3.3.3 Influence de politiques migratoires du Canada et des
Etats-Unis sur les migrations secondaires
Pour Boussichas (2009), le terme politique migratoire fait
référence à l'ensemble des actions des autorités
publiques d'un pays en matière de gestion des individus n'ayant pas la
nationalité de ce pays et qui sont soit présents sur son sol,
soit désireux de s'y rendre. Le caractère restrictif ou non de
ces actions politiques évoluent dans le temps et dans l'espace.
Dans l'une de ses communications sur l'efficacité des
politiques d'immigration et d'intégration comparant l`Amérique du
Nord et l'Europe occidentale, Termote (sd) regroupe en quatre objectifs toute
politique d'immigration, quel que soit leur objectif (démographique,
économique, humanitaire et politique). L'auteur reconnait cependant que,
en réalité, tous les pays d'immigration poursuivent, plus ou
moins explicitement, à la fois des objectifs économiques,
démographiques, humanitaires et politiques, même si le poids
relatif de chacun de ces objectifs varie dans le temps, tout comme d'un pays
à l'autre en fonction de contexte particulier.
Le contexte économique, démographique et
sociopolitique variant dans le temps entre les deux principaux pays
d'immigration nord-américains -les Etats-Unis et le Canada-, il n'est
pas surprenant que les objectifs des politiques d'immigration puissent varier
également. Les Etats-Unis avec un niveau de fécondité
proche du seuil de remplacement mettent tout naturellement plus l'accent sur
les objectifs économiques que sur les objectifs démographiques,
contrairement au Canada qui est confronté à la perspective d'une
décroissance démographique à plus ou moins long terme
(Termote, sd).
Ainsi, toute politique d'immigration, quels que soient ses
objectifs, implique nécessairement une politique d'intégration
des immigrants. La définition de cette politique d'intégration
est en quelque sorte le corollaire de la politique d'immigration
adoptée. Les pays qui accordent une priorité élevée
aux objectifs démographiques seront portés à
privilégier une politique d'intégration multidimensionnelle
(c'est-à-dire couvrant les diverses dimensions de la vie sociale), ce
qui peut d'ailleurs éventuellement se manifester sous la forme d'une
politique d'assimilation, alors que les pays dont la politique d'immigration
consiste essentiellement à faire venir des travailleurs chargés
de combler les pénuries sur le marché de l'emploi seront
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sans doute enclins à limiter leur politique
d'intégration à la seule intégration de leurs immigrants
sur le marché du travail (Termote, Op.cit :3).
Aux Etats-Unis, la législation contemporaine trouve ses
origines dans une loi d'immigration votée en 1965 -Immigration Act de
1965- qui a fait de la réunification familiale la pierre angulaire de la
politique d'immigration (Daniel, 2003). Il s'agit d'un avantage accordé
à deux catégories, "sans quotas " et "avec quotas". La
première catégorie était réservée aux
enfants mineurs et les parents de personnes détenant la
citoyenneté des Etats-Unis et la deuxième catégorie aux
enfants adultes, frères et soeurs de personnes détenant la
citoyenneté des États-Unis. L'évolution de la loi de 1965,
du moins jusqu'à 1990 a occasionné un essor spectaculaire de
l'immigration asiatique et au détriment des Européens qui
occupait la part la plus importante de l'immigration aux Etats-Unis
après la seconde guerre mondiale (Sabbagh, 2003 ; Anderson, 2008).
Après 1990, dans le but de maintenir la structure par
origine géographique et ethnique héritée du passé,
le système de sélection privilégiant la réunion des
familles a été associé à la sélection des
migrants sur la base de la qualification et de la profession. Ce système
a été complété par une loterie, la Green Card
Lottery, en 1994. Seuls les attentats terroristes du 11 septembre 2001 vinrent
bouleverser la dynamique politique des années 1990. Ainsi, fut
voté en 2001 le "USA PATRIOT Act"27 qui a eu une influence
sur les immigrations légale et illégale. C'est pourquoi, en 2010,
le "DREAM Act"28 venant en aide aux mineurs étrangers n'a pas
été voté au motif qu'elle récompenserait
l'immigration illégale. A ces jours, les exigences économiques
montrent que les Etats-Unis sont ouverts à l'hyper-qualification des
migrants et par conséquent aux émigrations secondaires (Defoort,
2008).
Au Canada, le système de sélection basé
sur le pays d'origine, avec cependant une dimension discriminatoire assez
évidente distinguant les pays préférés tels que le
"Royaume-Uni, les États-Unis, la France et certains pays du
Commonwealth" et le reste du monde était effectif jusqu'en 1967(Termote,
sd). C'est donc à cette date, 1967, que le système canadien de
sélection a été complètement revu, en
éliminant le critère de préférence du pays
d'origine et en introduisant une sélection basée sur une
pondération quantitative d'un ensemble de critères relativement
objectifs distinguant trois catégories d'immigrants : les immigrants
admis dans le cadre de la réunion des familles, les immigrants
parrainés et les immigrants indépendants
27 Uniting and Strengthening America by Providing
Appropriate Tools Required to Intercept and Obstruct Terrorism Act.
28 Development, Relief, and Education for Alien
Minors
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(Termote,sd :4). Ce système n'a pas changé mais
a connu certaines modifications. La modification majeure a été
introduite en 1978, lorsqu'une quatrième catégorie d'immigrants a
été ajoutée, celle des réfugiés. Outre ces
quatre catégories, une cinquième, la moins éthique et
discutable, selon Termote (sd), qui n'est pas fondée sur le
système de point comme les autres mais sur la capacité de
migrants à investir au Canada. Le plafond minimal du compte bancaire
étant de 800 000 $, à condition que le migrant soit
disposé à investir au moins 400 000 $. Cette dernière
catégorie ouvre une brèche aux personnes les plus instruites,
qualifiées et aisées, qui ne sont généralement pas
à leur première tentative d'immigration. Depuis 2008, les
instructions ministérielles au Canada ont changé le processus de
sélection des immigrants économiques relative à la
LIPR29par l'élaboration d'un cadre national de reconnaissance
des titres de compétences des étrangers. Cette politique, comme
d'ailleurs aux Etats-Unis, est plus ouverte aux migrants multiples,
investisseurs, plutôt qu'aux migrants directs.
In fine, toutes les politiques migratoires adoptées par
ces deux pays à des moments précis de leurs histoires
jusqu'à ce jour tiennent compte des exigences à la fois
démographiques, économiques, humanitaires et politiques. Ces
politiques, une fois mise en place, déterminent la nature de
l'accompagnement de ces migrants qualifiée de "politique
d'intégration". Cette politique d'intégration est
différente selon que la politique d'immigration porte essentiellement
sur l'admission de travailleurs chargés de combler les pénuries
sur le marché de l'emploi30 ou sur des objectifs
démographiques ou humanitaires31. Qu'il s'agisse de
l'intégration économique, sociale, linguistique, culturelle,
résidentielle, politique, civique (acquisition de la
citoyenneté), toutes ces dimensions sont interreliées (Termote,
sd).
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