E. PESCHAUD
Centquatre met en place des évènements
tournés autour de l'innovation, comme en décembre 2017 :
Pratiquez l'art et l'innovation, avec la présence des start-ups
travaillant dans l'incubateur 104Factory.
Le fait que l'Etat souhaite montrer aux citoyens ce qui est
à voir repose probablement sur son envie de mettre en place et en valeur
une culture, sur un territoire. Cela revient à exercer comme un
contrôle sur les contenus créés et diffusés. L'une
des motivations envisageables est le fait que la France suive la ligne
directrice suivante : favoriser une culture pour les Français, à
la défaveur des cultures locales et ultramarines. On parle dans ce cas
de l'exception culturelle à la française : la mise en avant d'une
culture française unie/unitaire. Ce concept évolue
dorénavant en concept de diversité culturelle. Cependant, on
entend par diversité ici se différencier par rapport à
d'autres nations et territoires. C'est pourquoi les politiques culturelles
publiques rassemblent toute leur énergie pour que la même culture
française couvre l'ensemble du territoire, aussi bien en
métropole que dans les territoires situés en Outre-mer. Prenons
l'exemple de la langue : la France, avec un fort sous-entendu France =
métropole, impose le Français comme langue officielle de
l'administration. Pourtant, certaines populations, par exemple les
Amérindiens de Guyane, ne parlent pas cette langue couramment et luttent
pour s'en imprégner. La langue française devient ainsi un frein
à la culture française. En somme, la France met davantage en
avant la démocratisation culturelle, dans le sens où tous les
Français de son territoire doivent être en capacité de
partager la même culture. Au-delà de cela, la culture est aussi
considérée comme « bien public »143 : c'est
un enjeu pour les pouvoirs publics. Plus précisément, la culture
doit être protégée (contre l'uniformisation des moeurs par
exemple) et doit être transmise. Cela reste possible grâce à
la diffusion de la culture, qui s'apparente dans ce cas à la
démocratisation culturelle jusqu'à, peut-être, lisser la
culture française : « [...] il m'est peu à peu apparu que la
logique de démocratisation culturelle visait surtout à imposer
à tous une certaine culture : la culture classique, celle des
élites, les domaines surtout fréquentés par les classes
supérieures de la population »144. En somme, il est
possible de proposer l'hypothèse suivante : la haute culture a-t- elle
tendance à lisser et à uniformiser les cultures locales et
autochtones ?
Tout comme l'ensemble des lieux culturels nés sous
l'impulsion des pouvoirs publics, les tiers-lieux culturels institutionnels ne
sont pas à 100% libres dans leur programmation. En effet, toute action
visible dans le paysage public est le fruit d'une politique commanditée
par les décideurs politiques. Ils suivent des directives
politiques, qu'ils transforment en objectifs, comme le souligne la
définition des pouvoirs publics. De plus, les tiers-lieux culturels
institutionnels se différencient des tiers-lieux culturels citoyens par
la non spontanéité de montage de projet. Ainsi, le tiers-lieu
institutionnel est déposé sur un territoire, tandis que
le tiers-lieu citoyen émerge du territoire.
143 Décret N°59-889 du 24 juillet 1959, citation
prise dans Limites et possibles de la démocratisation culturelle,
A. COURCHESNE, F. COLBERT
144 La démocratie culturelle : un autre modèle
de politique culturelle, A. CHATZIMANASSUS
31
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
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