Les suites économiques, écologiques et structurelles de la crise sanitaire sur le marché immobilier: actifs de bureau, de logement, de commerce et de logistique en Europepar Esteban Rodriguez-Gongora Institut supérieur de gestion - Master Finance 2021 |
Partie II : Les actifs de logementI. Les prémices de l'intérêt pour le résidentiel Les actifs de logement regroupent l'ensemble des espaces ayant pour vocation à héberger la population en résidence principale ou secondaire. Il s'agit de la classe d'actifs la plus connues des personnes physiques qui peuvent y investir directement (soit dans l'ancien, mais également dans le neuf, en particulier grâce à des incitations fiscales telles que la Loi Pinel). Ce marché connaît quelques spécificités qui lui sont propres, à savoir : - Il a pour cible principal grand public - Les locataires sont des personnes physiques qui exposent parfois les institutionnels à des remontrances sur les réseaux sociaux ce qui leur fait peur - Chaque locataire est un locataire qui occupe de 15 à 200 m2. C'est évidemment un travail beaucoup plus minutieux et de détails que celui traitant d'un bail sur 10 000 m2 signé avec une entreprise du Cac 40 sur une tour à la Défense - L'état intervient beaucoup sur celui-ci notamment en France, dans les pays nordiques ainsi qu'en Allemagne. - C'est un marché qui est un peu plus « mature » et donc où il y a toujours moins de volatilité malgré certains éléments exogènes le perturbant comme la montée en puissance d'AirBNB Après avoir longtemps été délaissé par les institutionnels (depuis les années 1990), le logement a connu un regain d'attractivité qui s'est amorcé avant le début de la pandémie. Comme le montre l'étude de Patrizia, « Insight into European Residential Markets 2020/2021 ». En effet, avant la pandémie, il était possible d'observer une augmentation de l'attrait pour l'immobilier résidentiel, ancien et neuf, et ce depuis 2015. Cela se concrétise par des rendements excédentaires. En 2019, le secteur résidentiel européen a accordé aux investisseurs un rendement total de 8,8% (rendement locatif de 2,9% et RCI de 5,8%). Cependant, le marché institutionnel n'avait pas encore épousé la thèse de l'investissement ou le retour sur investissement dans l'univers résidentiel avec les freins qu'on leur connaît. La France est un marché clef en Europe pour le secteur du résidentiel, même si l'Allemagne et le Royaume-Uni restent les marchés résidentiels les plus actifs d'Europe, attirant 50 % du capital institutionnel dépensé sur le secteur. Les pays du Nord et du Sud sont des marchés plus en développement mais la crise a accéléré cette progression. En ce qui concerne les innovations sur ce marché, Albert Malaquin affirme que la notion de Coliving n'est alors que dans les têtes ou sur des tableaux Excel mais n'existe pas encore. Futur eldorado pour les jeunes célibataires de la génération Y, il n'y a pas d'exemple concret 18 Esteban Rodriguez-Gongora esteban.rodriguez-gongora@isg.fr d'investissement avant 2020 ou avant 2019 de structures de Coliving et même d'opérateurs de Coliving en France. En revanche, il existe des exemples qui viennent d'Angleterre et des Pays-Bas qui ont été précurseurs sur la question. Le résidentiel reste alors à cette époque très classique avec ces 2 volets : - Social pour 30 ou 40% de ce qui est produit - Libre soit libre pour le reste de la production Même si la pandémie a, dans un premier temps, eu un impact brutal sur ce marché, il s'avère que celui-ci a été plus vif que profond. En effet, la pierre reste un safe investment en situation de crise et l'enchainement des nombreux confinements ont mis en exergue les nouvelles nécessités du consommateur de résidentiel. II Une réaction rapide du marché du résidentiel Bien que les caractéristiques de sélection soient différentes selon les zones géographiques (exemples : accessibilité aux transports en commun dans les grandes villes européennes, vue sur la mer dans le Sud de la France ou en Catalogne) de nouveaux besoins de consommateurs globaux sont apparus avec la crise Covid. Effectivement, la nécessité d'un espace extérieur (jardin, balcon ou terrasse) pour un logement ou encore une plus grande superficie sont devenus les nouvelles priorités des Français et plus largement des européens. La crise sanitaire souligne l'importance d'un habitat de qualité, dans sa forme spatiale, mais aussi sociale. Ces nouvelles exigences ont rendu le marché du résidentiel très attractif avec une très bonne liquidité pour des actifs comprenant ces caractéristiques. Parallèlement aux investisseurs personnes physiques, les institutionnels se sont positionnés massivement et rapidement sur des opérations résidentielles afin suivre les tendances de marchés et diversifier leurs investissements. En effet, les actifs résidentiels constituent une bonne alternative aux typologies plus traditionnelles (bureau) ainsi qu'aux marchés obligataires pour diversifier un portefeuille. De plus, les retours sur investissement attrayants ont renforcé la gourmandise des investisseurs pour cette classe d'actifs, conduisant à un niveau record de 72,44 Mds€ (7,4Mds€ en France) dépensés sur le marché des investissements à la fin du 1er semestre 2020. Ce chiffre représente une augmentation de 27,5%, plaçant cet investissement comme le plus important sur la période. Cette attractivité s'explique par le couple « rentabilité (capital + revenu) / faible risque » tout en permettant une diversification. D'autant que le l'offre s'est diversifiée avec l'émergence de classes d'actifs, encore considérées comme « alternatives », mais qui se développent : les résidences seniors, les résidences étudiantes et surtout le Coliving sont des nouvelles sous-classes d'actifs qui viennent diversifier l'offre résidentiel. Si les deux types de résidences ont moins marché lors de cette période (-44% résidences seniors et -54% résidences étudiantes), le Coliving était, et reste, très recherché par les investisseurs immobiliers (multiplié par 13) car il répond aux besoins croissant de lien social des nouvelles générations et le besoin de flexibilité. 19 Esteban Rodriguez-Gongora esteban.rodriguez-gongora@isg.fr III Le résidentiel, produit incontournable du monde post crise sanitaire. Après la récession logique de 2020, l'année 2021 a vu l'économie mondiale se redresser. D'après l'OCDE, la Zone Euro a produit une croissance globale de 4,3% après avoir subi une chute de près de 7% en 2020. Aujourd'hui dans une bonne dynamique concernant la fin de l'épidémie, avec la levée des restrictions dans la majorité des pays européens et une potentielle immunité collective, pousse l'organisme à tabler sur une croissance d'approximativement 4% en 2022. Avec un ensemble de chiffres à la hausse, il est très probable que le résidentiel soit un produit désormais incourtournables pour les institutionnels. Après des années de désintéressement (28% de la part des portefeuilles institutionnels en 2000 contre seulement 10% en 2016), c'est la typologie d'actif qui offre aujourd'hui, à travers une maturité croissante dans toute l'Europe, des perspectives élevées de croissance du revenu net d'exploitation et de rendement. D'un point de vue Français, et particulièrement francilien, les projets d'aménagements urbains autour du Grand Paris et des JO promettent de belles opportunités d'investissements résidentiels. On note d'ores et déjà un impact significatif sur le prix au m2 le long des gares du futur Grand Paris Express d'après Jean-François Morineau, directeur général délégué chez BNP Paribas Real Estate. La combinaison du télétravail et de l'hyper connectivité résultant du Grand Paris permettent aux acheteurs de vivre plus loin tout en ayant un meilleur confort de vie (espace, verdure, calme). La crise a d'ailleurs renforcé l'attractivité des métropoles régionales. Néanmoins, ce mouvement pourra poser des problèmes avec des populations qui arrivent avec des habitudes citadines et donc en décalage avec leur nouvel environnement. Il faudra donc veiller à ne pas céder à la tentation de développer, en milieu rural, des morceaux de villes à la façon «éco-quartiers». Car, même si ces derniers présentent beaucoup de qualités, l'artificialisation accrue des sols non urbanisés entraînerait des conséquences graves sur la biodiversité. Sur le long terme, cette flambée des prix offre deux constats majeurs : la problématique de l'accessibilité au logement face aux prix en hausse, et la grande rigidité de l'offre disponible face aux exigences de mobilité de notre époque. Cependant, la réalité est que ces facteurs représentent une opportunité pour créer de nouveaux produits à l'instar du Coliving. L'immobilier résidentiel de demain devra donc répondre à un enjeu de coût, un enjeu de flexibilité et un enjeu social. Cependant, en Europe, et en particulier en France, il existe un retard en termes de technicité (le chauffage, l'éclairage et l'isolement) compte tenu des nouvelles problématiques liées au réchauffement climatique. Aujourd'hui, celui-ci fait que l'ensemble des utilisateurs ont envie d'avoir une clim. Mais la climatisation entretient ce même réchauffement climatique. C'est donc un cercle vicieux qui s'installe. 20 Esteban Rodriguez-Gongora esteban.rodriguez-gongora@isg.fr Dans une période inflationniste incertaine où il y a une rareté des matériaux, les gens vont payer plus cher le financement de leur appartement et donc ils vont pouvoir avoir moins d'argent à donner aux vendeurs. Cyril Hoyaux se pose donc la question : « Comment faire pour matcher tous ces éléments s'inscrivant dans une démarche pour le pour le climat ? » L'enjeu autour du résidentiel sont donc très conséquentes, peut-être plus que sur le bureau la logistique et les autres classes d'actifs dîtes commerciales. C'est un enjeu social et donc un enjeu politique très fort qui va être très consommateur de fonds propres, de subventions et de financements publics. Avec la dernière loi qui interdit désormais au propriétaire d'augmenter les loyers pour les appartements de catégorie G (F en 2024 et E en 2028) ainsi que l'interdiction des bâtiment G-d'être tout simplement loués, les passoires énergétiques devront obligatoirement être réhabilités à coup de Capex afin que ces espaces ne soient pas vacants. La difficulté principale va être d'arriver à se projeter à 5 ou 10 ans avec des données d'aujourd'hui qui ne seront peut-être plus valables dans seulement dans seulement 2-3 ans. Quoi qu'il en soi, il faut travailler de façon acharner sur la question. Il n'est pas possible de laisser l'habitat dans l'état dans lequel il est actuellement. Des idées sont déjà en préparation dont certaines que j'ai évoqué. Mais il en existe d'autres. En effet, les solutions d'hébergement mixtes où l'on vit, travaille et se divertit, avec, par exemple, un café Coworking au rez-de-rue et une école au rez-de-jardin ou encore les résidences locatives gérées comme les BTR anglo-saxons le tout dans des écoquartiers en cours d'aménagement qui prennent totalement en compte les nouvelles dimensions écologies de l'immobilier. Pour conclure de façon générale, Ismail Mejri pense que le marché va continuer à croître. Il l'explique fortement par les règles macro prudentiels européennes établies mais aussi par des changements de politique monétaire. Il prévoit des taux plus élevés et donc une politique monétaire restrictive, ce qui va forcément avoir un impact sur le marché résidentiel qui est aussi piloté par la consommation des particuliers. Ici, on risque de voir des changements assez importants avec des crédits qui vont être plus difficiles à obtenir et donc un marché qui va être beaucoup moins soutenu. |
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