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Les discours managériaux sur les bases de données dans les organisations au cameroun: une approche sémiotique


par Bernard Moïse MWET ATTI BONANE
Université de Douala - Master 2 2022
  

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2 - LES OBJECTIFS

Ce travail est orienté par trois objectifs :

- Analyser à partir de l'héritage de la sémiotique peircienne, les discours managériaux camerounais sur les bases de données devenues des dispositifs incontournables dans la performance des organisations.

- Mettre en évidence, à partir de la triplette signifié/signifiant/référent4(*), les significations que les bases de données prennent dans ces différentes formes discursives managériales.

- Rendre compte des représentations managériales des bases de données dans la productivité et la recherche de performance des organisations.

3- LES INTÉRÊTS

Cette recherche est au croisement de plusieurs champs des Sciences de l'information et de la communication : la communication info-documentaire, notamment, la dimension qui traite des bases de données ; la sociologie des organisations, principalement le volet qui s'intéresse aux dits et écrits des managers et des dirigeants ; la sémiotique, principalement l'analyse du signe, des significations qui débouche sur la compréhension des représentations.

Notre recherche bibliographique et documentaire a révélé que les discours organisationnels restent peu étudiés en contexte africain et camerounais. Notre travail se veut donc être une modeste contribution dans la constitution de ce sous-champ des SIC au Cameroun. Il permet de saisir les dynamiques de modernisation et de professionnalisation d'un aspect aujourd'hui déterminant dans la performance des organisations : la gestion de l'information à travers les bases de données. Au-delà de la communication organisationnelle, ce travail constitue aussi une approche qui conduit à la communication sociale au sens de Marty5(*) et même de Barthes qui estime que« le texte est un objet moral : c'est l'écrit en tant qu'il participe au contrat social. »6(*)

4- LA REVUE DE LITTÉRATURE

Cette analyse documentaire passe par le biais de la mise en évidence de plusieurs concepts qui nous semble nécessaire afin de justifier l'apport de ce travail en communication des organisations. C'est pourquoi Petitet Vincent pense qu'« Aborder la thématique de la communication dans les organisations, c'est tenter de comprendre l'économie du signifiant dans laquelle celle-ci s'inscrit »7(*).Evoquant la large conception de la signification, Losson Olivier dans sa thèse pense que  tout signe possède un  signifiant , qui est une  représentation artificielle donc reposant sur un code d'un concept le  signifié, et fait allusion à un référent concret ou abstrait.8(*) Un autre élément que Petitet Vincent ressort dans son article est qu'au sens Wébérien, « le management tend à légitimer un pouvoir celui du décideur. »9(*)Selon Guillén, le mangement poursuit deux objectifs principaux10(*) :

-La construction d'un dispositif visant à réguler et résoudre les conflits dans l'organisation ;

-La contribution à la légitimation d'un système hiérarchique

Le décideur ici est compris comme le pôle d'émission ou encore le détendeur influence dont le présent travail met l'accent par le biais de plusieurs concepts clés :

Le discours managérial

C'est une notion polysémique que ce travail de recherche met au-devant de la scène11(*). Il sera question d'essayer d'en éclairer le sens en contexte camerounais où très peu d'auteurs s'en sont préoccupés.Henry Mintzberg a montré les fonctions des discours managériaux12(*). Pour lui, Le discours managérial mobilise une scénographie spécifique, une situation d'énonciation particulière qui légitime l'énoncé, lequel en retour légitime le cadre de parole. Prendre la parole, c'est choisir, établir et légitimer un cadre d'énonciation. Toujours d'après lui, les discours des managers

· Servent à planifier un entendement de manière systématique ;

· Servent à la synthèse d'informations obtenues grâce à un dispositif formel ;

· Servent à entretenirles relations entre un « supérieur » et ses « subordonnées » ;

· Servent à exercer un contrôle étroit sur son emploi du temps et les activités et son équipe

· Ils font partie des tâches routinières à exécuter

· Ils ont une dimension stratégique et opérationnelle au sein de l'organisationainsi que dans la conduite du changement.

Pour D'Almeida, N. & Avisseau13(*), l'information et ses dispositifs de diffusion sont au coeur des discours des managers. L'information fait le lien entre la hiérarchie et l'opérationnel, le manageur les relais.L'information se déploie par des processus techniques et administratifs (organisation, contrôle, reporting). Elle s'assure la bonne marche de l'équipe dans le contexte global de l'entreprise et de son environnement (autres services, fournisseurs, partenaires, clients). Au coeur des différents canaux,l'information relaie, la posture du manageur. Cette informationest déterminée par plusieurs facteurs : la nature et le modèle économique de l'organisation, la construction identitaire et le parcours, la nature opérationnelle ou économique des objectifs à atteindre. Elle détermine souvent le degré de coopération et d'engagement auprès de chaque partie14(*). D'autre auteur se sont intéressé à cette notion notamment Luc Boltanski et Eve Chiapello, Chekkar, et Nicole D'Almeida pour n'en citer que ceux-ci.

