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Joseph-Félix Le Blanc de La Combe (1790-1862), collectionneur tourangeau


par Brice Langlois
Université François-Rabelais de Tours - Master I Histoire de l'art 2016
  

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B. Les sources à disposition pour le colonel de La Combe.

Les publications du colonel de La Combe ; d'abord en 1854, ensuite en 1856, interviennent près de dix ans après la mort de Charlet et ne sont donc pas les premières à présenter la carrière de l'artiste. Jusqu'alors, aucun document ne semble proposer une étude aussi complète que Charlet sa vie, ses lettres, suivie d'une description raisonnée de son oeuvre lithographique dont l'auteur travaille au plus tard depuis 1849261. La Combe consacre en effet à l'artiste un ouvrage de quatre cents pages, quant auparavant Charlet ne faisait l'objet que de courts articles publiés dans la presse spécialisée. Dans ce sens, Joseph-Félix Le Blanc de La Combe exploite plusieurs sources matérielles pour l'écriture de sa monographie sur Charlet. Outre l'évocation de souvenirs et la transcription de certaines conversations qu'il a pu avoir avec son sujet, le biographe paraît entreprendre une démarche d'historien en tirant parti de la bibliographie, d'un corpus de lettres et des oeuvres de l'artiste pour rédiger son ouvrage. Il sera

258 SOLVET. A., « Charlet », Écho de la littérature et des beaux-arts, 1847, p. 34-36 in Recueil factice de pièces sur Nicolas-Toussaint Charlet, ibid.

259 JANIN, Jules, « Charlet », L'Artiste, IVe série, t. V, 4 janvier 1846, p. 154.

260 LE BLANC DE LA COMBE, Joseph-Félix, op. cit., p. 5.

261 SAINT-GEORGES, Henri de, op. cit., p. 28-29.

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question ici de nous intéresser à l'ensemble des moyens qu'avait à disposition le colonel de La Combe pour la rédaction de Charlet sa vie, ses lettres.

Il semble que la volonté de La Combe à consacrer un ouvrage à Charlet, lui soit venu de la correspondance qu'il possédait de l'artiste262. Aussi comme semble l'indiquer le titre, l'auteur accorde une place importante dans son ouvrage au recueil de lettres de Charlet, comme sa lettre du 23 février 1849 adressée à Hippolyte Bellangé le confirme : « Dans l'ouvrage dont je m'occupe, la partie la plus intéressante, sans doute, et très originale, sera le recueil de lettres et de documents sortis de la plume de notre ami »263. À cette date, le colonel de La Combe ne paraît pas encore avoir constituer son recueil, mais détient déjà probablement un corpus important de lettres de Charlet, conséquence de la correspondance qu'il entretenait avec ce dernier. Marianne Grivel estime à soixante le nombre d'autographes de Charlet que possédait le colonel de La Combe264. Toutefois, celle-ci ne mentionne pas la source de son information. Pour notre part, nous avons relevé dans l'ouvrage du colonel une dizaine de lettres de Charlet lui étant adressées. S'il est probable que La Combe en détient davantage, sa seule correspondance ne lui permet certainement pas de rendre compte de la biographie complète de l'artiste.

Le colonel de La Combe a ainsi récolté des lettres de Charlet auprès de la famille de l'artiste, de ses amis et de ses protecteurs. C'est dans ce sens que La Combe fait part à Bellangé de son intention de faire participer tous ceux qui ont entretenu une correspondance avec Charlet265. Visiblement, La Combe semble avoir remporté l'adhésion du cercle de l'artiste, puisque nous avons distingué au moins vingt-sept destinataires différents. Ce recensement doit probablement être inférieur au nombre d'individus qui ont participé à l'entreprise du colonel de La Combe, puisqu'il semble que l'auteur conserve l'anonymat de certains protagonistes. Les noms les plus récurrents sont sans conteste ceux des protecteurs de Charlet, à l'instar d'Alexandre de Rigny, dont nous avons relevé quatorze lettres ou encore de Musigny, un riche amateur, qui envoie au moins huit lettres de l'artiste au colonel. Au regard de l'ouvrage de La Combe, il semble que Charlet entretenait une correspondance plus dense avec ses amis

