2.2. La remise en cause des
caractères spécifiques attribués aux services
Si l'interaction entre les services et les biens ne semble
faire aucun doute [J. Gradey, (1992)], estime qu'il n'en reste pas moins que
les services conservent des caractéristiques qui leur sont propres[P.
Cahuc et M. Debonneuil, (2004)]. Mais on peut toutefois tenter de remettre en
question certaines spécificités qui leur sont trop vite et trop
largement attribuées : immatérialité,
intangibilité, forte valeur ajoutée, faible intensité en
capital et faible productivité; ceci nous permettra d'appuyer la
thèse de l'interaction entre les biens et les services et celle de leur
similitude par rapport à plusieurs axes d'analyse [M. Braibant,
1982)].
En effet, si l'on considère que les services
contiennent une part importante de valeur ajoutée, il se pose alors le
problème de savoir si ce sont des activités sans amont[Camal
GALLOUJ et Faridah DJELLAL, (2004)]. D'après les arguments
présentés précédemment, ce n'est pas le cas pour
bon nombre d'entre eux, ce qui rejoint la critique portée à
l'égard de leur immatérialité. Le pourcentage de la valeur
ajoutée ne constitue pas un critère absolu permettant de
distinguer la production de biens et celle de services affirme [Lengelle,
(1966)].
Selon Hill (1977), cité par [C. Linchtenstein (1993)],
l'idée que les services sont éphémères et sans
substance parce que ce sont des biens immatériels apparaît comme
une erreur pernicieuse. Par ailleurs, l'utilisation de la valeur ajoutée
comme mesure de la production des services ne renseigne pas sur la
véritable valeur pour l'utilisateur du service dispensé
[StGeours, (1982)].À côté de l'importance de la valeur
ajoutée, les services se voient généralement attribuer une
faible intensité en capital [J. Gradey, (1992)].
S'il est vrai que le tertiaire « traditionnel »
possède un coefficient de capital relativement faible par rapport aux
activités industrielles, il n'en est pas de même pour plusieurs
activités de services «modernes» : la croissance de la part du
tertiaire dans l'économie s'accompagne d'une croissance de sa
consommation de capital[OCED, (2015)]. C'est particulièrement le cas de
la santé, de l'éducation et des télécommunications
dans l'économie Québéquoise [Rapport, (1996)]. Ce
critère d'intensité du capital met en évidence des
disparités existant à l'intérieur de ce secteur, ainsi que
le lien entre croissance de l'activité économique et croissance
de l'investissement [J. Geours, (1982)].
Enfin, les services se trouvent caractérisés par
une faible productivité, [P. Cahuc et M. Debonneuil, (2004)],ce qui peut
alors apparaître comme étant une des causes majeures du
ralentissement de la productivité globale de l'économie[Vincent
Hecquet, (2013)], ou par une productivité présentant de
considérables diversités selon les activités de services
[Rapport, (1996)].
Par ailleurs, les activités tertiaires ne donnant pas
lieu à la fabrication des produits, on ne peut donc pas utiliser le
critère de productivité physique[J. Geours, (1982)].Il faut donc
utiliser la productivité en valeur au prix du marché ou au prix
des facteurs[P. Cahuc et M. Debonneuil, (2004)]. Le fait de recourir à
la valeur tend toutefois à renforcer le caractère
d'immatérialité et d'intangibilité propre à la
plupart des services, ce qui n'apparaît pas très satisfaisant [C.
Linchtenstein, (1993)].
Pour [C. Mara et Harvey, (2000)] le problème est donc
de savoir comment mesurer l'output et la productivité d'un individu
exerçant une activité tertiaire. L'objectif est alors pour cet
auteur de mesurer l'importance des facteurs qualitatifs dans
l'appréciation des activités de services. Certes le
progrès technique étant plus élevé dans
l'industrie, c'est là une cause essentielle de l'augmentation relative
du nombre d'emplois tertiaires [J Fourastié (1963)].
A en croire certains auteurs [P. Cahuc et M. Debonneuil,
(2004)], pour certaines activités tertiaires la productivité
croît plus rapidement sinon plus que pour l'ensemble de
l'économie. La raison doit en être recherchée du
côté de la demande estime [A. Bracet et J. Bonamy, (1988)]. Dans
des travaux particuliers sur la productivité du tertiaire Fuchs(1968),
on remarque que la part de l'accroissement de la productivité due
à la main-d'oeuvre (amélioration des qualifications) est d'autant
plus importante que le «produit» tertiaire est immédiatement
consommé [J. Gradey, (1992)].
Du reste la valeur d'usage du service avance [J. Gradey,
(1992)], ne dépend pas seulement de celui qui le procure, mais
également de celui qui le reçoit ou le sollicite ou, bien
souvent, du rapport entre ces deux agents. De leur coté, Eiglier et
Langead (1979) cité par [J. Gradey, (1992)], estiment que la
qualité du service rendu dépend de l'interaction entre le
prestataire et le client. Certains voient ainsi, dans l'industrialisation
extrême du service, l'unique moyen d'améliorer la
productivité du tertiaire.
Ainsi, Kutscher et Mark (1983) cité par [J. Geours,
(1982)] revelent que la hausse de la croissance de la productivité
notée dans les services ne serait pas différente de celle
observée dans les activités produisant des biens et
l'hypothèse du transfert d'emploi dans les services comme responsable de
la faible productivité ne serait pas fondée [C. Linchtenstein,
(1993)]. Toutefois, la caractéristique que l'on prête
généralement à la productivité du tertiaire impose
une limitation sévère pour faire des activités tertiaires
un pilier de la croissance ; il faut de ce fait garantir une croissance
«autonome» de la demande de services d'autant plus importante que les
gains de productivité n'apparaissent qu'au-delà d'un certain
seuil de croissance [A. Bracet et J. Bonamy, (1988)].
L'hypothèse retenue ici est fondée sur le
développement des activités de services aux entreprises, dans la
mesure où il semble possible de dégager des gains de
productivité plus importants en raison surtout de la division du travail
entre firmes [C. Tertre et P. Ughetto (2000)].
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