Le discours

Ce travail cherche également à apporter une précision à cette notion puisque comme la précédente, elle est polysémique. Michel Foucaultpense qu'«au lieu de resserrer la signification si flottante du mot ''discours'' je crois bien en avoir multipliés les sens: tantôt domaine général de tous les énoncés, tantôt groupe individualisable d'énoncé; tantôt pratique règle rendant compte d'un certain nombre d'énoncé»15(*). A travers cet assertion force est de constater que chaque discours retranscrit en science est une nouvelle forme d'attribution de sens. C'est pour cela que Tournebise Céline écrit : « Aujourd`hui encore, le concept est tellement polysémique et problématique qu`il faudrait sans cesse le questionner»16(*). De manière simple, à chaque fois qu'il est question d'étudier un discours, l'écrivain apportera toujours une ``patte particulière'' dont seul lui aura les ramifications. Nombreux sont les auteurs qui s'intéresse à cette notion dans le domaine scientifique, c'est le cas de Thomas Atenga en communication, Dominique Maingueneau en linguistique, Maurand Anne en Sciences de Gestion, Louis Guespin en Science politique...

Les significations

Pour mettre en relief cette notion il est possible de faire un détour en sémiologie ou en sémiotique. Ce travail mettra l'accent sur la sémiotique de Peirce dont le renouveau est marqué par une étude sémio-qualitative des discours issus des travaux de Mouratidou Eleni. Cette chercheuse au LABSIC17(*) en France est une pionnière des études de ce genre depuis 2013 à travers ces quelques écrits.18(*) Cet auteur a une place forte dans ce travail de recherche sur les organisations patronales parce que son premier ouvrage cité en infra permet de penser le rôle de la sémiotique en tant qu'outil susceptible de former des futurs communicants et par là d'intervenir dans des problématiques professionnelles. Pour apporter des réponses autour de la communication visuelle ou encore apporter des éléments justificatifs de cette étude dans un mémoire de recherche, Mouratidou s'exprime en ces mots :

Si dans le cursus en SIC la sémiotique et la sémiologie font partie des enseignements de base, notamment parce qu'ils permettent aux étudiants de se doter d'une culture dite de communication visuelle, c'est éventuellement à un niveau de Master 1 ou Master 2 et bien évidemment selon les options pédagogiques soutenues par chaque Master que la sémiotique/sémiologie peuvent éventuellement occuper une place à vocation épistémologique19(*).

C'est tout autour de ces éléments significatifs en SIC que ce travail de recherche s'inspirera. Il s'appuiera aussi sur ceux de : Verhaegen Philippe qui pense que tout apprenant inséré dans les sciences dures ou molles étudie le signe c'est ainsi qu'il affirme que :

Qu'ils étudient les sciences douces ou les sciences dures, tous les étudiants sont confrontés aux questions de l'échange d'information, du langage, du codage et des conventions, de la représentation, de l'interprétation, de la signification, de la commande, de l'action, de l'interaction, de la médiation, du sens commun et des très nombreux autres concepts qui concernent directement ou indirectement la communication et l'univers des signes. Tous les étudiants sont un jour confrontés à la question du fonctionnement de la communication et aux différentes théories des signes qui tentent d'expliquer ce phénomène complexe qui relie les humains, leurs artefacts et tout ce qui est vivant. Bien évidemment, les étudiants en communication, en linguistique ou en sémiotique sont les premiers concernés par cet ouvrage et ils y trouveront une excellente synthèse des principales théories de leur domaine d'étude. Ce livre étant destiné à tous ceux qui s'interrogent sur l'univers des signes et de la communication20(*).

Derrida pense que pour étudier les signes et les significations, « il est nécessaire de les déconstruire en unité élémentaire et reconstruire le fonctionnement »21(*).Les écrits de Marchio sur le signe et le discourspourront également être mobilisés22(*).

Les bases de données

Concept star de l'ouvrage de Gardarin Georges23(*), cette notion est également polysémique et n'a de sens qu'en fonction de celui qui l'utilise. Ce qui lui confère un caractère nouveau car l'utilisation qu'en fait un objet ``X'' sera diffèrent de ce qu'en fera un autre objet ``Y.'' S'agissant du volet informatique de cette notion dont les débouchés peuvent conduire à une utilisation des logiciels de textométries24(*), Moukoko Chantal ajoute qu'une base de données peut aussi être appréhendée comme un ensemble de références conservées dans la mémoire d'un ordinateur servant à la résolution de bon nombre de tache25(*).Le côté usuel dont ce présent travail aura recours est celuid'Audibert Laurent pour qui

Il est difficile de donner une définition exacte à la notion de base de données une définition très générale pourrait être : un ensemble organisé d'informations avec un objectif en commun. Peu importe le support utilisé pour assembler stocker les données (papiers, fichier...) dès lors que les données sont rassemblées et stockées d'une manière organisée dans un but spécifique on parle de base de données26(*).

Il est nécessaire de s'appesantir sur ce concept en master de recherche parce qu'il est impossible de se détacher des bases de données lors d'une étude scientifique. Puisque ce sont ces données-là qui permettront de : faire une analyse thématique, de faire une Phanéroscopie ou encore une ECM nous y reviendrons.

Le discours patronal et organisationnel

Le discours patronal est une sous branche du discours managérial qui lui-même a pour sous branche le discours. Dans la sémiotique qualitative que nous entreprenons dans ce travail, le corpus des discours est essentiellement composé des discours des managers dont les organisations sont membres du GICAM et de l'ECAM. Dans ce travail, nous appréhendons le discours managérial comme une réalité qui recouvre des pratiques discursives (écrites, orales et non-verbales)qui véhiculent une conception utilitariste du sujet et des relations humaines, considéréscomme des ressources à mobiliser au service de la maximisation du bien-être global en organisation. Adresséà des sujets, il vise leur conduite dans des actions collectives. Il agit aux niveaux individuel etcollectif, sur les manières d'être, d'agir et d'interagir avec autrui. Depuis les années 1980, ilpromeut une vision économique et entrepreneuriale de l'humain au sein de l'organisation detravail.La conception d'un individu mesurable et quantifiable se développa au XX e siècle avecl'émergence des notions d'efficience (Taylor, Emerson, Diemer, etc.) et de profitabilité(Tobin) aux États-Unis et leur diffusion en Europe.

En France précisément, H. Fayolconcevait le manageur comme : « l'organisateur », producteur d'un discoursorganisationnel ayant pour objectifs prévoir, commander, contrôler et coordonner lesactivités de travail. L'École des relations humaines recommande de prendre aussi encompte dans les discours managériaux, la logique individuelle et affective pour prévenir les conflits dans l'organisation.À partir des années 1970, les évolutions sociales (remise en question de l'autorité et montéede l'individualisme) et économiques (passage d'une économie industrielle centrée sur lerendement de la production à une économie servicielle d'ajustement à la demande)entraînèrent une évolution du travail, avec une importance croissante donnée à la relation ainsi qu'à la reconfiguration des discours des managers.C'est du moins ce que pense Ayouche Houria qui ajoute que les organisations patronales doivent être étudiées comme des lobbys étant donné que c'est l'argent ou le profit qui sont au coeur de presque tous les débats organisationnels27(*). Maurand Anne quant à elle parle plus tôt de groupe d'acteurs. Pour Mintzberg, dans un de ses ouvrages phares28(*), la communication dans le managementrenvoie au pouvoir. Plus loin il assimile le pouvoir à la politique. Il en ressort donc que le management, la politique et le pouvoir sont intimement liés par le biais des formes discursives29(*).

* 4 Desmedt N. (2011) ``la sémiotique de Peirce.'' Mise à jour en 2011 [En ligne]

http://www.signosemio.com/peirce/semiotique.asp [consulté le 12 juin 2021]

* 5 La notion de communication sociale est mise en exergue dans les travaux de Marty Robert, il en ressort qu'elle a trois buts: informer sur des problèmes sociaux, afin de faire prendre conscience, de redonner du pouvoir aux individus; transmettre des valeurs pour renforcer des réseaux de solidarité; modifier des idées ou des comportements à risque pour les personnes ou la collectivité. Confère Marty R. (2000) ``Au commencement était le signe...'', mise à jour le 27 mars 2012 [En ligne], URL : http://journals.openedition.org/communicationorganisation/2396 [Consulté le 07 juin 2021]

* 6 Barthes R. (1973) « Théorie du texte » Encyclopaedia universalis, vol. 15, p.1014.

* 7 Petitet V. (2013). « Malaise dans la communication: la communication organisationnelle sous l'empire du management », Colloque international « Où [en] est la critique en communication ? » p. 163.

* 8 Losson O. (2000) Modélisation du geste communicatif et réalisation d'un signeur virtuel de phrases en langue des signes française, Thèse de Doctorat en Productique, Université de Lille 198 P

Dans cette thèse de doctorat, il développe une étude critique des systèmes d'évaluation sous-tendus par le pouvoir de vouloir maîtriser techniquement une réalité objective qui n'existe pas en dehors du sujet.

* 9 Petitet V., p164. Op.cit.

* 10 Guillén M. (1999) Models of management. Chicago : University of Chicago Press, p 56.

* 11 Chopin D. (2017) Grammaire du discours managérial à partir d'une analyse sémantique de la littérature de gestion (1910 - 2010), thèse de doctorat en science de gestion, université de HESAM Paris, 1251 P.

* 12Mintzberg H. (2008) Le management voyage au coeur des organisations, Paris, Eyrolles ; (2014) Manager. L'Essentiel. Ce que font vraiment les managers... et ce qu'ils pourraient faire mieux, Paris, Vuibert, pp. 26-37.

* 13D'Almeida, N. & Avisseau, C. (2010) « Langage managérial et dramaturgie organisationnelle ». Hermès, La Revue, 58, 123-128.

* 14 Voir aussi Fukuhara, K. (2017). Le discours managérial et ses effets : une approche clinique. Annales des Mines - Gérer et comprendre, 129, 69-71 ; Vandevelde-Rougale A. et Fugier P. (2014) « Discours Managérial », dans Zawieja P., Guarnieri F. (dir.), Dictionnaire des risques psychosociaux, Paris, Seuil, pp. 210-211.

* 15Foucault M. (1969) Archéologie du savoir, Paris, Gallimard, p 106.

Dans cet ouvrage, il est question pour Foucault de présenter l'élaboration de la méthode de description des discours.

* 16 Tournebise C. (2013) Enseigner l'interculturel dans le supérieur: quels discours et approches d'un concept ambigu à l'heure de l'internationalisation? Le cas de la Finlande, thèse de doctorat en études Françaises Université de Turku Finlande, p 11.

* 17 LABSIC= laboratoire des sciences de l'information et de la communication.

* 18 Mouratidou E. et Al. (2013) ``Sémiotique appliquée et SIC : théorie, méthode et efficacité communicationnelle''

mise à jour le 31 juillet 2013 [En ligne], http://journals.openedition.org/rfsic/419 [consulté le 08 juin 2021].

Mouratidou E. et Al. (2016) ``Une approche communicationnelle des Massive Open Online Courses'', mise à jour le 21 mars 2016 [En ligne] http://journals.openedition.org/rfsic/1945 [consulté le 12 juillet 2021]

* 19 Mouratidou E. et Al. (2013), op.cit.

* 20Verhaegen P. (2010) Signe et communication, Bruxelles Éditions Université De Boeck p 7

* 21 Derrida aborde ces procédures de constructions et déconstructions des énoncés. Confère Derrida J. P 428.

* 22Marchio R. et Al. Signe et Discours, Séminaire - Groupe Régional de Psychanalyse, Marseille, 82 p

* 23 Gardarin G. (2003), base de données, Paris, Eyrolles, p. 826.

* 24Pincemin B. (2018) ``Sept logiciels de textométries'' mise à jour le 18 Juillet 2018 [En ligne]. https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01843695 [consulté le 7 juin 2021]

* 25 Moukoko C. (2012) Modélisation des banques de données et des bases de données pour la constitution d'une mémoire documentaire au Cameroun, dans Atenga, T. (2012). La communication au Cameroun: Les objets, les pratiques. Archives contemporaines. PP 107-116

Dans cet ouvrage l'auteur questionne la place de la mémoire documentaire dans le projet du Cameroun comme pays émergent.

* 26Cet extrait de Laurent Audibert est tiré du site spécialisé en informatique. [En ligne] https://laurent-audibert.developpez.com/Cours-BD, [consulté le 11/12/2020]

* 27 Ayouche H. (2010) « Les organisations patronales algériennes et la notion de groupes d'influence », RevueDirassat Fi-Oloum El-insania oua El-Utimaia, N° l6, pp. 17-36

* 28 Mintzberg H. (1983) Le pouvoir dans les organisations, Paris, Éditions d'Organisation 1, 688 p.

* 29 La politique est une discipline très ardue où s'entremêle fourberies, rapport de domination et force, querelles, polémiques... confère Micheli R. (2013), ``Les querelles de mots dans le discours politique : modèle d'analyse et étude de cas à partir d'une polémique sur le mot « rigueur » `', mise à jour le 10 avril 2013, [En ligne], http://journals.openedition.org/aad/1446 [consulté le 15 juin 2021].

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus