B- Les conceptions modernes des Droits de l'Homme
Aborder la question des Droits de l'Homme, aussi
intéressante et fructueuse qu'elle puisse être, crée une
certaine frayeur dans l'esprit. Mais ne pas l'aborder relève d'une
certaine naïveté intellectuelle. En effet, elle relève d'une
catégorie de droit s'ancrant dans une complexité. Cette
complexité se situe au niveau de la sémantique des Droits de
l'Homme et à celui des idéologies qui les traversent. Il y a
toute une concurrence idéologique, c'est-à-dire plusieurs
paradigmes s'affrontent en matière de ces droits. Les uns sont
dotés d'une puissance explicative plus que d'autres. Ainsi, on rencontre
les trois grandes conceptions des Droits de l'Homme qui vont être
développées ci-dessous :
1- la conception libérale ;
Rédigé et soutenu par Carnes
Belle-vil/Ecole de Droit de Jacmel(EDJ) Page 48
2019
Approche des droits sociaux en Haïti au regard de
la constitution haïtienne de 1987 et des conventions internationales et
leurs applications effectives de 1988 à nos jours.
2- la conception marxiste ;
3- et la conception communautariste des Droits de l'Homme.
Lesquelles conceptions constituent une sorte de nappe
phréatique destinée à nourrir
épistémologiquement les sources théoriques de ces
droits.
1- La conception libérale des Droits de
l'Homme
L'expression « Droits de l'Homme» est une grande
caractéristique de la modernité politique, puisqu'on est
obligé de la considérer comme le but à atteindre, le
centre de gravite de tout souci d'organisation rationnelle de la vie
collective. Force est de reconnaitre que tout discours politique moderne doit
être couronné par les couleurs chatoyantes des droits de l'homme.
Cette expression remonte au XVIIIe siècle, période à
partir de laquelle elle a su étendre ses tentacules dans toutes les
fibres de la pensée des intellectuels comme Montesquieu, Voltaire,
Rousseau, etc. De là vient l'idée de la conception
libérale, l'une des conceptions les plus dominantes en matière
des Droits de l'Homme. Pour s'en tenir à l'essentiel, cette conception
trouve son point d'ancrage dans la philosophie des lumières et dans la
pensée chrétienne. Elle est fondée sur l'abstention de
l'Etat et la reconnaissance pour chaque individu d'une sphère
d'indépendance dans laquelle l'Etat ne doit pas s'immiscer. Ce qui
traduit l'idée de liberté de l'individu. La notion de
liberté, l'une des caractéristiques essentielles de la
philosophie des lumières, se retrouve ainsi définie sous la plume
de Voltaire comme « la faculté de raisonner juste et de
connaitre les Droits de l'Homme 33». Plus loin avec
Rousseau, ce philosophe français, l'homme se définit par sa
liberté. D'ailleurs, c'est la proclamation sur laquelle s'ouvre le
premier chapitre de son contrat social : « L'homme est né
libre, et partout il est dans les fers34 ». Il s'agit
là d'une définition anthropologique de la liberté, qui
doit figurer en entame de toute méditation relative aux Droits de
l'Homme. C'est donc la reconnaissance de la liberté à tout
individu que ces penseurs s'attaquent au système ancien pour instaurer
un climat où la dignité de l'homme, le progrès de la
société seront pris en considération.
Après une longue période de gestation, la
conception libérale voit son épanouissement en 1789 dans la
Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen en France. Par la suite,
elle se transformera
33 - Jacques Mourgeon, Les droits de l'homme, PUF, Paris, 1978,
p. 16.
34 -Jean Jacques Rousseau du contrat social ou principe du Droit
politique, 1762.
Rédigé et soutenu par Carnes Belle-vil/Ecole de
Droit de Jacmel(EDJ) Page 49
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Approche des droits sociaux en Haïti au regard de
la constitution haïtienne de 1987 et des conventions internationales et
leurs applications effectives de 1988 à nos jours.
progressivement, et cette transformation se
concrétisera en 1946, dans le préambule de la Constitution du 27
octobre.
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