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Les retombées de la tertiarisation sur la croissance économique de la rdc


par Fidele Elumba Ngama
Université Officielle de Mbujimayi (U.O.M) - Licence en sciences économiques et de gestion, option : économie industrielle 2020
  

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II.1. 2 Les causes et conséquences de la tertiarisation

1. Lescauses

Globalement, selon les recherches effectuées par le Conseil économique du Canada, l'élément déterminant de la tertiarisation de l'économie a été l'augmentation de la demande pour les services qui sont utilisés comme intrants dans la conception d'un bien ou d'un autre service[Rapport (1996)].

Il est également possible d'identifier un certain nombre de facteurs particuliers qui ont entraîné le développement rapide de plusieurs industries tertiaires. Parmi ces facteurs,C. Klark (1914) note le progrès technologique qui a joué un rôle important. Il a permit une utilisation accrue du capital (surtout du matériel informatique) dans le secteur tertiaire et a rendu possible un accroissement de la productivité [P. Jaccard (1995)].

Cependant [M. Debonneuil (2017)], note que le recul de certains types d'emplois a été largement compensé par l'apparition de nouvelles tâches. Ainsi, la convergence de l'informatique et des techniques de communication a fait apparaître un nouveau secteur, celui des technologies de l'information, permettant d'incorporer la technologie numérique au matériel de télécommunication.

La capacité de traiter et de communiquer rapidement des grandes quantités des données est maintenant reconnue comme un instrument de gestion précieux, ce qui, en retour, a engendré une demande pour des quantités encore plus grandes d'information. De plus en plus, l'économie prend appui sur l'informatique et les télécommunications[M. Debonneuil (2017)].

De son coté, [J Fourastié (1963)] fait savoir que le progrès technologique a également contribué à la complexification des tâches dans l'ensemble des secteurs d'activité, obligeant les entreprises à une certaine spécialisation. Ceci explique en grande partie le développement spectaculaire des services aux entreprises et du secteur conseil en particulier.

Ainsi, une partie du déclin du secteur secondaire dans l'économie serait attribuable selon C. Klark (1914) au transfert d'une quantité d'emplois des industries productrices des biens vers les industries de services, sans pour autant causer un effet négatif sur l'ensemble de l'économie [P. Jaccard (1995)].

Aussi, depuis l'entrée en vigueur de l'Accord de libre-échange avec les États-Unis en 1989, il se revèle que les exportations internationales de services ont crû annuellement de 10,1% en moyenne comparativement à 5,4% de 1981 à 1989 [OCED (1999)]. Comme les services des secteurs traditionnel et non-commercial sont peu susceptibles d'être exportés, cette accélération provient selon toute probabilité du tertiaire moteur.

Pour Gadrey, la déréglementation de certains secteurs a accentué cette tendance, notamment dans les services financiers et les télécommunications. La hausse de la demande de services au consommateur a contribué à la tertiarisation de l'économie alors que la forte progression du niveau de vie a grandement accru la part de la consommation de services dans le budget des consommateurs [J. Gadrey (1962)].

A. Les évolutionsliées des gains de productivité et de la demande

- L'évolution de la demande

Pour Fourastié, l'évolution des activités des services est caractéristique de notre siècle. Cette évolution se traduit par la désindustrialisation des économies le plus avancées [J Fourastié (1963)]. Debonneuil considere que les deux notions sont graduelles mais le tournant des années 70 marque une rupture lorsque les effectifs de l'industrie connaissent une baisse absolue et non plus relative comme par le passé [M. Debonneuil (2012)].

En effet la demande tend à augmenter à long terme sous l'effet de la progression des revenus et de la saturation progressive des besoins en biens alimentaires, puis en biens industriels [J. Gadrey (1962)]. De là, découlent plusieurs implications. D'abord, le prix relatif des services par rapport à celui des biens industriels est appelé à augmenter indéfiniment, puisqu'il reflète à long terme l'écart des gains de productivité respectifs entre les deux secteurs. En second lieu, la part des services ne peut qu'augmenter au sein du PIB et surtout au sein de l'emploi total [D. Cohen (2001)].

- Croissance de la productivité et déversement des emplois

Les gains de productivité dans le tertiaire sont généralement faibles ou nuls, et en tout cas négligeables au regard de ceux de l'industrie et même de l'agriculture [P. Cahuc et M. Debonneuil (2004)]. L'exemple favori de Fourastié est celui de la coupe de cheveux. Le coiffeur d'aujourd'hui ne tond pas plus vite qu'il y a un siècle et le coiffeur de Chicago n'est pas plus productif que celui de Calcutta [J Fourastié (1963)].

La création d'emplois dans chacun des secteurs dépend des évolutions conjointes de la demande et des gains de productivité. Selon la relation établie par Jean Fourastié l'évolution de l'emploi dans un secteur est égale à l'évolution de la production moins l'évolution de la productivité du travail dans ce secteur [J Fourastié (1963)].

Autrement dit, la relative saturation de certains besoins entraîne une destruction d'emplois dans le secteur concerné. Par exemple, le déclin constant de l'emploi agricole est à mettre en relation avec celui des dépenses alimentaires dans le budget des ménages.

[P. Cahuc et M. Debonneuil (2004)] font savoir que le secteur des services qui connaît la plus forte hausse de la demande et de faibles gains de productivité est le secteur qui crée le plus d'emplois depuis les années 50. Inversement, la forte croissance des gains de productivité dans le secteur primaire associée à une baisse relative de la demande en biens agricoles a contribué au transfert d'une partie de la main d'oeuvre dans le secteur primaire.

B. L'aboutissement du processus de développement

- Développement économique et montée des services

Les changements dans la nature des besoins à satisfaire, au fur et à mesure que le revenu augmente, ont toujours confirmé les observations d'Ernst Engel en 1857, à propos du lien entre dépenses d'alimentation et niveau de vie. A l'instar des motivations humaines étudiées par Abraham Maslow, la satisfaction des besoins physiologiques est la condition requise pour que d'autres formes de besoins se développent [J Fourastié (1963)].

Debonneuil remarquera que 60 % des emplois continuent d'être consacrés à la production d'objets et à l'intermédiation nécessaire à leur commercialisation [M. Debonneuil (2017)]. Par contre La tertiairisation des emplois n'est donc que la substitution entre les emplois agricoles, c'est-à-dire de « production des hommes par la terre » et les emplois tertiaires, c'est-à-dire de la « production des hommes par l'homme » [C. Gallouj et F. Djellal (2004)]

Pour Debonneuil la tertiarisation est le pendant de la marche « vers la société post industrielle » dans laquelle les éléments immatériels dominent l'organisation de la société telle que la décrivait le sociologue américain Daniel Bell [M. Debonneuil (2012)].

- Le rôle des dépenses publiques dans le développement des services

Selon Cohen, la croissance économique entraîne une augmentation des dépenses de santé ou d'éducation. Elle entraîne aussi une société plus urbanisée où les besoins en services collectifs sont croissants. La demande de biens supérieurs qui augmente donc avec le niveau de vie général est satisfaite par un financement public (Education Nationale, secteur public hospitalier, etc.) [D. Cohen (2001)].

C'est aussi le constat de l'économiste Adolphe Wagner dès 1876 comme nous fait savoir Fourastié quand il écrit « des comparaisons dans l'histoire et dans l'espace montrent chez les peuples civilisés en voie de progrès un développement régulier de l'activité de l'Etat et de l'activité publique » [J Fourastié (1963)].

2.2 Les conséquenses

A. Le risque de sous-productivité

- Tertiarisation de l'économie et crainte d'une stagnation de l'activité

La thèse d'un épuisement des sources de la croissance avec la tertiarisation des économies est relativement ancienne. L'approche néoclassique est au coeur de ces conclusions. En 1987, Le prix Nobel américain Robert Solow déclarait que « les ordinateurs sont partout dans les statistiques de la productivité » [P. Cahuc et M. Debonneuil (2004)].

En stigmatisant ainsi les nouvelles technologies, il réactivait en réalité une crainte ancienne, présente dès les débuts de la science économique, en particulier chez la plupart des économistes classiques. Pour Adam Smith, en effet, les services sont improductifs parce qu'ils correspondent à une dépense et non à une avance [B. Bertran (2009)].

Smith (1776) écrit « il y a une sorte de travail qui ajoute à la valeur de l'objet sur lequel il s'exerce ; il y en a une autre qui n'a pas le même effet. Le premier, produisant une valeur, peut être appelé travail productif, le dernier, travail non productif » [B. Bertran (2009)]. L'idée est que la richesse suppose une accumulation de biens, par nature impossible selon lui dans l'activité tertiaire.

Fourastié fait savoir que cette vision pessimiste est renouvelée par les travaux de Bomaul qui montrent que certains emplois tertiaires ont pour particularité de connaître une croissance des salaires supérieure à celle de leur productivité, ce qui explique d'ailleurs la croissance des dépenses publiques (loi de Bomaul) [J Fourastié (1963)].

Ce que Cohen reproche à Daniel Bell, pourtant chantre de la société postindustrielle admet lui aussi que « l'absorption par les services d'une part croissante de la main d'oeuvre freine nécessairement la productivité et la croissance globales » [D. Cohen (1995)]

- La tertiarisation : une nouvelle articulation entre les secteurs d'activité

La tertiairisation des économies avancées n'est pourtant pas synonyme d'épuisement de l'innovation, de productivité stagnante et de fin de la croissance affirme [B. Bertran (2009)]. Mais de fin de la croissance économique directement mesurable, sans doute au sens de croissance directement imputable à un secteur d'activité donnée. Les effets sur la productivité ont lieu par ailleurs à long terme, encore aujourd'hui comme le souligne[J. Gadrey (1992 )].

La sous- productivité du tertiaire est aussi liée à des problèmes de mesure [P. Cahuc et M. Debonneuil (2004)]. Les complémentarités s'affirment à tous les niveaux. Dans la phase actuelle, l'importance croissante des activités de services pour lesquelles la productivité est impossible à mesurer directement ne signifie pas que l'on doive renoncer à toute mesure globale de la productivité de l'économie dans son ensemble [J Fourastié (1963)].

Enfin la croissance des biens matériels peut être tenue pour représentative de la contribution productive de toutes les branches de l'économie, y compris les services. Le développement des services dépend de l'industrieet la tertiarisation apparaît de plus en plus comme une nouvelle articulation entre les secteurs d'activité [OCDE (1999)].

B. Tertiarisation et fracture sociale

- « Les désordres du travail » des sociétés tertiaires

Plusieurs économistes ont signalé dans leurs travaux l'instabilité et l'hétérogénéité des emplois de services. Cette instabilité s'explique par la fragilité des statistiques qui dépendent des comportements d'externalisation des entreprises, par nature fluctuants [D. Cohen (1999)].

L'hétérogénéité est liée, quant à elle, à la nature des services. Azkenasy démontre que certains emplois de services, sont soumis à de nouvelles normes de productivité dans le cadre des nouvelles formes d'organisation du travail (NFOT) [P. Azkenasy (2004)].

Le rythme de travail se trouve standardisé par des délais à respecter ou par des procédures formalisées de réalisation des tâches. « Le stress devient le mode de régulation de la société post-fordiste » écrit Daniel Cohen et ce que l'on découvre, c'est « non pas la fin du travail mais le travail sans fin, parfois jusqu'à l'épuisement psychique » [D. Cohen (1999)].

Pour Cohen cette évolution est possible en raison de la fragilité des populations concernées jeunes sans qualification, femmes - sans tradition syndicale et sans possibilités d'action collective [D. Cohen (2001)].

- Tertiarisation et dualisme social

[D. Cohen (1995)] rappelle les analyses de Robert Reich qui montre que les sociétés postindustrielles oppose de plus en plus les « manipulateurs de symboles » (professions intellectuelles au travail valorisé dans une « économie de la connaissance ») et à l'autre extrémité de l'échelle sociale, les « travailleurs routiniers », travailleurs peu qualifiés des services ou de l'industrie (call center, livreurs, ...).

André Gortz s'interrogeait déjà sur les nouveaux valets de la société salariale en dénonçant dans un article du Monde diplomatique « les petits boulots » du tertiaire [M. Debonneuil (2012)].

De ce fait, le poids croissant des services dans une économie de plus en plus mondialisée modifie les sociétés salariales dans une dynamique de plus en plus inégalitaire. C'est l'exemple de la dactylo donné par D Cohen dans son ouvrage : trois leçons sur la société postindustrielle. Et ses conclusions sur les formes que prend la question sociale à travers la montée des inégalités [D. Cohen (2001)].

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