Les suites économiques, écologiques et structurelles de la crise sanitaire sur le marché immobilier: actifs de bureau, de logement, de commerce et de logistique en Europepar Esteban Rodriguez-Gongora Institut supérieur de gestion - Master Finance 2021 |
Partie V : La dimension ESGI Faire face au changement climatique Accentué par les changements climatiques, le nombre de catastrophes naturelles dans le monde a quasiment triplé depuis 40 ans. Crues, glissements de terrain, avalanches, tempêtes, grêle, séismes, sècheresses, etc. : près de 250 évènements ont étéì recensés en 1980, ils étaient 700 environ en 2017, avec des conséquences tragiques au niveau humain et des infrastructures physiques. Des dommages qui se chiffrent en centaines de milliards d'euros chaque année à l'échelle de la planète. Comme les autres continents, l'Europe est touchée. En juillet 2021 de fortes inondations causées par des pluies diluviennes ont fait plus de 200 victimes en Allemagne et en Belgique, et ont affectéì quelques semaines plus tard le Sud-Est de la France. La cause est connue : un réchauffement climatique sans précèdent dû en grande partie aux émissions de gaz à effet de serre. Et ces désastres ne semblent pas prêts de s'arrêter. Le Groupe d'experts 28 Esteban Rodriguez-Gongora esteban.rodriguez-gongora@isg.fr intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) avertit dans son dernier rapport que le seuil de +1,5°C objectif à ne pas dépasser, pourrait être atteint autour de 2030. En France, les dangers naturels varient selon les territoires, très divers. Ils sont gravitationnels autour des régions montagneuses essentiellement, Alpes, Jura, Pyrénées. Ils sont météorologiques en bord de mer. Ils sont également sismiques, dans le Nord-Ouest par exemple. Ils affectent évidemment les villes, le Grand Paris au premier chef, et ses habitants. Pour autant, le secteur immobilier n'est pas encore bien préparéì. Et les bâtiments sont encore responsables de 50% des émissions de CO2. Dans les prochaines années, voire d'ores et déjà, l'urbanisme devra s'adapter aux contraintes du réchauffement climatique et ses conséquences, poussé par des normes et règlementations plus exigeantes (Accord de Paris, Taxonomie européenne, Green deal européen). Ce qui aura un impact sur la valorisation et la rentabilitéì des portefeuilles immobiliers. II Enjeux pour le secteur immobilier Aux villes minérales, qui piègent la chaleur et réduisent l'évaporation, devront se substituer des villes plus vertes et durables, qui permettent de rafraichir l'atmosphère. Les solutions techniques consistent à végétaliser pour absorber le CO2, à mieux isoler les bâtiments, à déployer un schéma urbanistique qui va permettre la circulation de l'air entre les bâtiments. Paris, l'une des grandes villes européennes les moins vertes, comparé à Berlin, Londres, Vienne ou Zurich, est face à ces défis. Moins d'un quart de la superficie de la capitale est constituée d'espaces verts, contre 40% en moyenne dans les autres grandes villes. Villes et utilisations de leurs surfaces d'habitat Paris 29 Esteban Rodriguez-Gongora esteban.rodriguez-gongora@isg.fr Outre la végétalisation, les solutions techniques pour réduire les émissions de CO2 reposent sur la rénovation des bâtiments et les nouvelles constructions durables, l'efficacitéì énergétique ou encore la réduction des énergies grises. Le parc immobilier parisien est particulièrement ancien : plus de la moitié des logements ont étéì construits avant 1945 (dont 35% avant 1919). Or un bâtiment ancien non rénové émet 50 à 100 kilos de CO2 par mètre carré et par an, soit quatre fois plus qu'un bâtiment ancien rénovéì. La rénovation des habitats et des immeubles devient incontournable ; à terme, les logements qui ne pourront satisfaire les critères énergétiques et d'émissions de CO2 ne pourront plus être loués. En France, les immeubles sont aujourd'hui classés selon des certifications RT 2012, RE 2020, HQE, BBCA par exemple. La durabilitéì entre désormais en ligne de compte dans les nouvelles constructions, les travaux de rénovation et les processus d'acquisition. C'est dire toute l'importance économique d'une stratégie climat efficace. Les solutions sont mesurées par des labels, certifications, ratings et indicateurs. Elles améliorent la durabilitéì et la résilience climat des projets et portefeuilles immobiliers et donc leur valeur. Portefeuille Trajectoire de réduction des émissions de CO2 (2018-2050, énergie d'exploitation modélisée) III Le début du processus ESG avant la crise Avant la crise sanitaire, il y avait comme une contrainte portée sur les constructeurs pour avoir un comportement beaucoup plus élevé par rapport à l'utilisation de matériaux recyclés dans la performance énergétique. Néanmoins, les investisseurs étaient évidemment beaucoup moins attentifs sur les sujets environnementaux. Il faut rappeler qu'on est encore à ce moment-là dans une réglementation thermique qui date encore de 2012. Les permis de construire sont obtenus en version RT 2012. C'est uniquement après la COP21, que les choses vont commencer à changer. Certains promoteurs ou certains constructeurs essaient à cette période de faire des premiers mais seules les dimensions S&G s'illustraient, c'est à dire social et gouvernance et la législation n'était pas encore structurée. 30 Esteban Rodriguez-Gongora esteban.rodriguez-gongora@isg.fr On va dire que ces nouvelles réglementations étaient en train d'être drafté par le législateur au niveau national mais surtout au niveau européen. Il fallait mettre d'accord toutes les instances et toutes les couches décisionnelles et législatives qu'il pouvait y avoir, à la fois dans les pays, mais aussi au niveau européen. Avant cela, nous sommes seulement à une époque de prise de conscience. En effet, c'est à partir de 2015 que les acteurs ont commencé à proposer des investissements qui décarbone un peu l'exploitation des centres commerciaux. Par exemple, les anglais ont drafté les premiers règlements intérieurs sur l'allumage dans les centres ou encore sur la fermeture des enseignes lumineuses la nuit. En revanche, quand nous sommes en phase d'investissement ou quand on a l'opportunité d'investir dans un centre commercial qui marche bien (surtout à l'étranger), il n'y a pas une telle bagarre à l'époque sur ce point car les critères ESG dans la Due Diligence sont très faiblement regardés et, surtout, faiblement pris en compte. Tout cela a fini par aboutir effectivement à avoir des législations qui vont s'appliquer pour toute l'Europe avec notamment l'entrée en vigueur de ce qu'on appelle la taxonomie verte à partir de 2023. Donc, avant la crise, il y a eu une attitude assez légitime de procrastination des acteurs de l'immobilier sur ces domaines. Cependant, les acteurs se sont un petit peu fait rattrapés par les faits et les échéances qui sont arrivées plus vite que prévu alors qu'elles étaient fixées bien à l'avance. IV Les critères ESG : Nouveau driver des investissements après la crise Covid ? Dans cette période d'après crise, il y a une forte accélération, liée ou non au Covid, des processus. En effet, Les critères ESG sont en effet devenus des critères déterminants. Des listes des de réglementations rentrent actuellement en vigueur comme SFDR, pour les fonds. Désormais, il faut se déclarer et puis montrer sa capacité à traiter de la dimension investissements mais aussi dans la gestion des immeubles jour le jour. Même à travers les schémas d'investissement et/ou de prêt alternatifs comme la dette, les législateurs et les instances ont considérés que ces acteurs devaient avoir un rôle incitatif pour obliger les sponsors à se comporter correctement en ayant une bonne approche en matière d'ESG. Il y a également une nouvelle réglementation qu'on appelle maintenant le règlement énergétique 2020. Elle est encore plus exigeante en matière de construction raisonnable, construction frugale et construction bas carbone. Ce sont des objectifs qui sont la cible de cette nouvelle réglementation et qui fait que, fondamentalement, non seulement l'ESG un critère indispensable pour les investisseurs mais ça va pousser l'industrie immobilière à se réinventer. En effet, ça va pousser les architectes à créer certainement d'autres façons de faire et donc d'autres espaces. Tout cela a été un chantier lourd car il a fallu adopter les bonnes approches en commençant par former les collaborateurs à la compréhension des réglementations et des législations qui s'imposaient à eux. Ce fût un travail assez titanesque mais l'Europe a réussi à tout réglementé autour d'une législation commune. 31 Esteban Rodriguez-Gongora esteban.rodriguez-gongora@isg.fr D'abord, il aura beaucoup plus de mal à se financer parce que les prêteurs intègrent déjà cette dimension-là. Donc, s'il n'y a pas une véritable démarche ESG de la part des acquéreurs qui disent « OK j'achète peut-être un immeuble pourri mais je vais investir des Capex pour en faire un très bon immeuble ESG », alors le business model ne tiendra pas la route. De plus, si une opération ne correspond pas aux critères ESG, ça limite la plus-value et donc l'atteinte des objectifs financiers. Tout est donc fait aujourd'hui pour inciter voire forcer les acteurs à aller dans ce sens. Aujourd'hui, un investissement immobilier qui ne prend pas on compte une dimension ESG aura forcément très peu de liquidité. En d'autres termes, il a de forte chance d'être fortement dégradée en valeur rapidement. D'ailleurs, pour souligner l'importance de l'ESG dans l'immobilier, Albert Malaquin évoque qu'aujourd'hui, même dans les premiers infos mémo d'un dossier, la première question que se posent les investisseurs est « Quel est l'objectif environnemental de que propose le promoteur où quel est le classement DPE (diagnostic de performance énergétique) du bâtiment existant ? ». Cela fait partie des toutes premières questions après, peut-être, quelle est la masse d'investissement et la localisation. Ces critères sont donc l'une des 3 notions clé dans le processus d'investissement. Tout ce processus s'est probablement accéléré avec la crise et le télétravail. Les gens demandent des espaces simples et plus aérés. Peut-être un peu plus d'horizontalité et un petit peu moins de verticalité ce qui a aussi des inconvénients parce que la verticalité a l'avantage d'occuper moins de fonciers et donc de moins artificialiser les sols. Cela résulte en la concentration de plus de personnes sur une surface plus petite et c'est la toute la dualité qui existe car plus d'espaces verts égal plus de foncier et donc une plus grande artificialisation.
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Logistique
ESG
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