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Le régiment des tirailleurs sénégalais du tchad (RTS-T) et la consolidation de l'empire colonial francais: de sa création et de son déploiement au Kamerun entre 1910-1918


par Samuel Djeguemde
Université de Douala - Master 2021
  

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IV-REVUE CRITIQUE DE LA LITTÉRATURE

Introduire une approche historique des faits qui ont eu lieu il y a un peu plus d'un siècle impose que nous consultions les travaux de nos devanciers. Dans le but d'atteindre cet objectif, nous avons trouvé nécessaire de consulter des ouvrages, des thèses, des articles, des Mémoires liés de près ou de loin avec cette thématique.

Anthony Guyon auteur de nombreux travaux sur les troupes coloniales estime dans un article41 que, les tirailleurs sénégalais ont servi malgré eux les desseins français et, n'ont pas eu

39 Dans les jeux à somme nulle, ce qu`un joueur ou un acteur des Relations Internationales gagne, son adversaire le perd.

40 E. Durkheim, 1898. « Représentations individuelles et représentations collectives » In, Revue de Métaphysique et de morale, 6, 273-302. Consulté en ligne le 13-10-2021.

41 A. Guyon, 2014, « Du sauvage au soldat : les tirailleurs sénégalais dans les imaginaires entre 1914 et 1930 », 14/18 le scandale par les imaginaires, 11e colloque de Serrée, 26, 27, 28 février 2014.

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en contrepartie la reconnaissance qu'ils auraient dû. En outre, il estime que l'épanouissement et la prospérité des sociétés précoloniales africaines ont peu à peu disparu avec l'implantation des structures coloniales. D'ailleurs, à ce sujet, l'auteur note que l'une des trames de ces aspiration consistait à transformer des Africains de façon générale en parfaits soldats à la solde de la France. Ainsi pour le compte de ce travail cet article a permis d'appréhender à la fois la dénaturation des sociétés du fait de la colonisation mais aussi saisir le sentiment parfois insipide lié à l'imaginaire du tirailleur sénégalais en Métropole.

Dans sa thèse, Guyon42 met en exergue l'évolution des tirailleurs sénégalais au sein des forces supplétives françaises entre 1919 et 1940. Dans cette étude, l'auteur décrit avec assiduité les conditions de recrutement et d'incorporation des soldats noirs au sein des troupes d'infanterie. L'auteur arrive à la conclusion que, la France s'est noire comme bouclier afin de minimiser les pertes blanches au sein des compagnies d'infanterie.

En outre, il met un accent sur la formation supplémentaire des tirailleurs dans les centres de perfectionnement à l'instar de celui de Fréjus Saint Raphael en métropole mais, s'attarde également sur les relations colons colonisés dans le cadre de leur coopération au sein d'une armée commune. Cependant, pour le compte de notre travail, cette thèse nous a permis de saisir le contexte lié à la mobilisation et le perfectionnement des tirailleurs sénégalais. Des activités qui les occupaient pendant les périodes de stabilisation. Mais, cette thèse se consacre exclusivement aux tirailleurs sénégalais déployés en occident sans jamais évoquer leurs faits d'armes sur leur continent.

Abdou Sow43 dans son ouvrage dresse un tableau des tirailleurs sénégalais en plein champs de batailles et de leur ressenti dans le cadre de la Première Guerre mondiale en Afrique et en Occident. Il estime par ailleurs que, si les instructions militaires étaient inculquées aux tirailleurs sénégalais en Afrique lors de leur enroulement au sein des régiments, ceux-ci ignoraient très majoritairement les arcanes des guerres avec les armes à feu. En dépit de cela, leur courage et leur abnégation ont faits plier l'ennemi à maintes reprises malgré des pertes très importantes dans leur rang.

Dans le cadre de cette étude, cet ouvrage demeure un récit historique qui, tient plus de la globalité que du particulier, il nous laisse ainsi un vide sur les méthodes d'enroulement des

42 A. Guyon, 2017, « De l'indigène au tirailleur sénégalais : Approche anthropologique et prosopographique », thèse de Doctorat en Histoire militaire, Université Paul Valéry Montpellier 3.

43 A. Sow, 2017, Les tirailleurs sénégalais se racontent, Paris, l'Harmattan.

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tirailleurs et sur les questions de pécules après leur engagement ou leur réengagent au sein des différentes régiments.

Brice Douffet44 dans sa thèse met en exergue la représentation sociale du soldat 14-18. Il analyse la perception globale de ce dernier dans la mémoire collective particulièrement du « poilu » ou soldat métropolitain. Il y développe l'idée selon laquelle la matérialisation de l'évènement est un pont qui permet de quitter du passé pour le présent. Mais, comme nous l'avons souligné, cette étude ne prend en compte que le souvenir du soldat métropolitain de la PGM par ricochet, omet le souvenir lié aux tirailleurs sénégalais qui ont pourtant été des acteurs majeurs dans ce conflit.

Dans son étude consacrée aux Anciens combattants, Antoine Prost45 pose les bases de toute histoire de la commémoration de la Première Guerre mondiale. Dans une section de son travail intitulé « Mentalités et idéologies » il soulève la problématique lié aux manifestations collectives des Anciens Combattants et aux commémorations des morts de la guerre, avec le souci de déchiffrer comme un langage symbolique auquel communient les participants. Ce travail nous a permis d'orienter notre quatrième chapitre sur les questions mémorielles et des enjeux qu'elles impliquent.

Antoine Champeaux46 revient sur la formation du premier régiment de tirailleurs sénégalais du Tchad et de son legs patrimonial aux forces actuelles. Il affirme que, le Régiment de marche du Tchad (RMT) qui fut mis sur pied par le Général Leclerc au sur le territoire du Tchad et ayant pris part à la Deuxième Guerre Mondiale (DGM) est l'héritier direct du RTS-T. La confirmation de ces propos selon l'auteur est apercevable sur le fanion du RMT sur lequel sont marqués leurs principaux faits d'armes. Dans le cadre de ce thème, il nous renseigne sur l`influence qu`a eu le RTS-T sur le RMT.

Zakinet Dangbet47, dans une partie de sa thèse, scrute les enjeux de la conquête du territoire du Tchad et les étapes de celle-ci. Il estime que, l'entité administrative du Tchad est une création coloniale à l'instar de la quasi-totalité des pays du continent.

44 B. Douffet, 2021, « Le souvenir s'en va-t'en guerre : mémoires et représentations sociales du soldat de 14-18 » thèse de Doctorat Phd en psychologie, Université de Lyon.

45 A. Prost, 1977, « Les anciens combattants et la société française (1914-1939), Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques.

46 A. Champeaux, 2013, « Le patrimoine de tradition des troupes indigènes ». Open Edition.

47 Z. Dangbet, 2015, « Des transhumants entre alliances et conflits, les Arabes du Batha (Tchad) 1965-2012 », thèse de doctorat, Aix- Marseille université.

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En effet, l'existence d'homogénéité territoriale administrative étant absente, les sociétés du Tchad précoloniale évoluaient de façon disparate. Il, note en outre que, Jules Ferry, partisan ardent de la colonisation faisait partie de ceux qui estimaient que l'expansion coloniale de la France en Afrique, même dans des zones jusque-là inconnu était vitale pour cette dernière. Le discours de ce dernier en 1885 est resté célèbre car, il pensait que les colonies serviraient comme lieux d'approvionnement, d'abris, de ports de défenses pour la métropole. Il estimait par-dessus tout que, la grandeur de la France devait passer par la grandeur de son domaine colonial.

Concernant notre sujet, son travail nous a permis d'avoir une idée assez globale sur le Tchad précoloniale et des différentes mutations administratives qu'il a connu entre 1889 et 1920. Il nous a en plus permis, de comprendre l'intérêt que la France avait pour ce pays pourtant doublement enclavé au coeur du continent48.

British Jacques49, dans son ouvrage soulève l'importance stratégique du territoire du Tchad aux yeux de la France. L'auteur s'appesantit notamment sur la position centrale de ce territoire qui, permet à la fois de côtoyer l'Afrique Occidentale, l'Afrique Equatoriale et le Kamerun. Dans le cadre de notre travail, cet ouvrage permet de comprendre la facilité avec laquelle la France a pu déployer sur le territoire du Kamerun ces régiments de tirailleurs particulièrement le RTS-T à partir du front Nord.

Engelberg Mveng50 analyse le Kamerun sous domination étrangère avant, pendant et après la Grande Guerre. Il scrute les 30 années durant lesquelles les allemands ont administré le territoire après avoir délimiter ses frontières longues de 478.000 km2. Frontières qui s'élargissent à 750.000km2 après la crise marocaine d'Agadir. Mveng renseigne également sur la composition des troupes Alliés ayant été déployées au Kamerun et, dont celles du RTS-T ou de la colonne du Nord. Mais, l'auteur a une approche globale et ne fait guère mention des différentes phases de déploiement de ces troupes engagées dans cette guerre ni même du contexte lié à leur démobilisation.

Michael Growder51 analyse les stratégies mise en place par les protagonistes et les moyens par lesquels les troupes étaient levées. Il estime par ailleurs que ce sont les soldats

48 Le territoire du Tchad est dit doublement enclavé pour deux principales raisons : la première est liée à son inaccessibilité à la mer et la seconde raison relève du retard en matière du développement des voies de communication censées le connecter au monde extérieur.

49 B. Jacques, 1989, La mission Fourreau Lamy et l'arrivée des français au Tchad, 1898-1900, Paris, l'Harmattan.

50 E. Mveng, 1985.

51 M. Growder, 1987, « La première guerre mondiale et ses conséquence », In A. Du Boahen, Histoire générale de l'Afrique. Tome VII. L'Afrique sous domination coloniale. 1880-1935, Paris, UNESCO.

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Africains qui ont été au coeur de la campagne militaire au Cameroun. Le document nous montre également les moyens par lesquels les troupes étaient levées. Il s'agissait du volontariat, de la conscription et des recrutements forcés.

L'ouvrage, dans l'élaboration de ce travail, nous livre les mobiles pour lesquelles les Alliés ont dès le début des hostilités neutralisés les principaux ports d'Afrique. Il nous permet aussi de comprendre pourquoi l'Allemagne a opté pour une guerre défensive en Afrique et au Kamerun en particulier. Néanmoins, le document ne fait guère mention de la structuration des régiments des tirailleurs sénégalais ni même de leur matériau de guerre.

Dans leur ouvrage collectif, Emmanuel Tchumtchoua, Albert François Dikoumé et Jean Baptiste Nzogue52 relatent certains aspects occultés de la Grande Guerre au Kamerun. Dans le cadre de notre étude, ils nous renseignent sur le rôle joué par les milliers de porteurs qui assuraient la logistique et particulièrement sur les 4000 porteurs permanent du RTS-T. En outre, ils renseignent également sur la longue durée des hostilités dues en partie aux aléas climatiques et à la résistance farouche des Allemands. Mais, force est de constater que l'ouvrage détaille très peu les conditions dans lesquelles étaient levés les troupes dit indigènes ou encore sur la formation qui leur était assigné.

Charles Mangin53 lui, soutiens l'idée selon laquelle si la France eu recours aux Africains pour faire face à l'Allemagne, c'était pour trois principales raisons: la crise démographique, les prédispositions naturelles qui caractérisaient les Noirs et enfin la dette que les Africains avaient vis à vis de la métropole.

Déjà, il mettait en avant le fait que la métropole accusait un retard démographique par rapport aux autres grandes puissances d'Europe telles que l'Allemagne ou encore la Grande-Bretagne. L'autre raison qu'il avançait, c'est qu'il considérait que le Noir disposait des aptitudes physiques nécessaires pour être enroulé dans des corps expéditionnaires afin de servir la métropole. Et enfin, il estime que la France qui a généreusement octroyé la civilisation aux Noirs, ces derniers avaient le devoir de la servir.

Ces raisons avancées par un administrateur colonial nous permettent de comprendre l'acharnement de la France à vouloir recruter des hommes dans ses colonies. Cependant, Mangin occulte le fait que ces tirailleurs étaient engagés en première ligne dans les différents

52 E. Tchumtchoua, A. F. Dikoume, J. B, Nzogue, 2019, Douala et le Cameroun dans la grande guerre, Histoire, mémoire et héritages, Yaoundé, Clé.

53 C. Mangin, 1910, La force noire, Paris, Hachette.

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théâtres d'opérations. Son ouvrage occulte également le rôle assez important qu'ont joué les porteurs dans la Grande Guerre en Afrique.

Marc Michel54 met en avant dans son ouvrage les conditions de recrutement des tirailleurs sénégalais et leur armement. Dans le cadre de notre travail, il nous a permis d'avoir une idée précise sur les uniformes des tirailleurs constitués d'un ensemble bleu ou Kaki et coiffé d'une chechia55. Cependant, l'ouvrage ne soulève pas l'impact sur le plan administratif des colonies africaines après la guerre. Ni dans les colonies où a eu lieu la guerre ni même encore sur les territoires impliqués dans ce conflit comme le Tchad.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon