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Les suites économiques, écologiques et structurelles de la crise sanitaire sur le marché immobilier: actifs de bureau, de logement, de commerce et de logistique en Europe


par Esteban Rodriguez-Gongora
Institut supérieur de gestion - Master Finance 2021
  

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Partie I : Les actifs de bureau

I Les actifs de bureau attractifs dans un marché déjà en mutation.

Historiquement, le bureau représente la typologie d'actif la plus recherchée par les investisseurs (i) de par le volume qu'il représente (281Mds€ en 2020 selon BNP Paribas), (ii) de par son environnement juridique (baux commerciaux d'un durée assez longue - minimum 3/6/9 ans) et (iii) de par la diversité des stratégies qu'il permet (Core, Core+, Value added ou Opportunistic).

Pour parler d'exemples parallèles, il y a déjà eu dans l'histoire des chocs exogènes importants comme le Brexit. Ça a été un choc politique mais qui a eu aussi des implications économiques donc on a pensé que beaucoup d'acteurs, notamment d'acteurs financiers, allaient se repositionner en Europe continentale en quittant la City.

Cela s'est produit mais de façon assez limitée donc ça a quand même booster, après 2016, le marché des bureaux sur les grandes places financières d'Europe continentale que sont Paris - Francfort - Amsterdam. C'était déjà un premier un premier effet de l'attirance vers le bureau.

Avant la crise du Covid-19, les bureaux étaient très recherchés car la question de télétravail, engendrée par le contexte de confinement que le monde a connu par la suite, n'était alors qu'à ses prémices en France. En effet, seulement 5 à 6% des travailleurs avaient recours au télétravail continu ou quasi-continu, quand ce chiffre s'élevait à 10% dans un pays comme le Luxembourg à la même période. Le télétravail et tous ses attributs n'avaient alors pas d'incidence sur l'immobilier d'entreprise. En effet, cette dimension n'est pas tellement intégrée au processus de développement et d'investissement immobilier à cette époque m'a confié Albert malaquin lors de notre interview.

Néanmoins, ces statistiques étaient en constante augmentation (20% de croissance tous les cinq ans selon Eurostat) avec l'arrivée des applications de communication collaborative comme Zoom (2011) ou Microsoft Teams (2016). Cette tendance était plus fréquente chez les travailleurs qui le pratiquaient occasionnellement (29% en 2019 selon l'IFOP).

En parallèle, l'un des succès qui peut expliqueer la bonne dynamique du bureau avant la crise Covid se nomme WeWork.

Créée en 2010, WeWork est une entreprise de mise à disposition de locaux et de services de Coworking et de Flex office. Cyril Hoyaux affirme que le poids du Coworking dans les transactions de bureaux et les transactions locatives, notamment sur les grandes métropoles Européennes, représentait jusqu'à 15% en volume des transactions de bureaux, donc 15% du take up annuel de bureaux. Ils ont pris à bail des immeubles assez chers et ça a contribué à faire grimper les valeurs locatives et les cartes ont un peu été rebattues. Certains institutionnels ont alors commencé à signer effectivement des beaux longs avec des opérateurs de Coworking.

Esteban Rodriguez-Gongora

esteban.rodriguez-gongora@isg.fr

A travers ces chiffres, on imagine que ces tendances plaisaient aux investisseurs établis mais ne représentaient seulement une part anecdotique du marché. C'était une façon de faire un peu différemment. En effet, les spécialistes commençaient à réellement designer les premiers plans de Flex office sur des bureaux déjà établis. Le Flex office était uniquement à son commencement et es acteurs du marché n'avaient pas encore véritablement pris conscience du mouvement de fond qui se tramait derrière tout cela.

Exemple :

Source : Deskeo : « Le guide du Flex Office »

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La crise sanitaire a clairement bouleversé ce secteur. En effet, l'ensemble des comportements et des besoins se sont transformé à une vitesse phénoménale et ce de façon potentiellement permanente.

II Impact de la pandémie sur le bureau

En plein coeur de la crise Covid, en 2020, le marché de l'immobilier de bureau a subi sa pire année depuis dix ans. La pandémie a stoppé la croissance des bureaux dans l'ensemble des quartiers d'affaires des grandes villes Le bureau finance et/ou acheté est donc principalement loué entrainent donc plus de difficulté pour ces opérateurs/investisseurs value add et opportunistic.

En effet, face à ce type de situation, les investisseurs vont favoriser ce qu'on appelle le « fly to quality » c'est-à-dire aller vers du bureau parfaitement situé dans le quartier central des affaires de n'importe quel métropole Européenne. En effet, les investisseurs vont favoriser stabilisé/loué et moins aller sûr du développement avec un locataire non identifié donc ce qu'on appelle du pur spéculatif.

A titre d'illustration, la pandémie a totalement arrêté l'importante croissance des bureaux en Ile- de-France. Ainsi, le quartier d'affaires de Paris la Défense a vu son attractivité baisser drastiquement avec une diminution des transactions et une augmentation du taux de vacance

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Esteban Rodriguez-Gongora

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sur l'ensemble du quartier (Avant crise : 3% ; Coeur de crise : 14% ; Aujourd'hui : 7%). Les chiffres de 2020 sont à relativiser pour cette période car faussés par la transaction TOTAL dans le projet « The Link ».

En revanche, il faut nuancer. En effet, 2020 n'était pas une année si faible que ça en termes de transactions avec des gros deals qui ont été signés dans les grandes métropoles.

Toutefois, il reste vrai que 2020 a connu des niveaux inférieurs, notamment au Q2, mais ce phénomène reste quand même assez épisodique et conjoncturel. La première réaction au moment des confinements est la stupéfaction. Alors que le monde entendait pour la première fois parler du Covid, on ne pouvait pas imaginer qu'il s'arrête ainsi et surtout aussi longtemps. Du coup, début 2020, l'arrêt sur image est d'une violence telle que les marchés sont sidérés.

Pour autant, les objectifs d'investissements sont définis fin 2019 pour l'année 2020. Donc, une fois cet état de sidération passé (Durée : 2-3 semaines puis s'est évaporer sur le long terme petit à petit), les investisseurs se sont adaptés et ont retrouvé de l'appétit.

De plus, c'est la période des premières visioconférences. Alors bien sûr, au début, les collaborateurs ne savent pas comment ce système marche, ils ne savent pas comment échanger sur un document ensemble puis ils apprennent très vite par la force des choses.

Si les collaborateurs d'une entreprise avaient dû être formés à utiliser ces outils qu'on utilise maintenant quotidiennement, comme la visioconférence, il aurait fallu beaucoup plus longtemps. Ici, l'humanité a été mis au pied du mur. Ces outils ont permis au moins de se revoir puisque chacun était chez soi.

A l'époque, Orange qui avait parfois du mal à fournir de la bande passante dans les communications dû à l'affut conséquent. Donc, il y a eu des séances de formation par soi-même des séances de formation groupées et puis à partir du moment où la connexion entre plusieurs êtres formant un comité d'investissement ou une équipe de développement alors le système est reparti, bien que profondément impacté.

Pour finir, il y a aussi la question de la dispersion sur les pays concernés qui étaient toutefois assez homogènes concernant la réaction. Donc, en réalité, compte tenu des circonstances, le marché du bureau a été relativement résilient.

III Impact du télétravail sur la façon de travailler : le bureau doit se réinventer.

En effet, la relation entre le travailleur et son espace de travail a été profondément renversée pendant cette période. Avec les restrictions mises en place par les différents gouvernements européens, les suites de communication collaboratives ont substitué le rapport direct à l'autre en présentiel. Si les actifs de bureau, et l'immobilier dans son ensemble, sont généralement assez lents à s'adapter aux évolutions de la société, car ils en sont le résultat et non la résultante, la pandémie de Covid-19 a montré qu'ils n'ont aujourd'hui d'autre choix que de répondre aux besoins actuels en matière de technologie mais aussi en termes de flexibilité.

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Aujourd'hui, 2 scénarios se dessinent :

Source : Regards « Les impacts du télétravail »

Par conséquent, les investisseurs ont réalisé que le bureau devait devenir plus modulable et devra plus facilement s'adapter à la présence, ou non, de l'employé sur le lieu de travail. Cela passe par une excellente connectivité et donc d'excellentes performances d'exploitation des données afin de favoriser la collaboration à distance entre collaborateurs. D'après une étude de WiredScore, 41% des Européens placent la qualité de la connectivité en tête de leurs besoins sur leur lieu de travail, plaçant ce facteur 3ème derrière la situation géographique et la desserte. Les investisseurs ont donc misé sur des bureaux hyper connectés afin d'offrir une qualité de connexion équivalente, voire supérieure, à celle des logements.

Après une période d'attentisme les investissements sont cependant repartis à la hausse avec une augmentation de 32% en 2021. Cette dynamique puise son origine dans l'optimisme des institutionnels concernant l'apport de nouvelles solutions pour l'immobilier de bureau, ce qui passe nécessairement par sa réinvention à plusieurs égards et une reprise structurelle de la demande locative.

IV La réinvention totale du bureau après la crise sanitaire

Le niveau d'investissement dans le bureau n'a pas encore retrouvé son niveau d'avant-crise et ne le retrouvera peut-être pas avant plusieurs années. Cette typologie d'actif souffre du faut qu'on change véritablement de paradigme. Aujourd'hui, la nécessité est donc de repenser cet actif. Il faut que le temps de présence sur le lieu de travail soit vu comme un temps essentiel mais également désirable car agréable. Cela passe par l'expression de l'identité de l'entreprise afin de renouer avec le sentiment d'appartenance des salariés qui s'est au fur et à mesure amoindris pendant la crise.

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Concernant le télétravail, son usage a totalement explosé. Nous sommes en train de voir des changements très importants qui ne sont pas destructeurs mais qui l'oblige à se réadapter aux nouveaux besoins. Il est très probable que le télétravail devienne une norme mais, selon Ismail Mejri, cette transition ne se fera pas en instantané mais sur les 5 à 7 ans à venir. Le travail à distance va être de plus en plus normalisé mais aussi de plus en plus règlementé. En parallèle, c'est un marché qui souffre d'une offre assez élevée, notamment dans les grandes villes européennes, et c'est là aussi qu'on va être probablement avoir cherché à l'équilibre pour vraiment avoir des niveaux de prix attractifs pour le même le niveau du loyer.

Avec désormais une moyenne établie à 2 jours de télétravail par semaine et un ratio abaissé à 0,67 poste de travail par personne au lieu de 1, les espaces de Coworking semble dessiner une piste d'avenir du bureau. Les postes individuels devraient être amenés à disparaître au profit d'espaces collaboratifs dont la convivialité et la souplesse semblent renforcer l'esprit collectif d'un groupe de travail. Concrètement, cela se matérialise par des plateaux modulables avec des espaces intérieurs amovibles et une sensation de bien-être basée sur la végétalisation et la dédensification des surfaces tout en apportant des performances de réseau très performantes. Les espaces vont également être amenés à paraître moins formels en amenant un côté « décontracté » dans les nouveaux bureaux.

En effet, Cyril Hoyaux décrit l'avenir du télétravail porté sur des immeubles flexibles qui peuvent s'adapter facilement à des changements des modes de travail. L''effet principal du télétravail c'est que les gens viennent peut-être moins au bureau mais viennent pour y faire différemment et autrement. Dans le futur, ils ne viendront pas forcément pour mettre face à un bureau à rédiger des rapports mais ils viendront dans une approche sociale du travail avec des meetings par exemples.

En conséquence, les bureaux devraient plus s'apparenter à des hôtels où les consommateurs ne vont pas uniquement pour une chambre mais aussi le bar, les salons et toutes les activités que tu peux faire autour. Cette idée s'appliquerait donc pour le bureau avec des espaces polymorphes qui viennent apporter une plus-value au fait de s'être déplacer au bureau. Il faudra pouvoir réadapter des bureaux peut être encloisonnés avec des organisations très différentes dont la flexibilité va être clé.

Dans cette logique, les promoteurs souhaitent également voir leurs nouveaux projets de bureau comme des lieu de travail avec une mixité d'usages. A Clichy par exemple, le projet « BLAACK » de 50.000 m2 réalisé par AXA et Redman, et financé en dette senior par AEW, cherche à explorer ces nouvelles notions d'espaces de travail. Les deux bâtiments formant le projet sont indépendants et se veulent les piliers d'une sorte de campus urbain où des commerces et des restaurants pourront venir s'ajouter à la structure si le locataire du bâtiment en voit la nécessité. Dans une logique où les salariés souhaitent désormais avoir un espace accueillant et chaleureux, il faut pouvoir leur faire comprendre qu'il est préférable de venir au bureau plutôt que de rester chez soi.

Quant aux bureaux plus anciens, on peut imaginer des aménagements ou des rénovations permettant une distribution de la surface plus adaptée aux contraintes actuelles avec davantage d'espace consacré aux espaces collaboratifs et aux lieux d'échanges informels.

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Même si l'impact du développement du télétravail va ralentir la reprise du marché tertiaire, la croissance des secteurs d'activités ayant besoin de bureaux conjuguée à de nombreux facteurs (développement des villes, culture d'entreprise/marque, productivité) indiquent que le secteur tertiaire va continuer de jouer un rôle économique important à l'avenir et que le niveau d'investissement va retrouver son niveau d'avant-crise d'ici 5 ans.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci