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Accueil et influence d'a rebours dans la littérature fin-de-siècle


par Nada Arfaoui
Université de Nantes  - 1 ère année de Master de recherche en littérature française et comparée  2018
  

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5-La situation finale

Dans un récit, la situation finale rime avec la clôture du roman. Elle est la cinquième et la dernière étape d'un schéma narratif.

Les trois oeuvres décadentes mettent en scène une situation de repos et de retour à la normale. Huysmans tranche pour une fin extrêmement chargée de sens dans la mesure où elle marque un état de résignation: «des Esseintes tomba, accablé, sur une chaise. -- Dans deux jours je serai à Paris»3 et débouche sur un clin d'espoir incarné dans la dernière prière «Seigneur, prenez pitié du chrétien qui doute, de l'incrédule qui voudrait croire, du forçat de la vie qui s'embarque seul, dans la nuit, sous un firmament que n'éclairaient plus les consolants fanaux du vieil espoir»4. Le retour à Paris souligne la rupture avec le monde des illusions «[la] thébaïde raffinée [...] [et] [le] désert confortable»5 cessent d'assouvir les caprices de des Esseintes, Huysmans met son héros sur les voies de l'intégration sociale. Quant à la dernière expression "religieuse", elle peut se lire comme suit: l'image de l'écrivain converti apparaît dans celle de son personnage. D'ailleurs Huysmans, tout en prenant l'initiative de commenter son livre vingt-ans après (en 1903), confirme cette hypothèse. À ce propos il déclare« Dans ce tohu-bohu, un seul écrivain vit clair, Barbey d'Aurevilly [...] il

1 Remy de GOURMONT, op.cit, P.302-303

2 Jean LORRAIN, op.cit, P275

3 Joris-Karl HUYSMANS, op.cit, p.249

4 Ibid.

5 Ibid. P.44

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écrivit: «après un tel livre, il ne reste plus à l'auteur qu'à choisir entre la bouche d'un pistolet ou les pieds de la croix» c'est fait»1. À Rebours «ce livre fut une amorce de mon oeuvre catholique qui s'y trouve, toute entière en germe»2.

La fin de Sixtine est placée sous le sceau du repos et de la détente, ce qui se saisit d'ailleurs dans l'intitulé du dernier chapitre, «Le repos final». Cette fin est assez inquiétante : le lecteur ne peut pas trancher s'il s'agit d'une fin euphorique ou décevante: «En te perdant, Sixtine, je me suis retrouvé[...] je n'ai pour moi nul amour. Un peu de haine plutôt, quand je franchis l'indifférence, car je sens que je ne suis qu'un mauvais instrument aux mains d'un Maître inconnu et transcendant»3. Cette fin, si on s'autorise une telle qualification, est une fin équilibrée dans le sens où l'auteur a choisi plutôt de mettre en oeuvre un héros stoïque qu'un héros faible et douillet. Ce choix n'est pas anodin, Gourmont cherche à refléter sa propre histoire derrière celle de Hubert: Gourmont transpose sa victoire sur la déception amoureuse à savoir son amour raté avec Berthe de Courrière.

La situation finale de l'oeuvre de Gourmont s'apparente à celle d'À Rebours dans le sens où on retrouve la même dimension religieuse, qui règne sur les dernières phrases du roman:

« si la vie m'échappe, la transcendance m'appartient [...] Maître! Songe à l'invincible dégoût que m'ont suggéré mes frères et soeurs! Songe que j'ai besoin de distractions !... Ô Seigneur des mornes bleus où les chimères broutent des étoiles et je serai capable d'un certain dévouement»4

Ces invocations entrent en résonance avec le dernier énoncé de des Esseintes. Loin de la conversion et de la religion, Gourmont cherchait plutôt rendre hommage à son prédécesseur Huysmans, qui l'a déjà glorifié à maintes occasions dans l'ouvrage.

Contrairement aux deux autres écrivains, Lorrain opte pour une fin tout à fait originale. En fait, le dernier chapitre( la déesse) marque un triomphe du personnage: «le meurtre d'Ethal m'a libéré, éclairé»5. L'exultation du duc de Fréneuse apparaît étrange: au lieu d'avouer son crime, le duc de Fréneuse se réjouit d'avoir mis fin à la vie du peintre anglais et ne se considère même pas coupable « Et moi le meurtrier, le seul auteur du crime, je ne serai même pas inquiété[...] j'aurais avoué, j'aurais crié hautement mon acte : mon acte qui est justice, puisqu'il n'est pas puni. Je suis un justicier»6. L'oeuvre de Lorrain représente un cercle vicieux à l'exception des deux derniers chapitres, qui viennent tout compenser: l'auteur semble condenser l'ensemble de son récit dans la fin du roman. Tous les éléments nécessaires à l'intrigue se resserrent et se concentrent dans les dernières pages du roman.

1 Joris-Karl HUYSMANS, op.cit [préface]

2 Ibid.

3 Remy de GOURMONT, op.cit, P.311

4 Ibid.

5 Jean LORRAIN, op.cit, P.282

6 Ibid. P.277

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L'originalité de la situation finale de l'oeuvre de Lorrain puise aussi dans son aspect onirique et fabuleux. Le roman se clôt sur une nouvelle hallucination: «un être inconnu, de l'invisible; de l'intangible, s'est manifesté [...]je ne dormais pas [...]un secret pressentiment me disait que cette nudité léthargique possédait l'énigme de ma guérison [...] Et ces mots frémirent à mon oreille : «Astarté, Acté, Alexanderie»1. Il appert que la névrose a tant influencé le duc de Fréneuse plus que les autres héros dans le sens où cette dernière hallucination illustre bien l'échec de sa guérison. Lorrain confère à son personnage un statut fixe dès le début jusqu'à la fin du roman: le névrosé inguérissable.

La fin de Monsieur de Phocas reste distincte en comparaison avec les autres ouvrages. En fait, il s'agit d'une fin ouverte, qui laisse deviner un nouveau recommencement de l'intrigue. La dernière crise de nerfs et le départ vers l'Egypte «--je pars demain pour l'Egypte»2 peuvent suggérer une nouvelle quête de la transparence glauque, surtout que le duc de Fréneuse était toujours en voyage vers l'Orient à la poursuite de son obsession.

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