paris, Belin, 2013.

33 SAINT-GEORGES, Henri de, L'historien de Charlet, op. cit., p.2.

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des informations intéressantes et souvent de première main, la proximité entre le biographe et son sujet biaise à l'évidence le récit et incite l'historien à l'envisager avec prudence.

Les connaissances que nous avons de cette collection reposent également sur des documents d'archives. Paradoxalement, c'est à la mort de son propriétaire que la collection se fait connaître. Notre première démarche a alors été de retracer l'écho dans la presse de la vente de la collection. Cette recherche s'est révélée féconde, et nous a permis de trouver plusieurs articles faisant référence à la vente de la Combe dans la presse régionale, mais surtout dans la presse nationale spécialisée. En effet si le Journal d'Indre-et-Loire ne publie qu'un seul article sur la vente34, d'autres plus spécialisés dans le domaine des arts, comme L'Artiste35 ou La Chronique des Arts et de la Curiosité36 se révèlent plus loquaces. Ces deux journaux rendent compte de manière circonstanciée, évoquant aussi bien l'ambiance à Drouot lors de la vente, que les résultats d'adjudication des enchères, et l'identité de certains acheteurs. Si seulement un article est publié dans les chroniques de L'Artiste, sept signés par Philippe Burty (18301890), le spécialiste du marché de l'art de l'époque, remplissent les colonnes de la Chronique des Arts et de la Curiosité.

C'est également Philippe Burty qui rédige la préface du catalogue de vente. Réalisé en collaboration avec Me Victorien Louis Jean-Baptiste Delbergue-Cormont (1816-1888), commissaire-priseur, Francis Petit (-1877), expert en tableau ancien et aquarelle, et Louis Clément (-1886), marchand d'estampes de la Bibliothèque impériale, le catalogue est une source importante d'informations sur les objets. Il renseigne notamment sur l'auteur de l'oeuvre, son titre (générique ou non), sa date, ses dimensions, suivis le plus souvent, pour les tableaux, d'une description. Si, à la grande majorité, ces informations sont précises, elles ne permettent

34 BRAINNE, Ch., « Correspondance parisienne, 2 février 1863 », Journal d'Indre et Loire, n°29, 4 février 1863, p. 01, Tours, Archives municipales (cote 121 C48).

35 DAX, Pierre, « Chronique », L'Artiste, t. I, 15 février 1863, p. 95.

36 BURTY, Philippe, « Mouvement des Arts et de la Curiosité. Vente de la collection de feu le colonel de la Combe de Tours », La Chronique des Arts et de la Curiosité, t. I, n°10, 25 janvier 1863, p. 93-95.

BURTY, Philippe Ibid., p. 117.

BURTY, Philippe, Ibid, p. 122-124. BURTY, Philippe, Ibid., p. 131-134. BURTY, Philippe, Ibid., p. 138.

BURTY, Philippe, Ibid., p. 156-157. BURTY, Philippe, Ibid., p. 163-165.

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pas toujours d'identifier avec certitude les oeuvres mises en vente. Aussi sommes-nous passés par les catalogues raisonnés pour les artistes les plus connus37, l'Inventaire du fonds français38 pour les estampes et par les bases de données Joconde39 et Collections40 qui répertorient les oeuvres conservées dans les collections publiques pour retracer le plus précisément possible les oeuvres qui composent la collection de La Combe.

Rappelons par ailleurs que les catalogues de vente sont édités en grand nombre pour la promotion des objets. Aussi, nous nous sommes employés à collecter plusieurs exemplaires, à l'instar de celui de l'Institut national d'histoire de l'art41 (INHA), de la Bibliothèque nationale de France42 (BnF) et du Rijksmuseum43 afin de comparer les annotations (prix, achats en lots, nom des acquéreurs) et réaliser un catalogue complet, publié dans les annexes de ce dossier de recherche (ann. 2.1). De surcroît, nous avons aussi eu recours aux procès-verbaux de la vente (ann. 1.2.5) qui malgré les difficultés de lecture, nous ont permis de confirmer les prix inscrits dans les différents catalogues de vente44.

Reste à présenter la dernière source la plus importante pour connaître la collection du colonel de La Combe : l'inventaire après décès (ann. 1.2.2)45. Il est « un acte qui a pour but de constater en détail la nature et le nombre des effets mobiliers, titres, papiers dont il importe

37 DELTEIL, LoØs, Eugène Delacroix, The Graphic Work. A Catalogue Raisonne, (Traduit du français et complété par Susan Strauber), San Francisco, Alan Wofsy Fine Arts, 1997.