262 LE BLANC DE LA COMBE, Joseph-Félix, op. cit., p. 4.

263 SAINT-GEORGES, Henri de, op. cit., p. 33.

264 GRIVEL, Marianne, « On demande en vain... », op. cit., p. 132.

265 SAINT-GEORGES, Henri de, op. cit., p. 34.

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collectionneurs qu'avec les artistes. Bellangé est semble-t-il l'artiste qui fournit le plus de lettres. En outre, celui-ci livre un portrait de Charlet (fig. 36) pour illustrer l'ouvrage de La Combe, comme il le fera plus tard pour la biographie d'Henri de Saint-Georges en 1862. Eugénie Charlet266, la veuve de l'artiste, est également sollicité par La Combe. Elle lui envoie en effet, quatre lettres de son époux écrites avant leur mariage, ce qui confirme la proximité du colonel avec la famille de Charlet. La Combe transcrit également quelques lettres lui étant adressées par les amis de Charlet, à l'exemple de celle du général de Rigny, dans laquelle celui-ci présente sa rencontre avec l'artiste267. La publication de cette correspondance démontre l'amitié qui lie La Combe aux autres amateurs de l'artiste. Aussi, montre-elle l'effervescence de l'entreprise du colonel autour de la revalorisation de l'oeuvre de Charlet. Si elle est à l'évidence plus modeste, la manière dont procède Henri de Saint-Georges lorsqu'il rédige la biographie posthume du colonel de La Combe paraît analogue. Hippolyte Bellangé, Alexandre de Rigny et François-Joseph Régnier (1807-1885) de la Comédie Française, lui envoient les lettres qu'ils détenaient de La Combe. Néanmoins, c'est principalement les lettres du colonel adressée à Saint-Georges qui sont publiées dans L'historien de Charlet peint par lui-même.

Il est évident que le colonel de La Combe utilise de la bibliographie en plus des informations réunies grâce aux archives manuscrites et à la connaissance des notices publiées précédemment sur Charlet268. Si à l'instar de la grande majorité de ses contemporains, La Combe ne propose pas la liste des ouvrages consultés dans le cadre de ses recherches sur Charlet, il connaît les récentes publications de la littérature artistique en citant ponctuellement quelques références bibliographiques. Il est possible qu'il ait eu usage pour mener ses recherches de la Bibliographie de la France : ou Journal général de l'imprimerie fondé en 1811, qui recense l'ensemble des livres, revues et estampes publiés en France. Plus que pour y trouver des informations sur Charlet, il semble que son utilisation de la bibliographie lui sert à nourrir son propos, en complétant le corps de texte par des citations en note de bas de page. Ainsi, La Combe cite à propos de l'enseignement de Gros, fondé sur la copie des maîtres anciens et placé sous l'autorité de David, la monographie de Feuillet de Conches consacrée à Léopold Robert, dans laquelle l'auteur revient sur la formation de son sujet : « Et cependant David disait à ses élèves : «on peut étudier les grands maîtres ; mais c'est la nature seule qu'il

266 LE BLANC DE LA COMBE, Joseph-Félix, op. cit., p. 39.

267 Ibid., p. 22-23.

268 Ibid., p. 6.

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faut suivre : on se fait toujours soi-même. Je veux vous préparer pour vous, pour votre nature, et non contre nature» »269. La citation de cet ouvrage est à appréhender comme un contre argument à l'obstination académique de Gros avec certains de ses élèves, à l'exemple de Bonington, que présente le colonel de La Combe quand il s'intéresse à la formation de Charlet dans l'atelier de Gros. En effet, La Combe utilise le texte de Feuillet de Conches pour justifier la contradiction de Gros avec les préceptes de l'enseignement de David.

Le colonel de La Combe semble s'aider également de la bibliographie pour organiser la description raisonnée de l'oeuvre lithographique de Charlet. Dans ce sens, il ne paraît pas vouloir reproduire le classement adopté par Bruzard dans le Catalogue raisonné de l'oeuvre lithographique de Mr J. E. Horace Vernet270.

Ce n'était pas chose facile que de classer un oeuvre aussi considérable. Il y a quelques années, M. Buizard [sic.], connu par un malencontreux catalogue de l'oeuvre lithographique d'Horace Vernet, l'avait essayé. Son travail est resté inédit. Il avait adopté un espèce d'ordre par matière. Toutes les suites, toutes les pensées du maître se trouvaient perdues dans telle ou telle catégorie ; les militaires, les bourgeois, les enfants ; puis les militaires et les bourgeois réunis, etc. etc. ; il faisait même figurer dans ces cadres de simples croquis contenant à peine quelques indications271.

Il est probable que le colonel de La Combe ait consulté cet ouvrage en préparation du catalogue de l'oeuvre lithographique de Charlet. En effet, il est un modèle à ne pas reproduire pour La Combe, puisque paraît-il séparant trop les thèmes de représentation et par conséquent ne rendant pas compte de l'oeuvre lithographique complet de Vernet. Ainsi, préfère-il réaliser un catalogue divisé en dix sections, qu'il classe notamment par genre, imprimeur et période de création. À l'intérieur de ces grandes parties, La Combe propose une appréciation de la rareté des épreuves lithographiques, s'inspirant visiblement de la Description des médailles antiques grecques et romaines, avec leur degré de rareté et leur estimation de Théodore-Edme Mionnet (1770-1842), dont les publications s'étendent de 1806 à 1838272. Indiquant cette source bibliographique en préambule273, La Combe cherche vraisemblablement à légitimer son travail

269 LE BLANC DE LA COMBE, Joseph-Félix, op. cit., p. 11 in FEUILLET DE CONCHES, Félix-Sébastien, Léopold Robert, sa vie, ses oeuvre et sa correspondance, Paris, Bureau de la Revue des Deux Mondes, 1848, p. 16.

270 BRUZARD, L. M., op. cit.

271 LE BLANC DE LA COMBE, Joseph-Félix, op. cit., p. 134.

272 MIONNET, Théodore-Edme, Description des médailles antiques grecques et romaines, avec leur degré de rareté et leur estimation, t. I, Paris, impr. De Testu, 1806.

273 LE BLANC DE LA COMBE, Joseph-Félix, op. cit., p. 203.

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en s'appuyant sur un ouvrage de référence. Ainsi, il utilise les signes déjà en usage pour indiquer le degré de rareté de ces diverses pièces : « R désigne une pièce rare ; RR - une pièce plus rare encore ; RRR - une pièce très-rare »274. À l'évidence, l'échelle d'appréciation utilisée par le colonel de La Combe résulte de son expérience de collectionneur. Par ailleurs, elle n'est pas aussi précise que celle employée par Mionnet cinquante ans plus tôt. Ce dernier distingue « jusqu'à R8, qui est la plus grande Puissance, qu'[il a] donné à cette lettre, et qui indique par conséquent que la Médaille est d'une extrême rareté »275. Peut-être que le classement des lithographies de Charlet ne demande pas une échelle de précision aussi fragmentée ou bien le colonel de La Combe ne souhaite pas s'attirer l'ironie de la critique ? La trop grande minutie des amateurs d'estampes pousse notamment Jules Champfleury à se moquer de leur comportement dans l'Hôtel des commissaires-priseurs en 1867276.

Comme Mionnet, La Combe entreprend la constitution de son catalogue à partir de sa propre collection de lithographies de Charlet. Il semble être l'un des rares amateurs à posséder l'oeuvre lithographique complet de l'artiste, ce qui lui permet de l'appréhender dans sa globalité. Néanmoins, la collection du colonel de La Combe est complète à quelques exceptions, comme l'atteste Philippe Burty dans la préface du catalogue de vente de la collection de La Combe : « Et s'il y manquait quelques-unes de ces pièces dont on ne connaît qu'une épreuve, M. de La Combe obtenait de son heureux possesseur la permission d'en faire prendre un calque fidèle par l'un des plus habiles élèves de Charlet, M. L. Canon »277. À l'évidence, le colonel de La Combe jouit d'un réseau de sociabilité assez important pour que les autres amateurs l'autorisent à faire exécuter par Canon, des fac-similés de leurs épreuves les plus rares. Cette pratique semble relativement courante dans le cercle d'amateurs que fréquente La Combe. En effet, François Parguez dispose également de calques de lithographies de Charlet réalisées par son ami le général Pierre Claude Pajol278. De surcroît, certains calques à l'exemple du Jeune garçon qu'on suppose être le fils de M. Vivant Denon (fig. 10), ont été réalisé par Canon sous la direction même de Charlet, comme le confirme Louis Clément dans le catalogue de vente la

274 Ibidem.

275 MIONNET, Théodore-Edme, op. cit., p. ix.

276 CHAMFLEURY, Jules, op. cit., p. 11. Voir p. 66 de notre mémoire.

277 BURTY, Philippe, « Préface », in PETIT, Francis, op. cit., p. X.

278 DELBERGUE-CORMONT, Victorien Louis Jean-Baptiste, VIGNIÈRES, Jean-Eugène, op. cit., p. 12.

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collection de La Combe279. Ainsi, nous avons relevé quatorze fac-similés de lithographies de Charlet dans la collection d'estampes du colonel de La Combe, à partir du catalogue de vente. Dans son intérieur tourangeau où il conserve l'oeuvre complet de Charlet, La Combe peut donc travailler à son catalogue raisonné de l'oeuvre lithographique de Charlet, sans avoir besoin de se déplacer régulièrement puisque conservant l'ensemble des pièces.

Il semble que La Combe se sert également de sa collection de peintures, aquarelles et dessins de Charlet, pour présenter certaines anecdotes dans sa monographie consacrée à l'artiste. On relève en effet dans Charlet sa vie, ses lettres, au moins quatre oeuvres de Charlet faisant partie de la collection du colonel de La Combe : Une classe en insurrection, Les vieux souvenirs, Un paysage, et La voiture du cantinier. Au travers de ces quatre oeuvres, La Combe présente davantage le caractère et les méthodes de travail de Charlet qu'il ne propose une analyse stylistique. À l'exemple de la Classe en insurrection, La Combe montre la manière dont Charlet lui a fait don de cette oeuvre. Il semble ainsi mettre en lumière son importante collection en s'intéressant ponctuellement à quelques oeuvres lui appartenant et sur lesquelles il peut également livrer à son lecteur une part de l'intimité de Charlet.

À l'évidence, la proximité du colonel de La Combe avec Charlet a facilité son travail de recherche biographique, puisque possédant déjà de nombreuses informations. Toutefois à l'instar d'un historien, le colonel de La Combe semble multiplier les sources d'informations, pour rédiger son ouvrage sur Charlet et « faire connaître à la France un de ses plus dignes enfants »280.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld