Religion et société au temps des Lumières: l'exemple des religieuses de la Congrégation de Notre-Dame à Paris( Télécharger le fichier original )par Caroline Cornu Université Paris Nanterre - Master 2 Sciences humaines et sociales, mention Histoire, parcours Histoire des civilisations méditerranéennes, européennes et moyen-orientale 2018 |
Chapitre 1 : Le recrutement des religieuses de la Congrégation de Notre-Dame au XVIIIe siècle à Paris Les XVIIe et XVIIIe siècle sont
généralement opposés quand on étudie le recrutement
des couvents. Le premier est vu comme un siècle où se multiplient
les établissements religieux, accueillant de nombreuses vocations. Le
XVIIIe siècle est en revanche perçu comme étant
celui du lent déclin des monastères, de la dénonciation
des entrées en religion forcées et de la désaffection pour
les carrières religieuses. Au-delà des sources émises par le couvent et
des rares témoignages parvenus jusqu'à nous, notamment
grâce à Madame Roland, l'étude du recrutement des
religieuses nécessite de retrouver les contrats de dotation. La
recherche de ces contrats a permis d'en récolter 24 : 7 dans les
archives du couvent, 17 autres contrats ont été glanés
dans les archives des notaires de Paris. Cette étude dispose donc des
contrats de profession de 24 religieuses sur les 101 identifiées au
XVIIIe siècle soit 25 % des effectifs. Les contrats sont rédigés quelques jours et
même quelques semaines avant la profession. Ainsi, le contrat de
Marguerite Angélique Bardon rédigé le 21 juillet
171017(*) précise
qu'elle va : Les contrats permettent difficilement d'évaluer la sincérité des vocations car le paragraphe qui l'évoque reste très conventionnel. En revanche, à défaut de témoignages directs, ils permettent, croisés à d'autres sources, de reconstituer quelques raisons qui pourraient avoir conduit ces femmes à rentrer au couvent. Le 6 avril 1773, Madame Roland rapporte dans une lettre à Sophie Cannet ce que Marie-Anne Gosmond (Sainte-Euphémie) a déclaré au sujet de son amie : « Elle n'est pas du nombre de celles qui espèrent te voir quelque jour entrer dans leur cloître, " Melle Cannet et Melle Phlipon, disait-elle devant moi, ne seront jamais religieuses " »22(*) Elle atteste ainsi que certaines jeunes pensionnaires du couvent deviennent religieuses dans le même monastère. La contrat de profession du 8 février 174923(*) de Nicole-Renée Blanchet, âgée de « moins de vingt ans passés » est assez explicite : « sa tante l'auroit mise en pension dans ledit monastère pour après estre instruite des devoirs qui regardent la religion et la piété chrestienne convenables aux personnes du monde, la retirer auprès d'elle, et ayant fait de sérieuses réflexions et prier le seigneur de l'éclairer sur le choix de de l'estat de vie qu'elle prendroit du monde ou de la religion et ayant envisagé beaucoup plus de sûreté dans un que dans l'autre pour opérer et faire son salut, qui est l'unique affaire en laquelle les hommes doivent travailler en cette vie, auroit résolu de renoncer au monde et formé le dessein d'embrasser l'estat de la vie religieuse et consacrer ses jours à Dieu et les passer dans la retraite ou éloignée de touts forme d'embarras mondains et n'ayant que Dieu pour objet, elle peut lui donner des marques de son amour par la pratique et l'exercice continuel des oeuvres de piété et de dévotion. Et pour ces effets, elle n'auroit jetté les yeux sur d'autre couvent que sur celuy desdites dames religieuses dans lequel elle estoit déjà pensionnaire. » Ce passage justifie l'entrée au cloître par la
volonté d'assurer le salut de la jeune fille tout comme Jeanne Lefebvre
déclarait en 1680, avant de devenir Bénédictine de Cosne
qu'elle « n'eut jamais d'autre dessein que d'y servir Dieu et d'y
faire son salut »24(*). De même, Madeleine Folvais entre chez les
Ursulines de Tréguier en 1645 « pour y tâcher d'y
moyenner son salut en vivant dans l'obéissance de ladite
règle »25(*). On retrouve, comme Nicole-Renée Blanchet, la
même conviction que le couvent est le meilleur moyen d'assurer son avenir
spirituel. En revanche il est précisé, dans le cas de
Nicole-Renée Blanchet, qu'elle n'aurait pas choisi d'autre couvent que
celui dans lequel elle était pensionnaire, ce qui sous-entend la
recherche de la continuité d'une vie à laquelle elle se serait
habituée, la recherche d'une stabilité. A l'inverse, Marie-Anne-Françoise Turpin séjourne dans la communauté des Dames de la Trinité à Paris, rue de Reuilly avant son mariage27(*) mais elle choisit de devenir religieuse à la Congrégation de Notre-Dame à Paris. Les raisons de ce choix restent inconnues. Le cas d'une ancienne pensionnaire devenue religieuse est
rare dans le couvent de la Congrégation de Notre-Dame à
Compiègne puis à Versailles puisque Marie-Claire Tihon ne recense
que deux ou trois cas au noviciat28(*). Cette situation semble donc plus fréquente au
couvent du même ordre à Paris. Les sources, notamment notariées, permettent de mettre
en évidence des parentés entre des religieuses du couvent ou avec
des religieux en dehors du couvent29(*). Les contrats de profession et les diverses sources notariales
permettent de déterminer si les religieuses sont entrées au
couvent après le décès d'au moins un de leurs
parents38(*). Au moins un
quart de ces vingt-quatre religieuses entre en religion après avoir
perdu au moins un des deux parents. Les informations à ce sujet
étant parfois absentes sur les contrats, cette proportion est
certainement plus élevée. Cela doit être comparable
à ce qui est observé parmi les Annonciades de Langres :
40 % des entrées au couvent de 1623 à 1788 sont faites
après la perte de l'un de leur parent39(*). Cependant, les sources ne permettent pas
d'établir si c'est à l'origine de la vocation pour les
religieuses de la Congrégation de Notre-Dame.
Les contrats de profession attestent d'un cas d'entrée en religion à la suite d'un veuvage. Marie-Anne Turpin épouse Pierre-Jean Pocquillon Carret de Vaublon en 175940(*). Elle entre au couvent en 176641(*) à la suite du décès de son mari. Une situation similaire est observée en 1671 quand Marie Jacquinet, veuve à 19 ans, entre au couvent de la Visitation d'Auxerre42(*). Dans ses mémoires, Madame Roland dresse le portrait d'une religieuse, Sainte-Sophie, de la Congrégation de Notre-Dame : « Celle qui était chargée de montrer à écrire aux pensionnaires était une femme de soixante et dix ans, qui s'était faite religieuse à cinquante par effet de chagrin ou suite d'infortune. »43(*) Ce témoignage ne précise pas la nature du
chagrin ou de l'infortune. Cela pourrait être dû à la perte
d'un proche ou a une faillite. Par exemple, Thérèse-Marie
Langlois, fille d'un colonel, rentre à la Visitation d'Auxerre en 1683
comme soeur domestique car elle ne peut donner une dot44(*). Cependant, Sainte-Sophie,
chargée d'apprendre à écrire aux élèves,
semble tenir un poste de religieuse de choeur, on peut donc penser qu'elle a pu
apporter une dot, ce qui exclut au moins une faillite totale. Elle pourrait
aussi être veuve et elle apporterait son douaire en guise de dot.
Les règles du couvent49(*) explicitent les exigences du couvent. Au delà des qualités spirituelles et de piété attendues d'une religieuse, il leur est demandé d'avoir les qualités nécessaires pour entrer dans un couvent dédié à l'éducation des filles : « l'instruction des enfans demande des qualités intérieures et extérieures corporelles et spirituelles qui ne se rencontrent que rarement dans un même sujet »50(*). Les règles précisent qu' « il faut que les filles qu'on y admet soient saines de corps et d'esprit, qu'elles soient de bonne complexion et fort affectionnées au travail, que leur naissance soit légitime et que leur réputation n'ait esté flétrie d'auncun juste soupçon d'impureté, qu'elles n'ayent point de notables déformités de corps ny de dispositions à en avoir, comme à devenir sourdes ou aveugles, qu'elles aient dix-huit ans passés pour estre de choeur et faire profession et ving pour estre converses, qu'elles aient la disposition aux principaux devoirs de l'institut qu'est l'instruction des enfans, qu'elles aient un esprit docile, humble et accomodant et un tel fond de bonne volonté et de courage qu'on en puisse attendre avec le secours de Dieu toute l'exactitude que les autres devoirs de l'institut demandent de celles qu'en font profession ».51(*) Les conditions de santé et de réputation ne
sont pas propres à la Congrégation de Notre-Dame. Dominique Dinet
observe dans les diocèses d'Auxerre, Langres et Dijon que les
problèmes de santé sont discriminants. Les candidates infirmes
sont souvent jugées incapables de supporter la vie dans un couvent,
d'autre part, les filles atteintes de maladies contagieuses étaient
logiquement écartées afin de protéger les autres
religieuses. Par exemple, le 12 novembre 1679, la postulante Marie Le Roy est
renvoyée de la Congrégation de Notre-Dame à Paris à
cause de ses infirmités. En revanche, Louise-Angélique
Boinard/Boynard est reçue bien qu'infirme le 6 mai 167252(*). Les problèmes de
santé de Marie Le Roy étaient peut être jugés moins
supportables pour la communauté que ceux de Melle Boynard. D'autres
couvents admettent des exceptions, ainsi la Congrégation de Notre-Dame
à Donzy admet en 1723 Marie-Josèphe Rappin comme
« soeur adjutrice » (sic) mais en l'exemptant des gros
travaux à cause de ses infirmités53(*). Il existe d'autres prohibitions, semblables à
celles décrites par les règlements de la Congrégation de
Notre-Dame à Paris : les bâtardes, les filles chassées
des autres ordres, les criminelles, les gens lourdement endettés sont
également écartés. Les veuves ayant des enfants à
charge ne sont pas plus admises54(*). D'autre part, les règles du couvent précisent qu' « on n'aura point d'égard a la condition ny aux richesses des personnes mais seulement à la bonne volonté, à la liberté et à la docilité d'esprit, à l'humilité sincère et à la parfaite soumission »55(*). Donc théoriquement au moins, le couvent semble admettre des filles sans dot. Certains couvents le font, c'est le cas chez les Bernardines de Marseille, les Carmélites de Franche-Comté, les Ursulines du faubourg Saint-Jacques à Paris ou à la Visitation d'Auxerre56(*) mais il est habituel pour les couvents de discuter l'entrée en religion avec les familles et de passer un contrat devant notaire. Les contrats de dotation en religion retrouvés prouvent qu'en pratique, c'est le cas également pour la Congrégation de Notre-Dame à Paris. Cependant, la Congrégation de Notre-Dame ne semble pas appliquer les préjugés nobiliaires des Ursulines. L'évêque de Narbonne déclarait à propos de ces dernières « les religieuses, appartenant elles-mêmes à la première noblesse du pays, n'ont jamais voulu recevoir de sujets plus modestes ». Cette déclaration semble se vérifier pour les Ursulines de Bretagne57(*). Les sources nous permettent également une étude statistique du recrutement de la Congrégation de Notre-Dame à Paris. Les registres des élections permettent d'analyser les variations de l'effectif des soeurs vocales58(*). Celui-ci est d'au minimum 19 religieuses vocales en 1792 et au maximum 27 religieuses vocales en 1748 et 1781. On observe une stabilité dans la première moitié du siècle : l'effectif varie de 22 à 27 religieuses vocales avec une moyenne de 24 femmes puis le nombre de religieuses chute au début des années 1760 avec 20 à 22 professes durant cette décennie mais il augmente à nouveau à partir des années 1770 jusqu'en 1781 grâce au recrutement. L'effectif diminue de nouveau à la fin de la période étudiée, durant les années 1780 : les religieuses vocales sont au nombre de 27 en 1781, elles ne sont plus que 21 à la veille de la Révolution en 1788 et 19 avant la fermeture du couvent en 1792. La situation du couvent de la Congrégation de
Notre-Dame peut être comparée à celle d'autres
monastères. Ainsi, les effectifs des couvents parisiens de la Visitation
diminuent au XVIIIe siècle : une tendance au
déclin se retrouve dans deux des trois couvents parisiens de la
Visitation59(*).
Madame Roland précise dans une lettre datée du
11 juin 1772 à Sophie Cannet67(*) que cette année là, le couvent comprend
10 novices et quelques postulantes, confirmant ainsi l'importance des
vocations : si ces dix novices intègrent le couvent, c'est
près de la moitié de l'effectif qui est renouvelé. Cela
laisse cependant supposer que toutes les novices ne sont pas recrutées.
Les exemples manquent au XVIIIe siècle mais le 25 juillet
1678, Élisabeth Le Boüé est renvoyée à l'issue
de son noviciat sans que la raison soit précisée. Son noviciat
avait été prolongé de trois mois, peut-être pour
éprouver la sincérité de sa vocation68(*). Enfin, un état des lieux en 1784 et 1786, établi pour la Commission des réguliers et des secours72(*), affirme que le couvent compte en 1784 une postulante pour 26 religieuses de choeur et 24 religieuses de choeur et deux postulantes en 1786 soit probablement moins que les quelques postulantes de 1772 ce qui traduit un besoin moins important de recrutement car l'effectif est suffisant à cette époque.
Le registre des actes capitulaires de 1644 à
168773(*) donne quelques
âges à la prise d'habit (entrée au noviciat) ou à
l'acceptation au titre de postulante (les religieuses semblent entrer au
noviciat un an après être devenue postulante) ce qui permet une
comparaison entre le XVIIe et le XVIIIe siècle.
Les sources permettent donc d'évaluer l'âge de
l'entrée en religion pour ce couvent aux XVIIe et
XVIIIe siècles77(*). Cela permet tout d'abord de comparer la moyenne
d'âge d'entrée au couvent entre les deux siècles :
environ vingt ou vingt-et-un ans au XVIIe siècle et environ
vingt-cinq ans au XVIIIe siècle. Cela semblerait indiquer un
âge au moment de la profession plus élevé au
XVIIIe siècle avec notamment une diminution de femmes
recrutées avant l'âge de vingt ans : dix-sept religieuses sur
trente-cinq, soit la moitié, sont recrutées avant l'âge de
vingt ans au XVIIe siècle, cette proportion est de quatre
religieuses sur dix-sept aux XVIIIe siècle soit environ un
quart. Les entrées en religion à la Congrégation de
Notre-Dame à Compiègne puis à Versailles se font plus
jeune qu'à Paris puisque presque toutes les postulantes ont moins de
vingt ans et la plupart n'ont que dix-sept ou dix-huit ans78(*). Le recul observé
à la Congrégation de Paris s'observe également dans les
couvents parisiens de la Visitation puisque le recrutement s'y fait entre seize
et vingt ans au XVIIe siècle et entre vingt et vingt-cinq ans
au XVIIIe siècle. Une prise d'habit plus tardive est
également observée dans les couvents des diocèses
d'Auxerre, Langres et Dijon, notamment à partir des années
173079(*). Les religieuses
du Trégor prononcent leur voeux définitifs entre 24 et 25 ans en
moyenne de 1660 à 173080(*).
Les règles du couvent précisent qu' « on n'aura point d'égard a la condition ny aux richesses des personnes mais seulement à la bonne volonté, à la liberté et à la docilité d'esprit, à l'humilité sincère et à la parfaite soumission »83(*). Si, théoriquement, le couvent ne semble pas imposer d'une somme minimum, nous savons cependant qu'il est d'usage de convenir d'une dot au moment de la profession. Nous pouvons donc analyser le montant et l'origine des dots de religion dans cet établissement mais également l'influence de ces dots sur la carrière de la religieuse. Le registre des actes capitulaires de 1644 à 168784(*) détaille quelques dots de religieuses jusqu'en 166485(*). Le contrat de profession semble, à cette époque, conclu au moment de l'entrée au noviciat. Il est convenu de la somme de la dot, de la pension viagère, des accommodements et souvent « don d'église ». La moyenne des dots de 1644 à 1664 est d'environ 3 908 livres. Nous remarquons également que même sans législation, ces dots ne dépassent pas la limite des 8 000 livres qui sont imposés dès 1693 sauf dans un cas, celui d'Hélène Cagnié. En effet, à partir de 1682, Mademoiselle Rotrou fonde une « religieuse perpétuelle » contre 500 livres de rente au denier vingt sur l'Hôtel de ville de Paris86(*). Les autres dots s'étalent, pour les religieuses de choeur, de 600 livres à 6 500 livres. Les dots au XVIIIe siècle87(*) sont principalement composées d'argent et de rentes notamment viagères ou perpétuelles. La moyenne des sommes données à la Congrégation de Notre-Dame à Paris d'après les contrats est au moins de 4 950 livres sans les frais divers de trousseau, de prise d'habit et de noviciat et au moins de 5 562 livres en incluant ces frais. De nombreuses dots varient de 4 000 à 6 500 livres, elles sont supérieures à 10 000 livres dans trois cas. Enfin, on observe au XVIIIe siècle une dot qui se rapproche de l'accord conclu avec Mademoiselle Rotrou au siècle précédent. En effet, le 14 décembre 1734, le chapitre du couvent est réuni car Mme Perrier donne par testament une rente de 750 livres sur les aides et gabelles au principal rachetable de 30 000 livres88(*). En échange le couvent devra recevoir « pour une fois seulement gratuitement une fille qui aura vocation pour estre religieuse de choeur qui [nous] sera présentée et agréée par les plus proches parentes du côté maternel de ladite dame Perrier »89(*). Si les religieuses acceptent en effet cette proposition, le nom de la religieuse ainsi dotée reste inconnu. Cet accord permet de contourner la limite des dots tout en imposant au couvent la réception d'une femme dans la communauté. Cette donation exceptionnelle s'apparente donc ainsi à une dot et elle augmente leur moyenne à environ 6 539 livres avec le trousseau et la pension de noviciat et à environ 5 952 livres sans le trousseau et la pension de noviciat90(*). Les dots du XVIIIe siècle sont donc globalement plus élevées que celles données au XVIIe siècle. Ces dots sont inférieures à la moyenne des dots des couvents parisiens de la Visitation au XVIIIe siècle c'est-à-dire 7 137 livres à la Visitation de la rue Saint-Antoine, 8 092 livres au faubourg Saint-Jacques et 7 111 livres à la rue du Bac91(*), couvents qui recrutent beaucoup de filles nobles. Ces dots sont par contre supérieures à celles de la Congrégation de Notre-Dame de Compiègne puis à Versailles qui varient de 2 500 à 3 000 livres et elles peuvent atteindre 4 000 et 5 000 livres92(*). La moyenne des dots de la Congrégation de Notre-Dame à Paris est également légèrement supérieure aux dots données à la fin du XVIIe siècle et au début du XVIIIe siècle dans des villes telles que Blois, Nîmes, Auxerre, Chaumont, Sens ou Melun, c'est-à-dire de 3 000 à 4 000 livres93(*). Elles est bien supérieure aux dots des Ursulines bretonnes qui dépassent le plus souvent 1 000 livres quand elles sont données en une seule fois, auxquelles il faut ajouter le trousseau. Les pensions viagères sont, en moyenne de 130 à 150 livres jusqu'à la moitié du XVIIIe siècle94(*). L'état des lieux effectué pour la Commission des réguliers et des secours en 1784 et 178695(*) précise que les religieuses de la Congrégation de Notre-Dame à Paris bénéficient de 3 590 livres 18 sols et 2 deniers de rente annuelle en contrats sur les aides et gabelles, de 1 152 livres 10 sols de rente annuelle sur les cuirs, la Compagnie des Indes, les inspecteurs des vins, les dettes du Canada et les actions des fermes. Ces sommes sont stables de 1784 à 1786. Ce document ajoute que le couvent perçoit 3 717 livres et 15 sols grâce aux pensions sur les têtes des 26 religieuses de choeur présentes en 1784 (rentes viagères) soit une moyenne de 122 livres par religieuse. Les règles96(*) du couvent ne semblent pas imposer une dot minimum
pour devenir religieuse de choeur et aucune des dots en argent ne
dépasse la limite des 8 000 livres mais les rentes permettent de
l'outrepasser dans trois cas après 174597(*). En 1749, Nicole-Renée Blanchet n'apporte pas
de dot en argent mais son contrat prévoit une rente perpétuelle
de 500 livres au principale de 10 000 livres98(*). En 1773,
Marie-Thérèse Cheval-de-Saint-Hubert, fille d'un ancien
échevin, apporte une dot de 4 000 livres et une rente
perpétuelle de 300 livres au principal de 6 000 livres99(*). Dans ce cas, la rente permet
donc de dépasser le seuil de 8 000 livres. La même chose est
observée pour Madeleine Gobillon en 1775 dont la dot en argent
s'élève à 3 000 livres pour ensuite être
complétée par une rente viagère de 500 livres au principal
de 5 000 livres, une rente perpétuelle de 150 livres au principal
de 3 000 livres et une rente (tontine) rapportant 54 livres. Le capital
qu'elle apporte en entrant au couvent s'élève donc à au
moins 11 000 livres100(*). La lecture des contrats de profession permet de classer les
dots en fonction de l'origine sociale de la personne présentant la
future religieuse au couvent ou, à défaut, l'origine sociale de
ses parents102(*).
Pour comparer les dots de religion et les dots de mariage, il convient de raisonner à l'intérieur du groupe social dont sont originaires les religieuses. Pour cela, il a été nécessaire de retrouver des contrats de mariage de parents de religieuses ou d'anciennes pensionnaires puisque ces dernières appartiennent au même groupe social. Sept contrats de mariage ont ainsi été glanés106(*). La moyenne des dots au mariage est d'environ 16 516 livres. La moyenne des dots de religion du couvent, sans les frais de profession ou le trousseau, est de 4 950 livres. Les dots de mariage sont donc en moyenne de trois à quatre fois supérieures aux dots de religion à la Congrégation de Notre-Dame à Paris. De même, en 1711, Étienne d'Aligre, président à mortier au parlement de Paris, donne pour la réception de sa fille au monastère de la Visitation de la rue Saint-Antoine 8 000 livres de dot et 2 000 livres de frais divers alors que certains parlementaires donnent 50 000 livres au mariage de leurs filles. La moyenne des plus fortes dots de religion dans les couvents de la Visitation au XVIIe et XVIIIe siècles, soit entre 8 000 et 11 000 livres, étaient comparables aux dots versées pour les mariages dans les familles de riches marchands de la Cité vers 1650107(*). La limite des 8 000 livres imposée ne permet de toute façon pas aux dots de religions d'atteindre les sommes données lors des mariages. Le couvent peut être un moyen pour les familles de placer des filles qu'elles n'ont pas les moyens de marier.
Dominique Dinet remarque que la dot détermine
généralement le statut de la religieuse. Par exemple, Anne
Berthelier et Françoise Gautherot sont reçues à quelques
mois d'intervalle chez les Ursulines de Chaumont, la première, fille
d'un receveur des tailles apporte 2 500 livres de dot, elle devient
religieuse de choeur. La seconde, fille d'un cordonnier, n'apporte que 300
livres de dot, elle devient soeur converse108(*). Il serait cependant également
intéressant d'analyser si une hiérarchie parmi les religieuses de
choeur s'établit en fonction de la dot donnée. * 14 A.N., L1041, 1656-1739, « Livres de nos bien facteurs et de nos obligations envers eux », rentes. * 15 G9151, 1784-1786, commission des réguliers et des secours, dossier n°23. * 16 A.N., LL1629, 27 août 1672 au 26 octobre 1756, conclusions du chapitre.. * 17 A.N., L1041, 1656-1739, « Livres de nos bien facteurs et de nos obligations envers eux », rentes. * 18 A.N., MC/ET/LXV/188, 15 novembre 1715, profession de Louise-Catherine Quevilly.. * 19 A.N., MC/ET/VII/273, 8 février 1749, profession de Nicole-Renée Blanchet. * 20 A.N., L1041, 1656-1739, 20 mai 1730, profession de Jeanne-Bénigne Le Bas. * 21 A.N., MC/ET/VII/398, 21 juin 1771, profession de Marie-Elisabeth-Cécile Pellier. * 22 ROLAND DE LA PLATIÈREManon, PERROUD Claude(éd.), « A Sophie, 3-8 avril 1773 », in Lettres de Madame Roland - Nouvelle série- 1767-1780, Paris, Imprimerie nationale, 1913, t. 1, p. 139. * 23 A.N., MC/ET/VII/273, 8 février 1749, profession de Nicole-Renée Blanchet. * 24 DINET Dominique, Vocation et fidélité, op. cit., p. 28. * 25 MINOIS Georges, Les religieux en Bretagne sous l'Ancien Régime, Rennes, Ouest-France, coll.« De mémoire d'homme. L'Histoire », 1989, p. 144. * 26 A.N., LL1637, 1648-1750, « Livre des confesseurs et des deffuntes ». * 27 A.N., MC/ET/CXIII/403, 4 septembre 1759, Mariage, Pierre-Jean Pocquillon Carret de Vaublon et Marie-Anne-Françoise Turpin. * 28 TIHON Marie-Claire, Le couvent de la reine, op. cit., p. 25. * 29 Tableau 2, Liens de parenté (avérés et probables) des religieuses avec d'autres religieux, p. 25. * 30 A.N., L1041, 1er février 1707, contrat de rente Berault. * 31 A.N., L1041, 13 novembre 1711, contrat de profession de Marie-Madeleine Trihaurot/Trihaureau/Triaureau. * 32 A.N., LL1637, 1648-1750, « Livre des confesseurs et des deffuntes ». * 33 AD77, BMS Nemours [en fait, registre de vêtures et professions], 5Mi5225 (1783-92), vue 309/328, 6 novembre 1786, profession de Félicité Cornu à la Congrégation de Notre-Dame de Nemours. * · 34 A.N., MC/ET/XXVII/472, 30 juin 1787, profession de Jeanne Cornu. * 35 DINET Dominique, Vocation et fidélité, op. cit., p. 37. * 36 TIHON Marie-Claire, Le couvent de la reine, op. cit., p. 25. * 37 DINET Dominique, Vocation et fidélité, op. cit., p. 38. * 38 Tableau 3, Religieuses ayant au moins un parent décédé au moment de leur profession d'après les contrats et les documents notariés familiaux, p. 26. * 39 DINET Dominique, Vocation et fidélité, op. cit., p. 20. * 40 A.N., MC/ET/CXIII/403, 4 septembre 1759, Mariage, Pierre-Jean Pocquillon Carret de Vaublon et Marie-Anne Turpin. * 41 A.N., MC/ET/VII/365, 28 juillet 1766, profession de Anne-Françoise Turpin veuve de M. Caret de Vaublon. * 42 DINET Dominique, Vocation et fidélité, op. cit., p. 20. * 43 ROLAND DE LA PLATIÈRE Manon, Mémoires de Madame Roland. Nouvelle édition critique, contenant des fragments inédits et les lettres de la prison, Paris, Plon-Nourrit et Cie, 1905, t. 2, p. 42. * 44 DINET Dominique, Vocation et fidélité, op. cit., p. 20. * 45 A.N., MC/ET/VII/418, 2 octobre 1775, profession de Marie-Julie Quetin. * 46 A.N., MC/ET/VII/418, 25 octobre 1775, profession de Madeleine Gobillon. * 47 A.N., MC/ET/VII/365, 28 juillet 1766, profession de Anne-Françoise Turpin veuve de M. Caret de Vaublon. * 48 DINET Dominique, Vocation et fidélité, op. cit., p. 18. * 49 A.N., LL1631, « Seconde partie contenant tout ce qui regarde les novices ». * 50 A.N., LL1631, « Seconde partie contenant tout ce qui regarde les novices », p. 2. * 51 LL1631, « Seconde partie contenant tout ce qui regarde les novices », p. 3-4. * 52 A.N., LL1628, 1644 à 1687, actes capitulaires, p. 33. * 53 DINET Dominique, Vocation et fidélité, op. cit., p. 52-53. * 54 Ibid. * 55 LL1631, « Seconde partie contenant tout ce qui regarde les novices », p. 4. * 56 DINET Dominique, « Les dots de religion en France aux XVIIe et XVIIIe siècles », Paris, Presses de l'Université de Paris-Sorbonne, 1988, p. 45-46. * 57 MINOIS Georges, Les religieux en Bretagne sous l'Ancien Régime, op. cit., p. 126. * 58 Graphique 2, Religieuses ayant le droit de vote actif à la Congrégation de Notre-Dame à Paris au XVIIIe siècle reconstitué à partir des registres d'élection LL1635 et LL1636, p. 114. * 59 DUVIGNACQ-GLESSGEN Marie-Ange, L'Ordre de la Visitation à Paris aux XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, Editions du Cerf, « Histoire religieuse de la France », 1994, p. 78-87. * 60 MELLOT Jean-Dominique, Histoire du Carmel de Pontoise, Paris, Desclée de Brouwer, 1994, p. 184. * 61 Ibid., p. 190-191. * 62 Ibid., p. 202. * 63 DINET Dominique, Vocation et fidélité, op. cit., p. 242. * 64 MINOIS Georges, Les religieux en Bretagne sous l'Ancien Régime, op. cit., p. 254-255. * 65 Ibid., p. 255. * 66 A.N., LL1628, 1644 à 1687, actes capitulaires, p. 69. * 67 ROLAND DE LA PLATIÈREManon, PERROUD Claude(éd.), « A Sophie, 5-13 juin 1772 », in Lettres de Madame Roland - Nouvelle série- 1767-1780, Paris, Imprimerie nationale, 1913, t. 1, p. 112. * 68 A.N., LL1628, 1644 à 1687, actes capitulaires.. * 69 TIHON Marie-Claire, Le couvent de la reine, op. cit., p. 23. * 70 DUVIGNACQ-GLESSGEN Marie-Ange, L'Ordre de la Visitation à Paris aux XVIIe et XVIIIe siècles, op. cit., p. 113. * 71 MINOIS Georges, Les religieux en Bretagne sous l'Ancien Régime, op. cit., p. 257. * 72 A.N., G9151, 1784-1786, commission des réguliers et des secours, dossier n°23. * 73 A.N., LL1628, 1644 à 1687, actes capitulaires. * 74 A.N., LL1637, 1648-1750, « Livre des confesseurs et des deffuntes ». * 75 A.N., S4639, XVIIe-XVIIIe siècles, documents divers, dossier1. * 76 ROLAND DE LA PLATIÈRE Manon, Perroud Claude (éd.), Mémoires de Madame Roland. Nouvelle édition critique, contenant des fragments inédits et les lettres de la prison, Paris, Plon-Nourrit et Cie, t. 2, 1905, p. 42. * 78 TIHON Marie-Claire, Le couvent de la reine, op. cit., p. 23. * 79 DINET Dominique, Vocation et fidélité, op. cit., p. 42. * 80 MINOIS Georges, Les religieux en Bretagne sous l'Ancien Régime, op. cit., p. 146. * 81 REYNES Geneviève, Couvents de femmes: la vie des religieuses contemplatives dans la France des XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, Fayard, 1987, p. 41. * 82 Ibid., p. 41-42. * 83 LL1631, « Seconde partie contenant tout ce qui regarde les novices », p. 4. * 84 A.N., LL1628, 1644 à 1687, actes capitulaires. * · 86 A.N., LL1628, 1644 à 1687, actes capitulaires, p. 69. * 87 Tableau 5, Constitution des dots à partir des contrats de profession, p. 47 * 88 Ce don s'accompagne également de 100 livres de pension viagère légués particulièrement à la supérieure du couvent, Marguerite Des Queulx. * 89 A.N., LL1629, 27 août 1672 au 26 octobre 1756, conclusions du chapitre, p. 56-57 * 90 Le calcul ne tient pas compte des 100 livres de pension viagère légués à la supérieure du couvent * 91 DUVIGNACQ-GLESSGEN Marie-Ange, L'Ordre de la Visitation à Paris aux XVIIe et XVIIIe siècles, op. cit., p. 184. * 92 TIHON Marie-Claire, Le couvent de la reine, op. cit., p. 24. * 93 DINET Dominique, « Les dots de religion en France aux XVIIe et XVIIIe siècles », op. cit., p. 53. * 94 MINOIS Georges, Les religieux en Bretagne sous l'Ancien Régime, op. cit., p. 130. * 95 A.N., G9151, 1784-1786, commission des réguliers et des secours, dossier n°23. * 96 A.N., LL1631, « Seconde partie contenant tout ce qui regarde les novices ». * 97 Tableau 6, Sommes totales des dots au XVIIIe siècle, p. 49. * 98 A.N., MC/ET/VII/273, 8 février 1749, profession de Nicole-Renée Blanchet. * 99 A.N., MC/ET/XLVII/275, 4 juin 1773, profession de Marguerite-Thérèse Cheval-de-Saint-Hubert. * 100 A.N., MC/ET/VII/418, 25 octobre 1775, profession de Madeleine Gobillon. * 101 A.N., L1041, 2 avril 1743, porfession de Catherine-Elisabeth La Borde. * 102 Tableau 10, Dots des religieuses au XVIIIe siècle classées en fonction de l'origine sociale de la personne présentant la religieuse au couvent ou des parents, p 56. * 103 MELLOT Jean-Dominique, Histoire du Carmel de Pontoise, op. cit., p. 185. * 104 Ibid., p. 202 : 55 % des Carmélites de Pontoise recrutées après 1765 sont issues du monde du grand et petit commerce ou des professions de santé et 40 % proviennent de la bourgeoisie marchande. * 105 DINET Dominique, Vocation et fidélité, op. cit., p. 170-171. * 106 Tableau 11, Comparaison entre les dots de mariage données dans les familles des religieuses et des anciennes pensionnaires du couvent et les dots de religion au XVIIIe siècle, p. 57. * 107 DUVIGNACQ-GLESSGEN Marie-Ange, L'Ordre de la Visitation à Paris aux XVIIe et XVIIIe siècles, op. cit., p. 185-186. * 108 DINET Dominique, « Les dots de religion en France aux XVIIe et XVIIIe siècles », op. cit., p. 49. * 109 A.N., MC/ET/VII/273, 8 février 1749, profession de Nicole-Renée Blanchet.. * 110 A.N., MC/ET/VII/418, 25 octobre 1775, profession de Madeleine Gobillon. * 111 A.N., L1041, 29 mai 1752, profession de Marie-Marguerite-Thérèse-Michelle François. |
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