DELTEIL, LoØs, Théodore Géricault, The Graphic Work. A Catalogue Raisonne, (Traduit du français et complété par Susan Strauber), San Francisco, Alan Wofsy Fine Arts, 2010.

38 LARAN, Jean, ADHÉMAR, Jean, LETHIÈVE, Jacques, GARDEY, Françoise, Inventaire du fonds français après 1800, t. I à XIV, Paris, Bibliothèque nationale, 1939 à 1967.

39 Base de données Joconde : http://www.culture.gouv.fr/documentation/joconde/fr/pres.htm, consulté le 03/03/2016.

40 Base de données Collection : http://www.culture.fr/Ressources/Moteur-Collections, consulté le 03/03/2016.

41 PETIT, Francis et alii, Catalogue des tableaux anciens & modernes, aquarelles & dessins, lithographies, eaux-fortes, estampes et livres à figures, composant le cabinet de feu le colonel De La Combe [Joseph-Félix Le Blanc de la Combe], Paris, Bonaventure et Ducessois, 1863. Exemplaire conservé à Paris, INHA, cote VP 1863/12. Reproduit en annexe 5.

42 PETIT, Francis et alii, Ibid., Exemplaire numérisé du Gallica, [en ligne], http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3802127 , consulté le 12/09/2015.

43 PETIT, Francis et alii, Ibid., exemplaire numérisé sur Art Sales Catalogues Online, http://asc.idcpublishers.info.ezproxy.inha.fr:2048/protected/pdf/14201/ , consulté le 13/09/2015.

44 Procès verbaux de la vente de la collection de tableaux, aquarelles et de dessins après le décès de M. de La Combe, Paris, Archives de la municipalité, cote D60E3 11.

45 Inventaire après décès des biens de Joseph-Félix Le Blanc de la Combe, Tours, Archives départementales, cote 3E4/643.

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d'assurer la conservation au mieux. Cet acte descriptif et estimatif a pour but de constater tous les faits susceptibles d'établir les charges et les valeurs d'une personne, d'une succession, d'une communauté »46. Dressé pour les successions conséquentes, l'inventaire du patrimoine du colonel de La Combe est constitué durant neuf jours à partir du 25 mars 1862, soit une semaine après son décès qui intervient le 18 mars (ann. 1.1.2)47. Ce document nous renseigne sur le mode de vie qu'avait le colonel de La Combe, et s'appréhende en définitive comme la source qui rend le mieux compte du quotidien du collectionneur et de sa relation avec les oeuvres.

Si la biographie du colonel de La Combe reste lacunaire et repose principalement sur des documents d'archives administratives, il convient aussi de s'intéresser à sa pratique d'amateur éclairé et d'auteur. En publiant en 1856 une monographie consacrée à Charlet, Charlet sa vie, ses lettres, suivie d'une description raisonnée de son oeuvre lithographique, La Combe gagne une notoriété et une autorité certaines dans le monde de l'art48. Avec cet ouvrage, le colonel de La Combe laisse non seulement dernière lui un hommage à la mémoire de son ami, mais il forge aussi les fondements du catalogue raisonné de l'artiste. Le succès éditorial de ce livre induit une certaine reconnaissance pour La Combe qui se voit durablement associé à Charlet comme en témoigne le récent catalogue de l'exposition Charlet aux origines de la légende napoléonienne de 200849.

Sujet inédit touchant à l'histoire tourangelle, l'étude de la collection de La Combe est à situer également dans un champ géographique, historique et disciplinaire plus vaste. En partant de ce personnage particulier, nous cherchons en effet à fournir une étude aux thématiques plurielles. C'est dans ce sens que nous proposons plusieurs hypothèses auxquelles nous tâcherons de répondre dans la suite du développement. La constitution d'une collection est-elle la conséquence d'une volonté de reconnaissance sociale ? Peut-on envisager cette collection comme une forme de portrait de son propriétaire ? Est-il possible de parler de collection inédite lorsque nous sommes confrontés en majorité à une réunion d'estampes ? Par quels moyens et

46 SCHWEITZ, Arlette, La maison tourangelle au quotidien, façons de bâtir, manière de vivre 1850-1930, Paris, publication de la Sorbonne, 1997, p. 29-30.

47 Acte de décès de Joseph-Félix Le Blanc de la Combe, op. cit.

48 LE BLANC DE LA COMBE, Joseph-Félix, Charlet, sa vie ses lettres, Tours, imp. J. Bouserze, 1856.

49 BOCHER, Nathalie, FOUCART, Bruno, JAGOT, Hélène (éd.), Charlet aux origines de la légende napoléonienne 1792-1845, cat. exp., La Roche-sur-Yon, musée municipal, Boulogne-Billancourt, Bibliothèque Paul Marmottan, Paris, B. Giovanangeli, 2008.

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comment La Combe se pose-t-il comme le spécialiste de Charlet ? En quoi se distingue-t-il des autres collectionneurs, dont la mode ne fait qu'accroître le nombre ?

Nous débuterons tout d'abord par l'étude des relations dans le domaine des arts entre Tours et Paris, au travers de la figure du colonel de La Combe. S'il est un notable de Touraine qui entretient des relations avec l'élite intellectuelle de Tours, il est aussi reconnu à Paris, principalement dans le domaine artistique. Ainsi nous présenterons les amitiés qu'il lie avec les artistes de l'école romantique, et particulièrement avec Charlet et les protagonistes de son atelier. À la suite, nous ferons un rapide constat de l'état du commerce de l'art à Tours, et à Paris entre 1830 et 1860. Cela nous permettra de montrer par quels moyens La Combe a pu constituer sa collection. Enfin, nous clôturerons cette partie par la présentation générale de la vente de la collection du colonel de La Combe.

Poursuivant le fil de notre étude, nous nous intéresserons davantage à la collection. Il sera d'abord question de la présenter comme un ensemble, un tout homogène, avant d'imaginer et proposer une interprétation de la relation qui devait unir La Combe à ses objets. Ensuite, nous traiterons plus spécialement la question de la collection d'estampes, en mettant en lumière les spécificités de ce médium. Ceci fait, nous exposerons l'originalité de la collection de La Combe et la participation du colonel dans le débat pour la reconnaissance de la lithographie en tant que véritable médium artistique.

La dernière étape de cette étude sera consacrée à l'activité d'écrivain du colonel de La Combe à travers la publication de son livre sur Charlet. Nous débuterons cette partie par la réalisation d'un bilan historiographique sur Charlet, pour discuter ensuite de l'impact qu'a eu l'ouvrage sur la réception critique de l'artiste. Nous mettrons par la suite son activité d'écrivain, et d'historien en perspective de l'intérêt commun des auteurs de cette période pour les biographies, et spécialement celles consacrées aux artistes. Nous conclurons enfin sur les conséquences que la publication de l'ouvrage a eues sur la notoriété du colonel Joseph-Félix Le Blanc de La Combe, éminent collectionneur tourangeau aujourd'hui oublié.

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Chapitre premier : Joseph-Félix Le Blanc de La Combe notable, érudit et collectionneur. L'étude des interactions artistiques et culturelles entre une ville de province et la capitale artistique du XIXe siècle.

I. Un notable tourangeau au contact de l'élite artistique parisienne.
A. Joseph-Félix Le Blanc de La Combe, notable tourangeau.

À son arrivée en Touraine en 1830, Joseph-Félix Le Blanc de La Combe a dû à l'évidence s'installer dans un quartier bourgeois de Tours, en adéquation avec sa fortune et son statut social. L'acte de mariage de sa fille Cécile Jeanne Louise Mathilde mentionne l'adresse du 3, rue de la Préfecture (ann. 1.1.5)50. Il semblerait que le colonel de La Combe ait habité cette maison avant de s'installer au 12, rue Buffon à Tours (ann. 3.1) qu'il loue au violoncelliste Auguste-Joseph Franchomme (1808-1884)51, au plus tard, de janvier 1851 jusqu'à sa mort. Un acte d'obligation passé le 2 janvier 1851 entre La Combe et son épouse avec Louis Pierre Sorin, propriétaire demeurant à Tours, corrobore cette date d'installation rue Buffon52. Le colonel de La Combe s'installe donc dans un quartier en pleine expansion. En effet, la rue Buffon est percée en 1843, sous l'impulsion du général Pommerez, alors préfet du département d'Indre-et-Loire53. Les enfants ayant quitté le domicile familial, Joseph-Félix Le Blanc de la Combe vit seul avec son épouse. Le couple est toutefois assisté de trois domestiques qui logent en leur demeure54. Leur présence témoigne des moyens considérables dont jouit le couple. Retraité de l'armée, le colonel touche 3 114 francs de pension annuelle et 250 francs de traitement de la Légion d'honneur55. Il possède également avec son épouse une ferme à Neuillé-Pont-Pierre,

50 Acte de mariage de Jules Maillard de la Gournerie et de Cécile-Jeanne-Louise-Mathilde Le Blanc de la Combe, Tours, Archives départementales, [en ligne], cote 6NUM8/261/172. Reproduit en annexe 7.

51 Inventaire des biens de Joseph-Félix Le Blanc de La Combe, op. cit., f 3 et 43.

52 Obligation passée entre Joseph-Félix Le Blanc de La Combe et Mathilde de Mons d'Orbigny de La Combe et Louis Pierre Sorin, Tours, Archives départementales, cote 3E4/605.

53 GAèSCUEL, Geneviève, Les noms des rues de Tours, Montreuil-Bellay, Editions C. M. D., 1999.

54 Liste nominative de recensement de 1856, Tours, Archives départementales, [en ligne], cote 6NUM5/261/120.

55 Inventaire après décès de Joseph-Félix Le Blanc de La Combe, op. cit., f 41

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qui leur rapporte un revenu constant56. Enfin, Mathilde de Mons d'Orbigny détient une rente de 80 000 francs57 (ann. 1.2.4).

Proche des boulevards Béranger et Heurteloup, de la rue Royale et de l'Archevêché - aujourd'hui les rues Nationale et Émile Zola -, la maison des La Combe se situe dans un quartier où réside la bourgeoisie de la ville. À partir de la liste de recensement de l'année 185658, nous avons pu comptabiliser le nombre d'habitants de la rue Buffon et recenser également leur profession (tab. 1). Ainsi sur les 143 habitants qui peuplent la rue, 60% sont des propriétaires ou personnes ayant un statut comparable. À l'inverse, près de 40% des habitants sont des domestiques ou personnes appartenant à la famille de l'un d'eux. Cela représente une moyenne de 0,6 domestiques par propriétaire. Le colonel de La Combe et son épouse sont donc au-dessus de la moyenne, puisqu'ils emploient trois domestiques, ce qui représente 1,5 domestiques par propriétaire.

Le colonel de La Combe entretient des relations avec les notables de la ville. Il fréquente probablement Henry-Armand-Alfred Mame (1811-1893) bien qu'il n'habite pas avant 1872, l'hôtel particulier éponyme situé dans la rue de l'Archevêché (ann. 3.1). L'éditeur semble partager avec le colonel de La Combe l'intérêt pour l'art contemporain, voire un même goût puisqu'il achète à la vente posthume du colonel de La Combe, La voiture du cantinier de Charlet pour 550 francs, et un dessin préparatoire pour le Déluge de Géricault pour 150 francs59. Il est possible que Mame ait vu ses deux oeuvres dans l'intérieur de La Combe. Par ailleurs, Alfred Mame est le cousin et beau-frère d'Ernest Mame (1805-1883), maire de Tours à partir de 1849, qui confie en 1854 à La Combe, une mission pour la municipalité, sur laquelle nous reviendrons dans la suite de ce chapitre. Le colonel fréquente également le docteur Pierre-Fidèle Bretonneau (1778-1862), médecin-chef de l'hospice général de Tours depuis le 15 janvier 1815 60 . Professeur d'Alfred Velpeau (1798-1867) et d'Armand Trousseau (1801-1867),

56 Contrat de vente de la ferme des Cartes par M. de La Combe et ses enfants à M. Robin, Tours, Archives départementales, cote 3E4/641.

57 Tables de successions et absences de l'année 1856, f62, Tours, Archives départementales d'Indre-et-Loire, [en ligne], cote 6NUM3/021/012.

58 Liste nominative de recensement de 1856, op. cit.

59 PETIT, Francis et alii, op. cit., p. 13 et 20. Exemplaire numérisé du Gallica, [en ligne], http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3802127 , consulté le 12/09/2015

60 WATIER, Hervé, « Bretonneau », base de données ORHIBIO,

http://www.orhibio.org/wiki/index.php?title=Bretonneau, consulté le 01/04/2016.

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Bretonneau est un acteur important des progrès de la médecine, notamment par l'invention du tube capillaire appelé aussi « tube Bretonneau ». Avec ses élèves, il s'intéresse particulièrement à la question de la propagation des maladies qui ravagent la population, à l'instar de la fièvre typhoïde et de la diphtérie. Il est par ailleurs l'un des premiers à mettre en évidence les principes de contagion par les germes. Nous avons connaissance de l'amitié qui unit La Combe au docteur Bretonneau, grâce à une lettre du colonel adressée à Hippolyte Bellangé datée de décembre 1855 : « J'ai eu les soins intelligents et affectueux de deux bons chirurgiens, dirigés en partie par mon ami le grand docteur Bretonneau, aujourd'hui le plus habile médecin de France et de Touraine »61. Si les soins dispensés sous la direction de Bretonneau au colonel de La Combe peuvent expliquer leur rencontre, la proximité des habitations des deux hommes peut l'expliquer également. Bretonneau habite en effet en 1846 le 4, rue Buffon (ann. 3.1), qui est perpendiculaire à la rue de la préfecture où réside le colonel de La Combe à cette époque62. Il est donc probable que La Combe fréquente aussi le château de Palluau, la demeure de Bretonneau à St-Cyr sur Loire. Ce château construit au XVe siècle voisine également la petite Grenadière de Pierre-Jean Béranger (1780-1857), le grand chansonnier du XIXe siècle. Béranger se lie d'amitié avec le docteur Bretonneau, son médecin. Si La Combe possède les Sermons et Panégyriques de Béranger63, il est aussi fort probable qu'il ait eu l'occasion de le rencontrer par l'intermédiaire de Bretonneau, même si nous n'avons aucune preuve pour confirmer cette hypothèse. Le biographe de La Combe, Henri de Saint-Georges présente aussi dans sa biographie l'intimité qui lie le colonel avec Claude-René Bacot (1782-1853), un militaire qui a effectué une carrière brillante sous le règne de Napoléon, après avoir effectué le Grand Tour sur les deniers de son père. Néanmoins, c'est à la Restauration que Bacot a véritablement construit sa carrière, nommé dès juillet 1815 préfet du département du Loir-et-Cher, puis d'Indre-et-Loire la même année, à la suite de manipulations politiques contre Alexandre Étienne Guillaume Hersant-Destouches (1773-1826), son collègue alors préfet de Touraine64. En 1821, il est anobli par Louis XVIII (1755-1824 ; 1815-1824) et devient baron

61 SAINT-GEORGES, Henri de, L'historien de Charlet, op. cit., p. 19.

62 Liste nominative de recensement de population de 1846, Tours, Archives départementales, [en ligne], cote 6NUM5/261/19, f 70.

63 Inventaire après décès de Joseph-Félix Le Blanc de La Combe, op. cit., f 22.

64 BERGERON, Louis (éd.), CHAUSSINAND-NOGARET, Guy (éd.) et alii, Grands notables du Premier Empire Loir-et-Cher, Sarthe, Maine-et-Loire, Morbihan, Paris, Éd. du Centre National de la Recherche Scientifique, 1983, p. 63-65.

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de Romand. Bacot réside à Tours au 10, rue du Cygne (ann. 3.1) mais possède également une maison à Vernou-sur-Brenne. Il semble que le colonel de La Combe ait régulièrement séjourné à la campagne dans la demeure de son ami65. De surcroît, les deux hommes paraissent si liés, que La Combe conserve une partie de ses vins dans la cave de Bacot, et que ce dernier prête à La Combe la somme considérable de 20 000 francs66.

Le rayonnement social du colonel de La Combe semble passer également par les unions de ses enfants. Si le fils cadet, Victor Christophe Le Blanc de La Combe, chevalier de la Légion d'honneur67, propriétaire du château de la Bretèche, semble rester célibataire, son frère aîné Louis Félix Victor se marie le 2 mai 1854, avec Isabelle Sidonie de Contades-Gizeux (1831-) fille du marquis Camille Auguste de Contades-Gizeux (1791-1861) et d'Isabelle de Maille de la Tour-Londry (1805-1884)68. Arrière-petite-fille d'un baron de l'Empire, Louis-Gabriel de Contades-Gizeux (1759-1825), et fille d'un officier de cavalerie, elle est un parti intéressant pour le fils du colonel de La Combe. Le couple s'installe à Brion dans le Maine-et-Loire, au château de la Mothaye construit en 1830. La fille aînée du colonel de La Combe, Cécile Jeanne Louise Mathilde se marie le 17 juin 1845 à Tours, avec Jules Antoine René Maillard de la Gournerie (1814-1883), ingénieur des Ponts et Chaussées, fils de Jacques-Antoine Maillard de la Gournerie (1770-1839) et Marie Julie Catherine de Talhou`t-Gratiommaye (1776-1866), originaires de Nantes69. La Combe conserve ainsi des contacts avec l'élite de sa Bretagne natale. D'une famille de militaire, le vicomte Jules Antoine René Maillard de la Gournerie intègre en 1830 l'École navale en tant que major de promotion. Après des différends avec ses supérieurs, il entreprend une carrière d'ingénieur, en intégrant en 1833 l'École Polytechnique. Il sort en 1835 de l'École des Ponts et Chaussées70. Il entame sa carrière par la construction du phare de l'île de Bréhat et prend part également à la construction de la jetée du Croisic et du bassin à flot

65 SAINT-GEORGES, Henri de, L'historien, op. cit., p. 55.

66 Inventaire après décès des biens de Joseph-Félix Le Blanc de la Combe, op. cit., f 42.

67 Procès verbal d'individualité pour servir à l'inscription des membres de l'ordre national de la Légion d'honneur sur les registres matricules, Paris, Archives nationales, [en ligne], base Léonore, dossier LH/1516/23.

68 Acte de mariage de Louis-Félix-Victor Le Blanc de La Combe et d'Isabelle-Sidonie de Contades-Gizeux, Tours, Archives départementales d'Indre-et-Loire, [en ligne], cote 6NUM8/112/049.

69 Acte de mariage de Jules Maillard de la Gournerie et de Cécile-Jeanne-Louise-Mathilde Le Blanc de la Combe, op. cit.

70 LAUSSELADAT, A., « Vicomte Jules-Antoine-René Maillard de la Gournerie », Livre du Centenaire de l'Ecole polytechnique, 1898, [en ligne] : http://ecole.nav.traditions.free.fr/officiers maillard.htm, consulté le 02/04/2016.

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du port de Saint-Nazaire. Maillard de la Gournerie est fait Chevalier de la Légion d'honneur le 21 décembre 1847, puis Officier le 14 août 186571. Avec son épouse, il s'installe à Paris au 36, rue de Varennes, puis au 77, boulevard Saint-Michel. Quant à Mathilde Marie Joséphine, la cadette de La Combe, elle épouse en 1853, Jean-Baptiste Alphonse Eugène de Frévol d'Aubignac (1810-1855), comte de Ribains, mais seulement deux ans après leurs noces, l'époux décède. La veuve habite près de la demeure parentale au 15, rue des Minimes72.

La réputation de La Combe est confirmée à son décès, par la nécrologie qui paraît le lendemain de sa mort dans le Journal d'Indre-et-Loire : « Nous avons le regret d'annoncer la mort de M. de La Combe, colonel d'artillerie en retraite. Noble coeur, esprit distingué et plein de bienveillance, M. de La Combe s'était concilié dans notre ville de nombreuses et vives amitiés, et laisse derrière lui les plus sincères et plus unanimes regrets. Aimant les arts, qu'il cultivait lui-même, il était pour les artistes un protecteur aussi chaleureux qu'éclairé dont l'appui ne manquait pas. M. le colonel de La Combe a publié, il y a peu d'années, sur l'oeuvre de Charlet un volume qui a obtenu un remarquable succès, et au mérite duquel un juge assurément des plus compétents, notre grand peintre, M. Eugène Delacroix, rendait récemment un éclatant hommage » 73.

Au regard de son réseau important, il paraît s'intégrer facilement dans le cercle de l'élite tourangelle74. Le périmètre social, urbain et géographique dans lequel évolue le colonel de La Combe lui permet de tisser des liens avec une part importante de l'élite locale. Il est possible que son grade de colonel participe également à sa reconnaissance sociale au sein de cette société influente. Toutefois, la biographie de La Combe dépasse la micro-histoire tourangelle. En effet, c'est avec les artistes de Paris, que le colonel de La Combe semble entretenir des rapports plus nombreux et plus intéressants pour l'histoire de l'art.

71 Reconstitution des matricules de Jules-Antoine-René Maillard de la Gournerie, Paris, Archives nationales, [en ligne], base Léonore, dossier LH/1693/44.

72 Inventaire après décès des biens de Joseph-Félix Le Blanc de la Combe, op. cit., f° 2.

73 [ANONYME], « Chronique locale », Journal d'Indre et Loire, n°64, 19 mars 1862, p. 01. Tours, Archives municipales, cote 121 C47.

74LAURENCIN, Michel, La vie quotidienne en Touraine au temps de Balzac, Paris, Hachette, 1980, p. 258. Le pourcentage indiqué est valable pour l'année 1849.

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