WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Joseph-Félix Le Blanc de La Combe (1790-1862), collectionneur tourangeau


par Brice Langlois
Université François-Rabelais de Tours - Master I Histoire de l'art 2016
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Conclusion

Si la biographie posthume du colonel de La Combe livrée par Henri de Saint-Georges en 1862 s'est révélée être une source très utile pour l'exécution de ce travail, elle résulte toutefois partiellement de l'épanchement du coeur de son auteur. Dans ce sens, Joseph-Félix Le Blanc de La Combe ne bénéficiait pas jusqu'à ce jour d'une étude impartiale. C'est dans l'objectif de remettre en lumière les qualités et les caractéristiques de cet individu que nous avons entrepris cette étude monographique. À l'évidence, ce n'est pas la carrière militaire du colonel de La Combe qui ici a été la plus documentée. À l'avenir, des historiens pourrons peut-être s'intéresser à la question. Pour notre part, nous avons orienté notre étude sur les relations de La Combe avec l'élite tourangelle et les milieux artistiques parisiens - beaux-arts et musique - ainsi que sur sa pratique de la collection, sa qualité d'écrivain et la vente posthume de sa collection.

Il nous semble que le réseau dans lequel est inscrit le colonel de La Combe à Tours a été bien mis en valeur. En Touraine, La Combe semble nouer des liens solides avec les notables, qu'ils soient scientifiques comme c'est le cas du docteur Pierre-Fidèle Bretonneau, acteurs politique et économique à l'instar d'Alfred Mame ou encore héritiers de familles nobiliaires à l'exemple de son beau-père le comte Louis-Hector de Mons d'Orbigny. Notre travail s'inscrit finalement - à une échelle plus modeste évidemment - dans la même démarche que le projet Orhibio lancé sous la direction de Marc de Ferrière le Vayer et Hervé Wattier, professeur des universités et praticien hospitalier au Centre Hospitalier Régional Universitaire (CHRU) de Tours, qui outre le fait de retracer l'histoire de l'Institut Vaccinal de la ville, a permis d'apporter de nombreuses connaissances sur des acteurs médicaux, qui pour certains étaient jusqu'alors oubliés, et retracer l'un des réseaux de l'élite locale du XIXe siècle. Nous avons présenté en effet des relations qu'avaient pu avoir le colonel de La Combe en Touraine et particulièrement à Tours, où il est reconnu par les notables pour sa collection, ses liens avec les artistes parisiens et son ouvrage sur Charlet. Il semblerait que tous ces éléments soient favorables à son rayonnement social.

Si à l'évidence Joseph-Félix Le Blanc de La Combe disposait d'un cercle plus étendu que celui exposé dans le cadre de ce travail, les protagonistes cités semblent représentatifs du réseau de connaissance qu'il avait à sa disposition. Ce serait donc une entreprise intéressante que de continuer à retracer de la manière la plus complète possible le rayonnement social du colonel

106

de La Combe en Touraine. Cela permettrait probablement de redécouvrir des personnages qui ne sont pas passés à la postérité et peut-être d'importants collectionneurs à l'instar de La Combe, qui malgré sa réputation au XIXe siècle n'avait été guère cité dans les travaux universitaires s'intéressant à l'histoire du collectionnisme et du marché de l'art en Touraine à cette période383.

Aussi, en prenant l'exemple de Joseph-Félix Le Blanc de La Combe cette étude se voulait de répondre à l'idée que l'on peut se faire d'un collectionneur de province et de sa collection. Riche de plus de mille oeuvres, la collection du colonel de La Combe n'est en effet pas moins fournie que les plus importantes collections parisiennes de la même époque. Toutefois, pour comprendre comment une telle collection avait pu être formée à Tours, nous avons présenté les différents moyens d'approvisionnement que le colonel de La Combe avait à sa disposition à l'exemple des ventes aux enchères, des magasins et des ateliers d'artistes. S'il est possible que La Combe ait acquis une partie de ses oeuvres à Tours, nous avons conclu qu'il semble plus probable que le marché de l'art parisien répondait davantage à ses exigences. Si nous avons déjà relevé un certain nombre de lieux du marché de l'art parisien que le colonel de La Combe a pu fréquenter, il serait intéressant de les confirmer en consultant les registres et les livres de compte des galeries et marchands de couleurs encore conservés.

Ce champ de recherches nous a permis finalement de tisser des liens entre Paris et Tours, tout comme la question des interactions du colonel de La Combe avec les artistes de la génération romantique qu'il semble fréquenter à partir du début des années 1820. Nicolas-Toussaint Charlet est probablement l'artiste par lequel La Combe s'est introduit dans le cercle des enfants du siècle. Son amitié avec ces artistes se traduit par une correspondance abondante dont nous avons connaissance grâce aux transcriptions publiées dans Charlet sa vie, ses lettres384 et L'historien de Charlet peint par lui-même385. Aussi serait-il intéressant de retrouver la trace d'autres lettres conservées s'il en est dans des archives privées, peut-être même en possession des descendants du colonel de La Combe ou d'Henri de Saint-Georges. Cette correspondance inédite serait une découverte importante pour enrichir les connaissances que

383 AUGOUVERNAIRE, Martine, op. cit. PELTIER, Anne, op. cit.

384 LE BLANC DE LA COMBE, Joseph-Félix, op. cit.

385 SAINT-GEORGES, Henri de, op. cit.

107

nous avons des relations qu'entretenait Joseph-Félix Le Blanc de La Combe avec les artistes et les amateurs. Elles permettraient de confirmer sinon réfuter certains points sur lesquels nous avons seulement émis des hypothèses. Outre notre sujet d'étude, on peut imaginer que cette correspondance soit aussi essentielle pour l'enrichissement des connaissances sur les artistes du cercle de Charlet, ainsi que pour l'histoire du collectionnisme et particulièrement des collections d'estampes qui comme le fait remarquer Barthélémy Jobert « est un domaine encore à peu près vierge, et peut-être plus s'agissant du XIXe siècle »386.

Si elle comprend des tableaux anciens des écoles étrangères et des tableaux et dessins des artistes vivants français, c'est particulièrement les estampes françaises contemporaines qui caractérisent la collection du colonel de La Combe, dont l'oeuvre lithographique complet de Charlet participe à sa reconnaissance. En dehors des pièces de cet artiste, il collectionne également les lithographies des maîtres les plus importants de l'école française à l'exemple de Delacroix, Géricault, Vernet ou Raffet. Dans ce sens, la collection de La Combe se présente comme une sélection des lithographies artistiques les plus représentatives du mouvement romantique. La Combe accorde de surcroît une importance considérable à la qualité des pièces qui forme sa collection. Il n'est donc pas anodin de retrouver de nombreuses pièces de premier état et quelques pièces uniques, qui entretiennent le rapport du collectionneur d'estampes avec le collectionneur de tableaux et d'oeuvres sur papier. Si nous avons utiliser une méthode quantitative pour présenter dans sa globalité la collection de La Combe et proposer des axes de réflexion, il semble qu'il serait aussi intéressant - bien que la tâche peut paraître aride - de constituer un recueil sous forme de catalogue raisonné d'un ensemble d'oeuvres provenant de cette collection. À l'évidence ce travail permettrait de mieux appréhender cette réunion d'oeuvres d'artistes vivants dont le nombre conséquent nous a empêché un traitement exhaustif au cours de cette année de master.

Par ailleurs, c'est dans un contexte relativement défavorable à la production de lithographies que La Combe constitue sa collection. En effet depuis son invention et installation en France la lithographie souffre d'un perpétuel désaccord entre ses protecteurs et ses contradicteurs, dont les premiers reconnaissent ses qualités esthétiques et les seconds l'envisagent uniquement comme un moyen de reproduction à bas coût. La publication de

386 JOBERT, Barthélémy, « Collections et collectionneurs d'estampes en France de 1780 à 1880, d'après les catalogues de vente », in PRETI-HAMARD, Monica (éd.), SÉNÉCHAL, Philippe (éd.), op. cit., p. 243.

108

Charlet sa vie, ses lettres est alors pour La Combe un moyen de faire entendre sa voix sur le sujet. Il semble qu'en prenant l'exemple de Charlet, le colonel défend l'ensemble de la production de l'estampe artistique.

Toutefois, Charlet sa vie, ses lettres est aussi l'occasion pour le colonel de La Combe de présenter un artiste dont les critiques ont parfois été sévères et dont la carrière paraît confuse pour un certain nombre de ses contemporains. Nous avons donc cherché à établir un bilan de la popularité de Charlet avant la publication du colonel de La Combe. Ainsi, nous avons constaté que Charlet se présente comme un artiste ayant eu à la fois un succès populaire grâce à ses lithographies de genres mettant particulièrement en scène les soldats de l'Empire, mais également une carrière officielle en tant que peintre au Salon et professeur à l'École polytechnique. Dans ce sens, il était question de mettre en évidence la façon dont son biographe s'emploie à revaloriser son oeuvre et sa carrière. Nous nous sommes donc intéressés en amont aux sources que le colonel de La Combe avait à sa disposition pour rédiger sa monographie : correspondance de Charlet et des amateurs, bibliographie et oeuvres d'art provenant de sa collection. C'est donc à un travail d'historien que La Combe s'attèle dès 1849. Si l'auteur semble insister autant sur la carrière de dessinateur lithographe que de peintre alors même que cette dernière est relativement mineure, il présente également le talent d'écrivain de l'artiste par la publication de ses lettres. La transcription des lettres est aussi l'occasion pour La Combe de brosser le portrait psychologique de Charlet et présenter à ses lecteurs le comportement de l'artiste avec ses amis et ses protecteurs. Cette présentation semble susciter la bienveillance et la sympathie du lecteur. Mais la défense de l'oeuvre de Charlet passe également par la rédaction du catalogue raisonné de son oeuvre lithographique pour lequel La Combe a eu principalement recours à sa collection d'estampes.

