C- Les facteurs d'encadrement des Droits de l'Homme
Yves Madiot estime que les droits de l'homme ne sauraient
être pensés en dehors d'un ensemble de facteurs favorisant leur
matérialisation. Il a écrit : « Les
Droits de l'Homme n'existent pas de façon autonome comme un idéal
fixé une fois pour toutes et qui indiqueraient la voie du progrès
de la société37 ». D'après ce
même auteur, les facteurs encadrant les droits de l'homme sont d'ordre :
politico-juridique, culturel et socio-économique.
Sur le plan juridico-politique, on considère la
démocratie et l'état de Droit comme les conditions d'existence
réelles des Droits de l'homme.
Démocratie et Droits de l'homme
Selon D. lochak « les droits de l'homme ne peuvent
exister que dans une démocratie38 ». Pour lui, il existe
une relation de consubstantialité entre Droits de l'homme et
démocratie. Elle (la démocratie)
35 - Cité par Claude-Albert Colliard, in
Libertés publiquues, Dalloz, Paris, 1975, p. 29.
36 - Yves Madiot, Droits de l'homme et Libertés
publiques, Masson, Paris, 1976, p. 33.
37 -Op.cit., p.31.
38 Daniel Lochak, Les droits de l'homme, La
découverte, Paris, 2002, p. 3.
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Approche des droits sociaux en Haïti au regard de
la constitution haïtienne de 1987 et des conventions internationales et
leurs applications effectives de 1988 à nos jours.
est la véritable garantie de la question relative aux
Droits de l'homme. Et à bien des égards, constitue une
évidence. A telle enseigne, il est précisé dans le
préambule de la convention européenne des Droits de l'homme :
« le maintien des libertés fondamentales repose essentiellement sur
un régime politique démocratique39 ». Et la
conférence sur la sécurité et la coopération en
Europe(CSCE), les états réunis en 1990 a Copenhague
reconnaissaient que « la démocratie pluraliste et l'état de
droit sont essentiels pour garantir le respect de tous les droits de l'homme et
de toutes les libertés fondamentales40 » lesquelles se
trouvent renforcées par la définition attribué a la
démocratie par Abraham Lincoln : « le gouvernement du peuple, par
le peuple et pour le peuple ».
Droits de l'Homme et Etat de Droit
L'Etat de Droit, concept de la modernité, est une
réponse à ceux qui pensent qu'avoir le pouvoir, c'est faire ce
qu'on veut sans la prise en compte de la loi et des droits fondamentaux des
citoyens. Il propose une nouvelle vision de la gestion du pouvoir dans la
mesure où il implique l'idée d'une limitation du pouvoir. Cela
rejoint cette fameuse théorie de Montesquieu, celle de la
séparation des pouvoirs. Selon lui, « il faut que, par la
disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir41
». En fait, l'Etat de Droit s'inscrit dans un processus de
constitutionnalisation en prônant le respect de la hiérarchie des
normes, une notion chère à Kelsen à travers sa
théorie pure du droit.
L'Etat de Droit est, en effet, une grande thématique
des Droits de l'Homme. En d'autres termes, l'Etat de Droit ne renvoie pas
seulement au respect de la hiérarchie, mais aussi au respect des droits
fondamentaux. L'Etat de Droit et les Droits de l'Homme constituent une sorte de
binôme inséparable, c'est-à-dire qu'ils se retrouvent dans
une relation symbiotique ; les deux notions s'impliquent mutuellement au point
d'apparaitre interdépendants. Cette interdépendance est aussi
mise en évidence dans les discours internationaux. C'est ainsi par
exemple, lors de la Conférence sur la Sécurité et la
Coopération en Europe (CSCE), le trinôme Droits de
l'Homme-Démocratie-Etat de Droit a été
considéré comme la clé de voûte de la nouvelle
Europe. Mesurant l'importance de ce trinôme et se sentant concerner
naturellement par la nécessité de préserver cela, les
Etats, ayant participé à cette Conférence, ont
lancé un message dont l'écho demeure jusqu'à aujourd'hui
pour
39 Op.cit., p.77.
40 -Ibid.
41 Cité par Laurence Hansen-Love in Philosophie
Terminale, Hater, Paris, 2001, p. 215.
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Approche des droits sociaux en Haïti au regard de
la constitution haïtienne de 1987 et des conventions internationales et
leurs applications effectives de 1988 à nos jours.
renforcer les institutions qui maintiennent l'Etat de Droit,
et ce pour créer les conditions permettant à chacun de jouir des
droits universels et des libertés fondamentales.
Au niveau culturel, l'épanouissement des Droits
de l'Homme est étroitement lié à la culture du pays
où ils se retrouvent. Cela suppose que la population en question doit
avoir un certain niveau d'éducation. Or, dans les pays
sous-développés, ce facteur d'éducation n'est pas
assuré. Le niveau d'éducation de la nation permet au peuple
d'avoir une meilleure compréhension des droits de l'homme. C'est en ce
sens que l'art 26 al.2 de la Déclaration Universelle des Droits de
l'Homme précise que : « L'éducation doit viser à
l'épanouissement de la personnalité humaine et au renforcement du
respect droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle doit
favoriser la compréhension, la tolérance et l'amitié entre
toutes les nations et tous les groupes raciaux ou religieux42
». Par contre, il se pose un sérieux problème au niveau
d'une compréhension réelle des Droits de l'Homme dans un pays
comme Haïti, d'autant que le peuple fait face à un manque de prise
de conscience de l'existence, voire un manque de connaissance de ces
derniers.
Du point de vue économique, la
conception marxiste est en grande partie dominée par les rapports de
production dans les sociétés. Les Droits de l'Homme seraient le
produit des rapports de production formant la base de ces droits.
Il convient de souligner, avec évidence, que les
facteurs d'encadrement des Droits de l'Homme varient d'un pays à un
autre, même si l'on peut admettre qu'il ait un certain niveau de
standardisation. On ne peut pas les importer, et donc toute idée
d'importation de ces facteurs est une bataille perdue à l'avance. A ce
titre, pour ce qui a trait à la réalité haïtienne, il
faut faire en sorte que les Droits de l'Homme puissent correspondre à la
dimension de la réalité socioculturelle haïtienne. Car ces
droits ne sauraient poser en dehors d'une prise en compte de la situation des
conditions matérielles d'existence de tous les Haïtiens sans
distinction.
Comme il est souligné dans l'introduction de ce
chapitre, une bonne connaissance des droits de l'homme en tant que discipline
juridique à part entière est nécessaire pour une meilleure
appréciation de la situation des Droits sociaux en Haïti. Apres
avoir découvert les origines de ce dits Droits, ses différentes
théories et conceptions, ses facteurs d'encadrement et autres, nous
pouvons aborder à
42 Henry Oberdorff et J. Robert, Libertés
fondamentales et les droits de l'homme, Montchrestien, Paris, 1997, p.
222.
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Approche des droits sociaux en Haïti au regard de
la constitution haïtienne de 1987 et des conventions internationales et
leurs applications effectives de 1988 à nos jours.
présent, les questions relatives à la situation
des Droits Sociaux dans le pays. Tel est l'objectif du chapitre qui suit :
Généralités et caractéristiques des Droits Sociaux
en Haïti.
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