La présomption d'innocence et la pratique judiciaire congolaisepar Giresse Emery Kasaka Ngemi Université Révérend Kim - Licence 2017 |
§2 : Au niveau de l'instruction préparatoireL'instruction préparatoire est l'ouvre du parquet et elle a pour but la recherche et l'arrestation des auteurs d'infraction et leur traduction devant une juridiction de jugement ou la mise en oeuvre de mesures alternatives aux poursuites. Elle se divise traditionnellement en trois phases : l'enquête et l'action. Elle trouve son fondement légal aux articles 11 et suivants du décret du 6 août 1959 portant code de procédure pénale, ainsi qu'à l'article 67 de la loi organique du 11 avril 2013 qui dispose qu' « en matière répressive, le Ministère public recherche les infractions aux actes législatifs et réglementaires qui sont commises sur le territoire de la République. Il reçoit les plaintes et les dénonciations, accomplit tous les actes d'instruction et saisit les Cours et tribunaux176(*)». Cependant, avec le pouvoir exorbitant qu'incarne le ministère public, souvent lors de l'action publique, il arrive en abuser, notamment en portant atteinte à la liberté individuelle de l'inculpé (A), sans oublier les causes et les conséquences de ses abus pour la victime (B). A. Diverses atteintesL'atteinte à la présomption d'innocence se manifeste à travers la privation de la liberté (1) à cause du caractère flou des conditions de mise en détention préventive (2). 1. Atteinte à la liberté individuelleLe ministère public dans l'exercice de sa mission, porte atteinte à des droits garantis aux particuliers par la constitution et les lois de la République. L'élément axiologique177(*) ou l'ensemble des valeurs protégées est constitué des libertés individuelles interdisant la détention illégale. Lors de notre recherche dans la chambre du conseil du Tripaix N'djili en date du 5 juin, nous avons découvert beaucoup d'abus, notamment la pratique de torture ainsi que la détention prolongée par le ministère public sans en requérir l'OC préalable. En effet, quant à la torture, les inculpés sous RMP dans la bicoque ne subissent que de coups jour après jour. D'ailleurs, devant les juges en chambre du conseil, les OPJ du parquet se permettent sans phobie de taper sur les gens que la loi attache l'innocence et incombe d'être traité avec dignité. Quant au non-respect du délai de 5 jours posé par l'article 28 du CPP pour le mandat d'arrêt provisoire, dans la chambre du conseil, presque 11 détenus dont la détention n'étaient pas régulières sans que le ministère public ne prouve qu'il y eut un retard rendu nécessaire par les devoirs d'instruction. Il en est de du RMP 21787/TCC dans lequel l'inculpé M.M est poursuivi du viol d'enfant, viol commis le 21 décembre 2017 à Kimbanseke, arrêté le 21 mai, et l'audience statuant sur la légalité de la détention s'est tenue mardi 5 juin. Donc, si l'on déduit les deux jours fériés du 27 mai et 3 juin, l'inculpé a passé 14 jours de détention, sans même que les juges n'analysent réellement la légalité de la détention, ils se sont contentés seulement à confirmer la détention à 15 jours. L'autre cas est celui sous RMP 21782/OMS, le ministère public poursuit l'inculpé pour coups et blessures volontaire, crime commis le 21 mai 2018 à l'aide d'une machette à Kimbanseke. Le 5 juin dans la chambre du conseil, c'est toujours la confirmation, sans qu'ils vérifient le délai du mandat d'arrêt provisoire, les juges se contentent de faire lire le MP le PV des faits. Du côté de la justice militaire, on peut dire que la détention provisoire ordonnée par les magistrats militaires, par exemple, est généralement d'une trop longue durée et la procédure ne laisse pas aux personnes détenues provisoirement la possibilité de saisir un juge pour faire examiner la régularité de leur détention178(*). Dans tous les cas un tel examen, quand il intervient, n'est pas possible avant une année de détention provisoire. Les personnes poursuivies devant les juridictions militaires passent donc de longues périodes en détention provisoire sans la possibilité de savoir à quel moment le magistrat instructeur compte les envoyer en jugement ni même s'il a l'intention de le faire179(*). Dans l'affaire Kilwa, par exemple, les personnes poursuivies ont passé plus de 18 mois de détention provisoire avant d'être renvoyées devant la Cour militaire du Katanga. Il s'ensuit que d'autres personnes poursuivies dans les affaires Tshindja Tshindja et Kabungulu avaient totalisé plus de trois à quatre ans de détention provisoire sans avoir été renvoyées devant un tribunal180(*). Aussi, dans l'affaire Germain Katanga, la Haute Cour militaire a non seulement jugé régulière une détention provisoire vieille de plus d'une année, mais elle l'a en plus prorogée de 60 jours à la demande du parquet qui avait seulement à alléguer, sans le prouver, de la poursuite de l'instruction181(*). * 176La loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire. * 177 AKELE ADAU P., Op. cit, Pp86-89. * 178 WETSH'OKONDA KOSO M., La justice militaire et le respect des droits de l'homme - L'urgence du parachèvement de la réforme, Afrique du Sud, Une étude d'AfriMAP et de l'Open Society Initiative for Southern Africa, Johannesburg, 2009, p11. * 179 WETSH'OKONDA KOSO M., Op. cit, p11. * 180 Idem * 181 Ibidem. |
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