Charlet sa vie, ses lettres suivi d'une description raisonnée de son oeuvre lithographique reçoit un bon accueil de la part des critiques qui reconnaissent à son auteur des qualités littéraires et félicitent sa probité intellectuelle. L'ensemble des commentaires recueillis dans la presse rend compte également de la nouveauté que représente la publication de lettres pour servir la biographie d'un personnage et salue au passage ce parti narratif. Dès lors, La Combe est à appréhender comme le spécialiste de l'artiste. Il se distingue de fait de la majorité des amateurs par la publication de son livre, puisqu'il ne se présente plus seulement comme un collectionneur mais acquiert un statut d'érudit. Cet ouvrage est donc bénéfique pour la réputation de son auteur comme pour la renommée de Charlet. C'est en effet à la suite de sa

109

publication que Charlet semble profiter d'un mouvement de revalorisation faisant atteindre à ses oeuvres des prix jusqu'alors inégalés.

La vente de la collection du colonel de La Combe paraît profiter également de la réputation de son propriétaire. En effet, si les objets d'art proposés sont pour l'ensemble de première qualité, la provenance est à l'évidence un paramètre à prendre en compte dans la réussite de cette vente. De surcroît, la médiatisation dont elle profite dans la presse confirme le caractère inédit de la collection et le statut privilégié qu'a obtenu La Combe dans le champ artistique depuis ses premières relations avec les artistes jusqu'à la publication de son ouvrage. Enfin la présence de ses amis artistes à sa vente posthume confirme combien Joseph-Félix Le Blanc de La Combe était un personnage investi dans le monde de l'art.

À son échelle, cette monographie sur le colonel de La Combe a permis de redécouvrir un personnage quelque peu oublié de l'historiographie en général et des tourangeaux en particulier. Notre étude s'inscrit dans le champ de l'histoire sociale de l'art en montrant un certain nombre d'interactions entre les artistes et les collectionneurs ainsi que les marchands. De manière relativement modeste, nous avons réussi à proposer quelques exemples de transferts entre la province et la capitale, à l'instar de la correspondance que La Combe entretenait avec Charlet, Delacroix ou encore Bellangé. C'est aussi par l'intermédiaire du colonel que d'autres personnages importants de la scène artistique ont fait le déplacement en Touraine. Plus spécialement ce travail cherchait à définir les comportements du marché de l'art et du collectionnisme locaux en s'appuyant sur ce personnage précis, qui plus est joue ponctuellement un rôle pour la municipalité.

Dans une suite logique à cette première étude, il serait peut-être envisageable de mener des recherches sur un commerce de l'art tourangeau, à l'exemple du bazar turonien auquel nous avons fait référence dans le développement de notre étude. En effet cette boutique inqualifiable tant les activités sont diverses, ne semble pas bénéficier jusqu'à ce jour d'une étude particulière. Pourtant au vu des caractéristiques qui ont été présenté, ce magasin joue à l'évidence un rôle dans le commerce de l'art à Tours mais certainement aussi dans l'attraction culturelle de la ville. Dans un même objectif de présentation de la vie culturelle de Tours au XIXe siècle, il pourrait être intéressant également d'étudier le comportement de l'élite locale dans l'organisation d'expositions. Si des études ont été déjà mené sur les sociétés des beaux-arts en

110

province, à l'exemple de la société des amis des arts de Nantes387, il nous semble que la ville de Tours n'a bénéficié que de très rares études à ce sujet. Ces deux hypothétiques sujets de recherche se présentent comme le prolongement logique de notre présente étude, puisqu'elles pourraient confirmer ou contester pour le premier l'approvisionnement du colonel de La Combe au bazar turonien et pour le second comprendre davantage le dynamisme culturel dans lequel vivait La Combe.

387 BONNET, Alain, « La société des amis des arts de Nantes : l'action sur le marché de l'art local », in HOUSSAIS, Laurent (éd.), LAGRANGE, Marion (éd.), MOULIN, Raymonde (éd.) et alii, Marché(s) de l'art en province, actes de colloque, Bordeaux, Bibliothèque municipale, 30 janvier et 1er février 2008, Pessac, Presses Universitaires de Bordeaux, 2010, p. 31-42.

111

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo