INTRODUCTION
mais par la programmation : « On n'attend plus des
hommes qu'ils agissent librement dans le cadre des bornes que la loi leur fixe,
mais qu'ils réagissent en temps réel aux multiples signaux qui
leur parviennent pour atteindre les objectifs qui leurs sont
assignés50 ».
Sur le plan économique, nous entrons dans une «
quatrième révolution industrielle ». K. Schwab,
fondateur du World Economic Forum de Davos, prévoit un
bouleversement de paradigme lié à cette nouvelle
révolution industrielle du fait de sa vitesse, de sa portée et de
son impact. Cette révolution marque un tournant du fait qu'elle est
davantage immatérielle qu'industrielle. Issue du bouleversement du
numérique engendré par la troisième révolution
industrielle - le développement des technologies de l'information et de
la communication - la quatrième révolution se caractérise
par « une fusion des technologies qui gomme les frontières
entre les sphères physique, numérique et
biologique51 ». Au coeur de cette révolution figure
la donnée. La première valeur lucrative dans le monde n'est plus
le pétrole, mais la donnée52 et les économies
évoluent en conséquence. Le marché est dominé
aujourd'hui par des acteurs non-européens et 80% des données sont
stockées sur des « clouds », c'est-à-dire des
serveurs situés sur un espace physique différent du lieu de
consultation de l'information53.
D'une manière plus globale, notre société
vit actuellement un « coup data », caractérisé
par le renversement du pouvoir des données choisissant en temps
réel la meilleure configuration pour déployer son programme :
« Les statistiques se sont progressivement substituées aux
expériences et aux vécus personnels pour percer les
mystères de la réalité54 ».
50 Ibid
51 K. Schwab, «La Quatrième
révolution industrielle : ce qu'elle implique et comment y faire
face» World Economic Forum, 2017
52 The Economist, «Regulating the internet
giants. The world's most valuable resource is no longer oil, but data»,
2017
53 Commission Européenne, livre blanc sur
l'intelligence artificielle, op. cit., p. 4
54 A. Basdevant, JP Mignard, op. cit., p.
59
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INTRODUCTION
5. La régulation de l'utilisation des données
i. Les étapes de la régulation
« La maîtrise de nos
vies dépendra de l'usage et de la protection des données
personnelles » affirmait déjà en 2015
la Commission de réflexion et de propositions sur le droit et les
libertés à l'âge du numérique en introduction de son
rapport55.
La règlementation en matière de données
à caractère personnel n'est pas nouvelle. En France, la loi
n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers
et aux libertés (ci-après « LIL ») a
posé le socle de ce cadre légal. Elle a par la suite
été modifiée par la transposition de la directive 95/46/CE
du 24 octobre 1995, élargissant le périmètre de protection
à l'ensemble des États membres de l'Union Européenne. La
troisième étape de régulation en matière de
données à caractère personnel est marquée par le
Règlement Européen de Protection des Données n°
2016/679 du 27 avril 2016 entré en vigueur le 25 mai 2018
(ci-après « RGPD », ou le «
Règlement »). Or, si un règlement
européen est en principe d'application immédiate, la France a
choisi de transposer ce règlement en modifiant la LIL. Ainsi, la LIL a
été modifiée par la loi n°2018-493 du 20 juin 2018 et
l'ordonnance 2018-1125 du 12 décembre 2018. Enfin, le décret
n° 2019-536 du 29 mai 2019 est venu préciser cette loi. Cette
dernière version de la Loi informatique et libertés,
entièrement réécrite et complétée par
décret, constitue le cadre législatif sur lequel sera basé
ce mémoire.
Au niveau européen, le droit à la protection des
données à caractère personnel apparait dès les
prémices de la construction européenne, dans l'article 16 du
Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne56.
Si le premier paragraphe consacre ce droit, le second dispose des
compétences législatives des États-membres et du parlement
afin de protéger « la libre circulation de ces données
». On remarquera par ailleurs que le RGPD poursuit cette même
idée de libre circulation et de protection, étant donné
que le titre complet du Règlement s'intitule « règlement
(...) relatif à la protection des personnes physiques à
l'égard du traitement des données à caractère
personnel et à la libre circulation de ces données
».
De plus, le Considérant (1) du RGPD dispose que «
La protection des personnes physiques à l'égard du traitement
des données à caractère personnel est un droit
fondamental. » En effet, la Charte des droits fondamentaux de l'Union
Européenne57 dédie l'intégralité de son
article 8 à un droit à la protection des données à
caractère personnel. A l'échelle du Conseil de l'Europe, la
Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des
libertés fondamentales
55 Ass. nat, Commission de réflexion et de
propositions sur le droit et les libertés à l'âge du
numérique, C. Paul, C. Feral-Schuhl (prés.), rapp. no
3119, Numérique et libertés : un nouvel age
démocratique, 9 oct. 2015, Introduction.
56 TFUE, signé le 25 mars 1957 et entré
en vigueur le 1er janvier 1958.
57 Charte des droits fondamentaux de l'union
européenne, 2000/c 364/01, 2000
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