2. Les approches
intégratrices de la croissance tertiaire : complexité,
risque et incertitude
Les deux thèses dont nous souhaitons faire ici
état se démarquent un peu des précédentes en ce
sens que, tout en relevant des logiques néo-industrielles, elles
apparaissent nettement plus nuancées sur la question de l'opposition
biens-services, et qu'à l'inverse des approches
précédentes, au-delà des services aux ménages,
elles tiennent compte de manière directe des services aux entreprises.
À la suite des travaux précurseurs en
particulier d'Harry Greenfield (1966), nombre d'auteurs ont insisté sur
la montée en puissance des services aux entreprises et sur le rôle
central des services de haut niveau destinés aux entreprises et aux
organisations [P. Petit, (1988)].
Les auteurs de ce courant dit de la « production
néo-industrielle de services » selon les termes de [J. Gradey et J
.Delaunay (1987)], mettent en avant la sophistication, la diversité et
la différenciation accrue des produits (what we produce) ainsi que de
la complexité croissante de l'organisation (how we produce) des
structures productives.
Cette transformation du what-how selon [P. Jaccard, (1995)]
serait à l'origine de l'expansion des services intermédiaires
destinés principalement aux entreprises ; dimension
négligée tant par le modèle de Fisher-Clark que par les
théoriciens de la société postindustrielle, ou encore par
une large part du courant néo-industriel.
Dans un tel cadre, [C. Gallouj et F. Djellal, (2004)]
mentionnent que l'expansion des services résulte essentiellement des
besoins croissants en services complémentaires destinés
directement aux entreprises. Il s'agit de services accompagnant la distribution
de biens, la formation du capital humain, la répartition spatiale ou
encore la régulation d'ensemble du système productif. C'est bien
ici le système productif qui apparaît, dans ses mutations
techniques et organisationnelles, au centre de l'analyse de l'économie
des services[J. Gradey, (1992)].
Or, ces systèmes induisent par essence de l'incertitude
[B. Coriat, (1988)]. Ils sont par ailleurs sujets à une très
forte vulnérabilité[C. Linchtenstein, (1993)]. Ces deux
éléments constituent pour [C. Gallouj et F. Djellal, (2004)] les
motifs puissants de la croissance de certains services visant à la
réduction de l'incertitude ainsi qu'à la couverture
financière des risques encourus. Dans ces conditions, on comprend que la
valeur des biens ne se mesure plus à l'aune exclusive des coûts de
production, mais également et de plus en plus à celle de leurs
performances et de leurs usages [C. Mara et Harvey, (2000)].
Aujourd'hui, tant l'agriculture que l'industrie doivent
s'appuyer de plus en plus sur les services pour améliorer leur
performance économique, que ce soit en termes de production ou de
distribution. Giarini observe ainsi que les fonctions de service
interviennent à cinq niveaux dans la production et l'usage des
richesses[C. Gallouj et F. Djellal, (2004)] :
- Au niveau de la recherche et développement, des plans
d'investissement et des études de marché ;
- Au niveau de la planification, de l'entretien, du stockage,
du contrôle qualité et des mesures de sécurité ;
- Au niveau de la distribution ;
- Au niveau de la durée de vie des produits ;
- Au niveau de la gestion des déchets et de la
pollution générée à chaque stade de la production,
mais également à la fin de la durée de vie des
produits.
Les services apparaissent alors comme le moyen de
prévoir, de surmonter et de réduire la
vulnérabilité consubstantielle à des systèmes de
plus en plus complexes. Il s'agit ainsi en quelque sorte d'une vision
assurantielle de la croissance des services.
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