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Approche des droits sociaux en Haiti au regard de la constitution haitienne de 1987 et des conventions internationales et leurs applications effectives de 1987 à  nos jours.


par Carnes BELLE-VIL
Université d'état d'Haiti /Ecole de droit de Jacmel - Licence de droit 2019
  

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SECTION 2. DES DOCTRINES ET CONCEPTIONS MODERNES DES DROITS DE L'HOMME

Il n'y a pas une méthode universellement admise, Pour appréhender les Droits de l'Homme, vu qu'il est très difficile de les circonscrire dans une catégorie théorique déterminée. En effet, les définitions qu'on leur attribue font toujours l'objet de bon nombre de mésententes paradigmatiques. Et cela est aussi dû au fait qu'ils comportent une forte dimension de transversalité et de complexité. Ainsi, selon une définition qu'offre PNUD, les Droits de l'Homme : « sont des droits dont disposent toutes les personnes, en vertu de leur condition humaine, pour vivre libres et dans la dignité. Ces droits confèrent à chacun des créances morales sur le comportement des autres individus, ainsi que sur la structure des dispositifs sociaux. Ils sont universels, inaliénables et indivisibles28 ». Cette définition est loin de pouvoir calmer les esprits. Car il y a d'autres théories qui essayent, bien avant cela, de les définir. Ces théories résultent de la philosophie du droit. Celle-ci se porte, d'abord sur l'opposition de deux courants théoriques : les théories du droit naturel et celles du positivisme, qui se résument en ce qu'on appelle les doctrines des Droits de l'Homme. Et ensuite, elle concerne les conceptions fondamentales modernes des Droits de l'Homme.

A- Les doctrines des Droits de l'Homme

Les doctrines des Droits de l'Homme mettent en évidence ce que l'on appelle généralement la philosophie du droit. Et c'est cette dernière qui, à son tour, fait appel à deux grandes tendances ou deux théories : théories du droit naturel et théories du positivisme, qu'il faut, de toute évidence, mettre en exergue. Cela répond, d'ailleurs, à souci de compartimentation épistémologique.

1- Les théories du droit naturel

Les théories du droit naturel ne sont pas tombées du ciel comme de la manne. Elles correspondent à une longue étape de la pensée juridico-philosophique de l'antiquité. Plus concrètement, la question du droit naturel tire son titre de noblesse, à bien des égards, dans l'Antigone de Sophocle en avançant que, pour justifier sa désobéissance à l'égard de l'édit de Créon pour avoir donné à son frère une sépulture : « Je ne pensais pas qu'il eût assez de force, ton édit, pour donner à un être mortel le pouvoir de violer les divines lois non écrites que personne ne peut ébranler. Elles ne sont pas

28 Patrice Meyer-BISCH, Présentation systémiquue des droits de l'homme, s. e, s. I, s. d, p. 13.

Rédigé et soutenu par Carnes Belle-vil/Ecole de Droit de Jacmel(EDJ) Page 44

2019

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d'aujourd'hui, ni d'hier, mais elles sont éternelles, et personne ne sait quel est leur auteur passé profond29.» Cicéron ( res-publica ). Par ailleurs, la réflexion de Socrate, un grand personnage de la philosophie grecque, a irrigué cette philosophie du droit naturel en opposition au matérialisme positiviste des sophistes. D'ailleurs, cette réaction allait lui coûter la vie. D'autres disciples de Socrate (Platon, Aristote) ont pu emboîter le pas en interprétant sa pensée dans de sens différents. Entre ces deux piliers de la philosophie antique, il y a une cloison étanche. En effet, Aristote considère que la nature, oeuvre d'un Dieu créateur, obéit à un ordre rationnel. En ce sens, il doit exister une harmonie entre la loi et la nature. Ainsi la loi doit-elle découler, non d'un sentiment intérieur, mais d'une observation intelligente de l'ordre naturel, supposé rationnel. Cette approche sera reprise par saint Thomas d'Aquin dont la conception est que : « La loi naturelle est le reflet de la loi divine 30». De là se dégage l'idée de droit naturel positif.

Cependant, il y a d'autres philosophes dont Platon, qui semblent ne pas vouloir s'adhérer à cette approche. Pour lui, la loi vient de la nature de l'homme. Elle lui est édictée par la droite raison, c'est-à-dire parce qu'il y a de divin en chaque individu. Supérieure à l'homme, elle ne lui est pas étrangère. Se mêlant à d'autres dont le stoïcisme, la philosophie platonicienne aura non seulement une très grande diffusion dans le monde antique, mais aussi, influencera Cicéron lorsqu'il a précisé que « une loi vraie, c'est la droite raison, conforme à la nature, répandue dans tous les êtres. » D'où le droit naturel subjectif.

En effet, le droit naturel subjectif postule l'idée, dans un sens restreint, d'un ensemble de règles qui se trouvent inscrites dans la nature humaine, c'est-à-dire qu'elles font entièrement partie du patrimoine génétique de l'humanité tout entière et sont inscrites aussi sur la carte chromosomique de tout être humain ; et donc, de toute évidence, méritent d'être prises en considération ces règles. Autrement dit, il s'agit des droits qui existent indépendamment de toute intervention des acteurs juridiques, des droits qui découlent directement de l'ordre du cosmos ou de la nature humaine. Les droits naturels sont des droits qui dérivent de la nature de l'homme sans prendre en considération sa race, sa position sociale, sa nationalité et son ethnie. Cela semble, d'ailleurs, se résumer dans les trois préceptes d'Ulpien, jurisconsulte de la Rome impériale, à savoir : Hon este viviere (vivre dans la dignité) ;

29- Cité par Jean Carbonnier in Droit civil. Introduction, PUF, Paris, 1955, p.85.

30- Ibid.

Rédigé et soutenu par Carnes Belle-vil/Ecole de Droit de Jacmel(EDJ) Page 45

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nemi nem laedere (ne faire de tort à personne, c'est le principe de la personnalité) ; suum cuique tribuere (à chacun le sien, respecter les droits individuels31).

A part cela, d'autres formulations du concept de droit naturel, sur le plan d'idées, viennent de l'école de Salamanque, et ont ensuite été reprises et reformulées par d'autres philosophes tels que : Thomas Hobbes, John Locke, Jean Jacques Rousseau, etc. D'où la position théorique qui prédomine dans le domaine des Droits de l'Homme. Toute la question des Droits de l'Homme gravite autour d'elle, à savoir une compréhension subjectiviste de la théorie du droit naturel.

Outre cela, le droit naturel étant supposé exister partout même s'il n'est pas effectivement appliqué et sanctionné, il n'est donc pas nécessairement un droit opposable; étant fondé sur la nature humaine et non sur la réalité sociale dans laquelle vit chaque individu, le droit naturel est réputé universellement valable même dans les lieux et aux époques où il n'existait aucun moyen concret de le faire respecter. Cette universalité s'inscrit dans une dynamique de reconnaissance de manière réelle et non discriminatoire de la dignité inhérente à tout être humain. D'ailleurs, cette universalité des Droits de l'Homme constitue la véritable boussole des Nations Unies.

Historiquement, cette conception théorique du droit est l'émanation de la pensée de la civilisation occidentale moderne. Il y a plusieurs auteurs qui sont à la base de la mise en évidence de cette conception du droit. Parmi lesquels se trouve le philosophe néerlandais Hugo Grotius (1583-1645). Il est souvent considéré comme l'un des fondateurs du droit naturel moderne. Il est aussi le premier philosophe à avoir étudié cette question en rapport avec le droit international et le droit du commerce, à une époque où le commerce maritime se développait considérablement. Il y a un philosophe, très influencé par Grotius, qui s'est penché sur cette question : Samuel Von Pufendorf.

Toutefois, malgré toute l'importance de la conception du droit naturel subjectif, elle a été fortement critiquée. Généralement, les critiques qui lui sont administrées sont au nombre de trois. D'abord, des doctrinaires comme Kelsen et Carré de Malberg pensent que cette conception correspond à une vision métaphasique du droit. Et cette vision serait incompatible, voire une entrave à une approche scientifique de ce dernier. Ensuite, on lui a adressé également une critique ontologique qui s'inscrit dans une logique de rejet de la question d'universalité des droits de l'homme. Ceux-ci ne sont pas universels, dans la mesure où il faut prendre en compte le contexte social, culturel et historique de

31- Ibid.

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l'homme du pays dans lequel ils sont appelés à être appliqués. De l'avis de Marx particulièrement, la notion de nature humaine est jugée très problématique. Enfin, la dernière critique, elle est de nature épistémologique. La question qui la résume est la suivante : à supposer même que les droits naturels existent, comment peut-on les connaître ? C'est une critique formulée par Pascal contre Hobbes: la raison ne peut servir à nous indiquer des lois naturelles universelles. Cette objection se rapproche du non-cognitivisme éthique, qui s'oppose à une sorte de réalisme moral. Elle est reprise par Jeremy Bentham, qui insiste sur l'équivocité, c'est-à-dire l'ambiguïté entourant la notion de droits naturels dans la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789. Il essaie alors de construire une vision utilitariste des Droits de l'Homme.

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"Tu supportes des injustices; Consoles-toi, le vrai malheur est d'en faire"   Démocrite